Le VHU (Véhicule Hors d'Usage) possède désormais un point de ralliement : le D2R, centre de Dépollution, de Recyclage et de Réemploi. Le pilote du Groupe PSA-CFF " fait un malheur " : l'acier et les métaux non ferreux broyés, triés, affinés, sont revendus en sidérurgie-métallurgie tandis que les rebuts de broyage automobile (RBA), calorifiques, alimentent le four cimentier Vicat. Mais le recyclage des plastiques est aussi amorcé et le groupe Renault-Elf Atochem-Valcor innove, de l'usine de Flins à celle de Villefranche-sur-Saône !
Gisement VHU
Alors que le Salon de l’Automobile 1992 battait fiévreusement son plein sur les nouveaux modèles, pimpants et sophistiqués, plusieurs colloques s’interrogeaient sur le sort des anciens, perclus et défraîchis (1). Le « Mondial » donnait ainsi l’occasion aux professionnels de faire le point sur le devenir des véhicules en fin de vie, hors d’usage, déchets dits « VHU ».
La question n’est pas originale, puisque la chronique nous apprend que le traitement des épaves de la circulation était déjà une préoccupation administrative au XVIIe siècle en France : un édit de 1648 était déjà promulgué contre les coches abandonnés encombrant les rues de la capitale ! La déprise des coches à chevaux au profit des engins à moteur à explosion n’a fait qu’accentuer l’embarras... La progression du parc automobile français est significative : on comptait 1 700 véhicules en 1889, on en enregistrait 2 millions en 1939, puis 19 millions en 1982. Comme la durée de vie d’un véhicule atteint 10 à 12 ans, il faut s’attendre à un gisement minimal de VHU atteignant 1,8 million/an. Pour l’ensemble de la CEE, on estime à 10 millions le nombre de véhicules retirés de la circulation et détruits chaque année. (De Kilmaine, président national des Démolisseurs d’Automobiles, Colloque SIA, octobre 1992).
Où s’éliminent ces VHU ? Si l’on sait comment sont créées les voitures, on ignore souvent comment elles disparaissent : « Où emmènent-ils donc ma bonne vieille Peugeot défunte » ? L’origine des VHU collectés est toutefois connue (figure 1) :
• par achats directs : les particuliers apportent volontairement leur véhicule à la casse, soit 33 % ;
• par les compagnies d’assurances, qui aident à trouver un acheteur pour les véhicules accidentés dont la valeur vénale est inférieure au coût estimé des réparations mais se trouve justifiée par la valorisation sous forme de pièces d’occasion, la carcasse partant à la ferraille, soit 40 % ;
• par les constructeurs et réseaux commerciaux, car lors de la vente de véhicules neufs, les concessionnaires, succursales et agents de marque sont amenés à reprendre des VHU (état, faible valeur des véhicules, obligations contractuelles et politique d’assainissement du marché) par contrats avec les entreprises de démolition, soit 25 % ;
• par l’Administration, lors de ventes aux enchères de ses véhicules (ou de ceux provenant des fourrières municipales et préfectorales) pratiquées par les Domaines, soit 2 %.
Profession : démolisseur
La casse s’est anoblie. « Max et les ferrailleurs », pittoresques précurseurs, ont fait place aux spécialistes du négoce des matières premières secondaires. Le démolisseur est devenu un professionnel disposant de moyens techniques spécifiques de désassemblage et de valorisation dans le but de faire le commerce de pièces détachées réutilisées et de revendre métaux et ferrailles remis dans le circuit d’alimentation des fonderies et des usines sidérurgiques. La France, qui a été choisie au plan européen pour étudier le traitement des VHU, a défini par son groupe de travail les règles du traitement :
• dépollution ; retrait de la batterie, vidange du carburant, séparation des fluides, huiles et liquides de refroidissement ;
(1) Colloque du Syndicat National des Ferrailles (SNF), sur « L’Automobile verte » (1992), colloque de la Société des Ingénieurs de l’Automobile (SIA), avec Sfip-Ademe « Valorisation des véhicules hors d’usage » (octobre 1992), après les colloques de VEFE « Vers une Europe de l’Environnement », du CNPA et d’Exporec.
