Au début des années 1980, le Port de Brest décide de s’équiper d’une lagune de stockage des résidus de déballastage des pétroliers. Essentiellement constitués de pétrole brut, de silts, de sables fins et d’eau plus ou moins salée, ces résidus remplissent au fil du temps la lagune et y décantent. En 1998, la Chambre de Commerce et d’Industrie de Brest, propriétaire du site, décide le réaménagement et l’extension de la zone d’entreposage des produits pétroliers sur l’emplacement même de la lagune. Le projet impose donc la fermeture et le réaménagement de la zone afin de permettre le passage de véhicules lourds et la construction de nouvelles cuves de stockage en surface.
La CCI de Brest décide alors de lancer un appel d’offres sur performances pour la réhabilitation de la lagune avec les objectifs suivants :
- * suppression de l’impact environnemental de la lagune,
- * compatibilité du traitement avec l’usage futur du site,
- * délai de réalisation court.
Une solution originale pour les lagunes d’hydrocarbures
Différentes solutions techniques sont propo-
[Encart : Intervenants
* Maître d’ouvrage : Chambre de Commerce et d’Industrie de Brest
* Conseil du Maître d’ouvrage : Gester
* Entreprise Générale : ATE-GEOCLEAN / Sita Remediation
* Durée des travaux (stabilisation et enceinte active) : septembre à décembre 2001]
[Photo : Vue générale de la lagune avant travaux.]
Plusieurs solutions ont été envisagées, allant de traitements de destruction hors site au confinement du résidu en place. Malgré leurs avantages en termes d’usage futur, les solutions d’extraction et de destruction en co-incinération sont éliminées à cause de leur coût élevé. C’est donc le projet de réhabilitation proposé par Ate-Géoclean, Solétanche-Bachy et Inertec qui a été retenu. Compte tenu de l’utilisation future du site, la combinaison stabilisation/enceinte étanche représentait la solution technique la plus économique et la plus adaptée.
Le projet proposé par les trois entreprises consiste dans la mise en œuvre des procédés suivants :
- un pompage et un traitement des eaux superficielles par Ate-Géoclean,
- un traitement de stabilisation/solidification des 23 500 m³ de résidus réalisé in situ, selon un procédé Inertec. Grâce à ce traitement, on obtient un matériau qui permet la rétention des principaux polluants (métaux et hydrocarbures) ; de plus, ses caractéristiques géotechniques sont suffisantes pour l’installation des réservoirs de carburant (15 à 20 T/m³) ;
- une enceinte active filtrante Solétanche-Bachy complémentaire de la stabilisation. Elle permet d’assurer le confinement de la zone et l’épuration des eaux susceptibles de parvenir au contact des résidus traités, avant d’être rejetées à l’extérieur.
[Photo : Schéma de principe de la solution stabilisation in-situ enceinte active.]
Quantités principales :
- Enceinte en paroi au coulis : 3 200 m²
- Portes filtrantes : 4
- Stabilisation in situ : 23 500 m³
Cette solution innovante d’abattement de la source à l’échelle microscopique par stabilisation et interception du flux à l’échelle du site par barrière perméable réactive offre de nombreux avantages :
- chaque élément du système peut être dimensionné individuellement en fonction du niveau d’efficacité recherché pour le projet final,
- elle est plus économique qu’une évacuation des déchets vers un centre de traitement ou de stockage, la nature des déchets semi-liquides à pâteux compliquant leur manutention,
- la stabilisation s’accompagne d’une amélioration de sols conséquente,
- de nouveaux stockages sur site étant susceptibles d’être construits, elle est la seule à même de garantir une bonne protection grâce à la présence de l’enceinte active, même si la matrice des produits stabilisés devait être dégradée par les dispositifs constructifs des fondations des réservoirs,
- les eaux de la nappe hors du site sont protégées dans tous les cas.
La mise en œuvre
Stabilisation in situ
La technique retenue a été la suivante :
- mise au point d’un outillage constitué d’une double pale avec dispositif d’injection in situ et de malaxage simultanés,
- création d’une première bande traitée à l’aide de ce malaxeur monté sur un bras long,
- après la prise rapide du mélange obtenu, constitution d’une plate-forme sur le matériau traité et consolidé puis réalisation d’une…
[Photo : Vue du malaxeur in-situ.]
[Photo : Vue du chantier en cours de réalisation.]
- * deuxième bande de matériau traité,
- * traitement de la lagune de proche en proche à l'aide de cette méthode.
Un plot d’essai a permis de régler les principaux paramètres que sont :
- * la composition du coulis,
- * les quantités injectées,
- * le temps de malaxage,
- * le mode de malaxage (vitesse et sens de rotation, déplacement de l'outil).
Au total, 23 500 m³ ont été traités en 4 mois, à l'aide de la double hélice montée sur un porteur chenillé.
Enceinte active à portes filtrantes
Le principe de l'enceinte active à portes filtrantes est d'isoler la zone traitée de l'extérieur. Située au large du confinement, elle constitue une sécurité supplémentaire en permettant :
- * de reprendre les éventuelles pollutions résiduelles qui subsisteraient hors de la lagune traitée,
- * d’évacuer le trop-plein par les portes filtrantes lorsque l'intérieur du confinement se met en charge sous l'effet des pluies,
- * d’exécuter sans risques les travaux de fondation des réservoirs qui sont agressifs pour le traitement local.
Dans tous les cas, l'eau ressort de l'enceinte débarrassée de ses polluants résiduels. L’enceinte active est constituée d’une paroi au coulis périphérique de 610 m de long ancrée dans un horizon étanche sous-jacent vers 5 à 7 m de profondeur et de 4 portes filtrantes munies de 2 filtres à charbon actif renouvelables, d'une capacité suffisante pour être changés une fois par an.
[Photo : Mise en place de la porte filtrante.]
Bilan
L’association des procédés de traitement, développés conjointement par Inertec et Solétanche Bachy, tels que la stabilisation in situ des matériaux pollués et l’enceinte active à portes filtrantes, permet de proposer un nouveau concept intéressant et économique pour la réhabilitation des lagunes de stockage.
Cette double enceinte à la fois microscopique et macroscopique permet de protéger efficacement l'environnement et autorise la réutilisation des sites ainsi réhabilités à des fins industrielles, dans des conditions économiques et sans autre contrainte que l'entretien de l'enceinte active.
Cet entretien, très simple, consiste à changer les filtres au moment où ils sont saturés ; dans ce cas précis, ils ont été dimensionnés pour être changés une fois par an.
Les travaux se sont achevés fin décembre 2001. L’ensemble du dispositif est sous surveillance avec analyses en entrée et sortie des portes des paramètres chimiques de l'eau et notamment la teneur en hydrocarbures dissous.
Après 6 mois de fonctionnement, les mesures en sortie de porte montraient des résultats tout à fait satisfaisants et conformes à l'arrêté préfectoral à savoir :
- – teneur en HCT < 1 mg/l,
- – teneur en phénols < 0,1 mg/l,
- – teneur en métaux lourds (Ba, As, Ni, Co, Cu, Pb) < 0,1 mg/l.
[Photo : Vue générale du site après les travaux.]
