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Valorisation et commercialisation des composts. Définition des marchés

28 decembre 1983 Paru dans le N°79 à la page 50 ( mots)
Rédigé par : F. MILLET

Spécialisés comme cabinet d’étude et d’ingénierie dans le traitement et la valorisation des déchets organiques, notre objectif consiste à définir et à concevoir des filières de traitement qui permettent d’obtenir un prix de revient minimum sur les produits traités, tout en offrant la possibilité d’envisager une valorisation compte tenu de la composition physico-chimique du produit fini ainsi élaboré.

Parmi les filières que nous avons cherché à développer et à promouvoir, se trouvent le compostage ou fermentation aérobie contrôlée, qui assure une dégradation de la matière organique et permet d’obtenir des produits finis commercialisables, car ils correspondent théoriquement, de par leurs caractéristiques analytiques, aux besoins du marché. Il existe un très grand nombre de produits dénommés « compost » et, d’autre part, la filière de traitement dite de compostage permet, suivant les contraintes précises d’exploitation, d’élaborer des produits très différents par leurs effets agronomiques et leur composition. Nous allons essayer de montrer la grande diversité des produits et des marchés existants, sans pour autant entrer dans le détail qualitatif et quantitatif des marchés, pour lesquels des analyses de marketing précises seraient nécessaires. Les fabricants d’engrais et d’amendements organiques ne trouveront donc là aucune information qu’ils ne connaissent déjà. Par contre, nous espérons pouvoir éclairer de façon assez précise les producteurs de déchets sur la complexité des marchés et la nécessité absolue de ne pas croire qu’il suffit seulement de produire un compost de qualité pour qu’il soit vendu.

Nous pourrions dans ce domaine nous référer malheureusement à un grand nombre d’exemples, où les composts restent invendus. Nous souhaitons donc pouvoir faire bénéficier de notre expérience ceux qui envisageraient de réaliser une installation de compostage à partir des déchets et des sous-produits dont ils disposent.

Nous préciserons en particulier la définition et les caractéristiques techniques de filières de compostage telles que nous avons été amenés à les étudier et à les concevoir, en raison de la nature et de la diversité des déchets et sous-produits que nos clients devraient traiter. Il est en effet très difficile de déduire la nature et les caractéristiques chimiques des engrais organiques de la filière de traitement dont elles sont issues, compte tenu de la spécificité de chacune d’elles.

* Journées Information Eaux 82, Poitiers.

PRÉSENTATION DE LA COMPOSITION ANALYTIQUE DES COMPOSTS ET ENGRAIS ORGANIQUES

Un certain nombre de tableaux regroupent les principales compositions analytiques des matières premières ou de produits finis, disponibles sur le marché.

Chacun de ces produits organiques présente des caractéristiques différentes et a subi des dégradations différentes en fonction des traitements utilisés.

Les schémas ci-joints impliquent le processus de décomposition des matières organiques tout en soulignant la sensibilité des préparations à un grand nombre de paramètres physiques et chimiques. Ceux-ci confirment les hétérogénéités analytiques qu’il est possible de trouver dans un même produit et bien évidemment dans des produits différents même si les procédés de transformation sont identiques.

[Schéma : Processus de décomposition des matières organiques (Source : 1977)]

Les matières premières utilisées sont généralement extrêmement diverses et dépendent principalement des sources possibles d’approvisionnement locales, étant entendu que l’incidence du coût de transport sur des produits de ce type est élevée, qu’elle peut même être rédhibitoire si la valeur analytique est trop faible comme dans le cas de boues résiduaires liquides (voire même pour des fumiers de bovins au-delà de 150 km).

Les matières premières les plus couramment utilisées sont en mélange, les écorces, les copeaux, les boues de papeterie, les fumiers, les marcs de raisin, les anas de lins, les déchets d’abattoirs et sous-produits animaux, les sciures, la paille, les tourteaux dénaturés, le sang séché, les algues...

