Lorsqu'un client demande une pompe, il fixe ses exigences le plus souvent en termes de débit et de hauteur de refoulement du liquide. Au fournisseur de prendre en compte, notamment, la nature visqueuse et/ou abrasive du liquide et de lui faire la meilleure offre.
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Lorsqu’un client demande une pompe, il fixe ses exigences le plus souvent en termes de débit et de hauteur de refoulement du liquide. Au fournisseur de prendre en compte, notamment, la nature visqueuse et/ou abrasive du liquide et de lui faire la meilleure offre.
« La plus grande complexité de notre métier de vendeur de pompe est la connaissance des caractéristiques physiques et chimiques du liquide à pomper », souligne Jean-Marie Vandeput, gérant de la société Hydro Fluide. La viscosité, la température (qui influence la tension de vapeur), la présence de matières solides (liée au caractère abrasif), la densité, le pH et la composition acido-basique (liée au caractère corrosif) d'un liquide figurent parmi les principales caractéristiques à prendre en compte dans le pompage d’un liquide. La viscosité concerne tout spécialement les liquides de l'industrie de la chimie, de la papeterie et du pétrole ; l’abrasivité, les liquides contenant du sable, des battitures de sidérurgie, du lait de chaux ou encore des minerais. Les liqueurs de papeterie figurent parmi les liquides à la fois visqueux et abrasifs.
Le pompage d’un fluide visqueux
« La viscosité rend le déplacement d’un
« La viscosité du liquide, beaucoup plus complexe », poursuit Jean-Marie Vandeput. Elle engendre une limite hydraulique, une barrière au-delà de laquelle se produit une chute importante de la performance du pompage. « La viscosité du liquide affecte les caractéristiques d'une pompe exprimées en eau claire, à savoir : le rendement, la hauteur et le débit de refoulement du liquide et donc, le fonctionnement même de la pompe », souligne Denis Vedel, ingénieur responsable Ingénierie chez KSB.
La viscosité d’un liquide se réfère à sa faculté de transmission des “contraintes de cisaillement” (liées au frottement) à l'ensemble des particules qui le composent et des surfaces avec lesquelles il entre en contact. Elle dépend de la température du liquide et varie avec elle de manière inversement proportionnelle. La viscosité dynamique d’un liquide (et sa courbe d’écoulement) se mesure à l'aide d’un viscosimètre rotatif. En divisant cette donnée par la masse volumique (ou densité) du liquide, on obtient la valeur de sa viscosité cinématique. Cette grandeur s’exprime en diverses unités, reliées entre elles par des coefficients de conversion. L'unité universelle est le mètre carré par seconde (m²/s), mais il en existe d’autres : le centistoke (1 mm²/s) d’usage encore courant en Europe, le degré Engler (°E), l’unité américaine Secondes Saybolt (S”) ou encore l’unité britannique Secondes Redwood (R”).
La viscosité du liquide refoulé influe sur la courbe de fonctionnement d’une pompe centrifuge fournie par le constructeur et établie sur la base de refoulement d’eau (d'une viscosité cinématique de 1 centistoke). Et ce, dès que la viscosité du liquide dépasse 20 centistokes. Au constructeur de déterminer la courbe de fonctionnement optimale de la pompe, adaptée au fluide attendu. Et ce, en effectuant des mesures correctives sur la pompe (en termes de débit et de hauteur de refoulement notamment) à partir de standards normalisés. Et dans les limites permises par ces abaques : jusqu’à une viscosité de 4 000 centistokes pour ceux établis par l’Hydraulic Institute (HI). Et pour la société KSB, dans la limite d’un point de fonctionnement de la pompe compris entre 0,8 et 1,2 fois le point de rendement optimum établi dans le cas d’un refoulement d'eau (appelé “Best efficiency point” ou BEP). « Par rapport à ces courbes standards de l’HI, nous prenons en plus en considération le paramètre de vitesse de rotation de la roue de la pompe et intégrons là aussi des corrections », souligne Denis Vedel. Et ce, afin de gagner en précision sur le calcul de la puissance d’entraînement de la roue.
Le choix de la technologie de pompe dépend avant tout de la courbe d’écoulement du liquide et donc de son comportement rhéologique : newtonien si sa courbe d’écoulement est une droite passant par l'origine ou non newtonien si elle prend une toute autre forme. « À première vue, les pompes centrifuges peuvent paraître plus adaptées aux liquides newtoniens et les pompes volumétriques aux liquides non newtoniens, souligne Denis Vedel. Mais il n’y a pas de vérité tranchée, pas de règle universelle pour le choix de la technologie de pompe, tout se fait par l’expérience du constructeur ». Et les règles de la mécanique des fluides imposent une contrainte de viscosité à l’usage d’une pompe centrifuge.
