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Utilisation des déchets solides et des matériaux naturels dans le traitement des rejets liquides de la zone industrielle d’Ain sebaa Casablanca

28 février 2022 Paru dans le N°449 à la page 76 ( mots)
Rédigé par : Abdelghani LAAMYEM et Sara GHAZALI de Université Chouaib Doukkali

De nombreuses méthodes ont été appliquées pour le traitement des eaux usées avec leurs avantages et inconvénients. Parmi les avantages, on note essentiellement l’adsorption par des adsorbants naturels à faible coût et très efficace pour l’élimination de la matière organique et les métaux lourds présents généralement dans les eaux usées surtout du type industrielles. L’objectif du présent travail, est de déterminer le degré de pollution des eaux usées de la zone Ain sebaa de Casablanca, sur la base des résultats obtenus par la caractérisation physico-chimiques et l’analyse détaillée par ICP. Les échantillons liquides ont été prélevés directement du collecteur. Nous avons constaté une température entre 22 °C et 23,7 °C, un pH proche de la neutralité à 6, 82, une conductivité électrique de 3.33 S/cm, une turbidité de 281 NTU, une DCO = 1 380 mg/l et une variation des métaux lourds après le traitement.

Dans le cadre du plan industriel lancé par le Maroc, qui table sur 80 % de taux d’intégration dans le secteur automobile, le volume des eaux usées industrielles à traiter a considérablement augmenté. Plusieurs techniques ont été mises en place pour décontaminer les eaux usées avant leur rejet dans le milieu récepteur ou dans les réseaux d’égouts municipaux.
Ces eaux usées peuvent engendrées une gamme variée de polluants selon le type d’activité visée. Par exemple, les eaux usées d’industries agroalimentaires peuvent contenir des protéines, des sucres, des huiles et des graisses, alors que les effluents issus d’industries de transport naval, en l’occurrence des eaux issues des cales des bateaux, contiennent pour la plupart des hydrocarbures (pétrole, huiles de moteurs…) [1]. Au Maroc, l’augmentation du volume des rejets des eaux usées des villes pose un grand problème au niveau de leur évacuation. Estimé en 1960, à 48 millions de m³/an, ces rejets ont atteint en 2010 près de 666 millions de m³/ an. Pour les prévisions jusqu’à l’horizon de 2025, ces rejets seront de 1 037 millions de m³/an, d’où la nécessité de mettre en place un système d’épuration des eaux usées adéquat pour chaque ville du royaume suivant les conditions économiques [2]. Des procédés biologiques, physiques ou chimiques peuvent être utilisés pour le traitement de ces eaux usées chargées en matière organique et métaux lourds. L’épuration des eaux usées industrielles par le procédé d’infiltration-percolation reste la plus efficace puisqu’elle a montré de bons résultats au niveau de la qualité de l’eau épurée.
Notre travail constitue une étude par approche expérimentale de l’influence des caractéristiques intrinsèques des supports filtrants vis à vis des performances épuratoires des eaux usées industrielles par le procédé d’infiltration percolation, Les supports filtrants utilisés comme des adsorbants ont chacun leur domaine d’application, plus ou moins vaste suivant leur spécificité. Ils peuvent être qualifiés de polyvalents ou spécifiques selon qu’ils permettent une adsorption relativement exhaustive de la charge polluante de l’effluent à caractériser ou qu’ils soient dédiés à une ou plusieurs familles chimiques [3]. Afin de recycler les déchets solides que nous avons obtenus après la filtration, une revalorisation de la boue filtrante a été excellemment utilisée dans le domaine de la poterie.

Matériels et méthodes

Prélèvement des rejets liquides : Zone industrielle en étude
Les échantillons liquides ont été prélevés du collecteur général de la zone industrielle d’Ain Sebaa de la ville de Casablanca au Maroc. La zone abrite actuellement 80 % des industries installées à Casablanca avec 2,5 millions d’habitants équivalent à un volume de rejet de 250 000 m³/j [4]. Les unités industrielles opèrent dans cinq principaux secteurs d’activité, à savoir :
Figure 1 : Vue satellite du site étudié (google map).