Dans le cas de produits riches en azote, les dégagements de gaz ammoniac peuvent être importants. Afin de limiter ces pertes on emploie des matériaux tels que :

  • — les algues calcaires broyées,
  • — les écailles de crustacés broyées,
  • — les poudres de roches siliceuses (basalte, granit, porphyre...),
  • — les mousses de tourbe, etc.

La législation a permis de classer un certain nombre de produits au sein de deux normes :

  • — norme AFNOR 44051 pour les amendements organiques à base de matière organique à dominante végétale,
  • — norme AFNOR 44551 pour les supports de culture.

Les trois appellations : engrais organiques ‑ amendements organiques ‑ support de culture, sont là pour témoigner de la diversité des effets agronomiques des différents produits organiques existant tout en soulignant que les fabricants cherchent bien naturellement à obtenir et à proposer aux utilisateurs des produits les plus polyvalents possible, afin de limiter le nombre de fabrications dans la gamme, avec tous les avantages économiques que l’on devine. Les tableaux 1 à 3 donnent la composition des différents éléments qui peuvent servir de base aux composts.

Tableau 1

COMPOSITION COMPARÉE DES BOUES ET DU FUMIER

Boues Fumier
Carbone % ................. 33,5 36,2
Azote total % .............. 3,9 2,2
Phosphore total (P₂O₅) % ... 5,7 1,3
Potassium (K₂O) % .......... 0,48 2,8
Calcium % .................. 4,9 2,6
Magnésium % ................ 0,54 0,7
Sodium % ................... 0,57 0,3
Soufre % ................... 1,1 0,7
Ba % ....................... 0,02
Fe % ....................... 1,1
Al % ....................... 0,4
Mn ppm ..................... 260
B % ........................ 33
Mo % ....................... 4
Co % ....................... 30
Hg % ....................... 5
Pb % ....................... 500
Zn % ....................... 740
Cu % ....................... 850
Ni % ....................... 82
Cd % ....................... 16
Cr % ....................... 890

— Pour les boues, valeurs médianes d’un grand nombre d’échantillons de boues de différents types (Sommers 1977).

— Pour le fumier, valeur moyenne d’un nombre élevé d’échantillons, d’après Jouis et Hangard (1957) et Juste (1976).

(Valeurs rapportées à la matière sèche)

Tableau 1

COMPOSITION MOYENNE DE DIVERS ENGRAIS ORGANIQUES (valeurs exprimées en % de la matière sèche)

Produit Azote total Azote ammoniacal P₂O₅ K₂O
Litière 0,6 à 0,9 0,3 à 0,4 2,3 à 2,8
Fumier de ferme (20 % MS) 0,5 à 0,8 0,1 à 0,2 0,3 à 0,5 0,5 à 0,7
Boues liquides activées (20 % MS) 0,8 à 1,6 0,2 à 0,3 0,4 à 0,8 0,3 à 0,5
Boues liquides non activées (10 % MS) 0,2 à 0,5 0,1 à 0,2 0,2 à 0,4 0,3 à 0,4

Tableau 2

COMPOSITION CHIMIQUE DE QUELQUES AMENDEMENTS ORGANIQUES

Produit Composition
Compost de broussailles C 4 à 20 ; N — ; P₂O₅ — ; K₂O —
Fumiers N — ; P₂O₅ 2 ; K₂O 5 ; C/N 0,08
Composts urbains N 2 à — ; autres valeurs non précisées
Boulet P₂O₅ 23 ; MgO 50 ; C/N 0,11
Poudrette fine N 0,12 ; P₂O₅ 2,33
Vinasses de vin valeurs non précisées
Houes de lin séchées tamisées C 18 ; N 0,05 ; K₂O 0,12
Rochers phosphatés N 0,03 ; P₂O₅ 0,10 ; K₂O 0,41 ; MgO 0,83 ; SiO₂ 3,30 (apporte surtout SiO₂ = 44,3)

LES DIFFÉRENTS MARCHÉS UTILISATEURS D'ENGRAIS ET D'AMENDEMENTS ORGANIQUES

Il existe un grand nombre de consommateurs potentiels pour ces types de produits qui se répartissent suivant les catégories suivantes :

  • les jardins publics et privés,
  • le maraîchage (de plein champ et en serre),
  • les cultures spécialisées telles l'horticulture,
  • la grande culture type céréalière.