- • démontage de certaines pièces mécaniques, moteurs, boîtes de vitesses, transmissions, radiateurs et machines tournantes (alternateurs et démarreurs) susceptibles d’être rénovées, ou de certaines pièces de tôlerie intéressantes à réintroduire dans le circuit économique en tant que pièces d’occasion (ailes, portes...) et des pots d’échappement pour la récupération des métaux précieux (platine) ;
- • désassemblage de composants non métalliques afin de réduire la proportion de stériles et en vue d’une valorisation matière ou énergétique : plastiques, caoutchouc et verre principalement ;
- • broyage permettant la séparation de la carcasse dépolluée et désassemblée en trois constituants : les métaux ferreux, au taux de 70-72 %, très bien recyclés, les métaux non ferreux, à raison de 2 à 5 % du poids de carcasse, bien recyclés également, et les stériles de broyage qui représentent 25-26 % du véhicule en poids, actuellement mis en décharge (soit 250 kg pour un VHU d’une tonne).
La mise en service en Europe au cours de cette dernière décade de quelque 200 broyeurs a permis de définir trois fractions principales après broyage des VHU :
- l’acier, récupéré sous forme de ferraille broyée, vendu à la sidérurgie, en particulier pour les fours électriques ;
- les métaux non ferreux, principalement Al, Cu et Zn, récupérés par flottation et induction, et revendus ;
- les résidus de broyage des automobiles (RBA), ou « stériles » de broyage, représentant au plan national un flux de 400 kt/an, allant malencontreusement en décharge au tarif moyen de 120 F/t (soit une charge pour les exploitants de broyeur de l’ordre de 48 MF, ou 7 M Ecus) (Dr E. Le Roy, Commission des Communautés Européennes, Colloque SIA, octobre 1992).
A remarquer que cette demande de ferrailles en aciérie représente un débouché considérable : la production européenne de 136 Mt/an en 1990 entraîne en effet une consommation de 56 Mt/an de ferrailles (dont 41 Mt du négoce). En première approche, on peut dire qu’entre les chutes neuves et les vieilles ferrailles de VHU, le secteur automobile contribue pour plus de 30 % à l’offre de ferrailles en Europe, les VHU et rechanges apportant à eux seuls 25 % de cette offre (figure 2-1). Le taux de récupération des vieilles ferrailles approche 38 % en 1990, mais la prévision d’évolution des besoins révèle un déficit par rapport à l’offre globale : ce déficit pourrait être comblé en portant à 46 % le taux de récupération à l’horizon 1995 (B. Gros, Usinor-Sacilor, Colloques SIA, octobre 1992). La conjoncture apparaît donc favorable à ce créneau d’activité VHU quand on souligne que les métaux restent les matériaux majoritaires en construction automobile. L’analyse des livraisons matières à l’industrie automobile le confirme (figure 2-2). Un avenir lumineux semble promis au démolisseur moderne de VHU ainsi qu’aux Centres D2R (Dépollution, Recyclage et Réemploi) encore au stade pilote.
Y a-t-il un pilote dans l’Atelier-Pilote ?
Le pilote d’application pré-industriel situé à Saint-Pierre-de-Chandieu, près de Lyon, constitue à cet égard une première mondiale : afin d’accentuer le recyclage des matériaux de VHU dans l’optique du concept « Zéro décharge » (concept ambitieux, irréalisable certes dans son intégralité, mais très stimulant), deux grands noms de l’industrie automobile, Peugeot et Citroën du groupe PSA, alliés à la Compagnie Française des Ferrailles (CFF) et au cimentier Ciments Vicat, ont élaboré et mis en service depuis juin 1991 le premier D2R. Le pilote s’articule autour de trois axes :
- une unité de prétraitement Ecoval assurant dépollution et désassemblage, avec 6 postes de vidange des fluides, dépose des mousses de siège, enlèvement successif d’une partie des vitrages, pare-brise et lunette arrière, puis récupération des pneumatiques après retrait des roues, dépose du groupe motopropulseur, du radiateur, des équipements périphériques, enfin démantèlement des pièces plastiques et des vitrages latéraux (l’atelier concept PSA/CFF traite aujourd’hui 2 VHU/heure, soit 7 040 véhicules pour la durée de l’étude de 2 ans, avec une équipe de quatre personnes travaillant 8 h/j, désassemblant ainsi 16 VHU/j, pour 2 lignes parallèles en 6 postes). À noter que les pièces thermoplastiques comme les pare-chocs sont broyées à l’état de granulés qui, après reformulation, peuvent être réutilisés par fusion. De même, les pièces thermodur
