Utilisation de la filtration sur matelas de fibres pour l'élimination du cryptosporidium Le Cryptosporidium est un micro-organisme parasite présent principalement dans les eaux de surface sous forme de kyste résistant. Ce germe constitue un réel danger pour la santé humaine. En effet, un seul germe de cryptosporidium est suffisant pour causer une infection qui peut s'avérer grave et même mortelle dans certains cas particuliers. Aucune réglementation concernant ce germe n'existe encore en France, mais l'eau de consommation, pour être conforme doit être exempte de tout micro-organisme pathogène. L'élimination de ce germe est donc de plus en plus à l'ordre du jour. La société Kalsep (représentée par Krofta pour la France) a réalisé de nombreuses installations visant à éliminer ce germe de l'eau. L'objet de cet article est de présenter la technologie utilisée et les résultats obtenus.
Le cryptosporidium provient essentiellement d’une pollution d'origine animale dans les eaux de surface et se transmet à l'homme par l’absorption d'eau contaminée. Ce germe peut survivre longtemps dans l'eau avant d'infecter un corps.
Présentation du germe
Cette affection provoque généralement chez l'homme des diarrhées prolongées avec vomissements et peut même entraîner la mort chez les enfants ou les adultes affaiblis par d'autres maladies. (En 1993 à Milwaukee (États-Unis), plus de 100 patients atteints du SIDA sont morts contaminés par le cryptosporidium.
L’élimination du cryptosporidium de l'eau ne peut se faire de manière fiable par les traitements classiques existants. En effet, la taille du germe (4 à 6 microns) lui permet de traverser les filtres à sable conventionnels et d'autre part, le cryptosporidium est plus résistant aux désinfectants usuels (chlore par exemple) que les autres germes rencontrés généralement (salmonelles, streptocoques...).
La technologie utilisée
Les filtres conventionnels tels que les filtres à sable ne présentent pas une protection suffisante pour l'élimination de ces germes. Sur les filtres à sable gravitaires « rapides » une floculation est nécessaire pour piéger les germes dans les flocs formés. Mais si la floculation est incomplète, les micro-organismes peuvent passer à travers le filtre (cas de Milwaukee où un changement de polymère combiné à un dosage insuffisant et des conditions météo défavorables ont entraîné la dégradation de la qualité de l'eau distribuée de 0,25 NTU habituellement à 1,7 NTU et ce durant 1 semaine. Le taux de cryptosporidium mesuré a été supérieur à 13,2 germes/litre. Plus de 400 000 individus ont
été contaminés, ce qui a coûté plus de15 millions de dollars à la collectivité.
De plus, la surcharge de débit ou de pression, ou une fréquence de lavage insuffisante peuvent être à l’origine de fuites de germes.
Dans les filtres à sable à vitesse lente, les kystes sont normalement retenus par la précouche formée mais ils peuvent également passer à travers le filtre, notamment lorsque la précouche n’est pas entièrement formée ou lorsque des fissures apparaissent dans le média filtrant.
La technologie présentée dans cet article a été développée en tenant compte de données qui précèdent.
D’après les caractéristiques du germe énoncées, la méthode la plus efficace pour éliminer ces germes de l’eau est la filtration très fine, combinée à une désactivation des germes retenus sur le filtre.
- la filtration est réalisée sur un filtre à matelas de fibres (le Fibrotex) permettant de piéger plus de 98 % des particules de taille supérieure à 2 microns (le cryptosporidium a un diamètre d’environ 4 à 6 microns et, par conséquent, il est retenu sur le matelas de fibres même sans floculation)- le lavage du filtre est combiné à un procédé de destruction des germes par injection de vapeur.
Élimination des germes de l’eau
Le Fibrotex est un élément filtrant composé de milliers de fibres synthétiques haute résistance tendues entre deux disques et formant un matelas épais autour d’une cage centrale. Pendant la phase de filtration, le matelas de fibres est torsadé et comprimé formant ainsi un corps cylindrique hélicoïdal filtrant épais et dense. Le passage interfibres est d’environ 15 microns ; le filtre ne retient donc pas seulement les germes et autres particules fines en surface mais travaille réellement en profondeur. C’est pourquoi il est possible d’obtenir un pouvoir de coupure aussi faible. Le débit rencontre environ 100 fibres en passant à travers le filtre. Le liquide chargé traverse l’élément de l’extérieur vers l’intérieur.
