Les mesures d'acidité (pH) et de potentiel d'oxydo-réduction (redox) restent des paramètres clés des procédés, tant en eau potable qu'en eaux résiduaires ou industrielles. Progressivement, les technologies numériques gagnent du terrain et remplacent les capteurs analogiques : elles permettent d'augmenter notablement la durée de vie des capteurs, de réduire les pannes, de limiter la maintenance, tout en facilitant l'exploitation des mesures.
L’analyse physicochimique est au cœur de bon nombre de procédés. La mesure du pH d’une eau brute ou potable est stratégique, que ce soit au niveau de la ressource, des procédés ou de l’eau distribuée, pour répondre à des exigences réglementaires (le pH doit, par exemple, être entre 6,5 et 9 en sortie de station) mais aussi opérationnelles. Les enjeux sont multiples. Ils concernent d’abord la qualité de l’eau mais aussi la consommation de réactifs utilisés pour éliminer les contaminants et dont l’efficacité dépend pour une large part du pH.
Il en va de même en traitement des eaux usées, que ce soit en entrée ou en sortie de stations d’épuration. Des mesures redox sont également parfois nécessaires en entrée à proximité de rejets industriels mais surtout dans les bassins d’aération et lors des étapes de désodorisation. De nombreux procédés industriels, chimiques, pétrochimiques, pharmaceutiques, papetiers, énergétiques, de traitements de surfaces ou agroalimentaires imposent également une évaluation de la qualité des eaux utilisées et des réactions chimiques en jeu via des mesures de pH et de redox.
Des eaux de natures très variables, plus ou moins agressives et chargées (voire déminéralisées, par exemple pour les chaudières), impactent directement la qualité et la fiabilité des procédés, mais aussi la consommation de réactifs. Elles doivent aussi être conformes à la réglementation lorsqu’elles sont rejetées.
Une offre susceptible de répondre à tous les besoins
« Nous proposons huit grands types de capteurs pH et redox avec des membranes en verre et des diaphragmes de différentes natures selon les eaux à mesurer, certains étant adaptés aux atmosphères explosives », résume Aurélia Genet chez Endress+Hauser. À l’instar de l’entreprise suisse, de nombreux fabricants comme Mettler Toledo Analyse Industrielle, Hach-Lange, Aqualyse, Aquacontrol, Heito, Bamo Mesures, Datalink Instruments, Bürkert, Thermo Fisher Scientific, Walchem distribué par TMR ou encore WTW (Xylem) proposent une large variété de capteurs, parfois depuis plusieurs décennies. Certains, comme Hach-Lange, Endress+Hauser, Ponsel ou Hanna Instruments développent des solutions pour les diverses applications de terrain ; d’autres sont spécialisés dans tel ou tel procédé comme Heito, Horiba (eaux usées et eaux industrielles), Swan, Testo, S::can ou encore Mettler Toledo Analyse Industrielle (eaux industrielles). Ce dernier propose trois types d’électrodes pH dans des gammes de prix allant de 250 à 400 euros : une première, standard ; une deuxième dédiée aux biotechnologies, qui résiste aux températures élevées (135-140 °C) et aux chocs thermiques tels que la stérilisation ; une troisième pour les procédés chimiques, supportant des eaux chargées.
Tethys Instruments propose de son côté une sonde pH numérique, en plus de la sonde conventionnelle analogique, dotée d’une surface plane qui limite l’encrassement en eaux chargées. Elle dispose d’une interface RS485 et peut donc être utilisée en réseau. Jusqu’à seize sondes (pH, oxygène dissous ou turbidité) peuvent être raccordées sur le contrôleur multivoies EL300. TMR propose également une large palette de capteurs pH/redox : des plus simples, avec des jonctions céramiques classiques pour des applications en eau potable, eaux de procédés ou eaux de piscines, aux plus élaborés, pour des applications plus exigeantes. Dans ce cas, TMR propose des électrodes combinées pH ou redox avec double jonction en PTFE poreux et chambre électrolytique incorporée, avec, le cas échéant, des compensateurs de pression qui permettent de placer les capteurs sous tous les angles.
La mesure du pH (ou concentration en ions hydrogène) repose sur la mesure d’une différence de potentiel entre une électrode de mesure (en général du verre qui a l’avan
Avantage d’être inerte et stable) et une électrode de référence de potentiel connu, souvent en argent/chlorure d’argent. Le capteur est constitué d’un fil métallique immergé dans un électrolyte de référence mis en contact avec le liquide à mesurer par l’intermédiaire d’un diaphragme et d’une membrane de verre perméable aux ions hydrogène. Des capteurs sans verre sont utilisés dans l’industrie agroalimentaire et pharmaceutique : le pH est mesuré à l’aide d’un transistor à effet de champ (Isfet), un matériau semi-conducteur. Certains industriels (Mettler-Toledo Analyse Industrielle, Endress+Hauser, Heito...) maîtrisent leurs électrodes de A à Z via le soufflage des membranes de verre sensible au pH, l’usinage des pièces mécaniques, la mise au point des électrolytes.
