Un procédé mis au point au Japon il y a plus de vingt ans permet de supprimer les interventions dans les chaussées, tout en diminuant les dépenses : cette technique consiste à introduire une gaine dure, résistante à la pression, connue sous le nom de « Seal Hose », dans une conduite ancienne à rénover et à renforcer.
Appliquée aux réseaux d’eau potable, cette méthode supprime la coloration de l’eau due à la rouille, et rend les conduites étanches. La canalisation retrouve la capacité d’écoulement d’une installation neuve. De plus, la résistance au tassement du sol est améliorée, et la conduite se maintient en excellent état.
Le procédé, dénommé Paltem (Pipeline Automatic Lining sysTem), permet ainsi de chemiser des linéaires de conduites importants et complexes dans un délai très court.
Cette technique est particulièrement adaptée à la rénovation de conduites situées dans des endroits difficiles d’accès tels que traversées de rivières, de routes à grande circulation, de bâtiments industriels et sous voies ferrées : c’est le cas du chantier que nous allons décrire.
[Photo : Installation de chantier.]
[Photo : Phase de nettoyage de la conduite.]
[Photo : Mise en place de la gaine.]
[Photo : Polymérisation de la résine.]
À Lille, le 14 novembre 1991, le premier tronçon se met lentement en place : dans huit heures, après polymérisation, un nouveau tuyau sera créé dans l’ancien, apte à reprendre ses fonctions d’origine : véhiculer de l’eau potable et assurer le service de lutte contre l’incendie.
La SNCF, Région de Lille, a choisi cette solution innovante pour réhabiliter une conduite de 300 mm de diamètre en fonte grise, de 340 m de long, qui a été posée dans les années 50 et qui présente des défauts d’étanchéité aux joints matés au plomb, ainsi que des fissures longitudinales d’ovalisation allant jusqu’à traverser le tuyau.
Cette conduite se trouvant située sous le faisceau des voies ferrées de la gare de triage de Lille-Délivrance, seule une solution de réhabilitation in situ était envisageable pour ne pas perturber l’activité intense de cette gare.
La solution de remplacement primitivement envisagée consistait à forer une galerie sous les voies à l’aide d’un micro-tunnelier, et à mettre ainsi en place un fourreau en béton armé de Ø 500 mm puis à y introduire une canalisation en acier de Ø 300 mm.
La solution retenue en définitive par la SNCF, beaucoup plus simple et moins coûteuse, consiste à réhabiliter la vieille conduite en lui restituant son étanchéité et en améliorant ses capacités de résistance à la pression interne ainsi qu’aux vibrations et aux charges dues aux convois ferroviaires.
La SNCF a confié à notre société, qui développe et met en œuvre le procédé, la réalisation du chantier.
Le matériau
La gaine se compose après mise en place (en parlant de l’intérieur vers l’extérieur) :
- • d’une « peau » d’étanchéité en caoutchouc synthétique (polyoléfine) d’une épaisseur de 2 mm,
- • d’une armature en fibres de polyester, tissée en continu,
- • d’une spire de frettage, en fibres de Kevlar, qui renforce l’ensemble pour la tenue à la pression.
Au moment de la mise en œuvre, l’armature que constituent les fibres de polyester et de Kevlar est imprégnée de résine époxy thermodurcissable, destinée à solidifier l’ensemble et à assurer l’adhérence de la gaine à la conduite.
La mise en œuvre
Après la vidange de la canalisation, deux accès sont ouverts par découpage de la conduite existante sur une longueur d’un mètre à chaque extrémité du tronçon à réhabiliter.
On peut alors passer à la phase de nettoyage en introduisant une série d’outils allant du grattoir métallique à la brosse puis au tampon de caoutchouc, le tout par l’intermédiaire de treuils. Après quatre à cinq passages, les dépôts et accumulations de rouille sont éliminés. Un passage de la caméra-vidéo permet de contrôler l’état de propreté de la canalisation (figure 1).
La phase suivante consiste à appliquer de la résine sur ce qui est à ce moment la face interne de la gaine. Pour cela, la quantité totale nécessaire est introduite et la gaine passe entre deux rouleaux réglés pour étaler l’épaisseur de résine nécessaire. Cette application peut être réalisée sur une aire de préparation. La gaine est ensuite enroulée dans un caisson ; porté par un camion, celui-ci va servir à dérouler la gaine et obtenir la réversion.
La mise en place peut alors commencer : le caisson de retournement est alimenté en air comprimé et, sous la pression (entre 0,5 et 0,8 bar), la gaine est retournée et poussée à l’intérieur de la conduite à rénover (figure 2).
Lorsque la conduite comporte des changements de direction, une courroie de retournement est placée à l’intérieur de la gaine ; elle est tirée par un treuil à traction constante depuis le puits de sortie. Ce système, faisant partie intégrante des brevets Paltem, permet de passer les coudes sans difficultés.
Lorsque la gaine est en place, la polymérisation de la résine peut commencer, deux possibilités s’offrant alors :
- • polymérisation à température ambiante, en maintenant la pression à 0,5 bar durant 48 heures,
- • polymérisation à 60 °C, en injectant de la vapeur dans un tube poreux durant 2 heures ; pendant ce temps, la pression d’air est maintenue à 0,5 bar.
Le type de traitement à mettre en œuvre dépend de la nature du matériau de l’ancienne conduite ; dans le cas de Lille, le choix s’est porté sur une polymérisation à la vapeur, polymérisation qui confère à la gaine toutes ses caractéristiques mécaniques et assure son adhérence à l’ancienne conduite (figure 3).
Le traitement des extrémités se fait par découpe de la gaine. Des bagues métalliques en aluminium ou en acier inoxydable sont ensuite posées pour la bloquer définitivement, les raccordements entre tronçons réhabilités se faisant par mise en place de conduites neuves assemblées à l’ancienne par des joints du genre Vicking Johnson. La mise en eau peut alors intervenir.
À Lille, les 340 m de conduite ont été réhabilités en deux tronçons, l’un de 200 m et l’autre de 140 m, en huit jours ouvrés.
Les avantages du procédé
La longévité des conduites se trouve remarquablement renforcée par le chemisage Paltem, qui offre à la fois une résistance à la pression et une résistance aux mouvements de flexion. La conduite ainsi revêtue acquiert une excellente tenue lors de mouvements de terrain dus, par exemple, à la circulation routière ou aux séismes ; elle ne présente plus de problèmes de fuites, la gaine étant parfaitement étanche et les colorations éventuelles de l’eau dues à la rouille disparaissant.
La capacité d’écoulement est restituée : l’épaisseur de la paroi étant très faible, la perte de section est minime et se trouve compensée par une amélioration notable du coefficient hydraulique, comparable à celui d’une conduite neuve…