Il nous est rapidement apparu que ces schémas seraient très difficilement applicables, faute de techniques d’épuration adaptées à ces matières particulièrement polluantes : les méthodes traditionnelles en particulier (traitement en station d’épuration et épandage sur terrains agricoles) trouvent vite leurs limites en raison du surdimensionnement des stations d’épuration et de l’impossibilité d’épandre sur certains sols et en diverses périodes.
Nous avons donc poursuivi le développement d’un procédé calcocarbonique de traitement testé depuis 1978 sur des matières de vidange, tant pour aboutir au concept d’une station fixe (dont un module a été réalisé en 1986 à Cognac) que pour développer une unité mobile autonome. C’est celle-ci qui fait l’objet du présent article.
LE CONCEPT D’UNITÉ MOBILE
L’analyse objective des schémas départementaux montrait qu’il existait des zones sensibles (captages d’eau potable, lacs, viviers, zones de baignade, zones côtières), dont les densités de collecte étaient insuffisantes pour justifier l’investissement et l’exploitation d’une unité fixe, mais néanmoins trop importantes par rapport à la sensibilité du milieu, pour être rejetées sans précaution. Pour répondre aux besoins spécifiques de ces zones (de l’ordre de 3 à 10 par département), la solution idéale était l’implantation d’un stockage fixe (peu coûteux en investissement et entretien) assorti du traitement périodique des matières stockées par une unité mobile dépolluant les matières de vidange.
Le cahier des charges du développement de ce concept correspondait donc à la réalisation d’une « Unité de traitement des matières de vidange » sur semi-remorque, au gabarit européen, ne nécessitant aucun branchement pour fonctionner (ni électricité, ni eau).
LE PRINCIPE DU TRAITEMENT
Le procédé retenu (figure 1) comprend trois étages :
- — dépollution,
- — séparation,
- — neutralisation.
Les effluents aspirés sous vide sont broyés et introduits dans le réacteur.
Le procédé calco-phosphorique de traitement dans le réacteur combine une adsorption des matières en suspension par la chaux et leur précipitation par l’acide phosphorique, avec une adsorption complémentaire par un floculant.
La formule correspondante est la suivante :
3 Ca(OH)₂ + 2 H₃PO₄ → Ca₃(PO₄)₂ + 6 H₂O
lait de chaux + acide phosphorique → phosphate de calcium + eau
La séparation des phases liquides et solides, après sortie du réacteur, est réalisée dans un filtre constitué d’un tambour rotatif, dont la partie intérieure est immergée dans le produit à filtrer.
Le vide est réalisé dans le tambour par une pompe à anneau liquide ; le tambour, recouvert d’une couche de diatomées se charge ainsi en matières solides qui sont raclées par un couteau à avance automatique (figure 2).
[Photo : Fig. 1. — Schéma du traitement]
[Photo : Fig. 2. — Raclage des matières solides]
Après pompage, l’eau est traitée à l'acide phosphorique pour ramener son pH entre 7 et 8.
LA REALISATION
Pour atteindre les objectifs de rentabilité que nous nous étions fixés, il convenait, tout en répondant aux normes du gabarit européen, de jouer sur trois aspects :
— maximum de capacité unitaire,
— maximum d’autonomie,
— minimum d’intervention humaine.
À cet effet :
— la capacité maximale du réacteur (et donc du traitement par cycle) a été fixée à 6 m³ ;
— l’autonomie totale a été assurée sur 10 cycles ;
— l'ensemble des pompes, vannes, moteurs, etc., de l’unité * a été asservi par un automate de contrôle selon un cycle préprogrammé, l’automate fonctionnant « en scrutation », en balayant toutes les phases en 2 millisecondes. Son cœur est constitué d’un microprocesseur 16 bits avec une RAM de 4 K et une REPROM interchangeable par embrochage permettant d’exploiter différents programmes.
