, Service de Contrôle des Eaux VILLE DE PARIS*.
I. — INTRODUCTION
Le goût, l'odeur, la limpidité sont les seuls paramètres directement appréciés par le consommateur. C'est la raison pour laquelle les qualités organoleptiques des eaux destinées à la consommation humaine ont toujours été un sujet de préoccupation pour les traiteurs d’eau même si le produit responsable n'est pas toxique.
Les différentes origines possibles des goûts de l'eau sont :
- — les rejets industriels et agricoles,
- — les rejets urbains traités ou non,
- — les produits de décomposition des matières organiques,
- — les métabolites élaborés et sécrétés par certains micro-organismes (actinomycètes, algues), voir figures 1 et 2.
D'après CESS (3), les principaux responsables sont les rejets industriels, les métabolites élaborés par les micro-organismes, les rejets domestiques.
SIGWORTH (9) a pu établir que les goûts anormaux de l'eau de distribution étaient dus, dans 80 % des cas, à des métabolites d'algues ou d'actinomycètes, et pour 38 % des cas seulement à des rejets industriels.
Dans cette étude, nous nous sommes intéressés uniquement aux goûts de moisi, terre et vase produits par les métabolites d'actinomycètes ou d'algues.
* 144, avenue P.-V.-Couturier, 75014 PARIS.
plus particulièrement la géosmine, le diméthyl isobornéol et la mucidone.
En effet, les traitements classiques sont quasi inefficaces vis-à-vis de ces composés.
Les traitements d’oxydation ne sont pas très efficaces, comme l’a démontré SILVEY (11), qui signale que le bioxyde de chlore a une faible action tandis que l’ozone, le brome, l’oxygène sont sans effet.
Le seul oxydant réellement actif étant le permanganate de potassium mais à des doses incompatibles avec la potabilité de l’eau.
SILVEY (11) et BRETTER (2) signalent que certains composés élaborés par les actinomycètes pourraient devenir malodorants au cours de la chloration. Il faut traiter à plus de 50 mg/l de Cl₂, sinon les seuils de goût peuvent être multipliés par 2 ou 3 (12). Les autres moyens d’élimination de ces goûts ont été étudiés. La coagulation par les sels d’aluminium ou de fer peut éliminer certains composés.
La mucidone, un peu polaire de par son groupement O = C <, est beaucoup mieux éliminée par le floc.
Les autres composés ne sont pratiquement pas éliminés. Les mêmes résultats sont obtenus avec les sels de fer et les polyélectrolytes (6).
Le charbon actif est connu pour ses propriétés d’adsorption et d’élimination des mauvais goûts. Des essais faits par DOUGHERTY (5) ont montré que l’on pourrait éliminer la mucidone avec des taux de charbon actif en poudre de l’ordre de 25 ppm.
Mais, comme nous venons de le mentionner, cette élimination peut être attribuée à la porosité particulière de ce métabolite.
Le même auteur a parallèlement montré que le pH était pratiquement sans effet sur cette élimination.
Charbon actif en poudre (ppm) | % d’élimination de la mucidone | Seuil d’odeur |
---|---|---|
0 | 0 | 300 |
10 | 51 | 100 |
20 | 82 | 50 |
25 | > 90 | 2 |
pH | % d’élimination de la mucidone |
---|---|
4 | 45 |
6 | 32 |
7 | 25 |
8 | 36 |
9 | 36 |
Pour la géosmine, des essais effectués au laboratoire du Service de Contrôle des Eaux de la ville de Paris ont montré qu’il fallait 200 ppm de charbon actif en poudre pour avoir un traitement éliminant efficacement les goûts de moisi. Ces traitements nécessitent des équipements spéciaux n’existant pas dans la plupart des établissements filtrants et s’avèrent, par ailleurs, très onéreux.
Dose de charbon actif en poudre (ppm) | Seuil de goût | Goût |
---|---|---|
30 | 15 | Moisi / Acre |
50 | 13 | « » |
70 | 10 | « » |
80 | 8 | « » |
90 | 4 | « » |
150 | 2 | « » |
200 | 2 | « » |
La filtration sur charbon actif en grains est efficace au début du traitement mais, dès un à deux mois, il y a risque de relargage des composés. Une étude financée par l’Agence de Bassin Seine-Normandie* a permis de confirmer ces résultats, tant sur les usines de la ville de Paris que celles de la Société Lyonnaise des Eaux.
