Your browser does not support JavaScript!

Une unité pilote de traitement des sédiments issus de l'assainissement pluvial

30 mars 2007 Paru dans le N°300 à la page 79 ( mots)
Rédigé par : Jean-yves VIAU, François PéTAVY, Véronique RUBAN et 1 autres personnes

Pas simple, la gestion des sédiments issus de l'assainissement pluvial. Quantités importantes (5 millions de tonnes de matière sèche) d'un côté ; pollutions organique (hydrocarbures, HAP) et métallique (métaux lourds) élevées de l'autre. L?enjeu actuel est de proposer aux gestionnaires des techniques de traitement permettant une valorisation des sous produits tout en respectant des critères économiques et environnementaux. Dans ce contexte, une unité pilote, ATTRISED, a été conçue afin de valoriser, après traitement physique, les sédiments curés.

François Pétavy et Véronique Ruban, LCPC Jean-Yves Viau, Saint-Dizier Environnement Pierre Conil, BRGM

L’évolution de la réglementation a entraîné une prise de conscience des gestionnaires de bassins de rétention ou d’infiltration des eaux de ruissellement en milieux routier et urbain. Face à l’interdiction de mise en décharge, qui est néanmoins toujours tolérée et pour éviter l’épandage non contrôlé, des solutions de traitement sont étudiées afin de valoriser les sédiments issus de l’assainissement pluvial.

Que contiennent ces sédiments ?

Les eaux de pluie se chargent en substances polluées accumulées sur les surfaces qu’elles lessivent. Elles entraînent de nombreuses particules et matières en suspension qui après décantation constituent les sédiments de l’assainissement pluvial. En fonction de la morphologie des sites, des caractéristiques des ouvrages ainsi que des événements pluvieux, les sédiments présentent des caractéristiques physiques et chimiques très hétérogènes. Les teneurs élevées en métaux lourds, hydrocarbures totaux et aromatiques polycycliques (tableau 1) ne permettent pas une réutilisation de ces produits sans un traitement préalable.

De l’essai laboratoire à la conception d’un pilote

Des essais de caractérisation des sédiments ont permis de localiser la pollution au sein des particules fines. Ces dernières sont présentes sous deux formes :

> libres et facilement séparables par un tri granulométrique tel que le tamisage ou le cyclonage ;

> agglomérées entre elles ou autour de particules grenues et elles nécessitent alors une étape supplémentaire d’attrition avant de subir une séparation granulométrique.

La combinaison de deux traitements physiques tels que le tamisage et l’attrition a permis, à l’échelle laboratoire, de dépolluer 50 à 75 % de l’échantillon brut. Ces résultats ont conduit notre étude vers la conception d’une unité pilote de traitement : Attrised.

Tableau 1 : Exemples de caractérisation de sédiments de bassins [1]

Sédiments Cuivre (mg/kg) Zinc (mg/kg) HcT (mg/kg)
Wissous 324 1 575 31 778
Cheviré 271 1 847 3 872
Ronchin 254 1 447 4 192
[Photo]

Principe et fonctionnement de l’unité pilote

L’unité pilote a été mise en place au Laboratoire Central des Ponts et Chaussées en collaboration avec le BRGM et Saint Dizier Environnement. Elle fait intervenir quatre coupures granulométriques (tamis statiques et vibrants et hydrocyclones) ainsi qu’une étape d’attrition.

Les différentes étapes sont réalisées par voie humide avec des teneurs en eau variant de 20 % pour l’attrition à 80 % pour les étapes de cyclonage. La figure 1 présente le principe de traitement ainsi que les différentes filières de valorisation envisagées pour chaque fraction granulométrique.

[Photo : Figure 1 – Schéma de principe de l'unité pilote Attrised.]
[Encart : Le cyclonage : une séparation granulométrique de quelques microns Un hydrocyclone est constitué d’un tube conique ouvert à ses extrémités. L’alimentation en pulpe sous pression est effectuée en continu par une ouverture latérale située dans la partie supérieure de l’appareil. Sous l’effet de la vitesse, un vortex se forme et les particules les plus lourdes et les plus grossières viennent se coller sur la paroi externe de l’équipement. Elles glissent ensuite vers le bas de l’hydrocyclone jusqu’à la sortie appelée déversoir. Les particules les plus fines se stabilisent au centre du vortex et, sous l’influence d’un vortex secondaire, sortent par la surverse de l’hydrocyclone. Cet outil permet d’effectuer des séparations granulométriques de quelques dizaines de microns et peut même atteindre quelques microns. Le dimensionnement des orifices de sortie, la pression d’alimentation ainsi que la dilution de la pulpe d’entrée sont autant de paramètres qui permettent de faire varier la coupure granulométrique. Un tamisage grossier (2 mm) est cependant nécessaire afin d’éviter l’obstruction de l’appareil tout en améliorant ses performances.]