Le textile et le cuir,

  • Chimie/parachimie,
  • L’industrie alimentaire,
  • Industrie mécanique, métallurgique, électrique et électronique,
  • Tertiaire.
La figure 1 montre l’emplacement des sites d’échantillonnage des rejets liquides.
Paramètres physico-chimiques
Les paramètres physico-chimiques analysés sont : La température, la demande chimique en oxygène DCO, le potentiel hydrogène pH, la conductivité électrique CE, et la turbidité.
Figure 2 : Aspect visuel des cendres volantes et du mâchefer.

Les métaux lourds détectés dans les eaux usées, prélevés du collecteur de la zone industrielle par inductance couplage plasma ICP sont : l’arsenic (As), le cobalt (Co), le cuivre (Cu), le nickel (Ni), le plomb (Pb), l’argent (Ag), le cadmium (Cd), le chrome (Cr), le lithium (Li), le sélénium (Sn), et le strontium(Sr).

Échantillonnage des matériaux filtrants

Les déchets solides : Cendres volantes et mâchefers
Les cendres volantes et les mâchefers ont été collectées de la centrale thermique située à une distance de 17 km de la ville d’El Jadida. La figure 1 montre l’aspect visuels des mâchefers et des cendres volantes.

La composition chimique des mâchefers et des cendres volantes est présentée dans le tableau 1, les principaux composants des cendres volantes sont la silice, le fer et l’alumine. La somme de SiO2, Al2O3 et Fe2O3 des cendres volantes atteint 94,4 % dans la composition, ce qui indique qu’elles peuvent être classées comme matériaux pouzzolane [5]. En ce qui concerne les mâchefers, la composition chimique de cet adsorbant est obtenue par la technique ICP. Les résultats de cette analyse sont présentés dans le tableau 1. Il contient environ 80 % des éléments SiO2, Al2O3 et Fe2O3. Cette composition chimique est similaire à celle des cendres volantes.

Le limon

Les échantillons de limon ont été collectés dans les environs de la ville de Casablanca. La figure 3 montre l’aspect visuel du limon, c’est un sol ou une roche dont la granulométrie se situe entre le sable et l’argile. Les composants du limon adsorbent beaucoup mieux les ions métalliques que les fractions de sédiments de taille supérieure [6]. Il peut se présenter sous la forme de sol ou de sédiments en suspension dans les eaux de surface [7] et il est créé par une variété de processus physiques capables de diviser le sable habituellement des cristaux de quartz de taille primaire des roches primaires en exploitant les déficiences dans leur réseau [7]. Le tableau 2 présente la composition chimique du limon. Il contient 50,7 % de CaO, 4,5 % de SiO2, 1,5 % de Al2O et 42,5 % de LOI (Loss on ignition).

Figure 3 : Aspect visuel du limon.

Le sable marin

Les échantillons de sables marins ont été collectés le long du littoral de la ville de Casablanca, dans un espace étalé sur 35 km et ce, pour avoir une diversité granulaire. La figure 4 présente les sites des prélèvements.
Figure 4 : Les sites des prélèvements du sable marin.

La figure 5 présente l’aspect visuel des cinq échantillons prélevés, un tamisage a été effectué sur une colonne de 13 tamis (norme AFNOR) pour identifier les différentes tailles et choisir le meilleur filtre, car nos études antérieures ont montré que le choix de la taille des particules est très important pour la rétention de la matière organique et des métaux lourds présentent dans les déchets liquides étudiés.

Figure 5 : Aspect visuel du sable marin.

Ci-dessus la taille granulométrique de chaque échantillon :

  • Sable 1 : 0,25 mm
  • Sable 2 : 0,2 mm
  • Sable3 : 0,25 mm
  • Sable 4 : 0,2 mm
  • Sable 5 : 0,16 mm.
L’argile
Figure 6 : Aspect visuel de l’argile.

L’argile utilisée dans cette étude a été collecté dans la ville d’El Jadida à la profondeur de 0-30 cm, qui a été tamisé à travers un tamis de 2 mm après séchage à l’air. L’argile est constituée de quatre éléments principaux : l’eau, la matière minérale, l’air et la matière organique. La figure 6 montre l’aspect visuel du l’argile utilisée comme support filtrant.

Montage expérimentale

La technique d’infiltration percolation utilisée pour purifier nos échantillons des eaux usées brutes est présentée dans la figure 7.
Figure 7 : Filtrats obtenus pour les quatre matrices.

Le tableau 3 présente les matrices utilisées comme adsorbants.

