Description et montage du Centre de Sandouville
L’industrialisation de la Basse-Seine date du lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Entre 1955 et 1970, de nombreuses industries – surtout du domaine de la pétrochimie – viennent s’installer sur les terrains des différents ports autonomes.
En 1974, à l’instigation du Ministère de l’Environnement et des collectivités locales, les industriels forment une association, la SOCDI, qui procède à un inventaire des déchets à traiter, à partir duquel est lancé un appel d’offre pour la construction et l’exploitation d’un Centre collectif de traitement des déchets industriels de la région.
Le maître d’ouvrage de ce Centre est finalement constitué en société d’économie mixte, la SEMEDI, dans le capital de laquelle figurent, outre la SOCDI, les collectivités locales, les Chambres de Commerce, le Port Autonome du Havre et la Caisse des Dépôts et Consignation.
La construction et l’exploitation sont confiées au groupement formé de Tunzini, constructeur, et Sedibex pour l’exploitation.
Données techniques et économiques
Descriptif technique
Les deux chaînes associent en parallèle un four tournant de 12,5 m de long et 4 m de diamètre pour les solides, une tour de post-combustion de 13 m de haut et 20 m² de section pour les liquides, une chaudière de récupération vapeur et un électrofiltre double ou triple champ. Les solides brûlent environ 45 mn à 1 000 °C, les liquides passent au minimum 2 secondes à 900 °C. Le PCI moyen des déchets, imaginé à 6,5 kth/t à l’inventaire de 1974, est en réalité de 2,9 kth/t, permettant néanmoins l’auto-combustion.
[Photo : Centre collectif d’incinération de déchets industriels de Sandouville (Capacité 125 000 tonnes/an).]
[Photo : Production et consommation d'énergie électrique.]
[Photo : Courbe d'évolution des tonnages reçus au CRIBS.]
[Photo : Fourniture de vapeur.]
La nature des déchets (erreurs de fabrication ou sous-produits, par essence aléatoires et variables) donne au Laboratoire un rôle primordial afin de maîtriser totalement stockages et process. Après acceptation du déchet basée sur une analyse poussée d’un échantillon (soufre, chlore, PCI, métaux lourds,...) et une bonne connaissance des process industriels de fabrication et produits utilisés, le Laboratoire planifie les réceptions, analyse et contrôle les déchets en cours de livraison et donne les consignes de dépotage, stockage et exploitation pour assurer aux personnels et aux matériels une sécurité maximale.
L'ensemble du process d'incinération et de ses sous-produits (mâchefers, cendres, rejets) est soumis à des normes et contrôles très stricts.
Le Centre reçoit et traite environ 120 à 125 000 t de Déchets Industriels Spéciaux par an et fonctionne en continu 24 heures sur 24 et 365 jours par an.
Au plan thermique, les deux lignes d'incinération fonctionnent quasiment sans apport calorifique à l'exception d’une « allumette » au gaz propane (20 t/mois). La baisse régulière des PCI des déchets, liée à la récupération/valorisation effectuée par les industriels eux-mêmes, a cependant nécessité de privilégier l’adjonction, en plus des déchets réguliers, de déchets légers à haut PCI, dont le Centre assure la valorisation thermique qui peuvent représenter environ 3 à 4 000 t/an.
Les deux chaudières de 2 250 m² de surface d’échange permettent de récupérer 70 t/h de vapeur surchauffée à 43 bars et 350 °C. Après détente à 20 bars dans un turbo-alternateur de 947 kW, fournissant environ 90 à 95 % des besoins du Centre soit près de 7 000 000 kWh, la vapeur à 20 bars est livrée grâce à un réseau purement industriel de 4 km, à quatre usines du Port Autonome du Havre (Goodyear, Eramet, Lubrizol, Hoyer). 230 000 tonnes, soit 18 000 TEP sont ainsi valorisées chaque année, sans compter l'auto-production électrique et l’auto-consommation de vapeur nécessaire au fonctionnement du Centre (assistance vapeur aux brûleurs de déchets liquides, maintiens et réchauffages…).
Description économique
L'investissement cumulé et actualisé du Centre, réalisé par la SEMEDI et aidé par l’Agence de l’Eau Seine Normandie, représenterait aujourd'hui environ 280 millions de francs.
Le prix moyen de traitement des
déchets à Sandouville est d’environ 1000 F/t, mais la réalité va de 0 à 2500 F/t selon le PCI, la toxicité, les quantités, la présentation ou les manipulations spécifiques (fûts, réchauffage, stockage isolé ou inertage pour les solvants). Ce prix moyen relativement bas est dû à une disponibilité exceptionnelle du Centre, supérieure à 92 %, face à des coûts essentiellement fixes, aux engagements des industriels membres de la SOCDI, qui assurent près de 55 % des apports de déchets, ainsi qu’à la valorisation énergétique.
Les négociations de raccordement au réseau vapeur industriel sont parfois longues, du fait des investissements induits (8,5 MF pour le dernier raccordement), du calage des tarifs de substitution et de leur évolution dans le temps, de la livraison non garantissable et au fil de l'eau, et des garanties nécessaires en termes de quantités livrées et de durées d’engagement. L'expérience a montré à chaque raccordement (Goodyear en 1977, Eramet en 1981, Hoyer en 1988, Lubrizol en 1992) qu’une fois passé le cap des négociations contractuelles, la confiance s’instaurait, comme le montre la reconduction régulière des engagements et la fiabilité du partenariat, qui permet à certains d’arrêter totalement leurs installations propres d’appoint-secours sur une grande partie de l'année.
Il est à noter en outre que ce réseau vapeur, par la substitution d’énergie fatale à 18 000 tonnes de combustibles fossiles, a apporté une réduction importante et économiquement intelligente des émissions d’oxydes de soufre sur le Port Autonome du Havre.
La vapeur vendue est valorisée au prix de substitution fuel lourd pour les industriels, soit actuellement aux alentours de 50 F/tonne, avec des formules d’indexation sur les prix internes de fabrication vapeur. La vente vapeur, intégralement reversée aux industriels membres de la SOCDI en réduction des coûts de traitement, représente environ 11 millions de francs par an.
Éléments contractuels
Les clauses du contrat d’exploitation signé entre la SEMEDI, propriétaire du Centre, la SOCDI, associant les industriels abonnés, et la Sedibex, comprennent une clause d’abonnement, réservée aux membres de la SOCDI co-fondateurs du centre, aux termes de laquelle l’exploitant s’engage à traiter prioritairement les déchets des abonnés, et les abonnés à apporter un tonnage minimum de produits à traiter ; le prix de traitement final tient compte des recettes de ventes d’énergie au prorata du PCI des déchets et du partage des résultats du centre. Cet engagement réciproque et le fonctionnement «à livre ouvert» du Centre ont eu des effets particulièrement heureux et n’ont pas peu contribué à créer un climat de confiance.
Problèmes et perspectives
Au-delà des adaptations permanentes des installations aux nouveaux déchets ou à leurs évolutions, et à l’amélioration de la sécurité pour éviter les manipulations humaines (presse à fûts automatique, inertage des zones à risques, automates) les investissements en cours concernent :
- • Un traitement des fumées pour atteindre en deux étapes (1996 et 1999) et en anticipation des échéances les normes très contraignantes de la Directive Européenne, non encore traduite en droit français (10 mg/Nm³ en poussières et en chlore, 0,1 ng pour les dioxines et furanes...), pour un investissement d’environ 70 millions de francs. Grâce à un travail important et ambitieux avec la DRIRE et l’Inspection des Installations Classées, le Centre de Sandouville a mis en place en août 1995 le premier arrêté d’exploitation en France entièrement conforme à la Directive Européenne de décembre 1994 sur l’Incinération des Déchets Industriels Spéciaux.
- • Les contrôles et traitements des sous-produits, notamment pour les mâchefers, avec des contrôles très stricts et la participation depuis 18 mois sous l’égide du Centre de Recherche et d’Essais pour l’Environnement et le Déchet (CREED) à l’expérimentation-test de valorisation sur la plateforme de Brest, ainsi que l’inertage des fines d’électrofiltres, pour lesquelles, au-delà des solutions appliquées dont les surcoûts ont explosé sur les deux dernières années du fait de solutions techniques souvent surdimensionnées ou peu adaptées, plusieurs recherches sont en cours (solidification, extraction de fraction soluble par lavage, vitrification, enrobage...).
- • L’extension des capacités de livraison de vapeur pour les clients actuels, et l’étude pour la réalisation d’une installation centralisée de production de vapeur en appoint secours du réseau et des chaufferies des industriels.
- • L'optimisation du bilan énergétique et des procédés actuels ainsi que l’étude de techniques ou besoins nouveaux (déchets banals industriels souillés,...).
En conclusion
En conclusion, l’expérience du Centre de Sandouville basée dès l’origine sur des partenariats forts entre Industriels, Collectivités territoriales, Tutelles, Installateurs et Sedibex pour l’exploitation et patiemment construite sur les 18 ans de vie du Centre, a permis la mise en place dans la confiance d’un outil fiable et pérenne au service des Industriels, de l’Énergie et de l’Environnement.
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