La réalisation se traduit par une unité de 12,60 m de longueur (sans son tracteur), de 2,50 m de largeur et 4,30 m de hauteur. Elle dispose d'une source d’énergie autonome alimentant une centrale hydraulique, constituée par un moteur de 120 kW à 1 500 t/min, à 6 cylindres turbocompressés fonctionnant au fioul. Son poids à vide est de 22 tonnes ; elle comprend plus de 10 réservoirs (lait de chaux, fioul, eau, floculant, acide phosphorique pour réacteur, eau pour anneau liquide, air comprimé, acide phosphorique pour neutralisation, liquide hydraulique, diatomées, filtrat, etc.).
Elle dispose également de ses propres moyens de manutention, deux trémies et vis élévatrices pour alimenter en chaux et en diatomées, et une potence de levage.
FONCTIONNEMENT
Une première phase comporte :
— la préparation et le montage de la précouche (diatomée) sur le filtre rotatif sous vide ; celui-ci est donc constamment en fonctionnement (sous vide, tambour en rotation, agitateur d’auge en mouvement) ;
— la préparation des réactifs (chaux, floculant, acide).
La phase automatique comprend les opérations ci-après :
Remplissage du réacteur R1 :
— mise sous vide du réacteur R1, par pompe à vide à palettes P4 ;
— mise en route du broyeur (réduction des corps solides aux dimensions acceptées par la pompe) ;
— ouverture automatique de la vanne V5 (commande pneumatique) : admission des matières de vidange dans le réacteur jusqu’au détecteur de niveau correspondant à 6 m³.
Traitement de l’effluent :
— fermeture automatique des vannes V5 et V4 ;
— ouverture automatique des vannes V1, V2, V3 ;
— mise en route de la pompe P6 avec brassage de la masse liquide ; simultanément, mise en route des pompes P1, P2, P3 (lait de chaux, acide phosphorique diluée, floculant) ; les réactifs sont injectés dans la canalisation de brassage, ce qui permet d’obtenir leur répartition dans toute la masse et l’homogénéisation du mélange.
Filtration :
— arrêt des pompes P1, P2, P3, P6 ;
— fermeture automatique des vannes V1, V2, V3 ;
— ouverture automatique de la vanne V4 ;
— mise en route de la pompe P6 (utilisée auparavant pour le brassage) : transfert des matières de vidange traitées vers le filtre. Cette pompe s’arrête sur commande du détecteur de niveau haut de l’auge du filtre, et redémarre après une temporisation ;
— mise en route automatique du racloir du filtre ;
— évacuation de la boue dans une benne ;
— réception du filtrat dans un réservoir qui est vidé par une pompe dont la mise en route et l’arrêt sont commandés par les détecteurs de niveaux haut et bas de ce réservoir.
Le filtrat subit, avant son rejet, une neutralisation à l'acide phosphorique, assurée par un pH-mètre et par la pompe doseuse.
Nouveau cycle de 6 m³
Le déclenchement automatique d’un nouveau cycle de 6 m³ s’effectue quand le niveau bas du réacteur est atteint. Toutes les étapes énoncées précédemment vont se reproduire. L’unité s’arrête automatiquement :
— après avoir exécuté le nombre de cycles de 6 m³ affiché ;
— ou jusqu’à épuisement de la couche de diatomée (détecteur d’épaisseur minimale) ;
— ou lorsque les cuves de stockage du site sont vides.
* MAUD : unité mobile automatisée de dépollution.
[Photo : Schéma de la phase préparatoire.]
[Figure : Schéma de la phase automatique.]
Les résultats
Des essais effectués avec des boues de stations et des matières de vidange de diverses provenances et ayant subi des conditions et délais de stockage différents, montrent que, dans tous les cas, on obtient les résultats qualitatifs suivants :
- Élimination des matières en suspension > 95 %,
- Élimination de la pollution biologique (DBO5) 80 à 95 %,
- Élimination des graisses > 90 %,
- Élimination des germes 100 %.
Les analyses effectuées sur les matières résiduelles montrent que les boues sont pelletables (siccité 35 %), stabilisées, non fermentescibles et exemptes de germes.
Les qualités de conception et de réalisation de l'installation ont été telles que dans les 200 premières heures d'essais, le matériel n’a enregistré aucune défaillance.
Des essais complémentaires, actuellement en cours, montrent que l’unité est également capable de dépolluer d’autres effluents ou matières (lisier de canard, résidus de bacs à graisses,...).
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