La loi de 1964
La mise en œuvre d’une véritable gestion intégrée des ressources en eau est recherchée depuis longtemps. La loi de 1964 en a posé les fondements. Concilier les exigences de l'ensemble des usages de l’eau et celles de la vie biologique figure en préambule dans l'article premier de la loi. Elle fournit les moyens tant juridiques que financiers pour que s’organise cette gestion autour d’un territoire privilégié : le bassin hydrographique.
C’est ainsi que des établissements publics rassemblant personnes publiques et privées, habilités à percevoir des redevances, peuvent être créés sur un bassin ou fraction de bassin, ou dans une zone de-
[Photo : Contrats de rivière (au 31 décembre 1986).]
terminée. Ils ont pour objet : la lutte contre les pollutions, la défense contre les inondations, l'entretien ou l'amélioration des cours d'eau, des lacs et des étangs non domaniaux, des canaux et fossés d'irrigation ou d'assainissement (articles 16, 17 de la loi).
Pour bien gérer, il faut connaître : la loi prévoit un inventaire général périodique du degré de pollution des eaux superficielles.
Enfin, il faut réglementer et contrôler : tout fait susceptible d'altérer la qualité des eaux superficielles ou souterraines, tout travail susceptible de modifier le régime ou le mode d'écoulement des eaux doivent être autorisés.
La loi de 1964 n'a pas connu une application exhaustive, et en particulier aucun établissement public de bassin n'a vu le jour : procédure trop lourde dit-on, mais aussi difficulté de faire cohabiter personnes publiques et personnes privées dans un organisme qui risque d'être largement dominé par les premières. La mise en place dans le même temps des Agences financières de Bassin et peut-être le manque d'autonomie des collectivités locales n'ont sans doute pas été favorables à leur création. Un essai a pourtant été tenté sur la Lys, l'une des quatre opérations-pilotes lancées en 1973 pour tester la procédure des décrets d'objectifs de qualité.
L'innovation essentielle introduite par la loi de 1964 en matière de gestion des eaux a été et reste la création des Agences financières de Bassin. Leur importance n'a cessé de croître. C'est en leur sein que s'exerce, par le Comité de Bassin, la confrontation des usages et des usagers de l'eau. Néanmoins, l'échelle du grand bassin est trop vaste et n'est pas à même de résoudre tous les problèmes que suppose une véritable gestion intégrée des rivières, en particulier ceux posés par leur gestion quotidienne.
Les procédures de planification en matière de gestion des eaux
C'est au travers des problèmes de qualité des eaux que se sont mises en place les procédures qui, depuis 15 ans, voudraient aboutir à planifier et programmer les interventions le long d'un cours d'eau. La plus ancienne est la politique dite d'objectifs de qualité, les plus récentes sont les schémas d'aménagement des eaux et les schémas de vocation piscicole.
C'est en s'appuyant sur une connaissance du cours d'eau acquise au travers
[Photo : Carte d'objectifs de qualité : situation au 1ᵉʳ avril 1986 (ministère de l'Environnement).]
de l'inventaire national de la pollution, mais aussi au travers de nombreuses études menées par les services de l'État ou des Agences, puis sur une large concertation des parties intéressées, que sont fixés les objectifs de qualité... cartes qui sont élaborées au niveau institutionnel du département, où elles doivent recueillir l'avis, sinon l'accord, des conseils généraux, des chambres consulaires et du conseil départemental d’hygiène. La procédure qui prévoit de solliciter les avis de la région et du bassin oblige à prendre en considération la dimension géographique du bassin versant.
Un seul décret d’objectif de qualité a été pris en 1977 sur la Vire, la Douve et ses affluents, en application stricte de la loi de 1964, concrétisant l’une des quatre opérations-pilotes lancées en 1973, mais plus de 80 % des départements disposent, à l'heure actuelle, d’une carte d’objectifs de qualité. Sans valeur juridique particulière, ces cartes doivent constituer un véritable guide à l’action réglementaire et à la programmation des crédits de l'État et à l'action des collectivités.
