(1) Syndicat Interdépartemental pour l'Assainissement de l'Agglomération Parisienne.
La présence de nitrates dans les eaux constitue un problème auquel le traiteur d’eau est de plus en plus souvent confronté, que ce soit dans le domaine des eaux à potabiliser ou dans celui des eaux de rejet de station d’épuration.
En ce qui concerne le traitement des eaux à potabiliser, le dépassement de plus en plus fréquent de la teneur maximale autorisée impose la mise en place de procédés de dénitrification ou de systèmes de dilution avec des eaux à faible teneur en nitrates. Le suivi des concentrations est alors nécessaire à différents stades du procédé.
En matière d’épuration des eaux, la tendance générale est à l’élimination de plus en plus poussée des pollutions azotées : là aussi les installations mettent en œuvre des procédés de nitrification-dénitrification qui nécessitent également un suivi régulier des teneurs en nitrates.
Les analyseurs de nitrates en continu trouvent dans ces deux cas des applications intéressantes et leur utilisation sur les filières de traitement devrait s’accentuer dans les années à venir. Dans le souci de mieux connaître les produits présents sur le marché, nous avons décidé de procéder à des essais sur ce type de matériel et sur les conditions de leur mise en œuvre dans les stations d’épuration d’eaux résiduaires urbaines.
Les essais que nous avons réalisés ont fait l'objet de deux parties : d’une part, dans notre laboratoire, sur des eaux exemptes de matières en suspension, et, d’autre part, sur site, sur des eaux issues d'un traitement d’effluents urbains.
Les essais sur site ont été menés au CRITER (2), centre de recherche du SIAAP.
Deux points sont à souligner :
- • ces essais n’avaient pas pour but de détailler les performances analytiques des appareils, mais d’examiner s’ils sont adaptés à une utilisation industrielle, dans des conditions telles que celles d’expérimentation sur site,
- • les appareils testés sont à destination industrielle : de ce fait, les impératifs de mise en œuvre entraînent des perfor-
(2) Centre de Recherche Interdépartemental sur le Traitement des Eaux Résiduaires.
Nota. En accord avec les sociétés ayant prêté leur matériel, les analyseurs testés lors de cette étude sont désignés par les lettres A, B, C, D, E. (Pour plus d'information, s'adresser à l'auteur).
Tableau I
Analyseurs de nitrates étudiés
Résultats obtenus sur solutions synthétiques
Tableau II
Appareil |
Principe de mesure (TA = Tensio-Actif ‑ MO = Matière Organique) |
A |
Absorption UV : Mesure spectrophotométrique à une longueur d’onde (λ = 214 nm) et correction des interférences dues aux matières organiques (λ = 254 nm). |
B |
Absorption UV : Mesure spectrophotométrique à une longueur d’onde. |
C |
Absorption UV : Mesure spectrophotométrique de tout le spectre d’absorption UV de l’échantillon. Correction des interférences par reconnaissance des spectres interférents. |
D |
Électrochimique : Réduction des nitrates en nitrites sur colonne de cadmium cuivré et oxydation des nitrites à potentiel imposé (mesure ampérométrique). |
E |
Électrode spécifique : Cellule de mesure à circulation thermostatée. Recalibrage automatique journalier. |
Paramètre |
A |
B |
C |
D |
E |
Stabilité de la mesure |
Bonne |
Bonne |
Bonne |
Bonne |
Bonne |
Temps de réponse (min) |
2 |
7 |
2 |
20-30 |
15-20 |
Précision (mg NO₃⁻/l) |
±1 |
±2 |
±1 |
±1 |
±1,5 |
Interférents observés |
NO₂ |
MO |
NO₂ |
NO₂ |
Aucun |
|
MO |
|
|
(MO = |
|
|
|
|
|
correction |
|
|
|
|
|
possible) |
|
Interférents possibles |
TA |
TA |
TA |
Cl⁻ |
TA |
(non testés) |
|
|
|
(correction |
|
|
|
|
|
possible) |
|
performances moindres en comparaison de celles obtenues par des techniques de laboratoire.