« Cela nous permet de réaliser facilement, dans des délais courts, des sondes adaptées aux demandes des clients », précise Jean-Pierre Heitzmann chez Heito. Ce fabricant propose des sondes verre/chlorure d’argent avec ou sans sonde platine pour la correction de la température.
Quant à la valeur de redox, elle varie selon les espèces dissoutes (fer, dérivés chlorés, bromés...) et en général le pH. Elle indique les propriétés oxydantes ou réductrices d’un process. L’électrode de mesure est en métal noble (argent, or, platine). Le potentiel électrochimique est mesuré par rapport à une référence d’argent/chlorure d’argent. Cette valeur globale (elle ne peut être affectée à un couple de redox) est utilisée notamment pour la déchromatation, la décyanuration ou pour mesurer le dosage d’oxydants à des fins de désinfection.
Vers la numérisation du signal
Aucune révolution en vue a priori. Depuis une dizaine d’années, d’abord pour des raisons de fiabilité de mesure, la tendance est à la numérisation du signal, l’électronique étant intégrée dans la tête du capteur (sonde ISM de Mettler-Toledo Analyse Industrielle, Memosens d’Endress+Hauser, pHD de Hach-Lange, etc.). Cela permet de s’affranchir des problèmes d’interférence avec les équipements électriques (pompes, etc.) à proximité de la mesure, de dégradation du signal à cause de l’humidité ou des longueurs de câbles. « On peut perdre une unité de pH, prévient Philippe Dejour de Mettler-Toledo Analyse Industrielle, en raison des faibles tensions mesurées (quelques mV) et de la forte résistance du verre (10^7 MΩ). Les industriels ont besoin de systèmes simples, fiables et économiques. Le passage de l’analogique au numérique a un surcoût (environ 10 %) mais réduit de 30 % les coûts d’exploitation tout en apportant un diagnostic plus précis et plus fiable même si l’usager est peu formé. » Mettler-Toledo Analyse Industrielle mise beaucoup sur cette simplicité d’exploitation et d’entretien même si 80 % de son parc installé est encore analogique, essentiellement à cause du renouvellement de matériel. La société uniformise ses électrodes pour simplifier les stocks.
Depuis 2007, Mettler-Toledo Analyse Industrielle a intégré trois mesures dans ses sondes : température, pH et redox. D’autres fabricants comme Proanatec, Ponsel Mesure, Jumo, Tethys Instruments, Cifec, Kobold ou Endress+Hauser proposent ces analyses couplées. « Grâce à un microprocesseur intégré à la sonde ISM, le signal analogique est converti, stocké en mémoire, envoyé au transmetteur ou utilisé dans des algorithmes de diagnostic spécifiques, avec la certitude que la valeur reçue par le système de »
Metrohm étend son offre
Parallèlement à l'introduction d'un nouveau pH-mètre portable, Metrohm étend maintenant son champ de mesure pH, redox, conductivité, O₂, environnement industriel, en complément des analyseurs en ligne Metrohm-Appikon en proposant aujourd'hui les sondes Hamilton conçues avec électronique embarquée et adaptation aux installations existantes.
La sonde pH industrielle se distingue par son concept « mono-diaphragme ». Le contact entre le milieu à mesurer et l'électrode de référence, point sensible s'il en est, est assuré par un pore 2 000 fois plus important que dans les autres électrodes. Un électrolyte spécifique breveté, le Polisolve Plus, est alors utilisé et les avantages deviennent essentiels : pas de bouchage du diaphragme, temps de réponse court, résultats précis.
Côté raccordement procédé, les installations existantes comportent encore le plus souvent un transmetteur local. Il est possible de s'y raccorder aussi bien avec des connecteurs standards type S7 et BNC/DIN que des connecteurs usuels KB.
Le raccordement d'une sonde au procédé via un transmetteur étant en général le point crucial d'une chaîne de mesure, la numérisation du signal offre maintenant d’importants atouts : les sondes peuvent être équipées du capteur Memosens qui mémorise les données d’étalonnage et d'entretien, numérise le signal de sortie et le transmet au procédé sans contact métallique, mais uniquement inductif, ce qui supprime la plupart des dégradations du signal dues à la corrosion.
L’électronique de numérisation et de transmission étant désormais incluse dans la tête de la sonde, l'opérateur a désormais le choix d'utiliser soit un signal analogique classique, soit un signal numérique en sortie directe de la sonde. Dans ce dernier cas, l'adaptateur ARC WiFi permet de communiquer directement à proximité de la sonde avec un PC et de visualiser ou modifier les données mémorisées.
