ParIngénieur E.N.S.I.A.Directeur Technique DIA-PROSIM
INTRODUCTION
Depuis quelques années, la technique de régénération à contre-courant des échangeurs d’ions a fait son apparition. On peut dire que cette technique particulière est maintenant convenablement développée et l’on peut prévoir que la technique classique dite à cocourant va disparaître.
Nous allons très rapidement essayer de montrer les avantages théoriques de la régénération à contre-courant par rapport à la régénération à cocourant.
Si nous prenons comme exemple le cas d’un échangeur de cations régénéré en équilibre avec une solution de chlorure de sodium, nous savons que les ions mobiles de l’échangeur, c’est-à-dire les ions H⁺, quittent l’échangeur pour la phase liquide et que le même nombre d’ions Na⁺ pénètrent dans l’échangeur suivant la réaction :
RH + Na⁺ + Cl⁻ ↔ R–Na + H⁺ + Cl⁻
Une fois l’équilibre de diffusion établi, on constate que les concentrations relatives des ions hydrogène et sodium dans l’échangeur et dans la solution ne sont pas identiques et que le rapport de leur concentration H/Na, ou coefficient de partage K, est une caractéristique de l’échangeur. L’équilibre vérifie une relation du type :
(H)ₛ / (Na)ₛ = K · (Hr) / (Nar)
(H)ₛ et (Na)ₛ sont les concentrations de H et Na dans la solution et (Hr) et (Nar) sont les concentrations de H et Na dans l’échangeur.
La fuite en sodium est donnée par la formule classique :
(Na)ₛ = S · \(\frac{K T}{100 - T}\)
où S, égal à la concentration initiale en NaCl, représente après équilibre le total des ions Na (de NaCl restant) et H (de HCl formé).
T : le rapport des ions (Hr) à la capacité totale de l’échangeur dans les dernières couches soumises à l’échange.
K : le coefficient de partage.
Cette formule met en évidence que la fuite en sodium d’un échangeur est proportionnelle à la salinité S de l’eau traitée et qu’elle est d’autant plus faible que T est près de 100, c’est-à-dire que les dernières couches sont plus près d’être totalement régénérées. On conçoit aisément que, pour une régénération du haut en bas (cocourant), les couches inférieures ne peuvent être que mal régénérées (sauf si l’on utilise un excès énorme d’acide), alors qu’avec une régénération de bas en haut (contre-courant), les couches inférieures seront naturellement beaucoup mieux régénérées.
Pour ce qui est des échangeurs d’anions, il en est autrement : en effet, il n’y a pas de réaction d’équilibre mais une neutralisation suivant la réaction :
ROH + H⁺ + Cl⁻ → RCl + H₂O
En conséquence, la fuite est théoriquement nulle sauf si l’eau à traiter contient une fuite en sodium ; dans ce dernier cas, il y a génération de soude qui entraîne une fuite en silice.
Malheureusement, l’acide silicique faible qui devrait se régénérer le plus facilement n’est éliminé que difficilement par les anions forts. En conséquence, la silice a tendance à s’accumuler dans les couches inférieures avec une régénération de haut en bas sauf si l’on utilise des quantités de soude trop importantes pour être économiques. Cette accumulation de silice provoque alors une fuite en silice par un phénomène de désorption.
Avec une régénération de bas en haut, les couches inférieures n’accumulent pas la silice et par conséquent la fuite est plus faible.
II. CONDITIONS PRATIQUES DE LA RÉGÉNÉRATION À CONTRE-COURANT
De tous les modèles proposés, le plus valable est celui correspondant à la régénération d’un lit fixe d’échangeur, en sens contraire de celui choisi pour l’épuisement.
En effet, par ce moyen, la dernière couche d’échangeur traversée par le fluide à épurer recevra à chaque régénération tout le réactif disponible pour la totalité du lit d’échangeur, donc un excès relatif très important, et si la saturation de cette couche est évitée en lui faisant jouer le rôle de couche de garde (ou de polissage) son niveau de régénération restera très élevé, ce qui est nécessaire pour obtenir une fuite ionique aussi faible que possible.
