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Compostage des boues résiduaires avec support carboné le procédé Triga

27 decembre 1979 Paru dans le N°40 à la page 130 ( mots)
Rédigé par : G. HUBERT

Le compostage des boues avec un support carboné (ordures ménagères, sciures, écorces, déchets agricoles), aussi appelé compostage mixte, est une technique efficace de stabilisation, d’hygiénisation et de valorisation des boues fraîches déshydratées (15-25 % siccité). La complémentarité des boues et du support carboné au niveau de l’humidité, de la porosité et du rapport C/N favorise la biodégradation aérobie, thermophile et autopasteurisante des matières organiques.

Le compostage accéléré en hygiénisateur TRIGA, par aération forcée, d’un mélange boues + sciures (ou écorces, broyées) produit un amendement organique humifié exempt de germes pathogènes, d’une odeur agréable, stockable, commercialisable et commode d’emploi. Ce produit trouve des débouchés rémunérateurs en maraîchage, horticulture et paysagisme.

Bien que l’on puisse composter des boues stabilisées aérobies ou digérées, le compostage a toute sa justification dans le traitement des boues fraîches. Il peut donc être envisagé comme moyen de stabilisation des boues lors de la conception ou de la rénovation d’une station d’épuration mais aussi dans le cas des stations où la stabilisation est mauvaise. Il nécessite une déshydratation mécanique des boues et un approvisionnement régulier et bon marché en support carboné.

LE COMPOSTAGE

1. — INTRODUCTION

La production de boues résiduaires d’origine urbaine ou agro-alimentaire par les stations d’épuration a trois implications :

— leur stabilisation (minéralisation des matières organiques les plus facilement biodégradables dans des conditions données), — leur hygiénisation (destruction des germes pathogènes), — leur élimination, ou mieux : leur valorisation agricole.

2. — VALORISATION AGRICOLE

L’intérêt de l’utilisation raisonnée des boues résiduaires en agriculture est évident sur les plans économique (valeur fertilisante organique et minérale) et écologique (pas de mise en décharge).

— La valorisation directe des boues se heurte encore à des réticences scientifiques (métaux lourds, germes pathogènes, pesticides), psychologiques (concentré de pollution) et olfactives. Malgré leur valeur intrinsèque indiscutable et les conseils d’utilisation, ces boues sont gratuites, ce qui ne contribue pas à rehausser leur image. Enfin, les contraintes liées au stockage, au transport et à l’épandage compliquent souvent la vie de l’exploitant de la station d’épuration ou celle de l’agriculteur. Un gros effort est fait actuellement pour promouvoir les boues pour lesquelles les risques sont quasi nuls.

— La valorisation indirecte des boues par compostage avec un support carboné — ordures ménagères (Bernard, 1978), sciures, écorces, déchets agricoles — appelée aussi compostage mixte, permet d’obtenir un amendement organique humifié, exempt de germes pathogènes et de mauvaises odeurs, stockable, commercialisable et commode d’emploi.

— Cela ne signifie pas pour autant que toutes les boues doivent être compostées. Mais il faut envisager le compostage chaque fois que certaines conditions sont remplies :   — station d’épuration d’une certaine importance (pour justifier l’investissement) produisant des boues fraîches ou mal stabilisées,   — boues déshydratées mécaniquement (15-25 % siccité),   — approvisionnement régulier et bon marché en support carboné.

Les boues compostées ont un débouché plus spécialisé (maraîchage, horticulture, pépinières, paysagisme, arboriculture, viticulture) et à plus grande valeur ajoutée que les boues brutes dont la vocation est la grande culture.

3. — DEFINITION ET INTERETS DU COMPOSTAGE

D’après Parr et Wilson (1978), « le compostage est une décomposition aérobie, thermophile, de déchets organiques par des populations mélangées de micro-organismes indigènes, sous des conditions contrôlées, qui conduit à un résidu organique partiellement stabilisé qui se décompose lentement quand les conditions redeviennent favorables à une activité microbienne » ; il faut ajouter « et qui donne naissance à des substances humiques ».