cissables, broyées jusqu’à 100 µm de finesse, avec des fibres de verre, sont susceptibles de réemploi à raison de 5 à 10 % dans les formulations. Le verre broyé en calcin, recyclable par fusion, trouve des applications en fonction de sa pureté. Les carcasses désassemblées seront ensuite traitées dans l’unité classique de broyage automobile ;
- • une ligne de broyage-déchiquetage traditionnelle, avec séparateurs Purmet (broyeur de 3 000 CV pouvant absorber 250 000 VHU/an, soit 1 000 VHU/j) comportant tapis vibrants, tamis, tambours magnétiques et inducteurs, d’où les métaux ferreux sortent en tôles froissées destinées à l’industrie sidérurgique de seconde fusion, et d’où les non-ferreux partiront vers l’affinage (flotation, criblage) avant leur reprise en métallurgie ;
- • une unité de valorisation des RBA dite Valerco, partie la plus innovante du pilote, faisant subir aux RBA des opérations de tri par aspiration, magnétisme, antimagnétisme et criblage qui conduisent finalement à la séparation des matériaux suivants :
- — caoutchoucs (20 % des RBA), dont le broyage par couteaux rotatifs délivre des poudrettes réutilisables soit comme agrégat routier, soit comme combustible de substitution avec un PCI de 8 000 th/t ;
- — minéraux fins (39 % des RBA), obtenus par criblage à moins de 25 mm, consommables en travaux publics ;
- — particules métalliques, ferreuses et non ferreuses reprises en circuit métallurgique (3,5 % des RBA) ;
- — particules de polymères, mousses, tissus, papier, plastiques, bois (37,5 % des RBA) résultant du criblage supérieur à 25 mm, rebroyées en particules homogènes de moins de 15 mm, séparées par ventilation en plastiques légers et plastiques denses.
Le four cimentier Vicat, d’une grande capacité thermique, travaillant à des températures supérieures à 1 500 °C, consomme 1 000 th/t de clinker, soit 100 kg de fioul. Les combustibles résiduaires : poudrette de caoutchouc, plastiques légers et denses, concurrencent avantageusement ce fioul à un prix de revient de la thermie bien inférieur. De plus, le caractère basique des minéraux introduits dans le four rotatif facilite la rétention des cendres et sels métalliques piégés dans la masse de clinker.
Dès lors, on peut répondre affirmativement à la question posée : il y a bien un pilote ! Le premier bilan de l’atelier-pilote laisse apparaître un pourcentage de valorisation voisin de 95 %, dont 3 % en réemploi direct, 13 % en conversion énergétique et 79 % en réutilisation des matières premières secondaires (figure 5) (I. Trocherie, PSA et J.-M. Del Vecchio, CFF, Colloque SIA, octobre 1992).
(2) En ce qui concerne les caoutchoucs, les pneus usagés non rechapables (PNUR) font toujours l’objet de recherches en pyrolyse et dépolymérisation. Récemment, l’usine de la Malle des Ciments Lafarge — dans les Bouches-du-Rhône — a entrepris de brûler 6 000 PNR/jour et ceci 24 h/24 h, comme carburant d’appoint pour la cuisson du four à chaux vive.
Le recyclage des plastiques de VHU
L’industrie automobile française est entièrement concernée : si PSA traite à Saint-Pierre-de-Chandieu 3 600 VHU/an, de son côté Renault recycle écologiquement 4 000 VHU en son centre de Flins. Pour le problème des plastiques, tandis que PSA s’allie avec DSM pour les pare-chocs en polypropylène et à Du Pont pour les boîtes à eau en polyamide, Renault mène des études exemplaires avec Appy D2P et Plastic Omnium pour les pare-chocs en PP et avec RP pour les enjoliveurs en PA. Mais c’est la synergie Renault-Elf Atochem qui semble innovante en valorisation des matières plastiques de VHU. Ce partenariat débouche sur un programme R & D ayant reçu le label du Ministère de l’Industrie. Il concerne la recyclabilité de quatre matières plastiques :
- — PVC des batteries ;
- — PMMA, polyméthacrylate de méthyle, Altuglas, des phares et compteurs ;
- — PA, polyamide des tubes de circuit électrique ;
- — et surtout le PP, polypropylène des pare-chocs.
Trois modes de valorisation des objets plastiques récupérés sont envisageables :
- — valorisation matière pour des pièces volumineuses aisément démontables, en matériau de seconde génération ;
- — valorisation thermique, incinération avec récupération d’énergie, valable surtout pour les RBA ;
- — valorisation chimique par retour aux monomères et matières premières, qui concerne en particulier les polymères de condensation.