Pour chacun de ces marchés, il existe des produits aux caractéristiques techniques très différentes et pour lesquels les conditions de fabrication ne peuvent être les mêmes de par la nature des matières premières utilisées, du temps nécessaire à leur fabrication et des modes de conditionnement. Ils constituent généralement des cibles distinctes en termes de marketing pour les fabricants car les effets recherchés par les utilisateurs sont très distincts. Le maraîcher, par exemple pour des cultures en serres, sera plutôt à la recherche de support des cultures alors que le jardinier amateur recherchera un produit polyvalent du type engrais organique. Le céréalier pour sa part sera intéressé par un amendement organique de fond qui lui permettra de restituer progressivement à son sol sa fertilité face à des apports réguliers d'engrais minéraux. Pour ces raisons, et dans le cadre des divers tableaux schématiques illustrant cet article, nous souhaitons rappeler brièvement le rôle de la matière organique et de l’azote dans un sol, afin de mieux comprendre les motivations des différents utilisateurs potentiels.

1. La matière organique

Une fois enfouie dans le sol, la matière organique, quelle que soit sa nature, subit une attaque des micro-organismes et de leurs enzymes et sera décomposée par :

  • minéralisation rapide d'une fraction avec libération de CO₂, H₂O, NO₃⁻,
  • simplification de la fraction hydrosoluble (sucres, peptides, acides organiques et phénoliques), qui va s'infiltrer dans le sol puis être dégradée à un rythme variable dépendant du milieu physico-chimique,
  • décomposition plus lente de la fraction insoluble (cellulose, lignine, hémicellulose).

Le siège de ces transformations permet à la matière organique d'évoluer progressivement d'un stade dit d'humus jeune à un stade d'évolution plus avancé que constitue l'humus vieux. Ce dernier participe de façon fondamentale à la structure du sol et à la stabilité de sa valeur fertilisante par le biais du complexe absorbant.

La matière organique peut émaner de deux origines :

  • soit provenir de plantes jeunes, pauvres en cellulose et en lignine, mais riches en azote ; le rapport C/N est alors faible et ces plantes sont dites améliorantes car la minéralisation est intense (engrais verts). Pour évoluer jusqu'au stade d'humus, les conditions d'une néo-formation sont indispensables ;
  • soit provenir de résidus de récolte (racines, chaumes) ou d'amendements organiques (fumier), dont le rapport C/N est élevé ; on peut considérer qu'intervient un apport d'humus hérité.

2. L'azote

Dans le sol, il se produit une succession de phénomènes nécessaires à la transformation de l'azote organique en azote minéral assimilable par les plantes :

[Photo : Schéma général de l’évolution des matières organiques dans le sol]
  • humidification pour la décomposition de la matière organique,
  • ammonisation pour la transformation de l'N organique en N ammoniacal,
  • nitrification pour la transformation de l'ammoniaque en nitrites puis en nitrates (NO₃⁻) plus facilement assimilables par les plantes.

L'azote participe directement au développement de l'appareil végétatif. Il est indispensable de connaître l'état exact de l'azote apporté car, suivant les périodes, celui-ci sera fixé dans le sol ou, au contraire, lessivé. Il pourra par ailleurs être directement assimilable (nitrates) ou, à l'inverse, peu utilisable (ammoniacal).

Tant par la teneur que par la nature de cet azote, il faut faire coïncider au mieux les périodes de libération d'azote avec les besoins à long terme ou immédiats des plantes.

Nous opposerons schématiquement ci-après l'évolution de deux produits organiques différents, après enfouissement.

a) MO : C/N élevé > 15  
Humidification → Minéralisation → Nitrification → NO₃⁻  
HUMUS STABLE

b) MO : C/N faible < 10  
NH₃ → NO₃⁻

Dans le premier cas, et contrairement au second, l'azote assimilable est obtenu, en grande partie, après passage par le stade « humus ».

