Your browser does not support JavaScript!

Veille technologique sur nos déchets (2ème partie)

30 septembre 1994 Paru dans le N°175 à la page 25 ( mots)

La veille sur nos déchets doit nous maintenir les yeux et l'esprit grand ouverts sur le réemploi de l'emballage (fûts métalliques et plastiques), l'innocuité et la régénération de nos solvants. L'impact de nos déchets urbains envahissants nous incite, non seulement à l'incinération propre, mais à la minéralisation, l'hydrolyse et la thermolyse qui libèrent des matières premières et des matériaux utilisables, alors que la crainte de contamination par les déchets toxiques, déchets à risques, stimule notre recherche vers des solutions d'hygiénisation. Sinon, gare aux nuits blanches !

Les entreprises françaises connaîtraient-elles une embellie économique ?

L’analyse du chiffre d’affaires de plus d’une centaine d’entreprises de tous secteurs (en particulier celui des biens d’équipement) semblerait confirmer un revirement (revue « La Tribune », mai 1994). Cet indice signifierait que nos capitaines d’industrie ont réalisé le fait que la mutation est inévitable et que la récession ne correspond pas à une perturbation passagère et conjoncturelle. Il est vrai que notre pays a manifesté comme un refus d’obstacle devant l’entrée dans la civilisation post-industrielle, celle des services, de l’immatériel et de l’échange. Pas un seul réseau national de PME françaises ne se trouve capable de souscrire à un appel d’offres européen (M.-E. Leclerc « Branchons-nous sur la planète », revue L’Express, mai 1994).

(1) La première partie de cet article est parue dans le n°174 de juin 1994 de la présente revue.

La veille technologique, et non la somnolence sur d’anciens lauriers, fait partie de nos armes de reconversion (2).

L’essor des techniques membranaires, entre autres technologies d’avenir, est un fameux exemple de cette veille et de cette innovation perpétuelles :

- membranes denses pour perméation gazeuse (H₂), pervaporation (séparation de solvants azéotropiques) ; - membranes poreuses d’ultrafiltration, microfiltration, nanofiltration (traitement des eaux industrielles, valorisation des composés du lait, concentration de biopolymères), d’osmose inverse (dessalement, recyclage (3)) ; - membranes échangeuses d’ions par électrodialyse (déminéralisation du lactosérum et d’eaux, récupération de métaux, régénération d’acides et bases) ; - membranes liquides avec extractants sélectifs (valorisation des ressources pauvres, élimination des traces de polluants) (figure 1).

Recyclages métallurgiques

Vis-à-vis des sables de fonderie, utilisés en grandes quantités pour le noyautage dans le secteur de l’automobile, le groupe PSA, dans son installation Citroën, aux Ayrelles (Ardennes), a donné l’exemple depuis 1981 : l’installation Lurgi de régénération thermique fonctionne en continu, à proximité de l’atelier de décochage des culasses de la fonderie d’aluminium. De même, le procédé thermique Sun Sand, récemment mis en service à Saint-Chamond (Loire) par les sociétés FMI et Clarea, restitue également aux sables de fonderie usagés les qualités du sable neuf grâce à un lit fluidisé mis sous pression partielle d’oxygène, après broyage, déferraillage, séchage et décapage mécanique.

Du côté des fûts, on éprouvait des difficultés à s’en resservir car les récupérateurs, ferrailleurs et broyeurs s’inquiétaient, à juste titre, des risques de contamination et d’explosion dus aux résidus de lubrifiants, hydrocarbures et produits chimiques divers adhérant à leurs parois. D’autre part, les aciéristes

(2) Voir dans le n°173 de mai 1994 de L’Eau, l’Industrie, les Nuisances l’article intitulé « Ré-ingénierie des déchets ».

(3) Voir « Traitement des effluents industriels par les membranes » C. Menjeaud (Agel) et D. Grange (Société du Matériel Perrier), revue L’Eau, l’Industrie, les Nuisances n°162, mars 1993.

Éprouvaient quelques craintes quant aux qualités de l'acier secondaire obtenu après refonte de ces fûts.

Les fours électriques de la Sollac, en remplacement des hauts-fourneaux, acceptent les ferrailles en utilisant le procédé Drum Recycle. Sollac, premier producteur européen d’aciers plats, après inventaire des résidus des emballages vidés : déchiquetage-neutralisation-compactage permettent le retour en aciérie (figure 2). D’autres sociétés comme Sfanid Renov’ Cuves dans ses ateliers de Goussainville (Val-d’Oise) et Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) disposent même d’unités mobiles, et Rhodarec SA, du groupe Blagden, récupère et rénove les fûts plastiques et métalliques à Saint-Pierre-de-Chandieu (Rhône).

La maîtrise des fûts chez Hoyer France & Sandouville (Seine-Maritime) est certaine, autant pour les emballages en PEHD (polyéthylène haute densité) que les containers en acier. Après lavage et neutralisation, ces emballages passent au déchiqueteur semi-automatique.

L’installation Redoma a été conçue pour des besoins limités à la récupération des câbles. L’unité décompose mécaniquement les déchets de câbles, séparant les métaux constitutifs (Fe, Cu) et autorisant le recyclage des produits finis.

Rappelons que la CFF (Compagnie Française des Ferrailles), qui s’est fait un renom dans le recyclage des véhicules hors d’usage, va réaliser une vingtaine de centres, dont celui d’Athis-Mons (Essonne), en partenariat avec Renault.

Solvants dans le vent

Mis en accusation, d’une part pour leur toxicité de COV (composés organiques volatils) et leurs propriétés photo-oxydantes en troposphère, d’autre part pour leur participation aux phénomènes de dérèglement climatique (effet de serre et altération de la couche de Halley), nos chers solvants connaissent une réglementation très contraignante (interdiction de certains solvants chlorés, récupération et régénération des solvants usagés) ; aussi, la Fédération des Industries mécaniques (7 000 entreprises utilisatrices de solvants), l’Union des Industries de la Chimie avec Elf Atochem et Solvay ont-ils signé une convention d’entraide pour assurer la réduction des émissions et la promotion de la collecte sélective. En particulier, Elf Atochem a créé Eco-Per, filiale d’Elf et de SARP Industries, qui reprend les résidus du dégraissage métallique et du nettoyage à sec des pressings. Régénérés par distillation, garantis stabilisés, ils retournent aux utilisateurs producteurs. Cette régénération de solvants (procédé SNF de SARP Industries) intéresse les solvants chlorés, non chlorés et spécifiques (figure 3). Même démarche pour DOW France, avec ses distributeurs de solvants et la division PEC Tredi d’EMC Services, qui appliquent leur « Charte des solvants chlorés » et livrent aux clients un solvant régénéré garanti avec des spécifications précises. Chez les producteurs d’hydrocarbonés oxygénés,

[Photo : Technologie d’extraction liquide-liquide par membranes émulsionnées (d’après le Laboratoire de chimie nucléaire et industrielle de l’ECP, 1993)]
[Photo : Logigramme du fût d’acier en recyclage (d’après Sollac du groupe Usinor-Sacilor et Syndicat français de l’industrie des fûts en acier – SFIFA, 1994)]
[Photo : Filtre de régénération de solvants SNF du groupe Sarp-Industries, mars 1993]

Exxon a répliqué par son association avec Scori qui les récupère après usage et assure leur destruction par incinération en cimenterie, moyennant une teneur en chlore inférieure à 2 %.

Des initiatives plus spécifiques existent, comme celle de la SNPE qui, dans son usine de Pont-de-Buis (Finistère), collecte des eaux de procédé contenant éthanol et acétone en faible teneur et arrive à les séparer par stripping à la vapeur, les rectifier et les recycler. Safety-Kleen France met à disposition une « fontaine à solvant » en vue d’un nettoyage rationnel des pièces mécaniques avec reprise périodique par la société, qui en assure la maintenance. En construction automobile, l’usine Peugeot de Montbéliard (Doubs) régénère ses purges de solvants, xylène et acétate de butyle, dans une unité de peinture, pour les réutiliser en complément avec du produit neuf dans les circuits de rinçage. Ajoutons les procédés de destruction Socrematic, dont le système Combu-Changer réalise une oxydation thermique des COV à bas coût sur lit de gravier porté à la température d’auto-ignition, suivie d’une récupération thermique par échangeur secondaire afin de produire de la vapeur. Le Gremi, Université d’Orléans, propose l’incinération des vapeurs de solvants organiques par dissipation d’énergie électrique sous forme d’arcs glissants le long d’électrodes profilées.