HOHEN (7) signale que le traitement biologique permet d’éliminer ces goûts ; en effet, la bactérie Bacillus cereus synthétise une enzyme qui permet l’hydrolyse de la molécule de géosmine.
VAJDIC (15) signale aussi qu’un traitement aux rayons γ permet une bonne élimination des goûts de moisi d’origine biologique.
Devant les difficultés rencontrées dans l’élimination de ces composés sapides, il nous a semblé très intéressant d’étudier l’action d’une irradiation par faisceaux d’électrons à haute énergie.
En effet, le mode de traitement, comparable au rayonnement γ, est beaucoup plus pratique d’emploi et les risques plus limités. Il ne nécessite, en effet, aucun stockage de sources radioactives et peut être interrompu à la demande par simple interruption des courants électriques. Cet avantage incontestable prend toute sa valeur si l’on considère les dangers que font encourir, non seulement la dissémination et les manipulations de sources radioactives importantes mais, encore, les problèmes que posent l’élimination de leurs déchets.
Une étude préliminaire (18) a montré que l’exposition à l’action d’un faisceau d’électrons de haute énergie ne modifie pas de façon sensible la constitution chimique de l’eau et n’affecte pas ses propriétés biologiques.
* Agence de Bassin Seine-Normandie, 10-12, rue du Capitaine-Mesnard, 75015 Paris. Ces études ont fait l’objet d’un rapport que l’on peut se procurer auprès de cette même agence.
Dans ce travail, les points suivants ont été plus spécialement abordés :
Technique d’irradiation et dosimétrie.
Effet du traitement sur les goûts.
Cette étude analyse la précision et la fidélité des mesures d’irradiation en tenant compte de la pénétration du rayonnement, et sera décrite en détail dans une autre publication.
Effet du traitement sur les goûts.
Dans ce chapitre, on analyse les résultats obtenus aux différents niveaux d’irradiation sur des échantillons d’eau présentant des goûts de moisi, pris en Seine et sur des échantillons plus concentrés produits en laboratoire.
Deux méthodes d’analyse sont utilisées, la détermination du seuil de goût et la chromatographie en phase gazeuse avec recherche spécifique des composés responsables des goûts.
II. — MATERIEL ET METHODES
1 — TECHNIQUES D’IRRADIATION - DOSIMÉTRIE
Suivant la dose choisie, le traitement des échantillons est effectué par :
— un accélérateur industriel pour les hauts niveaux (doses supérieures ou égales à 70 Krad), LE CIRCE,
— un accélérateur médical pour les bas niveaux (doses inférieures ou égales à 70 Krad), LE SATURNE,
— le doublement d’une partie des essais à 100 Krad permet de recouper les résultats obtenus avec les deux machines.
1-1 Traitement haut niveau.
L’accélérateur utilisé est l’accélérateur CIRCE du Centre d’Application des Rayonnements Ionisants de Corbeville (C.A.R.I.C.).
C’est un accélérateur linéaire d’électrons alimenté en énergie par un klystron hyperfréquence à 2 998,5 MHz. Il engendre un faisceau pulsé d’électrons de haute énergie balayant un secteur vertical traversé par les produits à irradier.
Les paramètres utilisés lors des expériences sont :
— énergie : 6 MeV,
— largeur des impulsions hyperfréquences : 3 µs,
— récurrence des impulsions : 140 Hz pour les doses ≤ 500 Krad, 440 Hz pour les doses ≥ 500 Krad,
— largeur du balayage homogénéisé : 40 cm,
— récurrence du balayage : 6 Hz pour les doses ≤ 500 Krad, 3 Hz pour les doses ≥ 500 Krad,
— largeur de la trace du faisceau au niveau du convoyeur : 10 cm.
L’opacité des échantillons est limitée à 2 g/cm² et la largeur de balayage utilisée est limitée à 36 cm pour assurer une bonne homogénéité des doses.
