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Une unité de dénitratation pour la ville de Sainte Adresse

30 mars 1990 Paru dans le N°135 à la page 53 ( mots)
Rédigé par : Guillaume DE LARMINAT, Jean-jacques DEBOVES et Daniel CLERET

Platon disait « l'eau est la chose la plus nécessaire à la vie de l'homme mais il est aisé de la corrompre ». La Ville de Sainte-Adresse, qui dispose d'une source à Fontaine-la-Mallet pour son alimentation depuis 1935, a vu cette ressource naturelle polluée progressivement par l'apport des engrais azotés utilisés dans l'agriculture moderne environnante.

Guillaume de LARMINAT *Jean-Jacques DEBOVES et Daniel CLERET **

PRÉFACE

Platon disait « l'eau est la chose la plus nécessaire à la vie de l'homme mais il est aisé de la corrompre ».

La Ville de Sainte-Adresse, qui dispose d'une source à Fontaine-la-Mallet pour son alimentation depuis 1935, a vu cette ressource naturelle polluée progressivement par l'apport des engrais azotés utilisés dans l'agriculture moderne environnante.

Il eut été logique (mais combien utopique) de convaincre ces pollueurs de cesser leur activité.

« Dénitrifier c'est tolérer la pollution » dit un éminent hydrogéologue dans une publication qui tend à affoler stupidement les populations, mais c'est malgré tout une réponse ponctuelle et immédiate que la municipalité, après différentes études contradictoires, a eu le courage de donner à une situation délicate et dangereuse, sans complaisance et sans « s'en laver les mains ».

Cette décision nous permet, aujourd'hui à Sainte-Adresse et Fontaine-la-Mallet, grâce à notre concessionnaire et conseiller technique en la matière, de distribuer une eau que beaucoup nous envient.

C'est une belle réussite en cette année 1990, « Année de l'eau », et un bel exemple pour celles et ceux qui ont ou vont avoir à prendre rapidement une décision dans ce domaine.

Jean-Louis PESLEMaire de Sainte-Adresse

Historique

En 1982, devant l'augmentation du taux des nitrates dans l'eau d'alimentation, sous l'impulsion de la DDASS et pour répondre aux exigences des futures normes européennes en matière d'eaux potables, la Ville de Sainte-Adresse a engagé un programme d'études sous l'égide de la DDE et avec la collaboration de la Commune de Fontaine-la-Mallet, l'Agence financière de Bassin Seine-Normandie, le BRGM, la DDAF et son concessionnaire la Compagnie des Eaux et de l'Ozone.

De 1982 à 1988, les différentes solutions envisageables ont été examinées tant sur le plan technique qu'économique :

* mesures de protection de la ressource, après des essais de traçage à la fluorescéine pour déterminer l'origine de cette pollution azotée,* interconnexion avec le réseau limitrophe,* recherche d'une nouvelle ressource (captage d'eau souterraine),* en dernier ressort, traitement des nitrates d'abord par la voie biologique (dénitrification hétérotrophe par apport d'un substrat carboné) puis par le procédé physico-chimique (dénitratation par des résines échangeuses d'ions).

En 1988, ces études aboutissent à la nécessité de construire une unité de dénitratation couplée à la modernisation et à l'augmentation de capacité des installations existantes.

* Omnium de Traitement et Valorisation** Compagnie des Eaux et de l'Ozone

[Photo : Eau brute de Fontaine-la-Mallet.]

Présentation sommairede la situation existante

La ressource en eau

La Ville de Sainte-Adresse est alimentée en eau à partir d'une résurgence captée dans un puits situé sur la Commune de Fontaine-la-Mallet.

Cette eau moyennement minéralisée, de type bicarbonaté calcique présente, à l'exception de teneurs excessives en nitrates, des propriétés physico-chimiques tout à fait conformes aux normes de qualité édictées en le décret du 3 janvier 1989 (figure 1 et tableau 1).

La filière de traitement

Elle se résume en un seul traitement de désinfection microbiologique par ozone et avec une chloration de secours.