Réveil sur les déchets agro-urbains

Après l’engouement pour la collecte sélective (figure 4), comme celles de Tri-selec à Dunkerque, MOS (Monin Ordures Services) à Voreppe (Isère), Novame Onyx & Gueugnon (Saône-et-Loire), les investigations se diversifient vers des procédés économiques de valorisation des résidus solides urbains. Des bureaux d’ingénierie, à l’instar de Proval à Bihorel (Seine-Maritime) et Agro Développement SA à Saint-Quentin-en-Yvelines, offrent des possibilités de valorisation agronomique par l’ouverture de débouchés commerciaux des boues de stations d’épuration urbaines et industrielles, des déchets ménagers, des effluents et déchets industriels biocompatibles, des déjections animales des élevages (périmètres d’épandage, marchés, filières de traitement, chaulage, compostage, séchage, commercialisation et suivi agronomique).

Le fractionnement des résidus solides urbains est a priori digne d’intérêt puisqu’il permet le recyclage intégral des ordures sans nécessité de tri en amont. La société Sol, de Saint-Chamas, dans la région PACA, commercialise un procédé de minéralisation longuement expérimenté en usine-pilote à Corbas (Rhône). Après broyages successifs et démétallisation, les déchets y sont mélangés à des liants et des réactifs (dont CaCO₃, Ca(OH)₂) et passent dans un réacteur sécheur-malaxeur composé de chambres réactionnelles. Le séchage est réalisé sous vide avec récupération de l’énergie dissipée de vaporisation. Le produit sortant est valorisable en tant

…que matériau routier (dit Geogreen), compost (Compostgreen) de siccité 70-80 %, engrais (Fitogreen) de siccité 70-95 %, ou encore combustible (Cobugreen) de siccité supérieure à 98 % avec un PCI de 14 500 kJ/kg (figure 5).

D’autres procédés s’attaquent aux agro-ressources et aux déchets végétaux (oléagineux, lignocellulosiques, déchets agricoles et agro-alimentaires, amidons). C’est l’hydrolyse à la vapeur en réacteur bi-vis cuiseur-extrudeur de Clextral-Clextra qui délivre, moyennant des réactifs, soit des arômes et huiles essentielles, des polysaccharides de structure (épaississants, gélifiants) ou encore des oligomères (édulcorants, synthons) avec un résidu cellulosique exploitable (matériaux allégés, supports). Valagro offre des services similaires avec sa plateforme de valorisation par l’hydrolyse acide après trituration puis passage au réacteur bi-vis. Ce succès se justifie par l’exploitation des plumes de volaille dans l’usine BCF (Bretagne Chimie Fine) à Pleucadeuc (Morbihan), où l’hydrolysat de kératine conduit à l’extraction valorisante de deux amino-acides soufrés : cystine et cystéine.

Cependant, le recyclage des déchets organiques par compostage intégral continue à être rentable, et la plate-forme de Saint-Didier-La Tour (Isère) de Méthallyc, dont l’exploitation est assurée par Trivalor et Méthallyc, produit un compost conforme à la qualification « Végéterre » de l’ADEME (figure 6). De même, l’incinération des résidus urbains de Carrières-sous-Poissy (Yvelines), telle qu’elle est vue par Novergies du groupe Lyonnaise des Eaux, paraît faire de l’usine d’incinération en construction un modèle sans équivalent en France, voire même en Europe, ce qui enthousiasme M. Péricard, maire de Saint-Germain-en-Laye (« Marché Azalys », revue Environnement et Technique, n° 136, mai 1994).