Le réglage de la dose est effectué par une méthode calorimétrique. On mesure l’élévation de température dans des calorimètres défilant à des vitesses régulées sous le faisceau. On en déduit la relation linéaire dose — inverse de la vitesse, et on règle la vitesse du convoyeur à la valeur correspondant à la dose cherchée.
En cours d’irradiation, les sécurités surveillent les paramètres principaux de la machine et du convoyeur. Tout incident entraînerait l’arrêt et le repérage de l’échantillon ayant subi un défaut d’irradiation.
Un contrôle complémentaire est effectué avec des films dosimétriques incorporés aux échantillons. Ce contrôle permet, en outre, de tester l’homogénéité du balayage.
1-2 Traitement bas niveau.
Les accélérateurs utilisés sont des accélérateurs médicaux CGR MeV SATURNE destinés aux traitements du cancer.
Ce matériel permet de délivrer, à la demande, des faisceaux d’électrons ou de photons dans une gamme d’énergie de 6 à 20 MeV. Ces faisceaux sont distribués d’une façon homogène sur des champs réglables carrés pouvant atteindre 400 × 400 mm avec un débit de dose de quelques centaines de rads par minute.
Il est construit à partir d’un accélérateur linéaire d’électrons alimenté en énergie par un klystron hyperfréquence à 2 998,5 MHz. Il engendre un faisceau pulsé d’électrons de haute énergie.
Pour nos expériences, on utilise des faisceaux d’électrons de 9 MeV et des champs de 400 × 400 mm obtenus par un balayage du faisceau analogue à celui d’un écran cathodique de télévision au rapport 1 000 des énergies près.
Pour obtenir une bonne homogénéité de la dose, le balayage couvre un carré de plus de 700 mm de côté et un diaphragme à mâchoires en métaux lourds limite le champ à 400 × 400 mm.
L’énergie est mesurée par une déviation magnétique incorporée à l’appareil, jouant le rôle de spectrographe à électrons.
La dose est mesurée par deux chaînes de mesure indépendantes incorporées à l’appareil : les chaînes sont basées sur deux chambres d’ionisation à gaz traversées par le faisceau. Elles sont étalonnées.
conformément au document I.C.R.U. 21° à partir d'une chambre d'ionisation étalonnée, placée dans un fantôme en eau au voisinage du maximum de dose. L'étalonnage de la chambre est effectué par le L.C.I.E.** à partir d'une source de cobalt 60.
Pendant l'émission, les principaux paramètres, y compris les paramètres du balayage et du faisceau sont surveillés en permanence par un ordinateur doublé pour la dose par des circuits séparés. Toute variation entraînerait l'arrêt de l'expérience et l'affichage des résultats obtenus au moment de l'arrêt.
2 — EFFET DU TRAITEMENT SUR LES GOÛTS
2-1 Matériel.
2-1-1 Échantillon d'eau.
Nous avons étudié deux groupes d'échantillons d'eau :
Groupe A.
Les échantillons sont constitués d'eau brute de la Seine ; prélevés respectivement au droit des prises d'eau de la ville de Paris à Ivry et à Orly.
Groupe B.
Afin de pouvoir détecter plus facilement les métabolites en chromatographie en phase gazeuse, nous avons testé des eaux contenant des métabolites d'algues bleues. Ces eaux sont des extraits à la vapeur de culture d'algues.
La concentration en métabolites est de l'ordre de la centaine de microgrammes par litre (500 à 600 microgrammes/l).
Nous avons été obligés de prendre cet artifice car les irradiateurs utilisés sont des appareils médicaux ou industriels mal adaptés au traitement des liquides. En effet, ils ne permettent d'irradier qu'un litre d'eau à la fois.
2-1-2 Appareillage de détection des métabolites.
* Verrerie classique pour effectuer des extractions :
— ampoule à décanter,
— agitateurs.
* Chromatographes en phase gazeuse
— Pour la détection de la géosmine et de 2-méthyl isobornéol, chromatographe ERBA-SCIENCE : FRACTO VAP 2101 avec colonne capillaire verre et muni d'un injecteur de GROB et détecteur à ionisation de flamme.