Les règles hydrodynamiques bien connues deviennent ici très importantes, car il s’agit d’un travail de précision.
1. Répartition des fluides
Il est important que la répartition hydraulique soit aussi bonne que possible sur toute la section du lit d’échange, et ceci est encore plus important pour la solution régénérante, afin de bien l’utiliser.
Le lit doit donc être homogène à chaque niveau, avec des grains d’échangeur bien classés, sans « renard », ni mottage.
Les systèmes de drainage et de répartition des fluides seront étudiés avec soin, et actuellement de nombreux installateurs savent très bien résoudre ce problème.
Il est important de supprimer les zones mortes à la base des colonnes pour éviter les dilutions ou diffusions non contrôlées.
Le lit de résine doit rester compacté pendant le passage des fluides afin d’éviter les passages préférentiels et les mélanges.
2. Qualité des fluides
La dernière couche du lit d’échange traversée par le fluide à épurer doit rester aussi vierge que possible en ions étrangers à la forme régénérée, donc les fluides qui viennent à son contact devront être très purs, ce qui a pour conséquence :
— emploi d’un réactif régénérant aussi pur que possible,
— dilution du régénérant avec de l’eau très pure,
— déplacement du régénérant avec de l’eau très pure,
— arrêt du cycle d’échange avant que la fuite ionique ne devienne importante.
Ces règles sont fondamentales.
3. Rinçage et détassage
Lorsque la perte de charge augmente un peu trop, par suite du tassage de la résine et de la salissure apportée par les colloïdes retenus, un détassage est nécessaire.
Ce détassage peut être fait seulement sur la partie supérieure du lit afin de ne pas déranger la couche inférieure ; toutefois, il devient nécessaire de détasser tout le lit de temps en temps, et il est alors difficile d’éviter que la couche inférieure ne soit pas souillée par des résines moins pures.
On doit alors en général faire deux régénérations à la suite pour retrouver une bonne qualité d’eau effluente. Naturellement, ce détassage n’est fait que le plus rarement possible, par exemple tous les 20 à 50 cycles.
Le rinçage après passage des réactifs se limite à un déplacement de ceux-ci dans le même sens et au même débit. La quantité d’eau utilisée est, en général, de 2 à 4 V/V. Il est inutile de prolonger le rinçage lorsque les réactifs ont été déplacés correctement.
La phase de travail commence aussitôt. Bien entendu, l’eau servant au rinçage doit être aussi pure que possible. Dans certains cas, cette eau est légèrement acidulée dans le cas d’un échangeur de cations, afin de masquer davantage les traces de cations qu’elle peut éventuellement contenir.
Le rinçage est arrêté dès que les ions étrangers ont été chassés, et la phase de travail reprend dans l’autre sens, de façon à ce que la colonne fournisse une eau de très haute pureté.
4. Géométrie de la colonne
Dans le cas de la régénération à contre-courant, la hauteur d’un lit fixe doit être aussi élevée que possible. En effet, les zones qui travaillent avec une capacité réduite :
a) dans le haut du lit, parce que cette zone est partiellement régénérée pour économiser le régénérant ;b) dans le bas du lit, parce que cette zone ne doit jamais fixer plus de quelques traces des ions à retenir,
conservent une hauteur absolue, toujours la même, dépendant de la vitesse des fluides et de la charge ionique horaire ; donc la hauteur totale relative de ces zones diminue si la hauteur totale du lit augmente, et ce pourcentage influe sur le rendement et la capacité.
La hauteur d’un tel lit doit être au moins de 1,80 m et il n’est pas rare d’atteindre 2,50 m et dans certains cas 3 m. Il faut veiller à ce que les vitesses linéaires des fluides à épurer et du régénérant soient compatibles avec les résines utilisées.
Ainsi les résines moyennement basiques ou acides ne peuvent supporter des débits trop élevés sans perdre une partie de leurs performances ; en général, il est admis de travailler à des vitesses inférieures à 30 m/h et au maximum 40 m/h.
