[Photo : Depuis plusieurs années, le district de Montargis devait faire face à des teneurs en pesticides sur plusieurs forages, dépassant régulièrement les seuils réglementaires.]
Les produits phytosanitaires, communément désignés sous le terme de « pesticides », sont des produits chimiques utilisés pour protéger les cultures et comme désherbants sélectifs des zones non agricoles. L’usage intensif de ces produits s’accompagne aujourd’hui d’une pollution réelle de certaines nappes phréatiques et cours d'eau. L’essentiel de la pollution est dû à une dizaine de molécules, dont principalement des herbicides de la famille des triazines. Le ministre de l’Agriculture a décidé d’interdire la commercialisation des pesticides de la famille des triazines à compter du 30 septembre 2002, ainsi que leur usage à partir de juin 2003. Les utilisateurs de produits phytosanitaires sont maintenant conscients de la nécessité d’améliorer leurs
Mots clés : charbon actif en grains, traitement des pesticides, unité mobile de traitement.
De nouvelles techniques d’analyse
Les qualités exigibles d'une eau d’alimentation impliquent la garantie de son innocuité vis-à-vis de l’homme et des animaux qui seront appelés à la consommer. Les effets sur la santé des produits phytosanitaires sont connus dans le cas d’intoxication aiguë, par contre la connaissance de leur action à long terme sur la santé humaine reste incomplète.
La base réglementaire européenne retranscrite en droit français (décret n° 2001-1220 du 20 décembre 2001) a fixé pour chaque pesticide et pour tous les sous-produits, appelés aussi métabolites, formés au cours de leur dégradation naturelle ou dans une chaîne de traitement, une valeur unique de 0,1 µg/l, et pour la somme des substances mesurées, un total de 0,5 µg/l.
Étant donné ce contexte, il s’avère nécessaire d'une part de mettre au point de nouvelles méthodes d’analyse en mettant l’accent de plus en plus sur des substances polaires, ainsi que sur les principaux métabolites de ces pesticides, et d’autre part d’évaluer la traitabilité de ces composés. À ce sujet, parmi les différents procédés dont dispose le traiteur d’eau pour remédier à la présence de composés phytosanitaires dans les ressources, ceux qui les éliminent, et en particulier l'adsorption sur charbon actif, sont à privilégier par rapport à ceux qui les transforment.
La période 1997/1999 a été mise à profit par le CIRSEE pour mettre au point deux méthodes d’analyse multi-résidus afin de pouvoir identifier et doser les 34 pesticides jugés prioritaires au niveau européen. Ces méthodes d’analyse mettent en œuvre un couplage chromatographie en phase gazeuse/spectrométrie de masse (CG/SM) et un couplage chromatographie liquide haute performance/absorbance dans l'ultraviolet (HPLC/UV). La mise au point de ces méthodes d’analyse a fait l'objet d'un projet de recherche européen qui s’est déroulé au CIRSEE de janvier 1997 à juin 2000 (Report EUR 19707 EN).
Ces nouvelles techniques d’analyse ont été mises en œuvre au CIRSEE, dans le cadre d'un projet de recherche réalisé avec l'aide financière de l'Agence de l'Eau Seine Normandie (AESN), pour réaliser des essais en laboratoire d’adsorption sur charbon actif des 34 pesticides jugés prioritaires au niveau européen et parmi ceux les plus souvent détectés dans les ressources.
Les résultats expérimentaux ainsi obtenus permettent de calculer les coefficients qui caractérisent l'adsorption sur charbon actif. À partir de ces coefficients, l'application de modèles de calcul permet de comparer l'adsorbabilité relative de ces différents pesticides, de prédire la durée de fonctionnement d'un filtre à charbon actif en grain avant régénération et d’en optimiser les paramètres de fonctionnement.
Trois niveaux de restrictions
L’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (A.F.S.S.A) propose trois niveaux de restrictions d'usage de l'eau en fonction de la sensibilité des différentes catégories de la population et des concentrations en pesticides dans les eaux :
> à 0,4 µg/l, l'eau ne doit pas être consommée par les nourrissons et les femmes enceintes,
> à 0,6 µg/l, l'eau ne doit pas être consommée par les nourrissons, les femmes enceintes et les enfants de moins de 10 kg,
> à 2 µg/l, l'eau ne doit pas être consommée par l’ensemble de la population.
Lorsque la dose maximale admissible est dépassée, les communes sont contraintes d’agir rapidement, parfois sous la pression des autorités sanitaires et des habitants pour restaurer la qualité de l'eau distribuée. Aujourd’hui, de très nombreuses collectivités doivent faire face à une dégradation importante et rapide de leur ressource en eau. Elles doivent mettre en œuvre un programme d’amélioration de la qualité des eaux distribuées et informer la population sur la nature des risques encourus. Les solutions privilégiées par le Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France, les Agences de l'eau, la DDA et la DDASS sont décrites ci-dessous :
- s'interconnecter avec un réseau voisin dont la ressource est préservée,
- se regrouper entre communes sur une nouvelle ressource,
- mettre en place une ou plusieurs unités de traitement sur la ressource polluée.
La dernière solution est la plus rapide et la plus simple à mettre en œuvre. La solution d'une unité de traitement n’exclut pas le
[Photo : Fabrication des skids pesticides en atelier.]
[Photo : L’agglomération Montargoise s’est trouvée dos au mur, suite à la présence trop importante de pesticides et à la volonté de la DDASS de ne plus autoriser ces dépassements.]
[Photo : Déchargement d’un skid pesticides sur le site de l’Aulnoy.]
Le suivi de la ressource afin d'en améliorer la qualité, alors que les autres solutions supposent l'abandon de la ressource actuelle. Lyonnaise des Eaux France a pour ambition de ne plus avoir aucun problème récurrent de qualité sur ses contrats. Cela exige de n'accepter aucun compromis sur le respect des normes en vigueur et d'assurer la parfaite conformité de l'eau distribuée.
L’unité standardisée de traitement des pesticides
Lyonnaise des Eaux France a conçu, pour répondre à la problématique liée aux pesticides et aux préoccupations des consommateurs, des unités de traitement spécialement adaptées aux petites ressources en eau : les skids pesticides. L’originalité du skid pesticides consiste à mettre à la disposition des petites collectivités une solution d’attente de proximité adaptée au traitement des eaux brutes contaminées en produits phytosanitaires. Ces unités de traitement sont très faciles à mettre en place (pas d’impact sur les installations existantes) et permettent de garantir le respect des normes de qualité à un coût très compétitif. L’unité de traitement se présente sous la forme d'un module standardisé, préfabriqué et prêt à l'emploi.
[Photo : Prise en main des installations avant la mise en service.]
Le principe de fonctionnement est simple et fiable puisqu’il consiste à faire passer sous pression l’eau brute à traiter à travers un lit de charbon actif en grains. Le procédé de traitement retenu permet à la
[Photo : Vue des 3 skids pesticides sur le site de l’Aulnoy.]
fois une filtration de l’eau brute et une adsorption des micropolluants. Le dimensionnement de l’unité a fait appel à tout le savoir-faire de Lyonnaise des Eaux France en termes de performances du procédé et de facilité d’exploitation (simple et robuste). Le fonctionnement est entièrement automatisé et ne nécessite pas une attention particulière lors de son exploitation. Au bout d’un certain temps d'utilisation du skid pesticides, le charbon actif est saturé en pesticides ; il doit alors être remplacé par une nouvelle charge. Le charbon saturé en pesticides est régénéré thermiquement dans des centres spécialisés, avant d’être réutilisé.
L’exemple de Montargis
La population de l’agglomération montargoise – soit près de 56 000 habitants – a toujours été alimentée en direct par des forages :
- 3 forages à Pannes (lieu-dit de l’Aulnoy),
- 3 forages à Amilly (lieu-dit de la Chise)
Depuis plusieurs années, le district de Montargis devait faire face à des teneurs en pesticides sur plusieurs forages, dépassant régulièrement les seuils réglementaires. Lyonnaise des Eaux France avait fait plusieurs propositions de remise en conformité et avait engagé de longues discussions avec les élus, mais aucune décision concrète n’avait été prise. L’agglomération montargoise s'est trouvée dos au mur, suite à la présence trop importante de pesticides et à la volonté de la DDASS de ne plus autoriser ces dépassements. Alerté par la DDASS, le préfet a pris un arrêté limitant l’usage de l'eau au robinet, le 11 juillet 2001, et a ordonné la distribution d’eau en bouteille pour satis-
faire les besoins alimentaires.
De juillet à fin janvier 2002, 156 240 bouteilles ont été distribuées par la Lyonnaise des Eaux France aux administrés de Chalette, Pannes et certains quartiers d’Amilly concernés par les pics de pollution !
Pour remédier à cette situation, l'Agglomération montargoise et rives du Loing et Lyonnaise des Eaux France mettent en œuvre un plan d'action d’envergure destiné à garantir la qualité de l'eau fournie aux habitants des communes concernées. Ce plan d'action d'urgence comprend trois étapes, les deux premières ayant été confiées à Lyonnaise des Eaux France :
- - Étape n° 1 : travaux pour la mise en place de skids pesticides ; durant cette période des bouteilles d’eau ont été mises à la disposition des publics touchés par les restrictions d'usage de l'eau.
- - Étape n° 2 : mise en service des skids pesticides permettant de distribuer une eau conforme aux normes sanitaires vis-à-vis des teneurs en pesticides.
- - Étape n° 3 : mise en service d'une nouvelle usine de production d’eau potable ; un délai d'environ deux à trois ans sera nécessaire pour réaliser les études et la construction de cette nouvelle usine.
[Photo : Réception des skids sur le site de l’Aulnoy : Jean-Pierre Door (Maire de Montargis et président de l’Agglomération Montargoise et rives du Loing, au centre), Christian Gallois (Directeur du centre Gâtinais-Bourgoigne de la Lyonnaise des Eaux, à gauche).]
Dans l'urgence, en vertu du principe de précaution, Jean-Pierre Door, Maire de Montargis et président de l’Agglomération Montargoise et rives du Loing, décide d’engager immédiatement les étapes n° 1 et n° 2 sur les deux sites touchés par la pollution. Six mois après, Lyonnaise des Eaux France achève les deux premières étapes avec la mise en exploitation de sept skids pesticides permettant d’éliminer les pesticides et de restaurer la qualité de l'eau distribuée. Tout d’abord, c’est le site de l’Aulnoy qui a été équipé de trois skids pesticides, pour un débit de 150 m³/h, puis le site de La Chise qui a été pourvu de quatre skids pesticides, pour un débit de 200 m³/h.
[Photo : 3 skids pesticides « bardés » sur le site de l’Aulnoy près des forages.]
[Photo : 4 skids pesticides « bardés » sur le site de La Chise près des forages.]
Ces skids pesticides sont entièrement automatisés et fonctionnent sous le contrôle permanent des techniciens, à l’aide d’une centrale de télésurveillance.
Un rapport d’analyses supervisé par la DDASS le confirme : les valeurs de pesticides mesurées sont inférieures aux seuils de détection. Des prélèvements sont opérés tous les mois sous la houlette de la DDASS et de la Lyonnaise des Eaux France. Cet aménagement perdurera jusqu’à ce qu’une nouvelle usine d'eau potable soit mise en service.