Au-delà d’un certain seuil de viscosité, se produit une chute importante de la performance du pompage en termes de rendement, de pression ou de débit. Au-delà de cette « barrière hydraulique », située entre 100-150 centistokes (pour un liquide de densité égale à un et de 60 à 80 g par litre, soit 8 % de matières sèches) et 400 centistokes, les constructeurs s’accordent à dire que la pompe volumétrique est économiquement mieux adaptée. « Si, malgré la grande viscosité du liquide véhiculé, le client souhaite malgré tout conserver un certain point de fonctionnement, nous devons surdimensionner la pompe en investissant dans un moteur de plus grande puissance afin d'augmenter le débit et la pression de pompage », poursuit Jean-Marie Vandeput. Et si les pertes de performance de la pompe sont trop importantes, les pompes centrifuges ne sont vraiment plus adaptées. Il est alors nécessaire de recourir à une technologie de pompe volumétrique (à membranes, à queue
de cochon, à engrenage, à piston, péristaltique...). Depuis 77 ans, la société Vogelsang développe des pompes volumétriques à lobes rotatifs à déplacement positif, capables de véhiculer des liquides de rhéologie variable, des plus clairs aux plus abrasifs. Parmi elles, les pompes à lobes à géométrie hélicoïdale de type Hiflo® s’adaptent au transfert de liquide quel que soit sa viscosité. Par l'assurance de plusieurs points de contacts permanents, ces pompes assurent un débit parfaitement linéaire sans pulsations (génératrices de fréquences vibratoires importantes et néfastes pour les tuyauteries), un pouvoir d'amorçage important (8,5 mCE), ainsi qu'une parfaite volumétricité du transfert. Chez le constructeur Blackmer, les pompes volumétriques rotatives à palettes couvrent une large gamme d’applications pour les fluides d’une viscosité pouvant aller jusqu'à 200 000 centistokes pour les séries P et HXL, qu'ils soient grippants, abrasifs ou corrosifs. Chez Netzsch Frères, les pompes Nemo® avec vis de gavage et double agitateur (type NM SP) sont mécaniquement conçues pour assurer sans risque de bourrage le transfert des fluides ayant plus de 35 % de matière sèche. Chez PCM, les pompes Moineau (série I et série M – EcoMoineau) sont conçues pour le refoulement de liquides d'une viscosité allant jusqu'à 40 000 centistokes et une concentration en matière sèche de 250 à plus de 600 g/l. La série Gavo, spécialement développée pour la reprise des boues déshydratées, s'adapte à toutes les machines de déshydratation pour des siccités allant jusqu'à 45 % avec ou sans chaulage.
Pour les liquides visqueux, corrosifs ou sensibles, Iwaki propose une large gamme de pompes centrifuges à entraînement magnétique reconnues pour leur résistance à la corrosion. Elles sont utilisées pour les opérations d’empotage, de transfert, de circulation, de dépotage, etc. Pour pomper des produits visqueux, Flygt propose une gamme très complète de pompes à rotor excentré basée sur un système de construction modulaire permettant de répondre pratiquement à toutes les applications. La conception de la pompe et les matériaux la constituant sont sélectionnés précisément en fonction de l'utilisation. La pompe peut être installée indifféremment en position horizontale ou verticale. Les plus grandes tailles de pompes Flygt à rotor excentré sont constituées de rotors « creux » qui prolongent nettement leur durée de vie et réduisent leur coût d'entretien. Les rotors « creux » sont également plus silencieux et permettent d'atteindre des vitesses de rotation plus élevées sans augmenter pour autant leur usure. Flux propose également différentes technologies afin de mieux maîtriser le transfert des fluides. Qu'ils soient de faible à haute viscosité, jusqu'aux produits pâteux permettant encore l'écoulement, que les produits soient abrasifs, corrosifs, chargés ou fragiles, inflammables ou non inflammables, en fonction de l'application, les pompes proposées passent de la vis hélicoïdale excentrée verticale ou horizontale à la centrifuge verticale ou horizontale à turbine immergée, à la pneumatique à membranes en construction massive, à la centrifuge à entraînement magnétique.
Le pompage d’un fluide abrasif
La viscosité d'un liquide s'accompagne bien souvent de la présence de matières solides qui, elle, engendre un phénomène d'abrasivité. Qu’il provienne de la présence dans le liquide de sables, de battitures de sidérurgie, de lait de chaux, d’hydroxydes métalliques, de barbotines de céramique ou encore de minerais, il est en général d'une grande variabilité et s'estime en termes de concentration en matières solides (grammes par litre).
