Après l'engouement observé en faveur des sondes optiques, notamment dans le domaine du traitement des eaux usées pour la mesure de l'oxygène dissous, le marché semble se rééquilibrer au profit des sondes électrochimiques qui conservent de nombreux avantages. Explications.
Apparues il y a une douzaine d’années pour la mesure de l’oxygène dissous, les sondes optiques ont bousculé leurs aînées électrochimiques – les célèbres sondes de Clark – en usage depuis des décennies. On a ainsi assisté à un réel engouement en faveur des modèles optiques qui présentent des avantages.
Indéniables. Le plus flagrant étant sans conteste une maintenance très nettement simplifiée. Cette dernière se résume en effet généralement au remplacement d’un capuchon dévissable une fois par an en moyenne, plus un bon coup de chiffon pour nettoyer le capteur qui tend à s’encrasser en eaux usées. Difficile de faire plus simple : l’opération ne prendrait qu’une dizaine de minutes montre en main selon certains fabricants. Fini en tout cas l’approvisionnement régulier en consommables requis pour les sondes électrochimiques (électrolyte et membrane sensible aux salissures et aux dépôts). Les sondes optiques ne subissent pas non plus la dérive quotidienne de quelques dixièmes de pourcents observée chez leurs homologues électrochimiques, et nécessitant un réétalonnage régulier à l’air libre. Ce temps gagné en termes de maintenance et d’étalonnage constitue de fait un argument de poids pour des exploitants qui souhaitent réduire leurs coûts, et dont les opérateurs, de plus en plus multitâches, passent de moins en moins de temps sur chaque site. « Il y a clairement une demande du marché pour des capteurs plus simples à utiliser », confirme Matthieu Bauer, Chef de Marché Environnement et Énergie chez Endress+Hauser.
Parmi les autres avantages des sondes optiques, plus besoin de polariser les électrodes et d’attendre jusqu’à quelques heures que l’électrolyte se stabilise, comme c’est le cas pour les sondes ampérométriques lors de la mise en service, après un arrêt de quelques jours ou au moment du changement d’électrolyte. La méthode optique est également insensible à certains gaz interférents susceptibles de fausser la mesure électrochimique tels le sulfure d’hydrogène (H₂S) et l’ammoniac (NH₃) et empoisonner les sondes électrochimiques en diffusant à travers la membrane pour se fixer à l’anode. Enfin, aucune vitesse d’écoulement minimale n’est nécessaire, alors qu'une stagnation peut artificiellement affaiblir les mesures électrochimiques quand le milieu n’est pas assez agité. Au final, il n’est donc pas étonnant que la quasi-totalité des constructeurs proposent aujourd'hui des sondes optiques à leur catalogue : Oxymax COS61 ou 61D d’Endress+Hauser, gamme LDO et Orbisphere chez Hach-Lange, sonde FDO 925 WTW commercialisée par Xylem, Optisens ODO2000 de Krohne, spectro::lyser ou i::scan chez s::can, Hobo chez Prosensor, sonde Arc chez Cometec, sonde Optod d’Aqualabo Contrôle, Aqua-plus chez Bamo, OD d’Aquacontrol ou encore VisiFerm DO chez Yokogawa ou RDO chez Emerson Process Management.
À chaque type de sondes ses atouts
Mais après l’engouement des premières années en faveur des modèles optiques, certains estiment aujourd'hui que le marché tend à se rééquilibrer du côté des sondes électrochimiques. Encore très présentes sur le terrain, ces dernières jouissent en effet
aussid’atoutsde taille. Toutd'abord, les sondesélectrochimiques sontmoins chères à l’achat queleurs homologues optiques, un argu-ment auquel constructeurs et exploitantsrestent sensibles. De plus, l’électrochimieest une technique mature, éprouvée, par-tagée et agréée par certains organismes. Etsi les sondes optiques sont désormais bieninstallées sur le marché des eaux uséesoù les concentrations en oxygène sontplus élevées, les sondes électrochimiques
restent encore souvent la référence pourles eaux pures et ultrapures nécessitantla mesure de traces précise au ppb.