Ce marché n’est pas négligeable, puisque le secteur automobile constitue l’un des débouchés les plus importants en volume pour les matières plastiques, soit 8 à 10 % et environ 350 kt en 1992. D’ailleurs, la composition des véhicules fait apparaître une participation variant de 6 à 18 % (« Espace » de Matra Automobile) pour les matières plastiques (A. Jean, Elf-Atochem, Colloque SIA, octobre 1992). À propos de la carrosserie polyester du véhicule « Espace », le nouveau centre d’Athis-Mons maîtrise le démontage initial (gamme de démontage en
SITUATION ANTERIEURE | AUTOMOBILES POUR MÉMOIRE EN FIN DE VIE | COMPOSANTS | % POIDS | % POIDS VALORISÉ | VALORISATION |
---|---|---|---|---|---|
FLUIDES 1 % | DÉPOLLUTION FLUIDES | 2,0 | 2,0 | ÉNERGIE | |
BATTERIE 1 % | BATTERIE | 5,0 | 5,0 | MATIÈRE | |
VERRE | 3,0 | 2,0 | MATIÈRE | ||
MOUSSE SIÈGE | 4,0 | 4,0 | REMploi | ||
DÉSASSEMBLAGE | 2,0 | ÉNERGIE | |||
CAOUTCHOUC | 4,0 | 4,0 | RÉNO | ||
POLYMÈRES | 7,5 | 2,5 | MATIÈRE | ||
TOTAL DÉSASSEMBLAGE | 12,0 | ||||
ENTRÉES BROYEUR 98 % | ENTRÉES BROYEUR | 88,0 | |||
FERREUX 70 % | BROYAGE-TRI FERREUX | 70,0 | 70,0 | MATIÈRE | |
M.N.F. 4 % | M.N.F. | 4,0 | 4,0 | MATIÈRE | |
R.B.A. 24 % | R.B.A. | 14,0 | |||
COMBUSTIBLE | C.E.T. TRAITEMENT DES R.B.A. DE SUBSTITUTION | 9,0 | ÉNERGIE | ||
DÉCHETS ULTIMES | 5,0 | C.E.T. | |||
REMploi 3 % |
BILAN VALORISATION BILAN VALORISATION = 95 %
MATIÈRE 74 % ÉNERGIE 13 %
MATIÈRE 79 %
43 secondes des 95 % de la carrosserie) afin d’assurer une nouvelle vie au plastique SMC/BMC. Valcor, qui représente en France le métier des thermodurcissables, préconise le recyclage en fabrication à hauteur de 10 % de polyester SMC/BMC, le prix de revient devenant comparable dès que l’on intègre le facteur « densité plus faible » et l’économie de la mise en décharge (M. Marcellas, Matra Automobile, Colloque SIA, octobre 1992).
Le cas du PP vaut également d’être signalé (6 à 10 kg/VHU de pare-chocs en PP). Ce plastique, qui se distingue par une surface non polaire, nécessite pour la peinture le déploiement de prétraitements appropriés : pose d’une couche primaire, flammage, ponçage, traitement plasma ou corona, afin de garantir la bonne adhérence de la peinture. Autant de difficultés à vaincre pour éliminer cette peinture avant recyclage. Une addition de seulement 5 % de rebroyé peint aux produits vierges détermine une chute notable des caractéristiques mécaniques, tandis que des « points blancs » révèlent des résidus de peinture. Cependant, la filtration des particules de peinture dans le PP fondu rend possible le recyclage des pare-chocs peints (B. Gastine, Hoechst France, Colloque SIA, octobre 92).
Les investigateurs se sentaient dès lors assurés qu’un gisement de boucliers pouvait fournir un matériau de seconde fusion aux caractéristiques suffisamment proches de la matière d’origine pour envisager sa réutilisation dans la même fonction, seule la présence des pare-chocs peints dégradant les propriétés d’impact à froid du matériau. Renault et son partenaire équipementier Plastic Omnium mettent en place, au début de 1992, une logistique de récupération des pare-chocs « Clio » :
- • C2P, filiale de Cookson et Metaleurop, traite en camion-broyeur l’ensemble des pare-chocs complets ;
- • le réseau pièces de rechange Renault collecte les pièces usagées et regroupe celles-ci dans ses centres de distribution ;
- • les broyats de PP sont acheminés à l’usine C2P de Villefranche-sur-Saône, où ils sont triés et compoundés.
L’objectif ambitieux du recyclage isofonction du PP, c’est-à-dire dans la même application, est atteint, et, dès 1993, des véhicules Renault circuleront dotés d’éléments de pare-chocs issus de cette filière (J.-P. Bauchel, V. Connesson, Renault, Colloque SIA, octobre 1992).
Voilà comment le VHU, triste épave d’aujourd’hui, collabore à l’automobile discrète, silencieuse, non polluante, économe, confortable et puissante de demain !