Pourquoi une dénitratationpar des résines

Comme indiqué précédemment, toutes les autres solutions visant à uti

Tableau I

Résultats d’analyses

Origine du prélèvement : Fontaine-la-Mallet

Référence : EB

DATES pH TURBIDITÉ (NTU) TH (°f) TAC (mg/l) NO₃ (mg/l) SO₄ (mg/l) Cl (mg/l) Fe (mg/l) NH₄ (mg/l)
08/02/88 7,21 0,3 31,5 20,0 56,4 42 59 0,04
06/04/88 7,25 0,4 33,2 20,2 56,4 56 47 0,08
13/07/88 7,26 0,4 33,2 20,1 55,4 42 59 0,04
09/08/88 7,36 1,2 34,6 20,9 55,5 48 65 0,00
21/09/88 7,30 0,3 31,6 21,1 49,3 46 64 0,00
26/10/88 7,05 0,3 31,6 20,6 64,0 42 60 0,00
21/11/88 6,95 1,0 29,6 20,0 62,4 46 64 0,04
12/12/88 7,27 0,2 31,1 20,8 62,1 48 64 0,00
09/01/89 7,03 0,3 32,0 20,0 64,2 43 67 0,02
06/03/89 7,10 0,2 31,8 21,4 57,3 42 62 0,08
10/04/89 7,01 0,2 32,4 21,0 58,4 46 65 0,02
29/05/89 6,90 0,2 32,0 21,8 64,0 45 63 0,00
12/06/90 6,90 0,5 32,1 20,6 51,0 65 0,03

Nombre de valeurs : 14  15  14  13  14  12  14  12  14

Moyenne   7,13   0,41   31,71   20,75   59,04   45,14   62,79   0,03

Minimum   6,90   0,20   29,60   20,00   49,30   40,00   50,00   0,00

Maximum   7,36   1,20   34,60   21,80   64,00   52,00   68,00   0,08

[Photo : Ecodenit : régénération à contre-courant (blocage à l'air)]

Liser de nouvelles ressources étant inadaptées pour différentes raisons (fiabilité ou capacité insuffisante, délais trop incertains, solution partielle, etc.), seul un traitement des nitrates in situ donnait véritablement et rapidement une garantie maximum de résultat.

Cette première question étant réglée, il fallait faire le choix du procédé à utiliser. Nous avons opté pour la dénitratation car elle est d'une complexité moindre, plus fiable, automatisable et n'exige pas de surveillance trop soutenue en dehors des opérations de maintenance. De plus, son coût d'investissement est très inférieur au procédé biologique.

Elle présente toutefois l’inconvénient de produire des éluats salins dont le rejet dans le milieu naturel doit être étudié avec soin.

Dans le cas présent, ces effluents pouvant aboutir via le réseau d’assainissement à la station d’épuration de la Ville du Havre, ils subissent une dilution importante et sont par conséquent sans effet sur les rendements épuratoires.

Il n’en demeure pas moins qu'il est du plus grand intérêt d’en réduire au maximum et le volume et la salinité.

Pour atteindre ce double objectif, nous avons voulu optimiser la régénération des résines par l'application d'une technique développée par OTV, c’est-à-dire le procédé Ecodenit.

Le procédé de dénitratation

La dénitratation mise en œuvre sur la station de traitement de Fontaine-la-Mallet utilise les propriétés bien connues d’échanges d’ions de résines synthétiques agréées par le ministère de la Santé. Ces résines, de type anionique fortement basique, présentent une affinité très forte vis-à-vis des sulfates, grande en ce qui concerne les nitrates, moyenne pour les bicarbonates et faible avec les chlorures.

La dénitratation anionique s’effectue en deux temps :

— tout d'abord, la phase de production d'eau dénitratée au cours de laquelle l'eau brute chargée en nitrates percole à travers les résines (de haut en bas). Les ions nitrates, sulfates et, plus faiblement, bicarbonates se fixent sur la résine laquelle libère dans l'eau traitée des ions chlorures en quantité équivalente.

4 R—Cl + NO₃⁻ / SO₄²⁻ / HCO₃⁻ →
résine régénérée   eau brute

R—NO₃⁻
2 R—SO₄²⁻ + 4 Cl⁻
R—HCO₃⁻

résine saturée   eau traitée

À la sortie du réacteur, l'eau dénitratée est mélangée avec de l’eau brute dans un rapport de débits permettant d’obtenir à la distribution une teneur résiduelle en nitrates < 25 mg/l correspondant au niveau guide de la norme européenne. Cependant, la production de l’échangeur doit être arrêtée lorsque la résine atteint un niveau de saturation tel que la teneur en nitrates dans l'eau traitée dépasse le seuil que nous avons fixé à 5 mg/l.

[Photo : Fig. 3 : Dénitratation. Évolution des chlorures et nitrates (janvier 1990).]
[Photo : Fig. 4 : Dénitratation. Évolution du pH et du TAC (janvier 1990).]