Le contrôle est celui du procédé, explique Philippe Dejour. Par ailleurs, la puce conserve les données d’étalonnage. Celui-ci peut donc être réalisé au laboratoire, au préalable, la sonde étant alors prête à être utilisée. Depuis 2010, l’étalonnage peut aussi être effectué sur le terrain, dans un atelier de maintenance voisin, grâce au logiciel iSense qui fait le diagnostic et archive ces données. Notre version 2.0, sortie en août dernier, intègre un mode opératoire visuel via un synoptique didactique adapté à un personnel non initié. Ces capteurs intelligents sont aussi capables de s’autodiagnostiquer et de suivre leur vieillissement pour en informer l'utilisateur en termes de dérive, d'estimation du besoin d’étalonnage, de la durée de vie restante. Autant de moyens de mieux planifier la maintenance, d’anticiper les situations critiques et de réduire les fluctuations de qualité. Par ailleurs, en intégrant ces capteurs dans les systèmes de supervision, le diagnostic peut être assuré en temps réel. D’autres fabricants proposent ces mêmes fonctions, comme Hach-Lange, précurseur en la matière, ou Ponsel Mesure. Les capteurs de ce dernier sont à double étage, une partie électronique et une partie consommable qui inclue verre pour les mesures pH, pastille platine pour les mesures redox, référence et électrolyte gélifié Plastogel (chlorure de potassium). Seule cette dernière partie est à changer lorsque l’électrolyte est épuisé. Une version portable (gamme Odeon) permet des analyses de terrain ou en laboratoire.
Faciliter l’exploitation de la mesure
Avec ses solutions connectiques plastiques Memosens (haut du capteur et câble tous deux en plastique, clipsés), Endress+Hauser évite les dégradations de signal dues notamment à la corrosion et affiche une durée de vie prolongée. « Environ 60 % de notre parc installé est désormais numérique, affirme Aurélia Genet. Les nouvelles installations sont toutes numériques que ce soit pour minimiser les remplacements d’électrodes ou le nombre de transmetteurs en utilisant le Liquitine qui permet de raccorder huit capteurs sur un seul équipement multiparamètres. On installe de plus en plus souvent un panneau, relié à l’entrée ou à la sortie de l'eau d'un procédé, où sont regroupées quatre ou cinq analyses physico-chimiques ».
Par ailleurs, depuis deux ans, Endress+Hauser propose son logiciel Memobase+, pour étalonner jusqu’à quatre capteurs en même temps en laboratoire, assurer une traçabilité en renseignant une base de données.
Taguer ces capteurs avant de les mettre à disposition dès que nécessaire : « Cet outil est particulièrement intéressant pour les parcs installés de plusieurs dizaines de capteurs comme dans l’industrie chimique ou agroalimentaire pour changer les capteurs sans interrompre le process, précise Aurélia Genet. De manière générale, nos développements visent à réduire les arrêts de mesure et à prolonger la durée de vie des électrodes. »
Avec Smartsens, Krohne propose de son côté un standard sans convertisseur et un raccordement direct via bus de terrain standardisé entre la sonde et le système de contrôle de process. Le circuit est miniaturisé et se trouve dans la tête de la sonde. Ce développement permet de réduire le prix de moitié par rapport aux autres systèmes de mesure. La sonde Smartsens enregistre toutes les données et les envoie aux systèmes de gestion informatique (AMS), consoles portables, PC et autres périphériques sous forme de signaux numériques bidirectionnels 4...20 mA / protocole Hart 7.
Pour les eaux usées ou agressives qui dégradent les électrodes en chlorure d'argent, depuis 2010 Hach-Lange propose des électrodes différentielles pHD où l’élément de mesure et de référence sont dans un même capteur : elles assurent une plus grande durée de vie des membranes.
« Les électrodes pH et redox sont notre première famille de produits, précise Jean-Pierre Molinier d’Hach-Lange, un marché de longue date pour lequel nous avons développé des solutions digitales pour réduire les coûts d’exploitation, avec les deux mesures sur une même famille de sonde. Le capteur pHD comporte une électrode en contact avec le milieu à contrôler et une autre, dans le corps de la sonde, dans une solution tampon qui sert de potentiel de référence. Ces électrodes ont des durées de vie de 3 à 5 ans (contre un an en moyenne pour les électrodes au chlorure d'argent). Le surcoût de l'amplificateur de signal et du convertisseur analogique-numérique est largement compensé par la réduction, environ d’un facteur trois, des taux de panne et de fréquence d’interventions (calibration, maintenance) : au final, elles reviennent 1,5 à 2 fois moins chères que les électrodes classiques. Si notre parc installé reste pour moitié à base d’électrodes classiques, la plupart des nouvelles installations en eaux urbaines et industrielles, dans des ambiances difficiles ou des conditions agressives, sont différentielles. »
Une chose est sûre : d'ici quelques années, le numérique aura pris le pas sur l’analogique.