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Utilisation de l'acide péracétique pour la désinfection des eaux usées

28 juillet 1989 Paru dans le N°129 à la page 66 ( mots)
Rédigé par : R GIODANI, N IACOPONI et B POLIDORI

Dans plusieurs pays européens, les législations en vigueur fixent des valeurs maximales de charge bactérienne admissible pour le rejet en mer des effluents provenant des installations de traitement secondaire ou tertiaire des eaux d’égouts urbains.

En Italie, en particulier, la loi du 10 mai 1976, mieux connue sous le nom de loi Merli, fixe pour les effluents rejetés directement dans les eaux naturelles (mer, cours d’eau, etc.) le NPP (nombre le plus probable) maximal des coliformes totaux à 20 000/100 ml, celui des coliformes fécaux à 12 000/100 ml et celui des streptocoques fécaux à 2 000/100 ml.

Une telle réglementation n’existe pas, à l’heure actuelle, en France ; en revanche, des décrets, dits d’objectif de qualité, fixent des prescriptions techniques, mais uniquement sur les eaux réceptrices, suivant l’utilisation qui en est faite en aval. Par exemple, les eaux de baignade doivent répondre aux spécifications portées ci-dessous.

Bactéries intéressées Valeurs conseillées (/100 ml) Valeurs limites impératives (/100 ml)
Coliformes totaux 500 10 000
Coliformes fécaux 100 2 000
Streptocoques fécaux 100

Pour atteindre ces objectifs, compte tenu des charges bactériennes présentes normalement dans les égouts, la désinfection est nécessaire et elle est d’ailleurs largement employée.

À l’avenir, les eaux issues des installations d’épuration seront toutefois de moins en moins rejetées directement à la mer. Afin d’exploiter au mieux les ressources d’eau disponibles, et de limiter au maximum l’eutrophisation par l’apport excessif d’éléments nutritifs organiques, on prévoit d’utiliser de plus en plus les rejets pour l’irrigation fertilisante. Il est donc évident que ce genre d’utilisation nécessite des produits désinfectants à spectre d’action le plus large possible et, en même temps, à phytotoxicité réduite, voire nulle, laissant des résidus et sous-produits non nuisibles pour les organismes animaux.

Le produit le plus employé pour la désinfection des eaux d’égouts est actuellement le chlore ou l’hypochlorite de soude. Comme alternative, on a expérimenté, dans certains cas, le bioxyde de chlore qui, étant un gaz instable, doit être préparé sur place et est de manipulation difficile, sans pour autant garantir l’absence complète des composés organochlorés.

Le but de cette étude est de vérifier les possibilités de l’acide peracétique dans le domaine de la désinfection des eaux d’égouts communaux et de les comparer à celles du bioxyde de chlore.

MATERIEL ET MÉTHODES

Réactifs

Les solutions d’acide peracétique (PAA) ont été conservées au réfrigérateur et titrées immédiatement avant chaque essai ; on a procédé de même avec les solutions de bioxyde de chlore (ClO₂).

Effluents utilisés pour les essais

L’eau a été prélevée avec des bouteilles stérilisées à la sortie du traitement secondaire (avant l’entrée du bassin de désinfection) dans l’installation d’épuration des eaux usées d’une petite ville de 30 000 habitants.

Le transport au laboratoire a été effectué en boîte réfrigérée (T° : 5 °C).

Les caractéristiques moyennes des échantillons prélevés sont les suivantes :

  • — pH : 7,8
  • — Matières solides en suspension : 120 mg/l
  • — DCO : 235 mg/l
  • — DBO₅ : 98 mg/l
  • — NH₄⁺ : 48 mg/l (NH₄⁺)
  • — NO₃ : 10,1 mg/l (N)
  • — NO₂ : 9,6 mg/l (N)
  • — Coliformes totaux : 600 000 colonies/100 ml
  • — Coliformes fécaux : 85 000
  • — Streptocoques fécaux : 12 600

Procédé de désinfection

Des prélèvements de 500 ml d'eau ont été traités avec des quantités variables, comprises entre 2 et 10 ppm (exprimées en 100 %), des deux désinfectants. Deux temps de contact ont été choisis : 25 minutes (temps de séjour moyen dans les bassins de désinfection des stations d’épuration) et 45 minutes. Après le temps de contact prévu pour l'essai, la réaction a été stoppée en neutralisant le désinfectant résiduaire avec une solution de thiosulfate de sodium (50 g/l) pour le ClO₂, avec la même solution mais contenant en plus de la catalase (0,25 g/l) pour l'acide peracétique. Le rapport molaire thiosulfate/désinfectant est de six.

Pour vérifier l'action des deux désinfectants en présence d'une faible quantité de matières solides (< 1 mg/l), on a éliminé ces dernières par décantation.

Pour vérifier au contraire l’influence du pH sur l'efficacité bactéricide de l’acide peracétique, on a ajouté respectivement de l'acide chlorhydrique ou de la soude pour obtenir des valeurs de pH comprises entre 6,7 et 8,5.

[Photo : Graphique 1 : Comparaison entre l’acide peracétique et le bioxyde de chlore sur le nombre de coliformes résiduels (temps de contact : 25 mn. Teneur en matières solides : 5-18 mg/l).]

Méthodes analytiques

Analyses bactériologiques

Sur les échantillons prélevés avant et après désinfection, on a effectué l'analyse des principales souches bactériennes indicatrices du degré de contamination : coliformes, coliformes fécaux et streptocoques fécaux. Ne sont reportés sur les graphiques que les résultats relatifs aux coliformes totaux, car les allures des courbes concernant les coliformes et streptocoques fécaux sont similaires.

Les méthodes d’analyse utilisées, tirées de « Standard methods for the examination of water and wastewater ; New-York APHA », ont été les suivantes :

— culture en tubes dans un milieu liquide, — analyse sur membranes filtrantes.

Une série de tests menés en parallèle, suivant les deux méthodes, a montré la bonne reproductibilité des expériences. La méthode de filtration sur membrane permet d’obtenir des résultats rapides, mais, dans le cas des eaux avec une teneur en matière solide élevée, il est préférable d’adopter la culture en tube.

Analyse chimique

Après le temps de contact considéré, on a mesuré les quantités de désinfectant résiduaire en employant :

— pour le bioxyde de chlore la méthode colorimétrique au chlorophénol, — pour l’acide peracétique la méthode colorimétrique au DPD (sulfate de NN diéthylparaphényldiamine).

Sur tous les échantillons, on a mesuré systématiquement la teneur des matières solides en suspension et le pH.

RÉSULTATS

Les essais ont été conduits de façon à pouvoir évaluer le comportement bactéricide global des deux désinfectants, en tenant compte de la grande disparité de composition des rejets urbains ; par conséquent, nous avons essayé de mettre en évidence l'influence de divers paramètres (pH, solides en suspension, temps de contact, concentration) sur les performances des deux produits.

En observant l'allure du graphique n° 1, on peut constater qu’avec une teneur en matières solides comprise entre 5 et 18 mg/l (teneurs normales pour une installation d’épuration d’eaux usées urbaines) et avec un temps de contact de 25 minutes (qui est normalement prévu dans les installations actuelles d’épuration), l'acide peracétique a une capacité biocide plus élevée que celle du bioxyde de chlore, qui peut être quantifiée par une économie d’environ 2 mg/l à parité égale de résultat sur les souches bactériennes considérées.

En observant ensuite l'allure du graphique n° 2, on note facilement qu’avec des temps de contact plus longs (45 minutes), la différence de capacité biocide augmente en faveur de l’acide peracétique et peut être quantifiée par une économie d’environ 3 mg/l. Ceci est à attribuer probablement au fait que le PAA reste plus longtemps dans les rejets (comme les analyses de désinfectant résiduaire le montrent sur le graphique n° 3) et peut donc exercer plus longtemps son action bactéricide. Par contre, le ClO₂ a déjà complètement disparu après 25 minutes de traitement.

Les graphiques n° 4 et 5 mettent en évidence l'influence de la quantité de matières solides en suspension sur les résultats des désinfections. L’acide peracétique est peu sensible aux diffé-

[Photo : Graphique 2 : Comparaison entre l’acide peracétique et le bioxyde de chlore sur le nombre de coliformes résiduels (temps de contact : 45 mn. Teneur en matières solides : 5-18 mg/l).]
[Photo : Graphique 3 : Désinfection des eaux d’égout avec PAA.]
[Photo : Graphique 4 : Désinfection avec acide peracétique : influence des matières solides sur le nombre de coliformes résiduels (temps de contact : 25 mn).]

Différences de concentration des matières solides en suspension, alors que l’efficacité du bioxyde de chlore est nettement modifiée.

En l’absence de matières solides en suspension (< 1 mg/l) (condition réalisable dans les épurateurs d’eaux d’égouts avec l’installation de filtres), le ClO₂ a une efficacité supérieure à celle du PAA. La différence est particulièrement significative dans le cas des coliformes totaux et peut être quantifiée par une économie d’environ 3 mg/l. Par contre, dans le cas des coliformes fécaux et des streptocoques fécaux les différences sont moins importantes.

Enfin, le graphique n° 6 montre l’influence du pH sur le résultat de la désinfection effectuée avec l’acide peracétique. On peut noter que l’activité bactéricide du PAA est plus élevée à pH neutre ou faiblement acide.

[Photo : Graphique 5 : Désinfection avec bioxyde de chlore : influence des matières solides sur le nombre de coliformes résiduels (temps de contact : 25 mn).]

CONCLUSION

Les essais effectués ont confirmé le bon pouvoir désinfectant des deux produits testés. Les différences les plus significatives sont les suivantes :

  • — l’acide peracétique peut être employé avec de bons résultats, même en présence de solides en suspension (5-18 mg/l), alors que l’effet désinfectant du bioxyde de chlore est fortement influencé par les solides organiques en suspension ; par conséquent, pour obtenir des résultats constants et fiables avec le ClO₂, il faudrait prévoir son emploi sur les rejets filtrés (solides en suspension < 1 mg/l). Naturellement, la présence d’un filtre augmente sensiblement les investissements et les coûts de gestion ;
  • — l’acide peracétique reste plus longtemps dans les rejets et, donc, outre son action désinfectante, il garantit un effet bactériostatique particulièrement important en cas de rétention de l’eau après désinfection dans des bassins proches des stations d’épuration. Par contre, sur les rejets filtrés le PAA s’est révélé moins efficace que le ClO₂ avec des temps de contact courts (25 minutes) ;
  • — l’effet biocide du PAA est influencé par le pH des rejets, alors que celui du ClO₂ est indépendant du pH dans l’intervalle 6-10 ;
  • — les produits de la décomposition du PAA sont l’acide acétique et l’eau, par conséquent non toxiques pour les organismes végétaux et animaux avec lesquels ils peuvent entrer en contact ;
  • — pour obtenir des rejets avec une charge bactérienne inférieure à la charge maximale prévue actuellement par la loi italienne (n° 379 du 10 mai 1976) dans le cas d’eaux d’égouts rejetées dans la mer ou dans les cours d’eau superficiels, une concentration de PAA de 2 mg/l est suffisante avec un temps de contact de 25 minutes, contre une concentration en ClO₂ de 4-5 mg/l pour obtenir le même résultat.
[Photo : Graphique 6 : Désinfection avec acide peracétique : influence du pH sur le nombre de coliformes résiduels (temps de contact : 25 mn. Acide peracétique : 4 mg/l).]
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