Quand le colmatage de l’élément filtrant atteint un seuil prédéterminé, un cycle de lavage à contre-courant est automatiquement enclenché. Pendant le lavage, l’élément filtrant est d’abord dévissé et décompressé. L’eau de lavage passe de l’intérieur vers l’extérieur et gonfle le matelas de fibres en éliminant les matières retenues. Ensuite l’élément est tendu, vrillé et dévissé dans les deux sens à plusieurs reprises. Cette procédure permet de nettoyer les fibres et d’éliminer les particules qui sont entraînées avec l’eau de lavage.
Destruction des germes
Avant chaque lavage, il convient de détruire les germes qui ont été retenus au sein des fibres.
Le cryptosporidium peut être détruit par élévation de la température. Une pasteurisation à 60 °C durant 5 minutes assure une complète destruction des germes.
Les germes retenus sur le filtre Fibrotex sont détruits de la manière suivante :
- arrêt de l’installation ;
- - vidange du filtre et des canalisations ;
- - mise en dépression du filtre grâce à une pompe à anneau liquide maintenant le filtre sous 300 mbars de dépression ;
- - injection de vapeur à 70 °C (la vapeur est produite par un générateur qui chauffe de l’eau sous 6 bars et la détend produisant ainsi la vapeur) ;
- - la vapeur est automatiquement injectée à l’intérieur de l’élément filtrant au travers des fibres jusqu’à ce que la température mesurée à l’extérieur du corps soit de 65 °C ;
- - la vanne de vapeur est alors fermée et la pompe à vide est arrêtée pour procéder au lavage à l’eau ;
- - le lavage est alors réalisé avec de l’eau filtrée selon une procédure définie.
L’ensemble de ce process est piloté par un automate, et est conçu pour nécessiter un minimum de temps et d’énergie.
La pasteurisation à la vapeur sous vide (VSP) pour un élément filtrant standard (Fibrotex AX 50) et pour atteindre une température uniforme de 60 °C est de 3,5 minutes.
L’élément doit être maintenu à 60 °C durant 5 minutes pour assurer la destruction des germes à 100 %.
La production de vapeur peut être arrêtée environ 2 minutes avant la fin de la pasteurisation compte tenu de la diminution lente du refroidissement de l’ensemble.
Chaque cycle de pasteurisation d’un AX 50 consomme environ 5,5 kg de vapeur et le temps de pasteurisation se décompose de la manière suivante :
- - vidange : 0,75 min
- - mise sous vide : 0,25 min
- - chauffage à 60 °C : 3,5 min
- - maintien à 60 °C : 5 minutes (temps d’injection de la vapeur 6,5 min).
Le temps total de pasteurisation est donc de 9,5 minutes.
La désactivation des germes retenus sur les éléments filtrants représente un coût élevé pour parvenir à la destruction des germes les plus résistants. Cependant ce coût est plus faible que pour la filtration sur sable car les volumes du filtre à traiter sont beaucoup moins importants.
Le coût en énergie pour la désactivation à la vapeur selon la procédure décrite ci-avant est de l’ordre de 3 centimes/m³, ce qui est très compétitif par rapport aux coûts de désinfection conventionnels.
Évaluation de l’efficacité du Fibrotex sur l’élimination des germes cryptosporidium sans floculation
Les performances du Fibrotex ont été mesurées par utilisation d’un compteur de particules pour déterminer le nombre de particules et leur taille dans les eaux brutes et en sortie du Fibrotex. Les données obtenues montrent que son rendement d’élimination est de 98 % des particules de taille supérieure à 2 microns et atteint 99,8 % d’efficacité pour les particules de taille supérieure à 5 microns.
C’est pourquoi, compte tenu du fait que les germes de cryptosporidium ont généralement un diamètre de 4 à 6 microns, le Fibrotex présente une solution adaptée à l’élimi
Élimination de ces germes.
Tests sur l'élimination du cryptosporidium :La figure 2 montre schématiquement le principe des essais. Dans de l'eau en sortie d'une unité de filtration classique, ont été injectées différentes doses de germes cryptosporidium désactivés (pour des raisons de sécurité). L'eau a été ensuite filtrée sur le Fibrotex à un débit constant.
Des prélèvements ont été réalisés en amont et en aval du filtre. Le comptage de germes a permis de déterminer le rendement du Fibrotex.
Durant les essais, l'eau n’était pas floculée pour se mettre dans des conditions défavorables. En effet, la floculation permet d’améliorer les rendements d’une part en augmentant la taille effective des germes et d’autre part en créant à la surface de la cellule une charge positive attirant les germes sur la surface des fibres Nylon du filtre chargées négativement.
Avant d’évaluer les performances du Fibrotex, des séries de tests ont été réalisées pour déterminer quel pourcentage de germes introduits dans l’eau brute étaient détectés par l'appareil de mesure dans l'eau en amont du filtre. Cet étalonnage était nécessaire car des pertes de germes substantielles ont été notées dans le dosage, la distribution et lors des prélèvements. Lors des premiers essais, une faible concentration de germes a été injectée (environ 1 000 germes/100 l). Cependant, à cause des très faibles valeurs obtenues en sortie du Fibrotex, le dosage a dû être augmenté à 10 000 germes/100 l d’eau de manière à obtenir en sortie du Fibrotex des valeurs mesurables.
Quand 10 000 germes/100 l sont injectés dans l'eau brute, le compteur de particules en compte 100/100 l, soit un taux d’environ 1 %. La quantité de germes mesurée en sortie du Fibrotex est alors de 1 germe/100 l. Ce mode de comptage permet de déterminer de manière fiable le rendement de l’installation.
Les tableaux 1 et 2 résument l'ensemble des données mesurées durant les essais du Fibrotex AX5 respectivement à 2 et 3 m³/h.Le rendement moyen d’élimination du cryptosporidium est de 98,1 % à faible débit et de 99,3 % au débit supérieur. Des meilleurs rendements ont même été obtenus, mais n’ont pu être mesurés avec le dispositif de mesure utilisé.
Les résultats obtenus montrent que le filtre Fibrotex alimenté avec une eau contenant des germes de cryptosporidium non floculée est capable d’atteindre des rendements d’élimination de 99 % sans nécessiter de dosage chimique complémentaire. Avec floculation, le pourcentage d’efficacité sur l'élimination des germes est de 99,6 %.
Installations existantes d’élimination de cryptosporidiums
Différentes installations de filtres Fibrotex visant à éliminer les germes de cryptosporidium ont déjà été réalisées et confirment les résultats obtenus à l’échelle pilote.
Par exemple, l'installation de Bonn en Allemagne permet de ramener le nombre de germes en dessous de la limite de détection, à savoir moins de 1 germe/100 l, pour une eau brute pouvant contenir jusqu’à 30 germes de cryptosporidium dans 100 l. En Angleterre, le site de Welsh est particulièrement isolé avec un accès difficile et une place au sol disponible extrêmement limitée. L’eau qui alimente le réservoir de Grwyne Fawr dans le parc national de Brecon Beacon est une eau provenant de différentes sources sujettes à des variations de qualité. La turbidité moyenne de l'eau est de 2 à 3 NTU mais peut atteindre des valeurs de 10 NTU durant l’automne et les mois d’hiver. Les taux de manganèse et de fer varient également et la Concentration Maximale Admissible (CMA) pour le manganèse de 50 ppb est parfois dépassée. L’eau ne contient pas de nitrates ni de pesticides mais est susceptible d’être contaminée par le cryptosporidium.
La quantité d’eau maxi produite est de 9 000 m³/j et l'usine traite généralement 4 000 à 6 000 m³/j, suffisants pour satisfaire
Tableau 1 : 10 000 germes / 100 l — Débit 2 m³/h
Alimentation
Vol. échantillon (l) | Nombre de germes | Pourcentage recueilli (%) |
---|---|---|
522 | 269 | 0,5 |
533 | 323 | 0,8 |
519 | 405 | 0,8 |
Filtrat
Vol. échantillon (l) | Nombre de germes |
---|---|
514 | 9 |
513 | 4 |
571 | 7 |
Élimination
Log | % |
---|---|
–1,47 | 96,6 |
–1,89 | 98,7 |
–1,80 | 98,4 |
Moyenne
Log | % |
---|---|
–1,72 | 98,1 |
les besoins des quelques 20 000 personnes. L'objectif de la mise en place des filtres Fibrotex était de produire une eau de qualité, avec une turbidité inférieure à 1 NTU, des teneurs en fer et manganèse inférieures aux CMA, et exempte de cryptosporidium si ces germes venaient à contaminer la ressource.
Le système Fibrotex installé est entièrement automatique et comprend deux séries de 6 unités AX50. Chacune d’elles peut être lavée indépendamment avec l'eau produite par l'autre unité. Le lavage de chaque série de filtre dure de 3 à 5 minutes et il est optimisé pour pouvoir s'adapter aux variations de charge. Environ 0,7 % du débit d’eau produite est utilisé pour le lavage.
Avant chaque cycle de lavage, l’eau brute est chlorée durant 10 à 20 minutes pour être sûr que les micro-organismes présents sur le filtre soient détruits. Une courte chloration après la remise en service est effectuée sur l'eau brute. L'eau de lavage est rejetée vers la rivière et ne doit pas contenir plus de 50 mg/l de MES. Si nécessaire, le volume d’eau de lavage peut donc être adapté pour répondre à cette réglementation. En sortie, l'eau est désinfectée par U.V. puis chlorée et distribuée. L’adjonction de chlore permet en effet d’assurer la rémanence de désinfection indispensable dans le réseau de distribution.
Les interventions humaines sont extrêmement limitées et le Fibrotex peut fonctionner sans surveillance pendant une longue période, notamment durant les hivers rigoureux où le site est inaccessible.
Depuis que le système a été installé, la turbidité de l'eau traitée a toujours été inférieure à 1 NTU, généralement même inférieure à 0,6 NTU, ce qui correspond à une réduction de l’ordre de 40 à 50 %. Le fer et le manganèse ont été réduits en dessous des CMA et aucun coliforme n’a été détecté.
De plus la barrière de filtration ainsi créée protège la collectivité contre tout risque de contamination par le cryptosporidium. L’utilisation du Fibrotex ne se limite pas qu’au traitement d’eau potable. En effet, de par son concept et son pouvoir de coupure, ses applications sont très multiples. Il ne vient pas en remplacement d'un filtre à sable ou d’une technique membranaire, mais peut être utilisé en complément de ces technologies. Par exemple, placé en amont d'une installation d’osmose inverse, il permet de la protéger et d’en augmenter la durée de fonctionnement.
Le Fibrotex peut être utilisé pour filtrer des eaux de process industrielles (agro-alimentaire, boissons, produits cosmétiques, pharmaceutiques, chimie et secteurs biotechnologiques), pour concentrer des protéines, pour traiter des huiles émulsionnées,...
Cette nouvelle technologie est un complément aux technologies existantes et pourra s'insérer dans de nombreux process existants ou à venir.
Tableau 2 : 10 000 germes / 100 l – débit 3 m³/h
Alimentation
Vol. échantillon (l) | Nombre de germes | Pourcentage recueilli (%) |
---|---|---|
504 | 685 | 1,4 |
567 | 289 | 0,5 |
545 | 269 | 0,5 |
511 | 126 | 0,28 |
598 | 1 399 | 2,3 |
522 | 362 | 0,75 |
Filtrat
Vol. échantillon (l) | Nombre de germes |
---|---|
534 | 2 |
593 | 30 |
552 | 3 |
566 | 0 |
576 | 0 |
552 | 0 |
Élimination (%)
Log | % |
---|---|
2,56 | 99,7 |
1,00 | 90,1 |
-1,96 | 98,9 |
<2,26 | >99,5 |
<3,13 | >99,9 |
2,28 | 99,5 |
Moyenne : 2,44 | 99,3