Lorsque, dans le traitement des boues, on parle de stabilisation, il s’agit en fait de la minéralisation des matières organiques les plus facilement biodégradables dans des conditions données.

Il est évident que les micro-organismes ne peuvent intervenir qu’en phase soluble. Les germes pathogènes sont alors éliminés par pasteurisation (70 °C), traitement à la chaux ou irradiation. Réinoculés ou appliqués au sol, les résidus non stabilisés ou traités dans des conditions défavorables sont le siège de fermentations putrides avec production de biogaz et de germes pathogènes.

4. — STABILISATION — HYGIÉNISATION

La valorisation directe des boues comme engrais est encore handicapée par plusieurs raisons :

— une minéralisation aérobie ou anaérobie insuffisante si les boues résiduaires ne sont pas suffisamment déshydratées mécaniquement. Le compostage est alors utile, mais il doit être considéré aussi comme un moyen supplémentaire de réduire le pouvoir polluant des eaux.

Le compostage est une technique qui doit permettre de contrôler et d’accélérer le processus biologique. Il correspond à une véritable respiration microbienne. En effet, l’activité enzymatique des micro-organismes sur les hydrates de carbone se traduit par :

— une absorption d’oxygène avec rejet de gaz carbonique ; — une métabolisation du carbone, de l’azote, du phosphore et du soufre avec élimination des déchets ; — un dégagement important de chaleur.

Si l’énergie libérée est conservée dans le système, le développement des micro-organismes et l’élévation concomitante de la température (thermogénèse) se déroulent suivant plusieurs phases correspondant au degré de résistance des micro-organismes à la chaleur : phase de latence, mésophile, thermophile (la température monte jusqu’à 75-80 °C) où la biodégradation est maximale, puis de nouveau mésophile quand les éléments nutritifs des matières organiques facilement biodégradables ont été épuisés.

Les avantages de la dégradation aérobie reposent sur :

— la vitesse et l’intensité de biodégradation liées à une importante multiplication microbienne ; — le dégagement important de chaleur qui provoque :    • la destruction des germes pathogènes et des œufs d’ascaris et de ténias contenus dans les boues (Pike et Carrington, 1978) ; l’effet létal est amplifié par l’humidité du milieu,    • la fragilisation des matériaux difficilement biodégradables,    • la destruction des graines de plantes adventices ; — le dégagement de gaz non toxiques, essentiellement du gaz carbonique et de la vapeur d’eau. Cette perte d’eau favorise la déshydratation partielle du produit et a donc une incidence sur sa qualité finale. On constate aussi un léger dégagement d’ammoniac traduisant l’excès (ammonification nette) d’ammoniac libéré par hydrolyse des protéines (ammonification brute) par rapport à son utilisation par les micro-organismes pour la synthèse de leurs propres protéines (réorganisation). Ce dégagement n’est pas source de mauvaises odeurs et peut être éliminé lors de la condensation des vapeurs ; — la diminution de la solubilité de nombreux métaux lourds et d’oligo-éléments (Rhode, 1972) ; — la destruction probable des pesticides (Epstein et Alpert, 1978 ; Suler, 1979).

III. — CONDITIONS OPTIMALES POUR LE COMPOSTAGE

1. — LA MICROFLORE (bactéries, actinomycètes, champignons)

Elle existe à l'état naturel dans les boues, les ordures ménagères et les déchets végétaux. Son développement est spontané lorsqu'on place le mélange dans des conditions optimales. Un ensemencement, par exemple, par la technique « du pied de cuve », est donc superflu.

2. — AÉRATION

En compostage aérobie, l'oxygène est apporté artificiellement par aspiration ou insufflation d'air provenant de l'atmosphère. La consommation d'air dépend de la durée de compostage et de la nature des matériaux à dégrader. On admet qu'il faut 3 à 5 m³ d'air/heure et de matière brute pour une durée de compostage de 100 jours. L'activité microbienne peut être mesurée, soit par la consommation d'oxygène, soit par le dégagement de gaz carbonique.

3. — HUMIDITÉ

Les micro-organismes aérobies ne peuvent être actifs que dans des conditions d'humidité adéquate. Une humidité trop importante se traduira par des fermentations anaérobies et, trop faible, par une réduction importante de l'activité biologique. L'humidité optimale dépend du pouvoir absorbant du support : – 55 % pour un mélange boues-ordures ménagères (PARENT, 1976). – 60-65 % pour un mélange boues-sciures.

4. — pH

Le pH optimum pour le développement des bactéries est de 6 à 7,5 et pour celui des champignons de 5,5 à 8. Au début du compostage, la formation d'acides organiques fait chuter le pH (pH 5). Il remonte par la suite avec la formation d'ammoniac (pH 8). Au cours de la maturation du compost, il redescendra jusqu'à 6,5-7 par transformation de l'azote ammoniacal en azote nitrique (nitrification) et apparition de substances humiques non saturées.

5. — NUTRITION

– Rapport C/N Les micro-organismes hétérotrophes ont besoin de composés carbonés (source d'énergie) et d'azote pour synthétiser leurs protéines. Pour obtenir cet azote, ils vont, grâce à leurs enzymes, scinder les protéines du milieu en peptides et acides aminés libres (protéolyse). Ces acides aminés peuvent être assimilés directement ou désaminés avec production d'ammoniac (ammonification). Cet ammoniac libéré est soit utilisé par les micro-organismes (réorganisation), soit perdu par volatilisation.

Le rapport produits énergétiques/produits azotés, schématisé par C/N, règle toute cette dynamique : • Pour C/N > 30, il y a excès d'énergie par rapport à l'azote disponible ; la vie microbienne est ralentie ou bien les micro-organismes empruntent l'azote minéral au milieu s'il est présent. • Pour 15 < C/N < 30, les besoins en énergie et en azote sont approximativement équilibrés. • Pour C/N < 15, il y a excès d'azote par rapport à l'énergie disponible et libération d'azote minéral.

Plus le rapport C/N est bas, plus la vitesse de décomposition est rapide, mais plus on risque d'avoir des pertes d'azote par volatilisation. Au début du processus de compostage, le rapport C/N doit se situer vers 30 pour assurer un bon développement microbien tout en limitant les pertes d'azote.

– Rapport C/P Le phosphore joue lui aussi un rôle essentiel. Lors de la décomposition des matières organiques phosphorées par les micro-organismes, ces derniers fixent dans leurs tissus, en moyenne et en poids sec, 0,3 % du phosphore contenu dans ces matières. Il n'y a donc pas de libération effective de phosphore avant que cette teneur ne soit atteinte, c'est-à-dire avant que C/P < 200.

[Photo : COMPOSTAGE DES BOUES – Procédé TRIGA]

6. — CALCIUM

Une richesse suffisante du milieu en calcium est nécessaire pour stimuler la vie bactérienne et neutraliser les acides formés (organiques, nitrique, humiques).

7. — GRANULOMÉTRIE DU SUPPORT CARBONE

Plus la granulométrie est fine, plus la surface d'attaque est grande, mais plus le mélange sera compact et l'aération difficile. Plus la granulométrie est grossière, moins la décomposition globale sera importante.

8. — SELS SOLUBLES

Des teneurs importantes en chaux et chlorure de sodium résultant d'un conditionnement chimique des boues fraîches peuvent ralentir le compostage (PARENT, 1976). Un traitement physico-chimique peut donc ne pas être recommandé (cas de l'usine de Saint-Palais en Charente-Maritime pendant la période estivale).

9. — MÉTAUX LOURDS

La présence de métaux lourds en quantité excessive peut ralentir l'activité microbienne. Mais l'incidence est surtout importante au niveau du produit obtenu. Dans le cas de boues très chargées en métaux lourds, il est peu probable que le compostage procure une dilution suffisante pour permettre un emploi du compost en agriculture. Il est donc préférable de ne composter que les boues dont les teneurs en métaux lourds sont inférieures aux seuils limites fixés par la norme AFNOR U 44-041.