* I.C.R.U. : International Commission on Radiation Units and Measurements,
** L.C.I.E. : Laboratoire Central des Industries Électriques,
— Pour l'identification de la géosmine et de 2-méthyl isobornéol, chromatographe VARIAN (1400) couplé avec un spectrographe de masse FINNIGAN 3000, colonne verre semi-capillaire, un mètre de long, 1/8 de pouce.
— Pour le dosage des métabolites organophosphorés, chromatographe TRACOR 550, colonne verre 1/4 de pouce, longueur 1,50 mètre, détecteur à photométrie de flamme spécifique phosphore-soufre et carbone.
2-2 Méthodes.
2-2-1 Traitement des échantillons.
L'étude porte sur deux groupes d'échantillons soumis au traitement sous des doses de 5 Krad à 500 Krad et comparés à des échantillons témoins T.L. (témoin-laboratoire) et T.S. (témoin qui subit toutes les manipulations à l'exception de l'irradiation).
2-2-2 Détermination des seuils de goûts.
En pratique, on estime l'intensité d'un goût ou d'une odeur d'une eau par la mesure du seuil de goût ou l'olfaction après les dilutions successives à l'aide d'une eau de référence inodore et sans saveur, de minéralisation identique à celle de l'eau à tester. En effet, certains éléments minéraux peuvent conférer à l'eau un goût particulier.
La méthode utilisée pour ces essais est la méthode AFNOR décrite par la norme NF T 90035. L'évaluation du goût se faisant à la température de 30 °C.
2-2-3 Identification des composés.
Extraction des composés :
Les échantillons sont extraits à l'éther de pétrole (trois extractions : 100 ‑ 50 et 50 ml) puis concentrés à froid sous jet d'azote jusqu'à un volume final de 1 ml.
Les analyses sont ensuite effectuées en chromatographie en phase gazeuse sur colonne capillaire et détection en ionisation de flamme.
Les conditions de travail sont données dans le tableau I.
Comme les teneurs en géosmine et en 2-méthyl isobornéol sont très faibles, nos résultats présentent surtout un intérêt qualitatif.
Nous nous sommes attachés à l'étude de composés organophosphorés qui accompagnent toujours ces métabolites d'algues. Nous avons aussi étudié l'action de l'irradiation. Leur détection se fait en chromatographie en phase gazeuse et photométrie de flamme avec détecteur spécifique au phosphore. Le tableau II donne les conditions d’analyses.
TABLEAU I
FRACTOVAP 2101
Colonne capillaire diamètre intérieur : 0,25 mm |
longueur : 25 m |
Phase stationnaire OV 101 |
Température de l'injection 230 °C |
Température de la colonne Programmation de 60 °C à 230 °C à 10 °C par minute |
Température du détecteur 230 °C |
Débit de gaz Azote : 6 cm³/min |
Type d'injecteur Splitless |
TABLEAU II
Colonne verre : 1/4 pouce longueur 1,50 m |
Phase stationnaire AC 2000 5 % chromosorb WHP’ |
Température de l'injecteur 220 °C |
Température de la colonne 60-200 °C/10 °C/min |
Température du détecteur 200 °C |
Détecteur Photométrie de flamme spécifique phosphore |
Débits gazeux azote 80 ml/min |
Oxygène 10 ml/min |
Hydrogène 150 ml/min |
Air 100 ml/min |
Identification de la géosmine et du 2-méthyl isobornéol :
Ces composés ont été identifiés en spectrométrie de masse par leurs pics principaux à M/e = 112 et 107.
Le tableau III donne les conditions d'analyses.
2-3 Mode opératoire.
Essai sur les échantillons du groupe A.
Les échantillons d’eau brute de Seine sont introduits dans des tubes de verre scellés de 250 ml et irradiés à des doses allant de 5 Krad à 500 Krad. Un premier témoin est conservé au laboratoire et un second témoin, dit « suiveur », subit toutes les opérations de flaconnage et de transport mais n'est pas irradié. Nous avons effectué, sur chacun de ces échantillons, la détermination des seuils de goûts.