Pourtant la critique est sévère sur le procédé d’incinération, même s’il comporte récupération de chaleur et traitement des fumées : on lui reproche d’être une solution lourde, mal adaptée aux petites capacités, et qui s’intègre mal en sites urbanisés. On dit aussi que le bilan énergétique de l’opération n’est pas toujours satisfaisant, car électricité ou vapeur générées ne répondent pas nécessairement aux besoins effectifs. Enfin, on ajoute que la combustion est incomplète : le traitement des fumées d’incinération produit de grandes quantités de boues dont l’admissibilité en décharge apporte des sujétions, et les mâchefers résiduels sont sujets à lixiviation, de sorte que leur réutilisation directe dans les remblais routiers est contestable. Sur ce dernier point, Yprema, première entreprise indépendante d’Île-de-France dans le domaine du recyclage des matériaux pour le BTP, entend créer un centre de traitement des mâchefers d’incinération à Lagny-sur-Marne (Seine-et-Marne). Étanche, équipée d’un système de dépoussiérage performant, d’un caoutchoutage des trémies et de capotage des convoyeurs (pour la réduction du bruit), ce centre pourrait constituer un débouché salvateur pour des productions de « déchets de déchets » qui encombrent les CET (Centres d’Enfouissement Technique).

Une alternative intéressante au compostage et à l’incinération est la thermolyse, qui s’apparente à la minéralisation et à l’hydrolyse précédemment citées. La CGC (Compagnie Générale de Chauffe) vient d’ouvrir à Vernouillet (Eure-et-Loir), avec le concours de l’IFP (Institut Français du Pétrole) et ACMI, une station de thermolyse destinée aux déchets urbains, boues de stations d’épuration, déchets hospitaliers et industriels (refus de broyage automobile, plastomères, composites d’emballages). L’opération comprend un broyage-séchage, une thermolyse dans un four tournant à basse température (500 °C), en milieu réducteur, à pression atmosphérique et obtention d’un coke sous forme de combustible liquide utilisable dans des installations thermiques à fuel lourd (PCI : 5 600 kcal/kg) : le Carbor. Cette thermolyse s’accompagne d’un recyclage des gaz et hydrocarbures issus de la réaction pour l’alimentation des générateurs de chaleur, d’une déchloration des solides carbonés par lavage, d’une démétallisation du Carbor par décendrage (flottation et agglomération sélective).

Maladies en sous-sol

Le Laboratoire Central des Ponts et Chaussées (LCPC) a conçu un prototype de forte puissance à micro-ondes pour effectuer le désherbage des cultures maraîchères et la stérilisation des sols. Les micro-ondes s’appliquent également à la décontamination des déchets à risques, déchets de soins et déchets hospitaliers. Le groupe Perin de Charleville-Mézières (Ardennes) a mis au point un broyeur avec vis pour le traitement sous champ de micro-ondes qui fournit la température de décontamination. Le STH (Société des Techniques d’Hygiène) en Haute-Loire, du groupe Esys-Montenay, entraîne les résidus par une vis sans fin dans un tunnel où, dans un premier temps, on injecte de la vapeur. Puis, humidifiés, ces déchets passent sous une batterie de générateurs à micro-ondes, technologie propre, qui ne produit ni rejets liquides ou gazeux, ni sous-produits dangereux. Mais Cultimat propose ensuite le broyage des résidus puis leur désinfection à l’aide d’une forte concentration d’ozone créée par un dispositif original.

Ainsi, savoir écouter, regarder, analyser, comprendre et interpréter sont les qualités requises pour réaliser une veille technologique efficace. Un récent colloque sur l’emballage et le packaging nous stimulait dans ce sens : « Vous êtes curieux de nature, vous êtes attentif au monde qui nous entoure ». Avec les informations qui vous ont marqué, qui vous ont étonné, vous ont paru originales, vous possédez l’essentiel pour vous permettre d’innover pour traiter vos déchets et ceux des autres.

[Photo : Fig. 4 – La pratique généralisée de la collecte sélective en France.]
[Photo : Fig. 5 – Procédé de valorisation des déchets urbains (d’après G. de Blangy et O. Minghi, 1994).]
[Photo : Fig. 6 – Recyclage par compostage des déchets organiques par le procédé Méthallyc-Trivalor (Exporc, 1994).]
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements