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Utilisation de l'adénosine triphosphate A.T.P. dans les phénomènes d'épuration biologique

28 février 1979 Paru dans le N°32 à la page 46 ( mots)
Rédigé par : G. MARTIN, Nam-sang HO, O. VITRAC et 1 autres personnes

L’Adénosine Triphosphate (ATP) est un bien meilleur indicateur de biomasse d’une boue activée que les paramètres traditionnels (MST ou MVS). La technique d’extraction et de dosage doit être adaptée au milieu actif de départ et être mise en œuvre rapidement. À la suite d'une expérimentation permettant de rechercher les meilleures conditions d’extraction et de dosage, le présent article propose dans le détail un mode opératoire applicable aux boues activées.

Le calcul des stations de traitement biologique des eaux résiduaires repose sur une série de modèles qui font tous intervenir une évaluation de la biomasse microbienne.

Très tôt, des difficultés sont apparues pour exprimer cette biomasse. Celle-ci est le plus souvent traduite par une mesure pondérable : matières en suspension totales (M.S.T.) ou matières volatiles en suspension (M.V.S.). Malheureusement, des particules d’activité biologique nulle (fragments minéraux ou organiques inertes) sont ainsi abusivement comptabilisées comme étant de la matière vivante.

L’A.T.P. (Adénosine Triphosphate) est un constituant fondamental des masses cellulaires actives dont le rôle biochimique et le caractère non conservatif (disparition rapide avec la cellule) permettent de penser qu’il représente un des meilleurs traducteurs possibles de la biomasse et du potentiel d’activité de celle-ci.

Les applications qui peuvent en résulter dans le domaine de l’épuration biologique sont nombreuses, mais supposent toutes la mise au point technique d’extraction et de dosage adaptée au milieu actif de départ.

Le présent article propose un protocole d’extraction et un mode opératoire d’analyse applicables aux boues activées, mis au point par NAM SANG HO (1978).

1. — ROLE BIOCHIMIQUE DE L’A.T.P.

L’adénosine triphosphate ou A.T.P. est un nucléoside-5’-phosphate dont la structure moléculaire est la suivante :

[Figure : Structure moléculaire de l’A.T.P.]

L’A.T.P. est composé de trois éléments essentiels :

  • — l’adénosine qui est un composé hétérocyclique ;
  • — le D-ribose qui est un ose à cinq atomes de carbone attaché à la base adénine par une liaison glucosidique ;
  • — les trois groupes phosphates reliés entre eux par des liaisons anhydrides linéaires et fixés au ribose en position 5.

L’A.T.P. a la propriété de pouvoir subir une hydrolyse enzymatique. Lorsque celle-ci concerne l’une des deux liaisons anhydrides reliant le phosphore à l’oxygène (symbole ~), l’enthalpie libre standard correspondante est de l’ordre de 7 kilocalories par mole. Ces liaisons sont dites « riches en énergie ».

Les deux réactions chimiques correspondantes conduisent à l'Adénosine Diphosphate (A.D.P.) puis à l'Adénosine Monophosphate (A.M.P.) :

ATP + H₂O → ADP + HPO₄²⁻ + H⁺  
ADP + H₂O → AMP + HPO₄²⁻ + H⁺

De nombreux autres composés organiques sont susceptibles d'échanger des phosphates au cours de réactions d'hydrolyse. Les énergies mises en jeu sont supérieures ou inférieures à celle mentionnée pour l'A.T.P. (voir tableau I) :

Composé phosphate | Enthalpie libre standard d'hydrolyse (cal/mol)
- Phosphoénolpyruvate — 12 800
- 1,3-diphosphoglycérate — 11 800
- Créatine phosphate — 10 300
- A.T.P. — 10 100
- Pyrophosphate inorganique — 7 000
- Glucose 1-phosphate — 5 000
- Fructose 6-phosphate — 3 800
- Glucose 6-phosphate — 3 300
- 3-Phosphoglycérate — 3 100
- Glycérol 1-phosphate — 2 000

Tableau I. — Enthalpie libre standard d'hydrolyse des composés phosphatés.

Cette position médiane de l'A.T.P. lui permet de jouer un rôle privilégié au niveau de la cellule. Il pourra, en effet, participer directement aux réactions de transport d'énergie, transférer facilement son groupement phosphaté sur un autre composé et permettre ainsi à des réactions endergoniques de se produire.

Au cours du processus de dégradation biologique d'un substrat organique noté DH₂, il se produit, en effet, des réactions de catabolisme qui sont exothermiques et qui correspondent à un transport d'électrons le long de la chaîne respiratoire. L'énergie libérée alors est stockée et il y a production d'A.T.P. Il s'agit pour l'essentiel du phénomène de phosphorylation oxydative. En milieu aérobie (accepteur final d'électron : l'oxygène) les réactions peuvent s'écrire :

DH₂ + ½ O₂ → D + H₂O

À l'inverse, de nombreuses réactions se produisant simultanément sont endothermiques, notamment celles se rapportant à l'anabolisme bactérien. Dès lors, c'est pour une large part l'hydrolyse de l'A.T.P. en A.D.P. qui fournira l'énergie nécessaire.

Au niveau de la cellule, il existera donc un cycle énergétique A.T.P.-A.D.P. qui peut se schématiser selon la figure 2.

[Photo : Fig. 2 — Schéma du cycle énergétique (d'après LEHNINGER)]

Lors du maintien de conditions de vie stables, un équilibre s’établit et la quantité d’A.T.P. dans la cellule varie peu. Il a été démontré sans ambiguïté d'autre part (LEVIN 1967, HOLM HANSEN 1973, LECLERC 1975) que l'A.T.P. disparaît très rapidement à la mort de la cellule par hydrolyse en A.D.P. sous l'action de l'A.T.P.ase.

Cependant, de nombreuses études menées sur des cultures pures montrent que la teneur des cellules en A.T.P. varie d'une espèce à une autre et, pour chacune d’elles, suivant la phase de croissance.

HAMILTON et HOLM HANSEN (1967) ont trouvé que la quantité d'A.T.P. de sept bactéries marines se situe entre 0,5 et 6,5 fg/cellule — d'EUSTACHIO et al. (1968) situe la moyenne pour 13 bactéries anaérobies à 0,47 fg/cellule (écart type de 0,26 fg/cellule). LEVIN et al. (1972) ont montré que la teneur moyenne de l'A.T.P. par unité de cellule sur quatre espèces différentes varie de 7 fg/cellule pour Bacillus jusqu’à 0,5 fg/cellule pour Z-Ramigera et E. coli.

Au cours d’une étude menée sur dix espèces différentes, LECLERC (1975) indique que pour des bactéries couramment rencontrées dans le domaine de l'eau, les cellules pourront contenir de 6 à 19 fg d'A.T.P. pendant la phase exponentielle et de 1 à 2 fg dans des cultures sénescentes.

Enfin, sur des boues activées, WEDDLE et JENKINS (1971) ont trouvé des teneurs comprises entre 1 et 10 fg d'A.T.P. par cellule, tandis que CHIU (1973) a mis également en évidence des variations d'A.T.P. suivant les cultures et les phases de croissance.

Il apparaît donc que les résultats varient quelque peu suivant les auteurs, mais qu'ils restent compris dans un intervalle suffisamment étroit pour que des mesures d'A.T.P. sur une population permettent d'une part de dénombrer celle-ci avec une précision au moins comparable à celle des méthodes bactériologiques habituelles et, d'autre part, d'estimer l'activité potentielle de cette biomasse.

* fg : femtogramme = 10⁻¹⁵ g.

II. — DOSAGE DE L’A.T.P. EN SOLUTION

1. Principe

La méthode de dosage par bioluminescence est largement utilisée pour doser l’A.T.P. Le développement de ce procédé fait suite aux travaux de MAC ELROY (1969), qui a montré que des extraits d’une espèce de luciole (Photinus pyralis) réagit en présence d’A.T.P. en produisant une émission lumineuse. Le même auteur explicite le mécanisme réactionnel : la luciférine réagit avec l’A.T.P. en présence d’ions Mg** sous l’action de l’enzyme correspondante : la luciférase. Le complexe formé réagit ensuite en présence d’oxygène pour former une molécule d’oxydation avec production de lumière et régénération de l’enzyme.

Les équations chimiques correspondantes peuvent s’écrire :

 Mg**
 E + A.T.P. + LH₂ ⟶ ELH₂ AMP + [P]
 ELH₂ AMP + O₂ ⟶ E + produits + CO₂ + AMP + 
[Photons]

Symboles :

E : enzyme

LH₂ : luciférine réduite

ELH₂ AMP : complexe lucifényl adénylate

[P] : composés du phosphate V

Produits : H₂O₂, décarboxycéto luciférine

Lorsque les réactifs nécessaires sont présents, la quantité de lumière émise est proportionnelle à la quantité d’A.T.P. dans le milieu.

Les spectres de bioluminescence de différentes espèces de luciole sont compris entre 546 et 594 nm. En pratique, chez Photinus pyralis, il existe deux régions différentes d’émission dont la plus importante se situe vers 560 nm.

2. Appareillage

Tous les biomètres du commerce utilisent comme principe l’enregistrement du flux de photons émis, puis la conversion et l’amplification de cette réponse sous forme d’un signal électrique.

Les différences principales concernent le mode d’injection (à travers un septum ou directement dans la cuvette de réaction), le volume à injecter (de quelques dizaines de microlitres en général à 0,5 ml pour l’un des appareils) et surtout le mode de détection du signal. En effet, l’émission lumineuse qui fait suite au mélange des réactifs se produit rapidement et présente l’allure de la figure 3.

[Photo : Fig. 3 — Variation de l’intensité lumineuse en fonction du temps après injection A.T.P./luciférine.]

Le maximum d’émission survient environ 0,3 seconde après le mélange, puis décroît lentement. Le signal est détecté soit par lecture de l’intensité maximale (exemple : appareil DUPONT), soit après intégration du flux lumineux pendant un temps prédéterminé (exemple : appareil AMINCO). Ce dernier mode de lecture paraît plus séduisant ; cependant, le pic initialement émis pourrait être plus spécifique de l’A.T.P.

La grande majorité des mesures effectuées dans le cadre de notre étude ont été réalisées en utilisant un biomètre DUPONT DE NEMOURS, modèle 760, dont le schéma de principe est reproduit ci-après (figure 4).

[Photo : Fig. 4 — Principe de fonctionnement du biomètre de luminescence DUPONT.]

Une prise d’essai est injectée à travers un septum et le signal est détecté par mesure de l’intensité maximale du pic dans les trois secondes suivant l’injection. Le seuil de détection de l’appareil est très dépendant du bruit de fond de la solution enzymatique, c’est-à-dire en pratique de la pureté des réactifs utilisés.

Avec cet appareil, il est possible de détecter 10⁻¹⁶ g d’A.T.P./ml pour une injection de 10 µl.

3. Solution enzymatique et interférences possibles

Le réactif luciférine-luciférase peut être préparé à partir de préparations lyophilisées du commerce

(Société DUPONT DE NEMOURS ou Société SIGMA).

La solution enzymatique peut également être préparée directement à partir d’abdomens de lucioles Photinus pyralis (commercialisation société SIGMA), selon la méthode décrite par MAC ELROY et SELIGER (1949), mais l’augmentation de la sensibilité des appareils de mesure rend nécessaire la purification de la solution enzymatique.

À l’expérience, il est apparu que des réactifs très purs doivent être utilisés si l'on veut minimiser le bruit de fond (exemple : réactif DUPONT).

La présence de certains composés peut interférer dans le dosage de l’A.T.P., notamment celle d'autres nucléotides phosphates. Ceci a été étudié notamment par HOLM HANSEN et BOOTH (1966), qui en arrivent à la conclusion que seuls l’A.D.P. et quelques nucléotides triphosphates peuvent entraîner une luminescence de l’extrait et que celle-ci est voisine de 1 % seulement de l’émission due à l’A.T.P. Par ailleurs, la concentration ionique a une grande influence sur la réaction : il s'agit notamment des chlorures pour lesquels VAN DYKE (1969) montre que des concentrations supérieures à 20 millimoles par litre provoquent des atténuations sensibles.

Le mode opératoire se rapportant au dosage est décrit plus loin dans le protocole expérimental proposé pour une application dans les boues activées. On verra qu'il permet normalement de s'affranchir de ces interférences (taux de dilution de l’échantillon ayant la mesure, supérieur ou égal à 60).

III. — EXTRACTION DE L’A.T.P. DES BOUES ACTIVÉES

1. Extractant

Les boues activées représentent un milieu complexe et hétérogène, aussi bien sur le plan biologique (diversité des espèces bactériennes, présence d'autres micro-organismes) que par la présence de matières en suspension de différentes natures (organiques et minérales). Aussi l’extraction de l’A.T.P. doit-elle y être rapide, pour être la plus quantitative possible. L'extractant utilisé devra donc atteindre et provoquer rapidement la lyse des cellules. Par ailleurs, la technique à mettre en œuvre doit inhiber l’A.T.P.ase et les autres enzymes intracellulaires et conduire à une bonne conservation de l’A.T.P. dans le milieu solubilisant dont le pH sera donc tamponné.

Des méthodes purement physiques peuvent être utilisées, telles que l'application d’ultra-sons. Cette technique semble conduire à des résultats incertains pour des temps de contact d'autant plus longs que le milieu initial est moins riche en germes.

Dans la littérature les nombreuses méthodes chimiques proposées font intervenir les différents agents extractants suivants : chloroforme, eau bouillante, acide perchlorique, acide trichloracétique, n-butanol, tampon tris bouillant, N-bromo succimide, D.M.S.O. (diméthyl sulfoxide). Certains présentent des inconvénients qui les rendent difficilement utilisables. C'est notamment le cas des acides qu'il faudra éliminer ou neutraliser dans le milieu et de l'eau bouillante qui conduit, d’après CHASE (1960), à une récupération incomplète de l’A.T.P.

De récents travaux français ont porté sur la comparaison de différents extractants. Les auteurs préconisent tous l'utilisation du D.M.S.O., aussi bien en cultures pures (LECLERC, 1975) qu’à partir de boues activées (COLIN, 1977).

Nous avons comparé deux techniques de mise en œuvre facile, utilisant, d'une part, le n-butanol, d'autre part, le D.M.S.O. Ces expériences ont été conduites sur des boues activées de pilotes de laboratoire.

Les conditions d’extraction sont les suivantes :

  • — D.M.S.O. : 0,1 ml d’échantillon prélevé à la pipette automatique est ajouté à 0,9 ml de D.M.S.O. à 90 % (9 volumes de D.M.S.O. et 1 volume de M.O.P.S. : 0,01 M acide morpholino propane sulfonique). La lyse des cellules est réalisée sous agitation par Vortex pendant 15 secondes. Le milieu est ensuite tamponné par l'addition de 5 ml de M.O.P.S. 0,01 M puis agité à nouveau 15 secondes. La dilution du milieu atteint donc 60 et l'on procède à une triple extraction.
  • — n-butanol : on ajoute 1 ml de butanol et 0,1 ml de M.O.P.S. 0,1 M à 1 ml d’échantillon puis, après agitation 15 secondes, 8 ml d’octanol. On opère une seconde agitation, puis une centrifugation à 3000 tours pendant 3 minutes pour séparer la phase aqueuse contenant l’A.T.P.

Les résultats obtenus figurent au tableau II :

Tableau II : Extraction de l’A.T.P. : comparaison entre le D.M.S.O. et le n-butanol

A.T.P. en 10⁷ × g/ml

N° Essai D.M.S.O. n-butanol
1 5,82 0,53
5,82 0,53
5,10
2 6,66 0,53
6,90 0,67
6,48 0,44

Ils montrent que le D.M.S.O. à 90 % extrait environ 10 fois plus d’A.T.P. que le n-butanol dans les conditions expérimentales indiquées.

C’est donc le D.M.S.O. qui est retenu comme étant

L’extractant de choix. Il présente par ailleurs l’intérêt de conduire à une phase unique ne nécessitant aucun traitement particulier avant le dosage de l’A.T.P. dans le milieu.

2. Influence de la dilution préalable de l’échantillon

Certains auteurs ont mentionné la nécessité d’une dilution préalable du milieu avant l’extraction afin d’éviter l’adsorption de l’A.T.P. extrait, sur les substances diverses, de la phase solide introduite avec les boues ou/et de faciliter le contact cellules-D.M.S.O.

Ce point a tout particulièrement retenu notre attention et nous avons effectué les trois séries d’expériences suivantes.

Expériences 1

Les échantillons de boues activées proviennent d’un pilote de laboratoire en cours d’adaptation à un affluent synthétique et représentent donc une même boue à des concentrations différentes. Le milieu diluant utilisé est un tampon phosphate (1,25 ml/l d’une solution à 34 g/l de KH₂PO₄ et 5 ml/l d’une solution à 50 g/l de MgSO₄, 7 H₂O). Les taux de dilution varient de 1 à 20 ou 30 pour des teneurs initiales en MES allant de 1,7 à 11,2 g/l. Les conditions d’extraction au D.M.S.O. sont celles déjà mentionnées. Les résultats obtenus (figure 5) montrent que des dilutions conduisant à des teneurs en MES inférieures ou égales à 1 g/l permettent d’obtenir des résultats valables c’est-à-dire proportionnels au facteur de dilution.

[Photo : Fig. 5. — Concentrations d’A.T.P. extraites en fonction du taux de dilution.]

Une expérience identique conduite sur une boue contenant 2,5 g/l de M.V.S. et adaptée à un substrat synthétique a montré au contraire une parfaite linéarité entre les valeurs d’A.T.P. et le facteur de dilution. Il semble donc, comme le montrent les expériences suivantes, que l’intensité de ce phénomène soit très liée à la présence de sels minéraux en suspension, toujours importante sur une boue activée urbaine.

Il faut noter, d’autre part, que la nature du diluant a peu d’importance pourvu que celui-ci n’engendre aucun stress sur les cellules et qu’il n’introduise qu’une quantité d’A.T.P. négligeable par rapport à celle préexistante.

Expériences 2

Il s’agit d’essais du même type conduits sur des boues activées de stations d’épuration de la région parisienne en utilisant l’eau traitée du site comme diluant.

Les résultats obtenus (figure 6) reproduisent bien le même phénomène. Il faut remarquer que chaque point est le résultat moyen de deux dosages et que la réponse des eaux traitées était négligeable par rapport à celle des boues diluées.

[Photo : Fig. 6. — Concentrations d’A.T.P. extraites en fonction du taux de dilution.]

Expériences 3

Pour mieux cerner ce phénomène, et vérifier qu’il n’est pas dû directement à un rapport D.M.S.O./cellules trop faible (dans le mode opératoire volume D.M.S.O./volume échantillon = 9) nous avons réalisé le même type d’expérience à partir d’une culture.

Tableau III : Concentrations d’A.T.P. extraites en fonction du taux de dilution. Culture d’E. coli.

Facteur de dilution A.T.P. en 10⁻⁴ g/ml
1 0,63
2 0,61
5 0,58
10 0,60

d'Escherichia coli contenant environ 10⁶ germes/ml, les dilutions préalables étant effectuées avec de l'eau stérile.

Les résultats obtenus figurent au tableau III.

Ils montrent que, sans dilution préalable, tout l'A.T.P. se trouve extrait et que la teneur moyenne par cellule est de l'ordre du femtogramme (2 extractions par dilution).

En conclusion, on retiendra qu'une dilution préalable des boues pour obtenir moins de 1 g/l de M.E.S. est nécessaire si l’on veut être certain d’extraire quantitativement l’A.T.P., et que ce phénomène est bien lié à la nature des boues — adsorption de l'A.T.P. extrait sur la phase solide, lyse incomplète ou tardive des cellules dans un milieu trop chargé — et non à une teneur initiale intrinsèque de celle-ci trop importante en germes totaux.

3. Mode de conservation de l’extrait

Ce point est évidemment essentiel puisqu'il est nécessaire, à partir de boue activée, de réaliser l'extraction sur le site.

— Conservation à –4 °C (température d'un freezer)

Une première série d’expériences a été faite sur des boues soumises à une faible charge massive. Huit tubes ont été conservés à une température de l'ordre de –4 °C ; les résultats obtenus montrent une très grande dispersion (tableau IV). À cette température, en effet, certains tubes cristallisent, d'autres non, d'où une perte variable de l'A.T.P. Après 21 heures de stockage par exemple, l'un des tubes a peu varié alors que l'autre correspond à une perte de 50 %.

Après 42 heures, les résultats sont très faibles et montrent donc qu’à cette température l'A.T.P. ne se conserve pas.

Tableau IV : Influence du temps de conservation à –4 °C sur la stabilité des extraits d'A.T.P.

Temps de conservation (h) A.T.P. en 10⁻³ µg/ml (moyenne de deux mesures)
0 5,83
21 4,97
21 2,12
42 2,87
42 1,98

— Conservation à –20 °C

Le même type d’expérience a été fait en conservant les boues à –20 °C pendant trois jours. Chaque jour, deux tubes sont décongelés lentement par paliers successifs avant d’être analysés.

Tableau V : Influence du temps de conservation à –20 °C sur la stabilité des extraits d'A.T.P.

Durée de conservation (h) A.T.P. en 10⁻³ µg/ml
0 1,59 – 1,44 (moy. 1,51)
22 1,30 – 1,38 (moy. 1,34)
46 1,13 – 1,19 (moy. 1,16)

Les résultats obtenus (tableau V) montrent une légère perte dans le temps. Celle-ci demeure raisonnable dans la mesure impérative où la durée du stockage demeure inférieure à 48 heures, les résultats étant cependant, dans ces conditions, obtenus par défaut (–10 % minimum). Il faut insister sur l'importance des conditions de décongélation : une très grande progressivité devrait sans doute permettre de réduire encore les pertes.

— Utilisation d'un mélange glace-sel

Cette technique a été expérimentée à cause de sa facilité de mise en œuvre sur le terrain.

Tableau VI : Influence du temps de conservation dans un mélange glace-sel sur la stabilité des extraits d'A.T.P.

Durée de conservation (h) A.T.P. en µg/ml
0 1,20
0,5 1,24
0,75 1,14
2 1,28
2,5 1,27
3 1,43
3,25 1,23
4 1,09
5,5 1,27

Les températures atteintes sont voisines de –20 °C et la congélation des extraits est plus rapide qu’en congélateur (toujours moins de 5 minutes).

Le tableau VI présente les résultats obtenus pour une durée de conservation de 5,5 heures. Aucune perte n’a pu être décelée, ce qui montre l’intérêt de cette technique.

IV. — PROTOCOLE EXPÉRIMENTAL PROPOSÉ

1. Extraction

À partir de la boue activée préalablement diluée avec l’eau traitée de la station afin de tirer moins de 1 g/l de M.E.S., trois extractions sont réalisées en utilisant le mode opératoire suivant :

  • — verser environ 50 ml de boues dans un bécher et mettre sous agitation magnétique,
  • — pipeter 0,9 ml de D.M.S.O. à 90 % dans le nombre de tubes nécessaires,
  • — ajouter 0,1 ml de boue à la pipette automatique et boucher,
  • — agitation sous vortex pendant 15 secondes,
  • — ajouter 5 ml de M.O.P.S. et reboucher,
  • — agitation sous vortex pendant 15 secondes,
  • — congélation immédiate des extraits en plongeant les tubes dans un mélange glace-sel.

Une extraction sera effectuée de la même manière avec l’eau traitée seule. Les tubes d’extraction doivent être soigneusement lavés comme indiqué plus loin.

  • — avant le dosage les extraits seront décongelés par paliers successifs : –4 °C, +4 °C, +8 °C, puis température ambiante.

2. Dosage

Comme cela a été indiqué le biomètre et les réactifs enzymatiques utilisés proviennent de la société DUPONT DE NEMOURS.

— Préparation des solutions :

  • @ HCl 0,2 N.
  • @ eau faible réponse (L.R.) ; eau bidistillée à pH = 7, stérilisée 20 minutes à 120 °C et stockée au réfrigérateur.
  • @ M.O.P.S. 0,01 M. Dissoudre 2,09 g de M.O.P.S. par litre d’eau L.R.; ajuster le pH à 7,4 avec de la soude ; stériliser et stocker au réfrigérateur.
  • @ D.M.S.O. à 90 % ; 9 volumes de D.M.S.O. (qualité spéciale : MERCK ou DUPONT) et 1 volume de M.O.P.S. 0,01 M.
  • @ diluant pour A.T.P. standard dont la composition est déterminée pour assurer le maximum de stabilité de l’A.T.P. : E.D.T.A. 0,001 M, MgSO₄ anhydre 0,01 M et M.O.P.S. 0,01 M ; le pH est ajusté à 7,7. Stériliser et stocker au réfrigérateur.
  • @ A.T.P. standard.Pour préparer l’A.T.P. standard à 10 femtogrammes par ml (10 fg/ml) on procède à deux dilutions successives au 1/100 d’une solution à 1 mg/ml obtenue en diluant 119,3 mg d’un sel disodique hydraté d’A.T.P. dans 100 ml de diluant. Cette solution sera répartie ensuite dans des cuvettes fermées et stockées au congélateur.

— Préparation de l’enzyme.Une tablette de tampon (M.O.P.S. et MgSO₄ 0,01 M) est dissoute dans 3 ml d’eau faible réponse. On ajoute ensuite le contenu d’un tube contenant le mélange luciférine-luciférase ; on pipette 0,1 ml par cuvette, ce qui permet de réaliser 30 dosages. Cette solution doit obligatoirement être utilisée dans la journée.

— Calibrage de l’appareil.Celui-ci s’effectue avec l’A.T.P. standard titrant 10 fg/ml.

— Mode opératoire.La verrerie servant à la préparation des solutions et au stockage des échantillons sera lavée avec beaucoup de soin pour éviter toute contamination : lavage trois fois avec HCl 0,2 N, trois fois à l’eau distillée, trois fois au M.O.P.S. et enfin trois fois à l’eau faible réponse.

10 µl de l’extrait décongelé sont injectés par une seringue semi-automatique à travers un septum. La seringue doit être rincée plusieurs fois avec l’échantillon à doser avant d’effectuer le titrage.

Le résultat lu, en fg/ml, devra être multiplié par le facteur de dilution de l’échantillon dans l’extrait (60) et par le facteur de dilution préalable éventuel.

Des précautions particulières doivent être prises, notamment en ce qui concerne la maintenance de l’appareil (propreté du miroir réflecteur et renouvellement fréquent du septum).

Dans les conditions ci-dessus décrites, la reproductibilité de la mesure est bonne (2 % environ pour un même extrait).

Compte tenu de l’existence de trois extractions sur une boue donnée, et bien que cela varie d’une boue à une autre, on peut indiquer que la précision de la mesure est de l’ordre de 10 à 15 %.

V. — CONCLUSION

Après avoir noté l’intérêt que peut représenter la mesure de l’Adénosine Triphosphate (dont le rôle biochimique est rappelé) dans les boues activées, l’étude présentée propose un protocole expérimental d’extraction et de dosage de l’A.T.P. qui prévoit

notamment une dilution souvent indispensable des boues avant l'extraction, définit les meilleures conditions de conservation des extraits et précise les limites du dosage.

Ce travail correspond à la phase préliminaire d'une étude plus globale portant sur la signification et l'application des mesures d’A.T.P. dans les boues activées au cours des phénomènes d’épuration biologique. Une prochaine publication est en préparation sur ce thème.

REMERCIEMENTS

Cette étude a pu être réalisée grâce à l’aide accordée par le Ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie (contrat n° 75-154).

BIBLIOGRAPHIE

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G. MARTIN – NAM SANG HO – O.V. TRAC – M. REINBOLD

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