TABLEAU III
Colonne verre 1/8 pouce — Longueur : 1 m |
Phase stationnaire DC 200 5 % chromosorb WHP |
Température de l'injecteur 220 °C |
Température de la colonne 60-200 °C/10 °C/min |
Température du séparateur GOLK 250 °C |
Température du transfert spectre de masse 250 °C |
Spectrométrie de masse Beam Current 0,5 V |
Electron energy 70 V |
Collecteur 25 V |
Emission 0,27 V |
EMV 1,5 V |
Extracteur 1,4 V |
Lens 4 V |
Gaz vecteur Hélium |
En effet, pour l’analyse de la géosmine et des autres métabolites 100 litres d'eau auraient été nécessaires, quantité que l'irradiateur utilisé ne permettait pas de traiter.
Essai sur les échantillons du groupe B.
Les échantillons d'extraits de culture d’algues ont subi les mêmes opérations que les échantillons d’eau de surface mais, en plus de la détermination des seuils de goûts, nous avons étudié quantitativement la dégradation des différents composés qu’ils renfermaient par chromatographie en phase gazeuse et la confirmation en spectrométrie de masse.
III — RESULTATS
1 - Échantillons du groupe A.
Les résultats obtenus par la méthode de détermination des seuils de goûts montrent que pour les eaux brutes de Seine, un traitement de 50 Krad est très efficace et élimine pratiquement le mauvais goût de l'eau comme le montre le tableau IV.
2 - Échantillons du groupe B.
Les résultats (tableau V), obtenus par la méthode de détermination des seuils de goûts, montrent que ce type de traitement est également efficace mais nécessite, compte tenu des très hauts seuils rencontrés, un taux d’irradiation supérieur.
TABLEAU IV
Échantillons | Seuils de goûts (Eau de Seine à Ivry) | Seuils de goûts (Eau de Seine à Orly) | Types de goûts |
---|---|---|---|
Témoin laboratoire | 40 | 12 | Moisi – Vase |
Témoin « suiveur » | 40 | 12 | Moisi – Vase |
5 Krad | 35 | 10 | Moisi – Vase |
10 Krad | 20 | 6 | Moisi – Vase |
20 Krad | 10 | 4 | Moisi |
50 Krad | 2 | 1 | Moisi |
100 Krad | 1 | 1 | Moisi |
500 Krad | 1 | 1 | Moisi |
TABLEAU V
Échantillons | Seuils de goûts | Types de goûts |
---|---|---|
Témoin laboratoire | 20 000 | Moisi – Vase – Herbe – Épice |
Témoin « suiveur » | 20 000 | Moisi – Vase – Herbe – Épice |
5 Krad | 15 000 | Moisi – Vase – Herbe – Épice |
0 Krad | 10 000 | Moisi – Vase – Herbe |
10 Krad | 5 000 | Moisi – Vase – Herbe |
20 Krad | 1 000 | Moisi – Vase |
50 Krad | 1 000 | Moisi – Vase |
100 Krad | 200 | Moisi – Vase |
500 Krad | 1 | Moisi |
Les analyses de géosmine et de 2-méthyl-isobornéol nous montrent que ces composés disparaissent après traitement par une dose de 500 Krad. La sensibilité de la méthode étant proportionnelle à la quantité de produits présents dans l’eau traitée, les résultats obtenus ne peuvent être considérés comme quantitatifs. Afin de cerner l’aspect quantitatif de la dégradation, nous avons mesuré simultanément l’élimination des composés phosphorés qui accompagnent en plus grande quantité les métabolites étudiés.
ÉCHANTILLONS : ÉLIMINATION DES COMPOSÉS PHOSPHORÉS
Dose d’irradiation | Élimination |
---|---|
Témoin laboratoire | 0 % |
Témoin « suiveur » | 0 % |
5 Krad | 10 % |
10 Krad | 50 % |
20 Krad | 70 % |
50 Krad | 80 % |
100 Krad | 95 % |
500 Krad | 99 % |
Ces résultats confirment ceux trouvés pour le groupe A et peuvent paraître en contradiction avec ceux trouvés lors de la dégustation des eaux du groupe B. Or, il n’en est rien, car si l’intensité du goût dépend de la concentration du stimulant, elle ne lui est pas proportionnelle.