Les phases de minéralisation et nitrification sont favorisées par un pH neutre et par certaines conditions de température et d'humidité (chaleur et quantité d'eau suffisante alliées à une bonne aération). À noter que le phénomène inverse de réorganisation peut être observé en périodes froides ou sèches ou après apport important de résidus carbonés dans le sol.

LES CONDITIONS DE COMMERCIALISATION

ASPECTS FINANCIERS

CONTRAINTES ÉCONOMIQUES

À l’image des marchés, les circuits de distribution sont bien différenciés.

Si nous prenons l’exemple du marché des jardins qui apparaît souvent à tous comme le plus important, nous trouvons pour 11 millions de jardins en France :

  • - les produits « engrais et amendements organiques » ne représentent que 8 % du chiffre d’affaires total des achats effectués pour le jardin (490 millions de francs pour 6 250 millions en 1978) ;

Parmi les circuits de distribution, nous trouvons principalement :

  • - les pépiniéristes, horticulteurs (vente directe avec achat de plants) : 16,55 % ;
  • - les commerces types hyper, supermarché et garden center : 12,35 % ;
  • - les quincailliers : 11,90 % ;
  • - les marchands grainetiers : 11,60 % ;

Parmi le nombre de points de vente existants en 1979, nous trouvons :

  • - hyper (disposant d’un rayon jardin) : 378 ;
  • - bricolage : 977 ;
  • - marchands grainetiers : 3 891 ;
  • - jardineries : 407 ;
  • - grossistes : 638.

La longue liste des produits organiques disponibles sur le marché témoigne de la grande variété des compositions et des qualités de produits qu’il est possible d’y trouver ainsi que de la diversité des circuits de distribution empruntés par chacun d’eux.

CONCLUSION

Cet exposé ne peut être considéré que comme une analyse succincte des principales données du marché des engrais et des amendements organiques. Nous avons souhaité insister sur la diversité des marchés et des produits, beaucoup plus pour informer les industriels ou les collectivités qui souhaiteraient transformer leurs déchets en compost de l’impérative nécessité d’étudier préalablement le marché local et ses potentialités. Ces données sont prioritaires pour définir ensuite les conditions techniques de fabrication des produits et les matériels qui seront nécessaires.

Le rôle des bourses de déchets

dans la valorisation des déchets industriels

L’exemple de l’Île-de-France

Michel GOLINELLI Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris

Après des débuts en Autriche, la Chambre de Commerce de Hambourg a créé une Bourse des déchets en 1973. Dès le milieu de 1974, les 73 Chambres de Commerce allemandes se sont unies pour fonder une Bourse de résidus nationale dont les Chambres locales constituent autant d’antennes sur le plan régional.

En France, la première Bourse de déchets a été créée en juillet 1976 par la Chambre régionale de Commerce et d’Industrie Champagne-Ardennes. Cette première expérience a servi d’exemple aux autres réalisations et notamment à la Bourse de déchets industriels d’Île-de-France mise en place en 1978.

Le rôle de la Bourse des déchets

Les industriels ont depuis plusieurs années ressenti le besoin de mieux connaître les problèmes de déchets qu’ils rencontrent.

À côté des interlocuteurs administratifs (Agence de bassin, Service de l’Industrie, Agence nationale pour la récupération et l’élimination des déchets — ANRED) intervenant sur un aspect réglementaire ou spécifique, le renforcement des services offerts par les Chambres de Commerce et d’Industrie s’imposait donc.

En liaison et en collaboration avec les services administratifs existants, la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris et la Chambre régionale de Commerce et d’Industrie d’Île-de-France ont formalisé l’assistance qu’elles offraient aux chefs d’entreprise par la création de la Bourse de déchets industriels d’Île-de-France.

L’originalité de cette expérience consistait à renforcer les services par une action de sensibilisation en faveur de la protection de l’environnement et de la valorisation des résidus non recyclés.

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