« Pour les pompes centrifuges, le caractère abrasif du liquide refoulé est lié à la vitesse de rotation de la roue puissance trois, souligne Jean-Marie Vandeput. Ce qui implique de faire tourner la pompe le plus lentement possible afin de lui garantir une durée de vie d’autant plus longue ». Ainsi, une pompe assurant le pompage d’un liquide chargé à la vitesse de 1 500 tours/minute aura, approximativement, une abrasion quelque huit fois moins importante et une durée de vie huit fois plus longue que si elle tournait à 3 000 tours/minute.
« L'abrasion influe surtout sur la métallur- »
La protection du corps de pompe s'opère par le choix de métallurgies résistantes (comme la fonte alliée) et/ou le recouvrement de la surface par des revêtements caoutchouteux ou similaires. Pour lutter contre l'abrasion et la corrosion, Salmson propose différentes solutions sur ses pompes et agitateurs, telles que l'abrasit® pour lutter contre l'abrasion et le revêtement Ceram® pour lutter contre l'abrasion et la corrosion.
Pour résoudre cette contrainte d’usure du corps de pompe, MGI Industrie va jusqu’à supprimer tout contact entre le liquide et l'armature métallique : dans sa pompe péristaltique, le liquide pompé n'est en contact qu'avec la paroi interne du tuyau (en caoutchouc renforcé).
Ce tube, qui subit l’écrasement répété responsable du refoulement du liquide, constitue la seule pièce d'usure de la pompe. Les pompes péristaltiques Verderflex de Verder sont quant à elles disponibles avec des tuyaux conçus dans un nouveau matériau : l'Hypalon, un polyéthylène chlorosulfoné. Les tuyaux Hypalon constituent un bon compromis par rapport aux tuyaux en EPDM puisqu'ils présentent une bonne résistance à la chaleur, aux agents chimiques oxydants (comme le NaOCl, H₂SO₄...), à la plupart des huiles et hydrocarbures aliphatiques et à l'abrasion. Lors d’essais de tenue de tuyaux réalisés avec une pompe péristaltique Verderflex type VF 10 véhiculant une solution d’hypochlorite de sodium (NaOCl) à 16 %, les tuyaux Hypalon ont présenté, dans des conditions identiques d'utilisation, des durées de vie au moins 4 fois supérieures à celle des traditionnels tuyaux en EPDM.
En parallèle PCM possède la capacité de concevoir et de fabriquer en interne ses élastomères pour l'ensemble de ses gammes de pompes volumétriques. Cette capacité permet de faire évoluer les limites d'utilisation des pompes volumétriques vers des applications plus complexes grâce au développement de nouvelles formulations adaptées aux besoins des clients.
La société Vogelsang, quant à elle, dispose de matériaux adaptés au transfert de liquides abrasifs tels que le carbure de tungstène, les fontes austénitiques, les carbures de silicium, les Inox 316 etc., ainsi que des élastomères tels que les Polyuréthane, les NBR, les EPDM etc.
La société KSB a choisi de développer sa propre métallurgie adaptée aux fluides d'abrasivité élevée : le Norihard. Ce matériau sera retenu pour la roue à canaux d'une pompe servant au transfert de fluides de lavage de fumée à haute température (jusqu’à 120 °C), dont le corps en fonte sera recouvert d’un revêtement en céramique.
Pour protéger ses pompes de relèvement submersibles en fonte (série AFP), ABS France a quant à elle développé un système de trempe de la fonte, qui permet de durcir les hydrauliques et de multiplier leur résistance par trois. « Ces roues sont spécialement proposées sur les postes de relèvement d'eaux usées où des phénomènes d’abrasion des hydrauliques sont constatés, c'est-à-dire entre autres les postes où il y a une forte proportion de sable » précise Henry de Miramon, Directeur commercial assainissement d’ABS France.
Noca Rotors, un des leaders italiens de la pompe à rotor excentré, représenté en France par Variflo, propose également une gamme très large de solutions en termes de matériaux : Viton pour les solvants ou les hautes températures, céramique, acier trempé, carbure de silicium, inox.
A priori, la fonte au chrome est adaptée à des liquides très abrasifs, la fonte haute dureté à des liquides abrasifs et l'Inox 316 à des liquides très peu abrasifs. « Mais dans le choix de la métallurgie du corps de pompe, »
il faut établir un compromis entre la résistance et la dureté du matériau », souligne Jean-Marie Vandeput. Ainsi, si la très grande résistance de la fonte au chrome permet le refoulement d’un liquide très abrasif, elle présente l'inconvénient d’être très cassante et un simple caillou en pulvérisera la roue. Pour le refoulement de liquides sableux et contenant des graviers, on lui préférera un corps de pompe avec un revêtement ou en fonte haute dureté. Et si, en plus, ce liquide présente un caractère acide, avec un pH inférieur à 4 (comme dans les réservoirs de rétention des eaux des industries chimiques de l’étang de Berre), on lui préférera un corps en Uranus (Inox duplex). Outre le choix des métallurgies, l'installation de la pompe est également un paramètre capital pour garantir une bonne longévité des pièces d'usure. C'est pourquoi PCM vient de mettre sur le marché des ensembles entièrement préfabriqués intégrant des pompes péristaltiques (gamme Delasco) et/ou des pompes à rotor excentré (série EcoMoineau) destinées au pompage du lait de chaux ou de la barbotine de charbon actif. Ces ensembles (LimeSkid) intègrent toutes les contraintes d'installation liées à la nature du produit pompé y compris les séquences de lavage sur arrêt afin de réduire les problèmes d'usure par abrasion.