Elles sont même encore sou-vent privilégiées jusqu’àune dizaine de ppm (eaupotable,fermen-teurs,etc.) etpour lestraces infé-rieures auppm (eauxde chau-dières, de bois-sons, inertage, etc.). « Pour la mesurede l’oxygène dissous, beau-coup de fabricants s’ac-cordent sur la précisionde la mesure électro-chimique », confirmeGuillaume Schnei-der, Responsable desventes chez Swan.
Même son de cloche chezWaltron, qui malgré le suc-cès rencontré avecla technologie LDO,n’a pas pour autanttourné le dos auxtechnologies plus tra-ditionnelles que sontles électrodes spécifiques, notammentpour l’oxygène dissous. « Doté d’un cap-teur ampérométrique, le Waltron 9061à membrane de type Clark, offre à
nos clients une solution classique,fiable et robuste pour un investis-sement modéré », souligne ainsiYann Bouvier. Waltron utilise égale-ment largement les électrodes spéci-fiques pour de nombreux autres para-mètres tels que le sodium, avec lesnouveaux Waltron 9032X - 9033X &9031CX, l’hydrogène dissous, avec lesWaltron 9091 & 9091C, ou tout récem-ment encore avec le nouvel analyseurampérométrique sélectif pour le chlore etl’ozone, le Waltron 9092/9093. De même,la méthode de mesure sélective (chlore/ozone) potentiostatique ouverte (sansmembrane) a été retenue par Waltronpermettant une grande précision pourles faibles valeurs (0,0 ppb à 10 ppm) etune grande réactivité de mesure. (90 %variation < 30 secondes).
Endress+Hauser, Jumo, WTW, Wimesure,Swan... bon nombre de sociétés proposentdonc des sondes électrochimiques à leurcatalogue. Chez Swan, par exemple, ontrouve ainsi l'Oxytrace QED sur la plage0-20 ppm pour les eaux pures et ultra-pures, et l’Oxysafe pour le marché deseaux usées. Endress+Hauser propose éga-lement des sondes ampérométriques tellesl’Oxymax COS41 pour le traitement del'eau et le COS22D pour la mesure des tracesd’oxygène dissous, et le COS51D pourl’eau et les eaux usées. Chez Hach-Lange,l’Orbisphère A1100 offre une précisionjusqu’à 0,01 ppb, quand des sondes à oxy-gène dissous de la série InPro deMettler Toledo affichent 0,1 ppb. ChezJumo, on propose aussi les sondes électro-chimiques dTRANS 0201pour diverses appli-
Grâce à la technologie numérique Memosens, l’Oxymax COS51D de Endress+Hauser combine intégrité maximale du process et des données et fonctionnement simple, il résiste à la corrosion et à l’humidité, permet l’étalonnage en laboratoire et facilite la maintenance prédictive.
Applications : stations d’épuration communales et industrielles, surveillance de l'eau potable, protection des eaux, installations industrielles, etc. Xylem distribue lui des sondes électrochimiques WTW : DurOx 325 pour ses appareils de poche et de terrain (Profiline et Multi 350i) et Cellox 325 (jusqu’à 20 m de profondeur), etc.
La sonde ammo::lyser par potentiométrie de s::can peut mesurer plusieurs paramètres : NH₃, NO₂, pH, potassium, chlorures. Les sondes de Kuntze Instruments, commercialisées par C2Plus, sont des capteurs potentiostatiques pour le chlore libre, le dioxyde de chlore et l’ozone dissous. Quant à Krohne, il propose toujours sa sonde électrochimique Optisens ADO 2000 pour l’analyse des eaux usées.
Des sondes en constante évolution
Si les sondes électrochimiques restent dans la course, c’est aussi parce qu’elles sont en constante évolution. Et d’abord sur leur “talon d’Achille” par rapport aux sondes optiques : la maintenance. Ainsi, elles disposent aujourd’hui aussi de capuchons dévissables (intégrant l’électrolyte et la membrane), de quoi faciliter le remplacement de ces consommables sur site une fois usagés.