Grille statique

La grille présente un maillage de 30 mm et repose à l’intérieur d’une trémie de 150 cm de hauteur. L’alimentation en sédiment se fait manuellement dans la trémie avec une pelle en acier inox à un débit variant de 200 à 350 kg/h en fonction de la composition des résidus. La fraction supérieure à 30 mm est enlevée de la trémie au fur et à mesure. Les particules inférieures à 30 mm sont acheminées par l’intermédiaire d’un convoyeur vers le séparateur primaire.

[Photo : Unité pilote vue de dessus.]
[Photo : Unité pilote vue arrière.]
[Photo : Unité pilote vue avant.]
[Photo : Alimentation manuelle.]

Séparateur primaire

Il comprend un tamis vibrant avec un seuil de coupure de 2 mm et un hydrocyclone. Le tamis vibrant est équipé d’un système d’aspersion d’eau pour favoriser la séparation des particules.

[Photo : Aspersion d’eau.]

La fraction supérieure à 2 mm quitte la filière de traitement alors que celle inférieure à 2 mm est injectée sous une pression de 1,5 bar dans un hydrocyclone.

[Photo : Hydrocyclone.]

Cet équipement permet une séparation des particules à environ 60 µm. La fraction inférieure à 60 µm est dirigée vers la filière de traitement des eaux alors que celle supérieure à 60 µm est séchée sur un second tamis vibrant avant d’être introduite dans des cellules d’attrition.

Cellules d’attrition

Cette machine est constituée de deux cel-

Cellules d'attrition

Cellules contiguës de 30 litres chacune en acier au carbone. La cellule de tête comporte un piquage incliné pour l’alimentation en solides et en eau de dilution. Les deux cellules sont équipées d'un arbre vertical avec trois niveaux de pales d’agitation alimentées par un moteur électrique de 3 kW. La cellule de queue comporte un piquage pour l’évacuation des produits traités.

[Photo : Cellule d'attrition]
[Encart : L’attrition : Une technique de dépollution L’attrition consiste en l’élimination d'encroutements de surface des particules par frottement. Cette opération s'effectue en voie humide. Après attrition, une séparation granulométrique (tamisage ou cyclonage) est réalisée afin de séparer les particules fines correspondant aux encroutements des particules nettoyées. Contrairement au broyage, l'attrition n’altère pas la particule non polluée. L'équipement nécessaire à l'attrition est constitué d'une cuve (essais laboratoires) ou de plusieurs cuves en série (essais pilotes ou industriels) ; elles sont généralement d'une forme octogonale pour éviter la rotation de la pulpe. Chaque cellule est équipée d'un arbre vertical avec trois niveaux de pales d'agitation alimentées par un moteur électrique. Les pales sont orientées de sorte que les particules soient projetées les unes sur les autres favorisant ainsi les forces de frottement. Les rendements d'attrition sont très largement dépendants des conditions opératoires, à savoir la granulométrie et la teneur en matière sèche des particules à traiter, la vitesse de rotation des pales et la durée de traitement. Pétavy et Ruban (2006) [2] ont démontré lors de leurs travaux un gain de dépollution important après une optimisation des paramètres. L’attrition permet une dépollution en matière organique et en éléments polluants traces pouvant atteindre près de 85 % de la teneur initialement présente dans la pulpe à traiter.]
[Photo : Principe d’attrition et comparaison avec une technique de broyage]

Séparateur secondaire

Les produits traités dans les cellules d'attrition sont ensuite dirigés vers le séparateur secondaire.

[Photo : Séparateur secondaire]

Celui-ci permet une séparation des particules à 60 μm environ par hydrocyclonage. Comme pour le séparateur primaire, la fraction fine est dirigée vers le traitement des eaux alors que la fraction supérieure à 60 μm est séchée sur un tamis vibrant avant d'être récupérée.

Traitement des eaux

Les eaux contenant les particules fines issues des séparateurs primaires et secondaires sont récoltées dans une cuve avant d'être injectées dans un décanteur lamellaire.

L’ajout de polymère permet l'agglomération des particules fines et la formation de flocs qui vont décanter au fond de l’équipement. Les boues ainsi formées sont pompées vers un filtre-presse pour être déshydratées et former un gâteau de boues.

[Photo : Eaux de surverse des hydrocyclones]
[Photo : Gâteau de particule fine]

Les eaux de surverse du décanteur sont réinjectées au niveau des deux séparateurs physiques. L'unité pilote fonctionne en circuit fermé ; il n'y a aucun ajout d’eau provenant du réseau.

[Photo : Eau traitée]

Les différentes fractions

L'unité pilote Attrised a permis d’étudier 7 sédiments issus de l'assainissement pluvial. Pour chacun d’entre eux, 2 à 3 tonnes de résidus ont été traitées.

Fraction supérieure à 30 mm

La fraction supérieure à 30 mm représente entre 2 et 7 % de la masse totale de l’échantillon brut. Elle est constituée essentiellement de détritus tels que des canettes, des bouteilles, des sacs plastiques… mais également de quelques gros cailloux ou galets issus de l’érosion. Cette fraction n’a pas été analysée et sera éliminée via la filière des déchets ménagers.