Nous avons fixé les mêmes paramètres pour les quatre matrices, qui sont essentiellement le débit des eaux usées, la température moyenne de 27 °C.


Résultats et discussion

Composition des eaux usées brutes

La température des eaux usées de la zone Ain Sebaa de la ville de Casablanca est de 23 °C, elle est plus élevée que celle des autres effluents de Kenitra, Oujda et mrirt [8-9-10]. En ce qui concerne le pH, en général, les échantillons ont un pH relativement neutre. Pour la conductivité électrique, la valeur moyenne enregistrée est de 3.33 μs/cm, elle est inférieure à celle des effluents des autres stations. La valeur de la turbidité est supérieure à celle des effluents de la station de Mrirt. Nous avons remarqué au niveau du site de Ain sebaa une valeur de 281 NTU.

La concentration en MES des eaux usées analysées est de 670 mg/l, elles correspondent aux matières insolubles contenues dans les eaux usées traitées. Leur analyse permet de quantifier les matières facilement séparables dans un système de traitement [11], elle constitue une pollution solide et responsable de l’aspect trouble de l’eau (turbidité) qui empêche la pénétration de la lumière nécessaire à la vie aquatique [12], La valeur de la DCO montre une charge organique importante avec une valeur de 1 380/L, elle est supérieure aux autres effluents des autres zones.

Le tableau 5 montre le résultat de l’analyse des eaux usées par (ICP-AES). Nous constatons que ces eaux usées sont chargées en métaux lourds, chaque valeur est la moyenne obtenue après trois campagnes d’échantillonnage. Les résultats obtenus montrent que les concentrations en Chrome, lithium et étain présentés dans les eaux usées sont largement supérieures à la norme requise respectivement (0,59 mg/l, 0,918 mg/l et 0,675 mg/l). On note que l’Argent est l’élément métallique présent dans l’eau avec une valeur de 0,22 mg/l. En ce qui concerne la concentration d’Arsenic, de Cobalt, de Cuivre, de Nickel et de Plomb, nous avons trouvé 0,010 mg/l, cette valeur respecte parfaitement la norme.

Température
Les valeurs de la température des eaux usées enregistrées sont inférieures à 30 °C considérée comme valeur limite de rejet direct dans le milieu récepteur [8].
L’évolution de pH
Les valeurs moyennes de pH obtenues dans les eaux usées étaient proches de la neutralité et acceptables pour l’irrigation. Ces résultats sont en accord avec ceux rapportés par [9]. Cependant, il faut noter que les valeurs de pH inférieures à 5 ou supérieures à 8,5 affectent la croissance et la survie des microorganismes.
Figure 8 : L’évolution du pH.

Le résultat du pH de l’eau brute lors de la caractérisation a atteint une valeur de 6,39, non conforme aux normes en vigueur. Après l’adsorption, nous observons dans la figure 8 que le pH des quatre filtrats est devenu neutre (pH entre 7,34 et 8). Ces valeurs ont atteint la norme légale. Cette augmentation du pH est due à des réactions probables entre les ions H3O+ et les constituants du sable tels que les carbonates [13].

Ceci est fondamental pour la réutilisation de l’eau dans les champs agricoles, car le pH influence la dissolution de nombreux minéraux, avec une pertinence vitale pour la végétation [14].
Figure 9 : L’évolution de la turbidité.

L’évolution de la turbidité

La valeur de turbidité trouvée avant traitement est de 281 NTU pour les rejets de la zone industrielle Ain Sebaa montre que ces eaux sont impropres pour la consommation et pourraient abriter des microorganismes indicatifs de la pollution animale et ou humaine [15]. Cependant, le traitement avec les cendres volantes et les mâchefers a montré que la turbidité peut être corrigée avec la structure des adsorbants utilisés avec un taux de correction qui pourrait atteindre 93,41 % pour la matrice E3.
L’évolution de la demande chimique d’oxygène
Figure 10 : l’évolution de la demande chimique d’oxygène.

Selon les résultats illustrés dans la figure 10, nous constatons que les substrats filtrants 1, 2, 3, 4 contribuent à une réduction très satisfaisante qui respecte la norme marocaine (500 mg/l). Les quatre filtres ont donné des abattements respectivement de 61 %, 43 %, 63 %, et 81 %. Cette réduction quasi totale est expliquée par les propriétés d’adsorption qui caractérisent les cendres volantes et les mâchefers.