Les résines fortement acides ou basiques peuvent supporter des vitesses plus élevées qui atteignent 40 à 50 m/h pour les résines classiques et 80 à 100 m/h pour les résines macroporeuses. Toutefois, la plupart des installations travaillent entre 20 et 30 m/h.
Le diamètre de la colonne ne dépend que de l’équipement de l’atelier de chaudronnerie et de la possibilité d’assurer une bonne répartition des fluides, surtout au niveau inférieur pour que le régénérant puisse atteindre toute la surface du lit d’échange sans aucune zone morte.
Compactage du lit de résine
De nombreux systèmes sont employés, en général tous brevetés, faisant appel à des dispositifs capables de lutter contre le soulèvement ou la fluidisation du lit de résine pendant le passage du régénérant de bas en haut.
Blocage à l’air
L’air admis dans le haut de la colonne ressort par un drainage placé dans le lit de résine à 25-40 cm au-dessous de la surface. Lorsque l’air a chassé l’eau interstitielle, la perte de charge, bien que faible, suffit à empêcher le lit de résine de remonter vers le haut. L’air est admis à une pression de 0,3 à 0,5 atmosphères, avec un débit de 1,5 fois celui du régénérant (voir figure 1).
Blocage à l’eau
Un courant d’eau subit une perte de charge à travers la partie supérieure du lit de résine. Ce système de compactage est très efficace et largement utilisé, soit que l’eau utilisée vienne du réseau d’eau brute, d’une réserve, soit qu’il s’agisse d’un recyclage en circuit fermé à l’aide d’une pompe auxiliaire. Le débit de ce circuit doit être d’environ 1,5 à 2 fois celui du fluide régénérant. Il peut être avantageux de recycler l’effluent de régénération pour assurer le blocage, lorsque la partie haute du lit est constituée d’une résine moyennement fonctionnelle (voir figure 2).
Blocage avec des remplissages inertes
L’espace mort au-dessus du lit de résine est rempli par des billes de polyéthylène, des balles ou des coussins de produits plastiques, des membranes gonflantes en caoutchouc, etc., de manière à ce que les résines, ne disposant plus de cet espace, ne puissent plus se fluidiser. Certains de ces dispositifs donnent des résultats remarquables.
Qualité des résines
La qualité des résines n’est pas en cause sur le plan chimique pourvu que les groupes actifs et les performances d’échange répondent aux critères admis pour les résines modernes actuellement disponibles. Toutefois, les critères physiques ont beaucoup d’importance :
Granulométrie
La résine doit avoir une granulométrie étalée, de façon à obtenir une classification stable dans la colonne. Les fines particules sont éliminées (en-dessous de 0,4 mm) pour éviter une perte de charge trop forte, du fait de l’utilisation d’une vitesse de passage assez élevée.
Densité
Il est possible de disposer dans le fond de la colonne une résine spéciale à forte densité en une couche de 25 à 30 cm de hauteur. Cette couche ne se mélange pas à la résine supérieure et assure une bonne reproductibilité d’un cycle au suivant, pour la qualité de l’effluent : ceci est surtout utile pour la colonne échangeuse de cations, pour obtenir une fuite de Na aussi faible que possible et nous proposons dans ce but une résine spéciale la Duolite C 264.
III. RÉSULTATS COMPARÉS COCURANT ET CONTRE-COURANT
A) Échangeur de cations forts
L’avantage principal du contre-courant est d’éliminer la fuite habituelle qui caractérise les systèmes à cocourant. Pour le cocourant, la fuite dépend principalement des facteurs suivants :
— La salinité totale de l’eau, — Le pourcentage d’ions monovalents sur le total des cations, — Le pourcentage d’alcalinité sur la salinité totale, — La quantité de régénérant utilisé.
Une importante conséquence est que pour obtenir une eau traitée de bonne qualité, il est nécessaire d’avoir un taux de régénération élevé. Ceci est particulièrement vrai pour les eaux ayant un pourcentage élevé de sodium, une salinité totale importante et un pourcentage faible d’alcalinité.