C'est la phase de régénération des résines, qui s’effectue par passage à contre-courant, c’est-à-dire de bas en haut d'une solution concentrée de chlorure de sodium :

R — NO₃  
2 R — SO₄ + 4 NaCl  
R — HCO₃  
résine saturée saumure de régénération  
→  
NaNO₃ + 4 R-Cl  
Na₂SO₄  
NaHCO₃  
résine régénérée éluats de régénération

Cette inversion de flux permet d'une part une excellente régénération des couches inférieures de résines, généralement moins saturées, par la saumure la plus concentrée, et d'autre part d'améliorer, pendant la phase de production, l’échange anionique, car les eaux descendantes, progressivement appauvries en nitrates, rencontrent des résines de mieux en mieux régénérées. Pour ce faire, OTV a adapté et amélioré la technique du blocage à l'air mise en œuvre de longue date sur les chaînes de déminéralisation destinées à la production d'eau de haute pureté (domaines nucléaire ou électronique) ; ainsi, pendant la phase de régénération, une injection d'air comprimé dans la partie supérieure de l'échangeur permet la formation d'un « couvercle » de résine essorée qui s’oppose à l'expansion du lit de résine sous l’effet du flux régénérant. De plus, il est possible de procéder au décolmatage et définage périodique des résines par simple soulèvement à l’eau et sans aucun équipement complémentaire.

En résumé, cette technique entraîne une réduction de l’ordre de 50 % des volumes de saumure et d'eau de rinçage avec une fuite réduite en nitrates, mais aussi une capacité d’échange de la résine accrue pour un taux de régénération se rapprochant de la stœchiométrie.

L'installation

Elle a été dimensionnée pour fournir 150 m³/h d’eau mélangée à 25 mg/l de NO₃, durant un cycle de production de 17 h soit 2 500 m³/j à partir d'une eau brute contenant 80 mg/l de NO₃.

Les équipements comprennent :

  • — un échangeur (∅ 2,2 m ; h = 5,7 m) en acier revêtu intérieurement d'une peinture époxy de qualité alimentaire, renfermant un lit de résines Domex SB RP ;
  • — un silo saturateur (∅ 3,2 m ; h = 6,6 m ; vol = 50 m³) en stratifié fibre de verre, résine polyester, servant à la fois au stockage du sel et à la préparation de la saumure concentrée ;
  • — des auxiliaires tels que les pompes à saumure, les compresseurs pour l'air de blocage et de service, les pompes de reprise des effluents ;
  • — un ozoneur tubulaire Trailigaz du type ME 18, produisant 325 g/h d’ozone pour assurer la désinfection virulicide et bactéricide ;
  • — tous les automatismes indispensables au bon fonctionnement et à l’optimisation des réglages (analyseur de nitrates en eau brute et traitée, analyseur d’ozone, enregistrements, seuils d'alarme, débitmètres, etc.).

Résultats

Conditions de fonctionnement

Avec le taux actuel de nitrates à 50 mg/l, pour produire 150 m³/h, nous traitons en moyenne 100 m³/h sur l’échangeur et bypassons 50 m³ d'eau brute ; dans ces conditions la durée des cycles est de 22 heures.

Le déclenchement de la régénération est effectué en fonction d'un volume d’eau comptabilisé préalablement déterminé (2 200 m³).

À chaque régénération, la quantité de sel consommé est de 671 kg et le volume d'eau utilisé de 50 m³, dont 32 m³ d'eau traitée pour la dilution et la préparation des saumures et 18 m³ d'eau brute pour le rinçage.

Qualité des eaux traitées

Pendant un cycle de production, l’évolution des principaux paramètres de l'eau influencés par la dénitratation (pH, TAC, NO₃⁻, Cl) est représentée sur les figures 3 et 4. Avec ces réglages, nous obtenons dans les eaux mélangées une teneur en nitrates qui varie de 20 à 23 mg/l.

En début de cycle, nous avons pu observer, comme prévu, que l'eau est agressive du fait de la fixation des bicarbonates par les résines ; en revanche, elle redevient légèrement entartrante au fur et à mesure que les résines se saturent en ions SO₄ et nitrates, et relarguent les bicarbonates.

Dans le futur, cet aspect sera tout particulièrement suivi et des mesures

Correctives seraient envisagées (aération, neutralisation à la soude) si cela devait entraîner des perturbations sur le réseau de distribution (phénomène d'eau rouge).

[Photo : La station et le silo saturateur.]

Conclusion

En dépit de toutes les interrogations, mais avec une grande volonté d’aboutir, un bon travail d’équipe et après huit années d'effort, la Ville de Sainte-Adresse à laquelle il faut associer la Commune de Fontaine-la-Mallet ont atteint l'objectif fixé : d'une part, les installations de production sont complètement modernisées, et d’autre part l'eau délivrée aux consommateurs respecte non seulement la norme sur les nitrates (50 mg/l) mais aussi la valeur de référence, bien plus sévère, recommandée par les instances européennes (25 mg/l).

[Photo : L'échangeur avec ses accessoires (by-pass, débitmètre, piège à résine, etc.).]
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