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Une valorisation originale des déchets ménagers plastiques

30 mars 1994 Paru dans le N°171 à la page 61 ( mots)

La valorisation matière des plastiques pose des problèmes de débouchés tant aux fabricants de matières plastiques, aux plasturgistes, aux conditionneurs qu'aux professionnels du déchet. Afin de pallier la faiblesse de cette filière et pour répondre à une demande du District du BAB, les groupes Sita et Testa, se sont associés pour mettre en ?uvre le procédé Ecobac de valorisation des plastiques mélangés issus des ordures ménagères.

Alors que la réglementation française devient plus contraignante en terme de valorisation des déchets ménagers, à travers le décret « emballages » du 1ᵉʳ avril 1992 et la loi de juillet de la même année, la valorisation des plastiques correspond à une préoccupation majeure, tant pour les producteurs de matières plastiques, les professionnels de la plasturgie et du conditionnement que pour les professionnels du déchet.

La France produit 2,4 millions de tonnes de déchets plastiques par an, pour une production globale d’un peu plus du double. Environ 1 million de tonnes se retrouvent dans nos poubelles sous forme de bouteilles, de flaconnages, ou de films divers. Le gisement de plastiques contenu dans les déchets ménagers n’est donc pas négligeable.

Trois méthodes de valorisation des plastiques existent.

La voie chimique avec régénération des substances de départ est sans doute la voie d’avenir mais elle n’en est qu’à ses balbutiements. La chimiolyse du polyuréthanne avec récupération de ses composants initiaux, les polyols et polyol uréthanne à chaîne courte, commence à se développer ; ce procédé nécessite cependant des gisements relativement purs ce qui est rarement le cas avec les déchets ménagers.

La valorisation énergétique, qui est aujourd’hui la voie la plus pratiquée concerne 45 % des plastiques contenus dans les déchets ménagers. Toutefois, cette incinération, même avec récupération de chaleur (ou production d’énergie) rencontre une grande opposition de la part de la population, qui redoute les émissions atmosphériques et en particulier celles qui contiennent de l’acide chlorhydrique provenant de la combustion des PVC. Reste donc la valorisation physique de ces matériaux, qui pose toutefois des problèmes de débouchés des produits fabriqués et des problèmes de compatibilité des plastiques lors de leur fabrication.

C’est dans cette dernière voie et pour répondre à la demande du District de Bayonne-Anglet-Biarritz (BAB) que les Groupes Testa et Sita ont décidé d’allier leurs compétences pour engager une expérience de recyclage sur plastiques mélangés issus des ordures ménagères. Pour cela, les partenaires ont tenu compte tant des contraintes de la collecte sélective que de la nécessité de développer des débouchés, sous forme d’objets utiles, aux flux de matières secondaires, dégagés par la nouvelle réglementation. Les choix techniques des deux partenaires ont été dictés à la fois par la nature du gisement, les contraintes techniques et économiques liées au recyclage du plastique et enfin la volonté de sortir du contexte actuel de perplexité, en poussant jusqu’au

bout la logique du recyclage : la chaîne conduit ainsi à la production de bacs à compost individuels qui permettent à leur tour de recycler sous forme de compost les déchets verts des ménages et des jardins.

Les motivations des choix techniques

Le faible coût d’achat des résines vierges fragilise toujours le marché des plastiques recyclés. Si l’on reste dans une logique de substitution de plastique à plastique, on risque de ne pas sortir de cette équation de la rentabilité. Pourtant, certains plastiques peuvent devenir des substituts au bois et au ciment tout en leur étant supérieurs sur certains points (résistance à l’humidité, imputrescibilité, etc.). De fait, ils prennent une valeur différente sur le marché. En partant de ce principe, toute une série d’applications peut être développée, en fonction du choix technique réalisé ; par extrusion, on obtient des produits longs du type planches, piquets, poteaux, rails de guidage d’autoroute ; l’injection autorise, quant à elle, la fabrication de pièces moulées et donc la possibilité de produire une plus grande variété d’objets, mais elle est plus délicate à mettre en œuvre.