De plus, pour obtenir des eaux de très bonne qualité, il est pratiquement indispensable d’utiliser une finition, c’est-à-dire d’installer un deuxième bidon d’échangeur de cations forts.
La nécessité d’utiliser un taux de régénération a pour conséquence un mauvais rendement de régénération et donc un coût de fonctionnement élevé.
Avec les régénérations à contre-courant, la qualité de l’eau traitée n’est que peu influencée par la nature de l’eau influente et par le taux de régénération. Le facteur qui influe le plus sur la qualité de l’eau traitée est la fuite en sodium choisie pour arrêter le cycle.
Une première conséquence de ce qui précède est que, s’il est nécessaire d’exprimer la fuite en pourcentage de la salinité lorsque la régénération est faite à cocourant, on doit l’exprimer en valeur absolue avec une régénération à contre-courant.
Les courbes en annexe (figures 3 et 4) donnent les résultats que l’on obtient avec 40 g d’acide chlorhydrique et 40 g d’acide sulfurique.
On peut voir que la fuite permanente est sensiblement plus basse pour une régénération à contre-courant que pour la régénération à cocourant. C’est ainsi qu’une eau ayant 2 meq/l de sel d’acide fort, un rapport d’alcalinité sur salinité totale de 50 % et un rapport sodium sur salinité totale de 20 %, aura une fuite permanente en sodium de : — 1,2 × 10⁻² meq/l ou 28 ppb (correspondant à une résistivité de 5 megohms) pour le contre-courant et de 3,6 × 10⁻² meq/l ou 800 ppb (résistivité 200 000 ohms) pour le cocourant avec 40 g d’HCl. — 4 × 10⁻² meq/l ou 92 ppb (résistivité de 2 megohms) pour le contre-courant et de 1 × 10⁻¹ meq/l ou 2,8 ppm (résistivité 50 000 ohms) pour le cocourant avec 40 g d’acide sulfurique.
On voit donc l’avantage évident du contre-courant sur le cocourant. Le contre-courant permet d’obtenir une eau de très bonne qualité alors que le cocourant nécessitera une finition ou un taux de régénération plus élevé, c’est-à-dire une consommation d’acide plus importante pour obtenir le même résultat.
Pour l’exemple précédent, les capacités utiles et les rendements sont :
RÉGÉNÉRATION
HCl
Cap. eq/l | Rend. | |
---|---|---|
Contre-courant | 0,93 | 118 % |
Cocourant | 0,80 | 137 % |
H₂SO₄
Cap. eq/l | Rend. | |
---|---|---|
Contre-courant | 0,48 | 170 % |
Cocourant | 0,42 | 190 % |
On voit donc que les avantages de la régénération à contre-courant sont très sensibles.
Toutefois, un certain nombre de facteurs peuvent avoir pour conséquence une détérioration des résultats. C’est ainsi que la présence d’ions monovalents (sodium et potassium) dans la solution régénérante ou dans l’eau de rinçage augmente sensiblement la fuite permanente en sodium. La figure 5 donne une idée de la manière dont ces facteurs interviennent sur la fuite. Ces essais ont été faits sur la Duolite C 20 avec une eau dont la composition était la suivante :
- Cations totaux : 6 meq/l
- Dureté : 83 %
- Sodium et potassium : 17 %
- Alcalinité : 60 %
Le débit est de 20 V/V/h et la Duolite C 20 est régénérée par 49 g d’acide sulfurique à une concentration de 1,5 %.
La courbe A montre les résultats que l’on obtient lorsque la teneur en sodium est faible dans la solution d’acide et l’eau de rinçage. Ainsi que l’on peut le voir, la fuite est très faible en début de cycle, de l’ordre de 0,8 × 10⁻³ meq/l, environ 20 ppb. La concentration en sodium monte lentement pour atteindre 2 × 10⁻³ meq/l, environ 500 ppb, valeur choisie comme fin de cycle. La valeur moyenne de la fuite est dans ce cas d’environ 4 × 10⁻³ meq/l, environ 100 ppb.
La courbe B montre l’effet de la contamination de la solution régénérante par 0,3 meq/l de sodium. Ceci a pour effet d’empêcher la conversion totale en forme d’hydrogène des échangeurs situés dans le fond du bidon. En conséquence, le cycle commence avec une fuite correspondant aux concentrations relatives en sodium et hydrogène des résines du fond du bidon. Dans cet exemple, la fuite en début de cycle est d’environ 0,4 × 10⁻³ meq/l, soit 100 ppb (5 fois plus que précédemment).
La fuite moyenne dans ces conditions est de 6 × 10⁻³ meq/l (140 ppb).
La courbe C a été obtenue avec un acide pur mais avec une eau de rinçage contenant 0,24 meq/l de sodium. La courbe de fuite montre que les échangeurs situés dans le fond du bidon et très bien régénérés à l’acide pur ont fixé le sodium de l’eau de rinçage et que ce sodium a ensuite été déplacé pendant le cycle. Dans ces conditions, la fuite moyenne est 8 × 10⁻⁶ meq/l (180 ppb).
La dernière courbe montre les résultats obtenus avec une régénération à cocourant. L’eau de dilution de l’acide ainsi que l’eau de rinçage ont la même analyse que l’eau brute. Dans ce cas, la fuite moyenne est d’environ 7 × 10⁻⁶ meq/l (1,6 ppm).
On peut ainsi juger de l’importance qu’il y a à utiliser des solutions régénérantes et des eaux de rinçage sans sodium.
Échangeurs d’anions forts
On sait qu’il existe deux types d’échangeurs d’anions forts habituellement appelés type 1 et type 2. Le type 1 est plus fortement basique que le type 2. Avec une régénération à cocourant, la conséquence est que la fuite en silice du type 2 est plus élevée (environ 2 à 3 fois plus) que celle du type 1. Par contre, le type 2 se régénère plus facilement que le type 1, c’est-à-dire que pour la même quantité de soude, la capacité utile sera plus importante.
On comprendra facilement que le maximum d’avantages provoqués par une régénération à contre-courant s’observera sur le type 2. La diminution de fuite sera plus sensible sur le type 2 que sur le type 1 alors que le rendement de régénération restera meilleur. Notre expérience nous permet d’affirmer que pratiquement un échangeur fortement basique de type 2 aura la même fuite en silice qu’un échangeur de type 1 lorsque la régénération est effectuée à contre-courant. En conséquence, on utilise de préférence un échangeur de type 2 plutôt qu’un échangeur de type 1.
Les avantages apportés par contre-courant sont très importants. La figure 6 montre les capacités utiles, rendements et fuites comparés entre contre-courant et cocourant.
On constate que, avec des rendements de régénération très économiques, le contre-courant permet d’obtenir des fuites permanentes très faibles.
Par exemple, avec une eau dont la composition est la suivante :
salinité totale : 2 meq/l,
silice : 210 µg/l.
On obtiendra une fuite de plus de 100 gammas de silice avec 80 g de soude par litre et une capacité utile d’environ 0,8 meq/l soit un rendement de régénération de 250 %, avec la Duolite A 102 D régénérée à cocourant.
La même résine régénérée à contre-courant donnera une fuite sensiblement plus faible que 100 gammas, alors que le taux de régénération ne sera que de 50 g/l soit un rendement de 155 %.
Non seulement la qualité de l’eau est améliorée mais encore l’économie de réactif de régénération est considérable.
Cas particuliers des lits superposés
Depuis quelques années, la régénération à contre-courant a été utilisée pour les lits superposés. On sait que les lits superposés se composent d’échangeurs de même signe stratifié. L’un de ces échangeurs est faiblement acide ou basique, l’autre est fortement acide ou basique.