IV. — COMPLÉMENTARITÉ DU MÉLANGE BOUES-SUPPORT CARBONE

1. — APTITUDE DES BOUES À ÊTRE COMPOSTÉES

Dans le cas de boues fraîches (boues de décantation primaire + boues activées non digérées) qui présentent plus d'hydratation en raison de leur teneur élevée en matières organiques facilement biodégradables et en éléments fertilisants, ces éléments se retrouveront en quasi-totalité dans le compost final. Normalement, les boues stabilisées aérobies et les boues digérées se prêtent bien au compostage.

2. — CHOIX DU SUPPORT CARBONE

Toute une gamme de produits existe : ordures ménagères, sciures ou copeaux de bois, paille, fumiers, pulpes de raisin, paille hachée, drêches de brasserie, algues, etc. Le choix se fait en fonction de la région, du développement local et du coût de ces matières. On peut concevoir le mélange de plusieurs supports ou recycler du compost partiellement déshydraté.

3. — COMPLÉMENTARITÉ

Elle s'exerce au niveau de la structure du mélange, de l'humidité, du pH, de la nutrition.

a) Structure

Les boues ont une texture très fine et sont compactes (d = 1). Le mélange avec un support carboné de texture plus grossière (d = 0,3) les allège et rend possible la circulation de l'air en augmentant la porosité.

b) Humidité

Le pourcentage d'humidité des boues dépend du mode d'obtention. Dans le cas des boues de lagunes épaisses, il est généralement faible (65 %). Dans le cas des boues liquides de décantation primaire, il peut atteindre 97 %. Pour le compostage, les boues doivent être prédéshydratées avec une teneur en M.S. de 15 à 25 %. Les boues moins concentrées (< 15 % M.S.) nécessitent des quantités trop importantes de support. Les boues plus concentrées (> 25 % M.S.) posent un handicap en raison de la pressaison par une déshydratation plus poussée et des difficultés de broyage. En règle générale, c'est l'humidité finale du mélange qui règle les pourcentages respectifs de boues et de support.

Dans le cas d'un mélange boues + ordures ménagères, on observe un pourcentage d'humidité de 60 % dans 50 à 80 % de volumes d'ordures ménagères selon leur teneur en eau. Dans le cas d'un mélange boues + sciures, pour obtenir un pourcentage d'humidité final de 65 %, on brasse en saupoudrant les sciures sur les boues liquides lors du chargement. Les boues servent alors de liant.

c) Sels solubles

Le taux de sels solubles dans un compost stable est de 80 mg/100 g de matière sèche. Un lavage de la matière fraîche laisse apparaître une solution trouble.

d) pH

Le pH d'un compost frais se situe entre 6,4 et 7,4.

e) Composition

Données sur M.S. et cendres : – Boues liquides : M.S. 3 à 5 %. – Boues épaisses : M.S. 5 à 6 %. – Boues digérées : M.S. 1 à 3 %. – Compost : M.S. 35 à 45 %.

Données sur le pouvoir fertilisant : – Compost : N total 1,8 à 2,2 %.           P₂O₅ total 0,8 à 1,2 %.           K₂O total 0,4 à 0,6 %.

La plus ou moins grande fertilité d'un compost dépend du plan de fumure et du système de culture considéré. Tout apport de compost entraîne dans tous les cas une amélioration de la structure du sol et une activation de sa vie microbienne.

Le pH acide de supports comme les sciures (pH 5,2) ou les écorces (pH 4,5) de pin est relevé par leur mélange avec des boues.

d) Nutrition

Les boues apportent au mélange l’azote, le phosphore, le soufre, le calcium et les oligo-éléments nécessaires à une bonne biodégradation des hydrates de carbone (sucres, cellulose, lignine).

Elles permettent surtout de rééquilibrer le rapport C/N. Ainsi, en mélangeant dans les proportions citées précédemment des boues (C/N = 10), soit avec des ordures ménagères (C/N = 32), soit avec des sciures de bois (C/N = 260), on obtient un produit à composter avec un C/N voisin de 30.

Remarques :

Des essais de compostage de boues fraîches déshydratées sans support carboné ont été réalisés par Ove Molland (1979) en Norvège, et par Shell et Boyd (1969) aux U.S.A.