CE2A, qui importe en France les pompes submersibles Tsurumi, propose pour le pompage d'eaux chargées et très abrasives son modèle KRS2-100 ou 150, construit en fonte au chrome dur (420 Brinell), tournant à 1 500 tr/min et disposant, en bout d'arbre sous la crépine, d'un agitateur délayeur mettant en suspension les particules contenues dans le liquide avant de les pomper. Cela a permis à CE2A de devenir leader de la vente de pompes submersibles dans les centrales à béton en France pour y pomper en recyclage et traitement des eaux à pH basique, chargées en sable, laitance et graviers. Ces pompes avec agitateur peuvent fonctionner dans des liquides chargés jusqu'à des siccités de 25 à 30 % et sont aussi utilisées en pompage de boues, de bentonite, de curage de lagunes, curage d'égouts, de bassins de rétention, évacuation avec très peu d'eau de granulats d'une granulométrie allant jusqu'à 35 mm. Elles fonctionnent aussi à sec, ce qui permet d'atteindre l'épuisement complet. Une autre gamme de ce type de pompe est disponible également chez CE2A en pompes de surface avec motorisation essence, diesel, électrique ou hydraulique.
Pomper pour protéger l'environnement
Aujourd’hui, les installations les plus courantes qui impliquent le pompage de liquides très visqueux et abrasifs relèvent du respect de la protection de l'environnement. L'industriel étant taxé au mètre cube rejeté, il cherche à réduire le volume de ses résidus liquides. Et, en bout de circuit, le traitement des eaux industrielles de ses installations aboutit bien souvent à la filtration des boues par filtre-presse, afin de séparer les parties solide et liquide. « Pour atteindre ce résultat, les toiles filtrantes du filtre doivent se colmater progressivement jusqu'à atteindre une perte de charge de 15 bars, en moyenne », souligne Alberto Lerussi, responsable de la ligne de produits Versa-Matic chez Lewa. Cette contre-pression progressive en aval de la pompe correspond à une perte de charge pour la pompe. « Dans le cas d'une pompe centrifuge, sa vitesse de rotation peut varier entre 1 000 et 3 000 tours/minute pour l'adaptation du débit et de la pression mais conduit à un phénomène d’érosion dû au caractère abrasif du liquide », souligne Alberto Lerussi. Pour les liquides visqueux, la pompe centrifuge est exclue, mais ce n'est pas le cas si la pompe est pneumatique à double membrane.
En effet, celle-ci s’opposant par principe à la contre-pression qu'elle subit en aval, sa cadence et son débit de pompage atteignent leur maximum en début de pompage, lorsque les toiles filtrantes sont propres et à pression atmosphérique. Puis, la contre-pression augmentant dans le filtre-presse du fait du colmatage des toiles filtrantes par les matières solides, sa cadence de pompage diminue. Et la pompe s’arrête d’elle-même en équipression (à l'équilibre des pressions entre pression d’alimentation en air et perte de charge au refoulement de la pompe) correspondant à l’atteinte de l’objectif de filtrage. « Avec une pompe pneumatique à double membrane, la cadence du mouvement alternatif des membranes est en moyenne de 200 coups par minute et ne dure que le premier quart d’heure d’une pressée, ce qui limite le phénomène d’érosion des corps de pompe. »
Chez Lewa, toutes les boules des clapets des pompes pneumatiques à double membrane pour les applications filtre-presse sont lestées afin d’assurer l’étanchéité entre boules et sièges de clapets. Pour ce faire, elles sont constituées d'un noyau métallique entouré d'un élastomère (Néoprène, Buna ou PTFE). « Dans le cas du pompage de liquides très visqueux, nous incorporons des boules de clapet en inox afin de gagner encore en densité au niveau des clapets de pompe », précise Alberto Lerussi.
À en croire l'expérience des constructeurs, la capacité d’adaptation des pompes aux besoins des clients permet de refouler sans mal bien d’autres liquides que l'eau claire. À eux, Champagne !