La méthode retenue par Sita et Testa est celle du moulage par compression qui permet d’éviter la phase de granulation des plastiques. Le moulage par compression permet la fabrication d’objets aussi divers que des bobinoirs, des plaques de clôtures, des tourets, des palettes, des caillebotis, des bacs, etc.

[Photo : L’Écocomposteur.]

Le procédé Eco-Line

La société Ecobac utilise le procédé Eco-Line, développé par Testa, pour la production de bacs à compost individuels. Il conduit à la fabrication directe de produits finis en une seule opération de fusion.

Ce procédé comporte six phases exploitées en continu. Dans un premier temps les déchets plastiques mélangés sont broyés. Ils sont ensuite stockés dans des silos métalliques. Le lavage qui suit permet en outre d’éliminer par gravité les métaux, verres, cailloux et autres impuretés plus denses. Après une phase de séchage mécanique, la plastification assure la fusion, l’homogénéisation et éventuellement l’adjonction de plastiques liants ou compatibilisants permettant d’obtenir un matériau homogène ; cette opération est réalisée à l’aide d’une unité de mélange et de gavage et d’une extrudeuse monovis spéciale. Intervient ensuite la phase de compression, à savoir le stockage à chaud dans la trémie intermédiaire, le dosage pondéral de ce magma dans le moule et son estampage sous l’action d’une presse. Cette phase exige un système tampon doseur avec transfert pour maintenir le « melt » à température de fusion et assurer le transfert vers le moule, ainsi qu’une presse à compression allant jusqu’à 1 000 tonnes de puissance.

La phase-clef, qui constitue l’apport technologique majeur, est le système de dosage et de transfert du mélange plastique fondu jusqu’au moule, qui permet, après compression, l’obtention d’une pièce parfaitement finie.

Ce procédé présente également l’avantage de répondre à des critères de protection de l’environnement et d’économie de ressources : utilisation rationnelle de l’énergie (moins de 1 kWh par kilogramme de plastique fini), maîtrise parfaite des effluents liquides (décantation et recyclage des eaux de lavage), absence d’effluents solides ou gazeux indésirables.

[Photo : La chaîne Eco-Line.]

L’usine-pilote de Bayonne : jusqu’au bout de la logique

Cette usine, dont la production a démarré en mars 1993, est située à proximité de l’usine de tri des ordures ménagères du District du BAB gérée par Novergie, filiale du Groupe Sita, qui fournira l’usine en gisement de plastiques d’ordures ménagères.

Après broyage et gavage, les plastiques sont fondus et directement compressés pour obtenir les éléments d’Ecocomposteurs®, bacs à compost individuels qui permettront le recyclage de la partie fermentescible des déchets des ménages qui en disposeront (la fermentation étant favorisée par la présence d’alvéoles d’aération pratiquées dans les parois). Ceux-ci pourront y déposer les feuilles mortes, l’herbe coupée, les résidus de jardinage, la plupart des déchets de cuisine comme les pelures de fruits et de légumes, les coquilles d’œufs, les sacs de thé, les poussières d’aspirateur, etc. Ce fertilisant naturel, produit directement par les ménages, remplacera avantageusement les engrais utilisés dans les jardins.

La quantité de plastiques recyclés sera de l’ordre de 850 tonnes/an, ce qui représentera la fabrication d’environ 20 000 Ecocomposteurs.

Les 9 MF d’investissements réalisés pour mener à bien ce projet ont permis dans l’immédiat la création de neuf emplois, les prévisions portant ce chiffre à 15 pour 1995.

L’expérience d’Ecobac va jusqu’au bout de la logique de la valorisation : non seulement le produit est constitué de plastiques recyclés à 100 % mais encore il favorise les gestes individuels vers une meilleure gestion des déchets.

L’Ecocomposteur sera disponible en kit modulable d’une capacité évoluant de 200 à 1 520 litres.

À travers cette expérience, les Groupes Testa et Sita souhaitent témoigner, d’une part, des capacités physiques et techniques des produits réalisés à partir du recyclage des plastiques mélangés et, d’autre part, de leur qualité.

De nouveaux produits devraient être développés grâce à ce procédé, en contribuant, modestement mais avec une grande créativité, au règlement du vaste problème posé par le recyclage des matières plastiques.

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