Le matériel
Il existe plusieurs types d’analyseurs de nitrates en continu présents sur le marché. Les principes de mesure mis en œuvre peuvent être regroupés suivant quatre catégories :
- • Méthode colorimétrique,
- • Électrode spécifique,
- • Méthode électrochimique,
- • Absorption UV.
L’absorption UV est une technique particulièrement séduisante car il s’agit d’une simple mesure spectrophotométrique qui n’implique ni réactif, ni système hydraulique complexe. De ce fait, elle apparaît au premier abord bien adaptée à une utilisation sur des eaux usées ; c’est la raison pour laquelle trois des analyseurs choisis mettent en œuvre cette technique. Nous avons également testé une méthode électrochimique et un système mettant en œuvre une électrode spécifique. La méthode colorimétrique n’a pas été retenue. Les différents appareils testés sont décrits dans le tableau I.
Lors de l’utilisation des analyseurs sur site, nous avons testé deux types de modules de filtration différents : le premier met en œuvre une filtration tangentielle sur grille et le second une ultrafiltration tangentielle sur membrane minérale.
Essais sur des solutions synthétiques
Les essais menés au laboratoire avec des solutions synthétiques nous ont permis d’évaluer la stabilité de la mesure, le temps de réponse, la sensibilité des appareils et de déterminer également les éléments interférant avec le dosage des nitrates. Globalement, les résultats obtenus sont satisfaisants. Les résultats obtenus, résumés dans le tableau II, sont satisfaisants.
La stabilité et la précision de la mesure sont correctes pour tous les appareils testés. On constate que ceux fonctionnant sur le principe de l’absorption UV présentent des temps de réponse beaucoup plus courts que les autres analyseurs ; de ce fait, ils se prêtent plus facilement à un multiplexage d’échantillons.
En ce qui concerne les éléments interférents testés (nitrites, acides humiques, chlorites, chlorates, chlorures), nous n’avons constaté aucune interférence avec la méthode électrochimique et l’électrode spécifique. Il faut cependant signaler les risques possibles en présence de chlorures à forte concentration ou d’agents tensio-actifs (non testés) (tableau II).
Les nitrites sont dosés en même temps que les nitrates sur tous les appareils, sauf l’électrode spécifique. Ils perturbent donc d’autant plus la mesure que leur concentration est importante.
Sur les appareils fonctionnant par absorption UV, les essais ont montré que non seulement les nitrites, mais aussi les matières organiques, et plus précisément les acides humiques, perturbent la mesure des nitrates : en effet, une concentration d’acides humiques à 20 mg/l entraîne une augmentation de 5 mg/l de la concentration réelle en nitrates. Cependant, il faut remarquer que l’absorption dans l’UV n’est pas la même pour tous les acides humiques et qu’il existe aussi d’autres molécules organiques absorbant les rayonnements UV. Enfin, il faut signaler également sur ce type d’appareil des risques d’interférences liés à la présence d’agents tensio-actifs.
Notons que l’appareil C met en œuvre une analyse spectrale qui permet de corriger les interférences par comparaison du spectre de l’eau avec ceux d’interférents préalablement stockés en mémoire. Au cours de nos essais, l’appareil n’était étalonné que pour les acides humiques et nous n’avons pas testé les autres corrections possibles.
Essais sur site
Les essais menés sur site en sortie de traitement d’eau résiduaire urbaine nous ont permis de déterminer les conditions et les limites d’utilisation de ce type d’appareil dans de telles applications. Sur des eaux chargées en matières en suspension (MES = 30 à 40 mg/l), l’échantillon à analyser doit au préalable être conditionné par un système de filtration. Reste à savoir quel type de filtration mettre en œuvre sur ces eaux. Pour apporter quelques éléments de réponse à cette question, nous avons testé deux systèmes très différents l’un de l’autre.
Le premier met en œuvre une filtration tangentielle sur grille dont le seuil de coupure est de 50 µm. Le module est équipé d’un dispositif de décolmatage à l'air comprimé à contre-courant dont la fréquence et la durée de chasse sont commandées par un système de temporisation. Ce dispositif s'est avéré insuffisant, tant du point de vue de son utilisation que de la qualité de l'eau produite : en effet, celle-ci présente une turbidité telle que l’on assiste à un rapide encrassement des analyseurs situés en aval ; par ailleurs, le colmatage de la grille nécessitait une intervention journalière avec nettoyage complet du système, ce qui n'est pas compatible avec une exploitation industrielle en continu.
Le second système est un module d’ultrafiltration membranaire dont le seuil de coupure est d’environ 0,01 µm, équipé d’une boucle rapide à fort débit (7 m³ h⁻¹) sur laquelle sont montés en parallèle deux tubes de filtration, fonctionnant alternativement grâce à un jeu de vannes, le tube qui n’est pas en service étant placé en mode de régénération chimique. Dans les conditions de l'essai, le tube en fonctionnement permettait d’obtenir une eau débarrassée de toute matière en suspension, et cela pendant une semaine sans problème de colmatage ; une diminution du débit de l'eau filtrée n’est apparue qu’au bout de 15 jours d'utilisation continue de ce même tube. Un tel dispositif permet d’éviter les problèmes d’encrassement des analyseurs liés à la turbidité de l'eau, encrassement dû au dépôt des matières en suspension dans la partie hydraulique de l'appareil.
De plus, son utilisation et les besoins de maintenance (une intervention par semaine) sont compatibles avec une exploitation industrielle en continu. Cependant, un point très important est à prendre en compte : il s’agit du développement de biomasse qui apparaît dans les parties hydrauliques des analyseurs ; ce biofilm se présente sous la forme d'une pellicule blanchâtre qui apparaît après 15 à 20 jours d’utilisation, et dont le développement peut entraîner le colmatage des tuyaux et des systèmes de mesure s'il n’est pas diminué. Notons que ce biofilm apparaît même dans le cas d’une eau ayant subi une filtration très poussée, dès lors qu'elle contient des matières minérales et organiques dissoutes. Le seul moyen d’éviter ce problème est de disposer d’un système de rinçage du circuit hydraulique par une solution bactéricide et d'assurer une maintenance régulière sur l'appareil.
Ainsi, les analyseurs de nitrates les mieux adaptés à une telle utilisation sont ceux dont l’hydraulique et le système de mesure sont les moins sujets à l'encrassement (gros diamètre de tuyau, cellule de mesure à débit important, système de rinçage automatique, facilité de nettoyage). Au cours de nos essais, ce sont les appareils A et E qui se sont avérés les plus performants.
Conclusion
En conclusion, lors de l’implantation d'un analyseur de nitrates à la sortie d'une station de traitement d’effluents urbains, une attention toute particulière est à porter sur les points suivants :
Filtration de l’échantillon. Un module du type ultrafiltration membranaire donne des résultats satisfaisants : il permet d'une part d’éviter le dépôt de matières en suspension dans le circuit de l'appareil, et d’autre part, dans le cas d’un seuil de coupure inférieur à 0,1 µm, de limiter l'ensemencement du circuit par des bactéries favorisant le développement d’un biofilm.
Système de rinçage automatique. L'utilisation d'une solution bactéricide pour le rinçage régulier du circuit de l’appareil permet de limiter le développement du biofilm.
Choix de l’analyseur. L’analyseur doit être sélectionné en fonction des trois critères que sont les risques d'interférences (choix du principe de mesure), les risques d’encrassement (qualité du circuit hydraulique) et les nécessités de la maintenance (facilité de nettoyage et d’entretien).
Le principe de mesure à mettre en œuvre reste ensuite à déterminer au cas par cas, en fonction de la qualité de l'eau à analyser.
Enfin, il faut remarquer que cette approche d'utilisation est valable pour les eaux de surface à potabiliser, dans la mesure où l’on peut être confronté à des turbidités occasionnelles importantes.
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