Chez Swan, la membrane est ainsi directement moulée au corps de la sonde sur Oxytrace QED et Oxysafe.
Autre évolution ces dernières années, l’intégration d’une électrode de garde pour réduire le temps de retour à l’équilibre. En effet, dans les cas où la concentration grimpe par exemple de 2 ppb à 50 ppb pour revenir ensuite à 2 ppb, il faut plusieurs heures pour voir disparaître l’oxygène de l’électrolyte. Pour les mesures de traces, l’électrode de garde est intéressante car elle va consommer l’oxygène résiduel en quelques secondes.
Enfin, les fabricants travaillent aussi à améliorer la tenue mécanique des membranes et le design des sondes. « Pour la mesure du chlore, on a par exemple sensiblement amélioré la qualité des membranes et des électrolytes pour éviter la dépolarisation et ainsi augmenter l’autonomie », indique Matthieu Bauer chez Endress+Hauser. « Pour l'analyse en ligne, on est également passé de sondes de laboratoires générant des dérives à des sondes in situ spécifiquement développées pour cette application avec analyse en continu de certains paramètres, ajoute Philippe Ribouat, Directeur commercial chez Xylem Analytics. C’est typiquement le cas pour les nitrates et ammonium dans les stations d’épuration. On a également amélioré les risques d'interférence ».
La révolution numérique profite également aux sondes électrochimiques
Mais la grande révolution, c’est surtout l’inexorable montée en puissance du numérique dont ont aussi bénéficié les sondes électrochimiques, offrant de nombreux atouts pour tous les paramètres mesurés (oxygène dissous, pH, redox, conductivité, etc.) : moindre sensibilité aux perturbations électromagnétiques, plus grande distance de communication, étalonnage facilité, risque de dérive réduit, etc. Autre avancée importante, une mémoire intégrée capable d’enregistrer une foule d’informations : les mesures elles-mêmes bien sûr, mais aussi les données d’étalonnage, des informations sur le fonctionnement, sur l'état d'usure, etc. À la clé, la possibilité de mettre en place une véritable maintenance prédictive.
historique de calibration stocké dans l’électrode et surveiller ainsi son vieillissement », indique Philippe Ribouat. Cette révolution numérique a aussi contribué à accroître le rôle des transmetteurs avec notamment la prise en compte d’informations liées aux diagnostics ou à la reconnaissance automatique des types de sondes… et la gestion généralisée de plusieurs paramètres. C’est ainsi qu’on a vu se développer la technologie Memosens chez Endress+Hauser sur son multiparamètres Liquiline CM44x pouvant recueillir jusqu’à 8 capteurs, la technologie ISM (Intelligent Sensor Management) de Mettler-Toledo, l’Intellical d’Hach-Lange… Chez Aqualabo Contrôle (marque Ponsel), toute une gamme de capteurs numériques communique en Modbus RS485 avec protocole ouvert.
Chez Krohne avec sa gamme SmartPAT, c’est le protocole ouvert HART qui est utilisé, connecté directement sur le système du client.
Chez Anhydre, l’Elmetron Cx-105, nouvel instrument à têtes numériques interchangeables fabriqué en Pologne, propose un concept de testeur universel avec des têtes de mesure comme température, conductivité, oxygène dissous, pH, épaisseur de revêtement, humidité… « Les têtes de mesure comportent une électronique embarquée qui conserve la calibration du capteur et rend les têtes interchangeables pour un seul boîtier afficheur étanche », précise Christian Haritchabalet chez Anhydre.
« Aujourd’hui, avec les sondes électrochimiques “nouvelle génération numérique”, nous pouvons donc travailler sur le terrain une foule de paramètres (pH, oxygène, redox, nitrates, chlorures, ammonium…), sans cette complexité de mesure que nous pouvions avoir il y a même quelques années », conclut Philippe Ribouat chez Xylem Analytics.