— Pour obtenir une porosité suffisante, Ove Molland augmente la teneur en matières sèches en recyclant des boues séchées à l'air.

L’aération est faite par aspiration. La biodégradation aérobie thermophile s’effectue bien, mais avec un fort dégagement d’ammoniac lié au rapport C/N bas des boues.

Ce procédé ne semble pas réaliste à l’échelle industrielle (nécessité d'une déshydratation poussée des boues, pertes importantes en azote).

— Pour maintenir des conditions aérobies, Shell et Boyd assurent un brassage constant des boues en même temps qu'une aération forcée. Ce procédé ne semble pas non plus réaliste sur le plan énergétique.

LE PROCÉDÉ TRIGA ET L’USINE DE SAINT-PALAIS

I. — INTRODUCTION

Spécialisée dans le traitement des ordures ménagères, la société TRIGA a mis au point un système de compostage accéléré des ordures ménagères en « hygiénisateur ». Plusieurs dizaines d'hygiénisateurs fonctionnent actuellement en France et à l’étranger.

Avec le concours de l’Agence Financière de Bassin Seine-Normandie, elle a réalisé à Montargis en 1976 une étude de compostage conjoint d’ordures et de boues résiduaires, prouvant ainsi que son procédé s'adaptait parfaitement (Parent, 1976), puis aménagé l'usine de compostage d’ordures de Dreux afin d'y traiter les boues de la station d'épuration.

En 1977, TRIGA construisait près de Saint-Palais en Charente-Maritime, une usine destinée à composter la totalité des boues produites par le SIVOM de la presqu'île d'Arvert (Royan et communes voisines). Cette usine utilise comme support carboné des sciures de bois et/ou des écorces de pin broyées et peut servir de pilote pour des essais avec d'autres types de boues et de support.

V. — PROCÉDÉS DE COMPOSTAGE MIXTE

On peut regrouper les principaux procédés de compostage en deux catégories :

1. — À L’AIR LIBRE

— Compostage en andain avec retournement mécanique.

— Compostage en briquettes pour un mélange boues-ordures ménagères (procédé Brikkolare d'I.W. Ka).

2. — PAR AÉRATION FORCÉE

— Compostage en tas aéré pour un mélange boues-copeaux de bois mis au point par l'U.S.D.A. à Beltsville, Maryland, U.S.A. (Willson, 1978).

— Compostage en cylindre horizontal rotatif : procédé DANO.

— Compostage en cellule verticale :

en continu : procédé B.A.V. (Wolf, 1974) ;

en discontinu : procédé TRIGA.

II. — DESCRIPTION ET FONCTIONNEMENT DE L’USINE

L'installation est située en aval d'une station d’épuration Degremont produisant 4 100 tonnes de boues fraîches par an à 15-20 % de siccité : boues de décantation primaire (traitement physico-chimique) et boues activées en excès ; conditionnement organique par polyélectrolyte ; déshydratation mécanique par bande presseuse type Pressdeg.

L'installation est complètement indépendante de la station et pourrait donc être considérée comme un centre général de traitement où seraient transportées les boues des stations d'un secteur de collecte donné.

Les boues sont enlevées quotidiennement à la sortie du Pressdeg par tracto-chargeur et déversées dans une première trémie d’alimentation. Le support carboné, stocké en vrac dans un local couvert, est enlevé par tracto-chargeur et déversé dans une deuxième trémie.

Ces deux trémies équipées à leur base d'une vis sans fin permettent de doser correctement les quantités.

[Photo : HYGIÉNISATEUR TRIGA – 1 Transporteur d’alimentation. 2 Transporteur d’alimentation. 3 Armoires de commande. 4 Support d’aération. 5 Sonde de température. 6 Ventilateurs de renouvellement. 7 Vis d’extraction. 8 Cheminée des émanations. 9 Thermographe de reprise. 10 Chemin de retournement.]

La rotation de la vis permet d'extraire le produit en le poussant vers le centre de la tour.