Fraction 2 mm - 30 mm

Le pourcentage massique de cette fraction est très variable en fonction des sédiments étudiés et varie entre 7 et 32 %. Les différentes filières de valorisation pour cette fraction seront définies en fonction de ses caractéristiques chimiques et géotechniques.

Fraction 60 μm - 2 mm

Cette fraction représente environ 50 % du pourcentage massique des sédiments bruts. Comme pour la fraction comprise entre 2 mm et 30 mm, une caractérisation chimique et géotechnique permettra de définir les filières de valorisation retenues.

Fraction inférieure à 60 μm

Cette fraction issue des coupures à 60 μm par hydrocyclonage correspond à des pourcentages massiques variant de 7 à 50 %. Ces particules fines sont considérées comme des déchets ultimes dans les conditions écono-

…niques actuelles et seront donc éliminées.

Un exemple : le sédiment de Cheviré

Ce bassin est localisé au sud-ouest de Nantes. Il est de type routier et collecte les eaux de ruissellement du pont de Cheviré qui permet le franchissement de la Loire. La surface du bassin est de 780 m². En fonction des conditions climatiques, ce bassin se trouve en eau ou à sec.

[Photo : Le bassin de Cheviré]

Composition des sédiments

Les sédiments curés sont traités par l’intermédiaire de l’unité pilote Attrised. Leur composition chimique est présentée dans le tableau 2.

Tableau 2 : Caractérisation du sédiment brut de Cheviré

Cadmium 1,3 mg kg⁻¹
Chrome 69 mg kg⁻¹
Cuivre 306 mg kg⁻¹
Nickel 29 mg kg⁻¹
Plomb 138 mg kg⁻¹
Zinc 1 180 mg kg⁻¹
Matière organique 15 %
Hydrocarbures totaux 3 538 mg kg⁻¹

Les sédiments du bassin de Cheviré présentent des teneurs en polluants très importantes avec notamment des concentrations en cuivre et en zinc de 306 et 1 180 mg kg⁻¹. De plus, ce matériau est constitué d’environ 15 % de matière organique et de plus de 3 500 mg kg⁻¹ d’hydrocarbures totaux.

Les différentes fractions

Les pourcentages massiques des différentes fractions granulométriques récupérées après traitement sont présentés sur la figure 2.

Le pourcentage d’encombrants, supérieurs à 30 mm, correspond à 4 % des sédiments bruts. La fraction fine polluée représente une proportion importante de l’échantillon avec environ 38 % du sédiment. Les fractions 2 mm - 30 mm et 60 µm - 2 mm représentent respectivement 8 et 50 % du sédiment de Cheviré. Deux exemples de la répartition des polluants en fonction de la distribution granulométrique sont présentés sur les figures 3 et 4. La fraction supérieure à 30 mm, majoritairement composée d’encombrants, n’a pas été analysée.

La fraction fine renferme 87 % de la quantité totale de zinc et 88 % d’hydrocarbures totaux pour un pourcentage massique de 38 %. Une accumulation élevée des polluants métalliques (zinc) et organiques (hydrocarbures totaux) a lieu au sein des particules fines. Les résultats sont sensiblement similaires pour les autres métaux ainsi que pour la matière organique. Par conséquent, les deux fractions comprises entre 60 µm et 30 mm sont largement dépolluées et ne présentent que de faibles concentrations en polluants (rapport entre les pourcentages de polluants et les pourcentages massiques des fractions).

Quelles filières de valorisation ?

Les caractérisations géotechniques (granulométrie, valeur au bleu de méthylène, test Proctor…) des fractions 60 µm - 2 mm sont déterminées afin de proposer des filières de valorisation adaptées.

En se basant sur le guide des techniques de remblais et de couches de forme (GTR) [3], plusieurs possibilités de valorisation sont offertes aux résidus traités :

> Remblai routier et remblai de tranchées

> Couche de forme.

— p —

Avec des rendements de valorisation élevés, cette unité pilote offre aux sédiments de bassins et fossés et aux balayures de voiries, des filières de valorisation respectant à la fois les critères environnementaux et géotechniques. Cette solution présente également un intérêt économique par rapport aux filières d’élimination actuelles. Une étude est actuellement en cours pour le développement industriel d’Attrised.

Les auteurs remercient l’Agence de l’Eau Seine Normandie, le Setra et le RGCU pour leur soutien financier.

Références bibliographiques

[1] Durand, C., 2003. Caractérisation physico-chimique des produits de l’assainissement pluvial. Origine et devenir des métaux traces et des polluants organiques, Thèse de l’université de Poitiers, 248 p.

[2] Pétavy, F. et Ruban, V. Mise en place d’une unité pilote de traitement des sédiments issus de l’assainissement pluvial, JDHU 2006, Nantes, 17-18 octobre 2006.

[3] Guide Technique de Réalisation des remblais et des couches de forme, 2000, 2ᵉ édition, réalisé par le LCPC et le Setra.

Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements