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Valoriser les eaux de pluie : pourquoi? Comment ?

24 mai 2019 ( mots)
Stocker pour écrêter, retenir et réguler, c’est bien. Mais récupérer et valoriser les eaux de pluie, c’est encore mieux.

Où en sommes-nous aujourd’hui en France ?



« Nous travaillons sur le sujet avec plusieurs organismes, mais les données disponibles restent fragmentaires et difficiles à obtenir, explique Thomas Contentin, Président de l’IFEP, le syndicat qui regroupe les industriels de l’eau de pluie. Au niveau des bâtiments publics, la pratique est quasiment systématisée. De même, la majorité des fabricants proposent désormais des cuves à « double fonction » comme une réponse technique à la gestion des eaux pluviales à la parcelle. Mais nous savons que le gros du marché se situe à l’échelon de la maison individuelle. On estime, en se basant sur les seuls membres du syndicat, qu’il se vend entre 10.000 et 15.000 installations de maisons individuelles par an. Mais le cadre réglementaire n’étant pas excessivement contraignant, beaucoup d’installations se font de manière artisanale. En extrapolant, on peut estimer qu’il s’en fait de 4 à 5 fois plus dans la réalité ».

Une pratique conséquente donc, mais encore loin d’être généralisée et surtout très en retrait au regard de ce qui se passe dans plusieurs pays européens comme la Belgique, l’Espagne, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas. « En France, la pratique a beaucoup pâti de l’accent mis sur le seul aspect « récupération » en incitant les particuliers à s’équiper pour économiser de l’eau potable, explique Thomas Contentin. C’est vrai, mais l’effet de levier n’est pas suffisamment important au regard du prix du mètre cube d’eau aujourd’hui. On ne va pas se le cacher : investir 5.000 ou 6.000 euros dans un équipement relève d’une démarche plus écologique qu’économique. Pour évaluer correctement l’intérêt de la pratique, il faut adopter une approche plus globale, basée sur une gestion de l’eau à la parcelle qui permet d’économiser la ressource, d’anticiper les évolutions prévisibles du prix de l’eau qui se traduira par une modulation probable en fonction des volumes consommés (sanitaire, confort et luxe), et de protéger le milieu en gérant l’eau in-situ. En France, de nombreuses collectivités, à l’image de la ville de Paris avec le Plan ParisPluie par exemple, déplacent la problématique à l’échelle de la parcelle à la faveur de la construction d’un quartier ou d’un lotissement pour ne pas avoir à refaire leur réseau. Tout le monde y trouve son compte, le maître d’ouvrage comme la collectivité ».

Décentraliser la gestion des eaux pluviales à l’échelle d’un quartier, d’un bâtiment ou d’une maison pourrait donc contribuer utilement à l’établissement d’un nouveau modèle, plus économique et plus durable. Mais d’autres leviers pourraient doper la gestion à la parcelle. Thomas Contentin qui participe aux groupes de travail du second volet des Assises de l’eau, cite par exemple plusieurs interventions faisant état d’une sous-évaluation de l’impact du manque d’eau sur les projets d’urbanisme. « Par manque d’eau ici, par impossibilité de gérer les eaux pluviales là, de plus en plus de projets d’urbanisme ne voient pas le jour dans les zones déjà denses explique-t-il. De même, les assureurs, soumis à fortes pressions ces dernières années du fait des inondations récurrentes, pourraient bien s’emparer du sujet ». La valorisation de l’eau de pluie pourrait donc revenir en force, par l’intermédiaire de la gestion des risques tout autant que par l’aspect économie. Reste à savoir si les préconisations iront dans le sens d’une sensibilisation ou d’une obligation d’inclure dans les projets de construction ou de rénovation un dispositif de récupération de l’eau de pluie.