L’évolution de la conductivité électrique
La conductivité électrique permet de connaître le degré de minéralisation des eaux. La conductivité mesure la concentration des sels ioniques et nous informe sur le degré de salinité de l’eau. Nous observons une augmentation de la conductivité électrique après le traitement, cette augmentation du a l’échange d’ions entre les eaux usées, les cendres volantes et l’argile, ils sont connus comme des matériaux naturels pour adsorber les ions chlorures ainsi que d’autres polluants [16].
Analyse des métaux lourds
Les résultats obtenus montrent que les concentrations d’Arsenic, Cobalt, Cuivre, Nickel et plomb présentés dans l’eau sont largement supérieures à la norme.
La concentration en chrome et cadmium peut être source de teinture, blanchiment et impression de l’industrie textile puisque cette dernière représente 37 % de la surface industrielle de la ville de Casablanca.
Figure 11:l’évolution de la conductivité électrique.

L’efficacité des cendres volantes et des mâchefers dans le contexte de l’élimination des métaux lourds a été démontrée par d’autres chercheurs (combinaison entre le sable marin et les cendres volantes [17] et entre le sable marin et les mâchefers [18].

Les matrices que nous avons construites dans cette étude donnent des résultats satisfaisants. Pour l’argent, le chrome et lithium, nous observons une réduction significative comme le montre le tableau 6 avec un abattement de 99 % et une concentration minimale respectivement de 0,0067 mg/l,0,010 mg/L, 0,096 mg/l, fortement inférieure à la norme. Ce résultat peut s›expliquer par la réaction entre le CaO présent dans les cendres volantes et le SiO2 présent dans les sables pour former des silicates de calcium hydratés C-S-H.

Pour le lithium, nous constatons que la matrice E1 fournit la meilleure performance pour l’élimination de cet élément avec un abattement de 99 %, cette matrice contient les cendres volantes, le sable, le mâchefer et le limon. Ce résultat est dû à la richesse en silice du sable utilisé, les groupes hydroxyles de surface sont formés par hydratation ce qui permet l’adsorption des cations métalliques [19].

La matrice E4 a réalisé un taux d’abattement de 92.9 % avec une concentration de 0,017 mg/l. Cette réduction de sélénium peut s’expliquer par la capacité d’adsorption des mâchefers et des cendres volantes. Elles sont riches en silice et en oxydes métalliques (Σ SiO2 + Al2O3 + Fe2O3 = 94,4 %) dans les cendres volantes et (Σ SiO2 + Al2O3 + Fe2O3 = 84 %) dans les mâchefers, ce qui leur confère une grande réactivité de surface [20].
Le strontium appartient à la famille des alcalino-terreux et possède des propriétés physicochimiques comparables à celles du calcium. S’il peut se présenter en théorie aux états d’oxydation 0 à +2, le strontium élémentaire est généralement retrouvé dans l’environnement sous forme de composés Sr2+ du fait de sa réactivité avec l’eau et l’oxygène. Comme le calcium [21].
L’augmentation des concentrations de strontium pour les échantillons après la filtration liée avec la présence Le strontium dans le sol qui se dissout dans l’eau [22], elle peut aussi être favorisée par les activités humaines telles que le rejet de cendre de charbon ou d’incinérateur.

Conclusion

Les eaux usées industrielles de la zone industrielle d’Ain Sebaa sont une source de nuisance qui s’ajoute aux nombreux problèmes de contamination de l’environnement si elles ne sont pas traitées avant leur rejet. La charge organique et les métaux lourds présentent dans ces eaux doivent retenir une grande attention car il est difficile d’empêcher la propagation et la dissémination de cette pollution dans les sols et dans les eaux souterraines. Les résultats de cette étude ont prouvé la faisabilité de l’élimination de la matière organique et les métaux lourds en utilisant la technique d’adsorption tout en basant sur des matrices naturelles
L’utilisation de ces matériaux présente un double avantage pour l’environnement : ces matériaux sont convertis en adsorbants à haute valeur ajoutée, tandis que ces adsorbants sont adaptés à la purification des eaux usées. D’après les résultats obtenus, l’étude menée est une méthode économique pour le traitement des rejets des installations industrielles. 
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