En effet, la réponse sensorielle en fonction de la concentration pour des produits isolés a été étudiée par différents auteurs. STEVENS (13) propose la formule suivante :
R = C Sⁿ
où S est la concentration de l’agent stimulant, R est l’intensité de la sensation perçue, C et n sont des constantes dépendant du composé (n < 1).
VON SYDOW (16) a proposé, pour les produits alimentaires, un modèle mathématique tentant de dégager les lois régissant ces phénomènes que l’on peut résumer sous les formes :
R = C f (wᵢ Sᵢ)ⁿ ou R = C Σ (wᵢ Sᵢ)ⁿ
wᵢ étant un facteur de pondération qui affecte la concentration Sᵢ de chaque stimulant.
WEBER et FECHNER (17) ont proposé une formule plus précise :
R = C log S
qui prend en compte les mêmes paramètres.
De plus, ROSEN (8), BAKER (1) et SUFFET (14) ont montré que, dans le cas de métabolites d’algues, la présence simultanée de plusieurs composés peut conduire à une exaltation du goût de l’ensemble qui s’avère très supérieure à celle de la même concentration des métabolites pris isolément. Ceci est le cas pour les eaux de surface où les cultures d’algues sont peut-être susceptibles de modifier le rapport concentration-intensité du goût.
IV — CONCLUSION
Dans cette étude, nous venons de montrer que l’irradiation par faisceaux d’électrons à haute énergie à la dose de 50 Krad était un moyen efficace d’éliminer les goûts de moisi par destruction des molécules de métabolites.
En effet, pour ces doses d’irradiation, nous avons disparition du goût et des molécules responsables de ces derniers (géosmine, 2-méthyl-isobornéol).
Ce mode de traitement est donc une arme de plus à rajouter à la palette des moyens dont dispose le traiteur d’eau pour lutter contre la pollution et distribuer une eau de bonne qualité. Ce procédé, avant d’être mis en œuvre, devra donc être étudié du point de vue de l’hygiéniste : connaître les réactions secondaires que l’on peut avoir vis-à-vis des bactéries ou virus (production de mutants), vis-à-vis des micropolluants organiques ou des éléments majeurs de l’eau. De telles études sont en cours et seront publiées ultérieurement.
Ce procédé étant d’un prix très élevé, il sera bon de faire le recensement de tous les avantages obtenus, ce que nous sommes en train de réaliser.
BIBLIOGRAPHIE
1 — BAKER R.-A. Journal Water Pollution Control Federation (1963), 35 - 72.
2 — BRETTER E. La tribune du Cebedeau (1972), 338 - 1 - 11 - 14.
3 — CEES B., ZOETEMAN L., PIET C.-J. The Science of Total Environment (1974), 3 - 103.
4 — CHERRY A.-Y. JAWWA (1956), 54 - 417.
5 — DOUGHERTY J.-D., CAMPBELL R.-D., MORRIS R.-I. Science (1966), 152 - 1372.
6 — ERDET J.-F. JAWWA (1963), 55 - 1506.
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8 — ROSEN A.-A. Journal of Water Pollution Control Federation (1962), 34 - 7.
9 — SIGWORTH E.-A. Taste and Odor Control Journal (1968), 34 - 3 - 1.
10 — SIGWORTH E.-A. Taste and Odor Control Journal (1968), 34 - 4 - 1.
11 — SILVEY J.-K.-G. JAWWA (1950), 42 - 1018.
12 — SILVEY J.-K.-G., ROACH A.-W. Public Works (1956), 85 - 5 - 103.
13 — STEVENS Cité par VON SYDON (cf. n° 16).
14 — SUFFET I.-H., SEGALL S. JAWWA (1971), 63 - 605.
15 — VAJDIC A.-H. JAWWA (1976), 459.
16 — VON SYDON E. Symposium « Odour and Taste Substances ». Bad. Pyrmont Allemagne, 2,-4 oct. 1974.
17 — WEBER et FECHNER. Cités par ROSEN (cf. n° 8).
18 — GALLIEN Cl.-L., ICRE P., LEVAILLANT C. and MONTIEL A. (1976). CGR MeV program for water and liquid sludges treatment with high energy electron beams — Preliminary investigations. In « Radiation for pollution abatement Proceedings of the first International conference of ESNA working group on « waste Irradiation ». - Munich - P. 43-69.