Suite logique aux cartes départementales d’objectifs de qualité, les schémas d’aménagement des cours d’eau doivent prendre en compte à la fois les aspects qualitatifs et quantitatifs de l'aménagement des eaux. Comme les cartes d’objectifs de qualité, ils doivent faire l’objet de larges consultations au niveau local, mais à l’inverse, ils sont pour l’instant élaborés bassin par bassin, sans qu’existent encore (sauf dans les départements bretons) des schémas départementaux d’aménagement des eaux.
Des rivières propres aux contrats de rivière
Cartes d’objectifs de qualité et schémas d’aménagement des eaux constituent des instruments de planification essentiels pour une gestion intégrée des cours d’eau, mais comment faire pour que des programmes coordonnés soient mis sur pied ? Comment faire pour que ces programmes deviennent des actions ? Comment faire pour que les différents maîtres d’ouvrage : collectivités locales et personnes privées — industriels ou riverains — agissent de façon coordonnée et responsable le long du cours d’eau qui traverse leur territoire et qu’ils exploitent.
[Photo : Des rivières propres...]
Dès 1973, on a tenté de procéder par l’exemple. De nombreuses opérations « rivières propres » ont été lancées : la Lys, l’Ellé, la Vire, la Haute-Moselle, le Lot, l’Armançon, le Sèvre-Nantaise, la Liepvrette, la Dore, etc., dont le but était plutôt d’inciter à l'amélioration de la qualité des eaux et donc de ne prendre en compte qu’une des composantes de la gestion. Les études auxquelles elles ont donné lieu, les travaux d’assainissement entrepris par les communes ont, semble-t-il, conduit à une certaine prise de conscience par ces dernières de la nécessité d’une gestion qui ne s’arrêterait pas à la seule reconquête de la qualité des eaux mais à celle du cours d’eau : à la restauration du lit et des berges, à la gestion piscicole, à la mise en valeur des paysages, à son entretien.
Ce sont souvent d’anciennes opérations « rivières propres » qui ont abouti à partir de 1981, aux premiers contrats de rivière : Armançon, Sèvre-Nantaise, Loiret, pour lesquels la région a été partie prenante puisqu’ils sont souvent aussi des contrats particuliers des contrats de plan.
C’est encore à titre d’exemple que le ministère de l'Environnement intervient financièrement pour subventionner les contractants. Seize, bientôt dix-huit, contrats sont signés engageant les collectivités territoriales et maîtres d’ouvrage privés à restaurer et à mettre en valeur en cinq ans leur cours d’eau. Cinq contrats sont à l'étude. Si l'on cherche à estimer le caractère exemplaire de ces opérations, on peut faire le constat que dans un département où un premier contrat a été signé, un deuxième contrat est souvent en projet.
Cette procédure contractuelle qui engage chaque partenaire, l'État étant ou non l’un d’entre eux, sur un programme concret approuvé par tous mais limité dans le temps, apparaît comme un bon instrument pour aboutir à ce qu’il se réalise dans une vision globale des différentes fonctions du cours d’eau : ressource, milieu, cadre de vie. La décentralisation et les responsabilités dévolues aux collectivités locales en matière d'eau comme en matière de gestion de leur territoire favorisent très certainement cette démarche. Il est toutefois trop tôt pour juger si le deuxième objectif poursuivi par cette approche contractuelle est atteint, c’est-à-dire mettre en place une organisation capable de prendre en charge la gestion quotidienne du cours d'eau restauré, de l’entretenir, de veiller au bon fonctionnement des ouvrages.
Permettre que s’organisent ceux qui sont responsables de la gestion des eaux, leur fournir les outils nécessaires tant réglementaires que pratiques sera, sans nul doute, encore dans les objectifs prioritaires du ministère de l’Environnement les prochaines années. Les missions que M. Carignon a instaurées récemment vont s’y efforcer, l’une en proposant les nécessaires réformes et simplification du droit de l'eau, l’autre en recherchant à mettre en place une politique de gestion globale « en incitant tout spécialement les intéressés au regroupement au sein d’entités dont la vocation sera la gestion des rivières considérées comme un patrimoine, qu'il convient de protéger, conserver et mettre en valeur ».