L’échangeur faible, qui est plus léger que l’échangeur fort, se trouve à la partie supérieure du lit. En conséquence, la régénération à contre-courant se fait de bas en haut et ainsi le régénérant rencontre d’abord l’échangeur fort puis l’échangeur faible. L’échangeur fort reçoit donc un excès d’acide, ce qui fait qu’il est bien régénéré.
Par rapport à un échangeur unique régénéré à contre-courant, les lits superposés permettent à la fois une capacité utile plus élevée par litre installé, donc d’utiliser moins de résine pour traiter le même volume d’eau, et d’améliorer encore le rendement, c’est-à-dire d’économiser du réactif de régénération.
Lits superposés cationiques
L’utilisation d’un échangeur carboxylique seul avec une régénération à contre-courant est sans intérêt puisque le rendement de régénération est voisin de 100 % et la fuite est faible avec une régénération à cocourant.
Par contre, on utilise l’échangeur carboxylique à contre-courant, superposé à un échangeur de cations forts (Duobed cationique).
L’intérêt de cette technique est de faire travailler l’échangeur carboxylique bien au-delà de son point de fuite normal, la fuite étant fixée par l’échangeur de cations forts.
De nombreux essais ont permis de démontrer que la capacité travaillée (équivalent par litre fixé par l’échangeur) en fonction du point de fuite choisi s’exprimait par une droite si TH/TAC est plus grand que 0,9, par deux droites si TH/TAC est plus petit que 0,9.
Le point de rencontre de ces deux droites n’est autre que la valeur de TH/TAC. Cela signifie que jusqu’à une fuite telle que l’échangeur doit fixer à la fois les cations alcalins et alcalinoterreux, la capacité travaillée augmente relativement lentement.
Par contre, lorsque l’échangeur ne fixe plus que des ions alcalinoterreux, la capacité travaillée augmente très vite.
Pour TH/TAC > 0,9, la capacité travaillée est donnée par la formule :
CT = CU + (4000 – CU) (F – 0,1)
CT : Capacité Travaillée en eq/m³,
CU : Capacité Utile en eq/m³,
4000 : Capacité Totale en eq/m³,
F : Fuite en % à l’arrêt du cycle.
Pour TH/TAC < 0,9 :
CT = [100 p (0,9 — a) + CU] (1 — F) — 4000 (1 — a — F) p p pente de la première droite est donnée par la formule : p = eₜ + 4. a : égal à TH/TAC.
En conséquence, on peut donc calculer la capacité travaillée de l'échangeur carboxylique pour un arrêt de cycle à une fuite imposée donc le volume de l'échangeur.
Un calcul simple permettra ensuite de calculer l'échangeur de cations forts et le taux de régénération.
Il suffit alors de refaire le calcul pour d'autres volumes d'échangeurs carboxyliques ; on peut alors choisir l'optimum. Cette série d'opérations est trop longue pour être faite à la main ; l'optimisation complète se fait donc sur ordinateur.
Résultats pratiques
Le calcul tel qu'il est décrit dans le paragraphe précédent conduit à la conclusion que le rapport du volume d'échangeur carboxylique sur le volume total de lit superposé sera d'autant plus important que :
— la durée du cycle est courte,
— les rapports TAC/ST et TH/TAC sont élevés :
Pour des valeurs de TH/TAC supérieures à 1, la solution optimum correspond à un lit superposé composé de 15 à 25 % de Duolite CC 3 D et 85 à 75 % de Duolite C 20 D. Les capacités utiles du lit superposé se situent autour de 1,5 eq/l pour un rendement de l'ordre de 110 %.
Le faible pourcentage de Duolite CC 3 trouvé est dû à ce que l'échangeur carboxylique a une capacité travaillée d'autant plus forte que son volume est faible et aussi parce que son prix est sensiblement plus élevé que celui de la Duolite C 20.
Les résultats décrits ci-dessus ne sont valables que si la séparation des deux échangeurs est bonne ; en effet, l'échangeur carboxylique qui serait mélangé avec l'échangeur de cations forts se trouverait en milieu acide pendant le cycle et ne pourrait pas fonctionner. Cela suppose que :
— la répartition hydraulique du bidon soit parfaite de manière que lors du soulèvement, la séparation entre les deux résines soit bonne,
— la granulométrie des deux échangeurs soit bien étudiée. C'est ainsi que pour un lit superposé composé de 20 % de Duolite CC 3 et 80 % de Duolite C 20, il ne doit pas y avoir de billes supérieures à 0,5 mm pour la Duolite CC 3 ni de billes inférieures à 0,63 mm pour la Duolite C 20, si on veut obtenir une bonne séparation.
Dans la pratique, ces conditions (en particulier la deuxième) ne sont pas toujours réalisées ; c'est pourquoi, les résultats réels peuvent être très médiocres ce qui explique la réticence des utilisateurs pour cette technique faute de pouvoir trouver des produits convenables.
2. Lits superposés anioniques
Le principe est le même que pour les lits superposés cationiques.
On superposera donc l'échangeur moyennement basique et l'échangeur fortement basique. Comme dans le cas de l'échangeur de cations faible, l'échangeur moyennement basique travaillera au-delà de son point de fuite normal, la fuite étant fixée par l'échangeur d'anions faibles.
De nombreux essais ont permis de démontrer que la capacité travaillée (équivalent par litre fixé par l'échangeur) en fonction du point de fuite choisi s'exprime par une droite. On peut donc calculer la capacité travaillée de l'échangeur moyennement basique pour un arrêt de cycle à une fuite imposée donc le volume de l'échangeur. La suite du calcul permettra ensuite de calculer l'échangeur d'anions forts et le taux de régénération.
Il suffit alors de refaire le calcul pour d'autres volumes d'échangeurs moyennement basiques. On peut alors choisir l'optimum.
Cette série d'opérations est trop longue pour être faite à la main ; l'optimisation complète se fait sur ordinateur.
L'échangeur moyennement basique doit avoir une bonne cinétique d'échange et doit permettre une importante capacité travaillée. C'est le cas de la Duolite A 368 PR.
Comme échangeur fortement basique on préfère un type 2 (Duolite A 102 D) plutôt qu'un type 1 car le type 2 a non seulement une meilleure capacité utile mais aussi résiste mieux à l'empoisonnement par les matières organiques, ce qui est important puisque l'échangeur moyennement basique n'assure plus totalement son rôle de protection puisqu'il travaille au-delà de la fuite habituelle.
Résultats pratiques
Un grand nombre de calculs sur ordinateur permet de tirer les conclusions suivantes :
a) le rapport volume d’échangeurs d’anions faibles sur le volume total dépend à la fois du rapport SAF/ST et de la durée du cycle ainsi que de la valeur absolue du SAF. On ne peut donc pas établir de règle générale, chaque cas étant un cas particulier,
b) la solution optimum correspond à une durée de cycle plus courte que celle habituellement retenue et donc un rapport échangeur d’anions faibles sur volume total faible (20 – 35 %),
c) la capacité utile du Duobed anionique peut atteindre 1 eq/l pour un rendement de régénération de 110 %. Ces chiffres montrent l’intérêt du lit superposé. Toutefois, pour les obtenir dans la pratique, il y a des conditions à réaliser :
— Excellente séparation des deux échangeurs ce qui nécessite l’utilisation d’échangeur d’ions, de granulométrie particulièrement bien étudiée.
— Le rapport SiO₂/ST doit être inférieur à 20 % sinon il y a un risque d’empoisonnement par la silice compte tenu des faibles taux de régénération utilisés.
IV. CONCLUSION
Nous avons mis en évidence les nombreux avantages apportés par la régénération à contre-courant. Les avantages sont si importants, qualité de l’eau produite et économie des réactifs, qu’il est clair que cette technique sera de plus en plus employée. En particulier, la technique des lits superposés devrait connaître de nouveaux débouchés grâce à l’utilisation de produits bien adaptés et de méthodes modernes de calcul.
J.-J. WOLFF