Le produit tombe alors sur un transporteur à deux sens :

a) Retournement :

Le produit est renvoyé sur le transporteur d’alimentation de l’hygiénisateur. Les retournements permettent d'éviter une trop forte compaction à l'intérieur de la tour, contribuent à l’aération, l'homogénéisation et la déshydratation du produit, et assurent enfin l'exposition de toutes les couches d'une cellule aux mêmes températures. Ils n'affectent pas la thermogénèse.

b) Évacuation :

Le produit est déversé dans le hangar de transit où il est repris par tracto-chargeur pour envoi sur l’aire de maturation.

3. — TEMPÉRATURE

L’aération forcée permet d’atteindre des températures maximales de 70-80° (parfois 83°). Elle peut, par la suite, être réduite.

IV. — POST-COMPOSTAGE OU MATURATION

Le compost est extrait de la cellule au milieu de la phase thermophile. Il est alors hygiénisé, désodorisé, et suffisamment déshydraté pour laisser passer l’air de façon naturelle. Il n’est cependant pas encore utilisable en agriculture car son évolution n’est pas terminée.

On le laisse maturer sur aire couverte avec des retournements afin d’éviter l’apparition de conditions anaérobies. Au cours de cette maturation, l’activité microbienne se poursuit (attaque de la cellulose et de la lignine) ; la température peut encore atteindre 50°. Le rapport C/N, l’humidité et le pH diminuent. La durée de post-compostage doit être de trois mois environ.

C’est au cours de cette période que le phénomène d’humification s’ébauche. D’après DUCHAUFOUR (1975), « l’humification est l’ensemble des processus de synthèse (physico-chimique et microbienne) qui aboutissent à la formation de composés humiques plus ou moins additifs et de composés colloïdaux à propriétés (transitoires) voisines de la lignine et de la matière organique végétale ».

[Photo : 5. — Mélangeur.]
[Photo : 6. — Vis d’extraction.]
[Photo : 7. — Supresseur.]
[Photo : 8. — Sciures (premier plan) et compost final (arrière-plan).]
[Photo : USINE TRIGA DE SAINT-PALAIS]
[Photo : 2. — Trémies de remplissage.]
[Photo : 3. — Remplissage de la première trémie avec des boues déshydratées.]
[Photo : 4. — Remplissage de la deuxième trémie avec des boues déshydratées.]

La dynamique de l’humification est très complexe et son approche déborderait le cadre de l’exposé. Il faut cependant souligner que l’azote, initialement présent dans les boues, et la lignine contenue dans les sciures jouent un rôle très important dans l’édification des molécules humiques (complexe ligno-protéique).

V. — DESCRIPTION ET UTILISATION AGRONOMIQUE DU PRODUIT

1. — DESCRIPTION

Le compost maturé se présente sous la forme d’un terreau brunâtre d’odeur agréable, rappelant le marc de café. Aucun indice ne ressort de la composante boues. La décomposition des sciures est déjà bien avancée. Dans le cas d’un mélange avec des écorces, il subsiste des fragments d’un demi-centimètre auxquels les agriculteurs sont sensibles.

2. — COMPOSITION

Analyse type d’un compost maturé obtenu d’un mélange de boues, de sciures et d’écorces de pin broyées (sur matière brute) :

Humidité : 45-50 %
Densité : 0,6
Rétention en eau : 300 g pour 100 g de produit sec
pH : 6,5-7
Résistivité : > 800 ohms/cm
Matières organiques : 38-43 %
N total : 0,7-0,9 %
C/N : 20-25
P2O5 : 0,5-0,6 %
K2O : 0,08 %
CaO : 1,5-2 %
+ Oligo-éléments

Test bactériologique : absence de salmonelles.

3. — UTILISATION

Sur le plan agronomique, ce produit peut être considéré, soit comme un amendement organique, soit comme un terreau lorsqu’il est mélangé à des substrats inertes. Employé frais, il peut servir d’activateur thermique pour le compostage d’autres produits. Il peut enfin entrer comme support dans la fabrication d’amendements ou d’engrais organiques plus élaborés.

Amendement organique

Un amendement organique est générateur d’humus stable, dont les propriétés dans le sol sont bien connues : granulation et stabilisation de la structure, augmentation de la capacité de rétention en eau et de la capacité d’échange cationique, source d’éléments minéraux et d’activateurs de croissance pour les plantes, stimulation de l’activité microbienne.

Le coefficient isohumique ou taux d’humification mesure le rendement d’un amendement en humus stable.

Bien qu’à notre connaissance, aucune évaluation de ce coefficient n’ait été faite pour un compost boues-sciures, on peut le rapprocher de celui d’un fumier bien décomposé, soit 0,5 ; cela signifie que 10 tonnes de compost à 50 % d’humidité laisseront dans le sol 2,5 tonnes d’humus stable.

Le produit a un C/N suffisamment bas pour ne pas provoquer un blocage d’azote lorsqu’il est appliqué au sol.

L’azote est principalement sous forme organique (protéines microbiennes, azote fixé à la périphérie des molécules humiques sous formes aminée et ammoniacale) facilement attaquable par les bactéries minéralisatrices.

Cet azote est donc mis graduellement à la disposition des plantes au fur et à mesure de la biodégradation du compost dans le sol. Il en est de même pour le phosphore présent sous forme d’humo-phosphates, et les oligo-éléments complexés par la matière organique.

Bien que les éléments minéraux ne soient pas immédiatement disponibles pour les plantes, leur quantité n’est pas négligeable : 10 tonnes de compost à 50 % M.S. apportent 80 kg N, 50 kg P2O5, 8 kg K2O ; comparativement, 10 tonnes de fumier de bovins à 20 % M.S. apportent 34 kg N, 13 kg P2O5 et 35 kg K2O.

Sa teneur en sels solubles est faible (résistivité > 800 ohms/cm) ainsi que sa demande en oxygène. Il n’y a donc pas lieu de craindre des phénomènes de dessèchement ni d’anoxie pour les plantes.

Ce produit trouve des débouchés en maraîchage, horticulture, pépinières, paysagisme, arboriculture et viticulture. Les doses varient de 5 à 10 tonnes/hectare. On recommande une incorporation superficielle.

Grâce à son grand pouvoir de rétention en eau, l’action de ce produit est remarquable en sols sablonneux. Des essais d’engazonnement de dunes sont actuellement réalisés avec l’I.N.R.A.

Terreau

Mélangé à une substance inerte (tourbe, sable, perlite), ce produit peut servir de support de culture en container. Différentes expérimentations sont en cours afin de déterminer les mélanges adéquats. Il peut aussi être enrichi en éléments minéraux afin d’obtenir des terreaux « à la carte » prêts à l’emploi.

  • ● Activateur thermique

Grâce à son activité microbienne intense, ce produit, utilisé frais, permet d'accélérer le compostage d'autres produits. Il sert en quelque sorte de « pied de cuve ». Une expérimentation prometteuse a eu lieu pour la confection du fumier destiné à la culture des champignons. Il pourrait aussi très certainement intéresser les agriculteurs qui font du fumier artificiel.

  • ● Composant d'engrais organiques élaborés

Son pouvoir asséchant est recherché dans la fabrication d'engrais organiques dont la matière active est en phase liquide. Ses bonnes teneurs en azote et phosphore ne diluent pas de façon excessive les teneurs élevées de ces produits en azote et phosphore organiques, qui font leur spécificité.

4. — COMMERCIALISATION

Le produit (sciure + écorces) est actuellement vendu 170 F/t (100 F/m³) départ usine vrac. Il peut être conditionné en sac de 50 kg. En plus des débouchés cités précédemment, ce produit pourrait être proposé aux jardiniers amateurs, dans les magasins spécialisés ou les grandes surfaces.

G. HUBERT.

BIBLIOGRAPHIE

BERNARD D., 1978. — Le mélange des boues résiduaires fraîches et d'ordures ménagères.

DUCHAUFOUR P., 1975. — Précis de pédologie. Masson.

ESTIENNE E., ALBERT J., 1974. — Transformation des boues d'épuration par compostage. T.S.M. L'EAU, octobre, 425-433.

OVE MOLLAND, 1979. — Dept of Microbiology.

PARRET B., 1974. — Étude des compostages comparatifs.

PARR J. F., WILLSON G. B. et WILL B., 1978. — Effect of chemical and physical factors on composting sludge in aerated piles for maximum efficiency.

PIKE E. & CARRINGTON E. C., 1978. — The soil social aspects of land application of sludge.

RHODE G., 1972. — Enlisement dans la grandeur de l'utilisation des boues résiduaires.

DARACHE, 13-15 février 1979. — Ordures ménagères : valorisation et élimination permanente.

SHELL G. J., 1978. — Conference on utilization of sludge on land, Oxford, Water Research Center.

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DEUX MÉTHODES D'INCINÉRATION DES BOUES DESTATIONS D'ÉPURATION INDUSTRIELLES ET URBAINES

par Mme E. BRUN-LABARREIngénieur Principal, Sté HEURTEY-EFFLUTHERM

La prise de conscience par l'homme de l'importance primordiale de l'écologie l'a conduit notamment à se préoccuper de la qualité de l'eau.

Ainsi de nombreuses stations de traitement d'effluents aqueux industriels ou urbains ont été construites mais leur fonction consiste essentiellement à séparer l'eau de la majeure partie des produits polluants, et à concentrer ces matières indésirables sous forme de boues, qui, épandues ou enfouies, créent de nouveaux problèmes de pollution. Dans certains cas, les unités industrielles « produisent » des liquides résiduaires, qui ne peuvent également s'intégrer au cycle biologique naturel, soit parce que leur demande en oxygène est trop élevée, soit parce qu'ils contiennent des substances toxiques qui détruisent ou inhibent les processus d'auto-épuration, soit parce qu'ils sont constitués par des composés organiques à chaîne longue, très difficiles à rompre. La justification écologique de l'incinération trouve quelquefois un appui économique dans d'intéressantes possibilités de valorisation : récupération d'énergie ou de sous-produits commercialisables.

I. GÉNÉRALITÉS SUR LA COMBUSTION DES DÉCHETS

Le traitement thermique des effluents doit tout d'abord remplir sa mission première : transformer complètement les produits organiques polluants en CO₂ et H₂O. Ceci implique le maintien, pendant un temps suffisant, des molécules à une température telle que soient assurées la gazéification puis l'oxydation complète.

Cette dernière requiert :

  • — que la matière organique soit dans un état aussi divisé que possible,
  • — qu'elle effectue de façon aussi intime que possible le mélange carburant-comburant,
  • — que soit atteinte une température suffisante assurant :
    • – la vaporisation des constituants liquides,
    • – la décomposition des chaînes organiques,
    • – l'obtention du point d'inflammation des constituants.

Les matières organiques se volatilisent en général à partir de 200 °C, elles peuvent brûler à partir de 500 °C et, au-dessus de 650 °C, leur vitesse de combustion ne dépend plus que de la rapidité de mélange avec l'air comburant. La combustion du résidu carboné qui conduit au dioxyde de carbone fait intervenir quatre réactions chimiques, différentes suivant le mode de contact de l'air et des particules combustibles : formation de CO à partir de carbone et d'oxygène, formation de CO₂ à partir de carbone et d'oxygène, formation de CO à partir de CO₂ et de carbone, et combustion du CO en phase gazeuse. Les deux premières réactions sont très rapides et ne dépendent que de la perfection du contact entre l'air et le carbone. La troisième réaction est contrôlée par la température au-dessous de 800 °C et ne dépend que du contact CO₂-carbone pour des températures suffisamment élevées de l'ordre de 1 000 °C.

1.1. Température

On peut penser que la température minimale requise, dont la valeur est d'ailleurs influencée par les autres paramètres étudiés ultérieurement, est de l'ordre de 700 °C, du moins pour des déchets composés essentiellement de carbone et d'hydrogène. Cette température minimale peut cependant être beaucoup plus élevée, de l'ordre de 1 000 °C pour certains produits difficiles à décomposer.

1.2. Temps de séjour à haute température

Les vitesses d'oxydation des corps combustibles sont très grandes à haute température et conduisent

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