La retenue, d’un volume de 11,5 millions de m³, présente une profondeur maxima de 18 m, avec une moyenne de 6 m de hauteur d’eau sur une surface de 190 ha. Le bassin versant, d’une surface de 190 km², est exclusivement rural et voué à l’élevage (52 % de la superficie agricole est toujours en herbe) ; 4 000 personnes y vivent, l’habitat est dispersé et concerne 63 % de la population.
Les ouvrages de prise d’eau sont complexes : ils comportent une tour à quatre étages, deux fois deux prises d’eau débouchant dans deux puits alimentant une conduite qui dessert la station de traitement et la conduite usinière ; enfin, deux vidanges de fond (munies accessoirement de purges de phosphates) assurent la sécurité. L’usine de traitement d’eau a été opérationnelle en mai 1982.
*Le conducteur d’opération des travaux était la D.D.A.F. et l’ingénieur-conseil la société Coyne et Bellier.
[Photo : Carte schématique de la retenue du Cébron]
LES PHÉNOMÈNES DE DYSTROPHIE
Dès janvier 1983, la retenue était remplie et des essais de fonctionnement de l’usine de traitement des eaux montraient que la qualité de l’eau était conforme aux normes ; cependant, tous les étés, l’exploitant du barrage, la Compagnie générale des eaux, a été confronté à des problèmes sérieux : variations brutales de pH, des teneurs en manganèse, fer, matières organiques, ammonium, développement subit d’algues dans la retenue induisant goût et odeur dans l’eau...
En début d’été on constatait, pour de nombreux paramètres, une stratification s’établissant sur des gradients ; une importante zone anaérobie se constituait rapidement, caractérisée, en particulier, par des teneurs importantes en fer, manganèse et ammoniaque. Le responsable de ces phénomènes est, au premier chef, le phosphore apporté par le bassin versant, qui entraîne la prolifération des algues du plancton, les nuisances ci-dessus étant générées par la surcharge organique de l’eau. De plus, une atmosphère réductrice se développait à l’intérieur du barrage, caractérisée par une teneur importante en hydrogène sulfureux, ce qui n’était pas sans conséquence, d’une part sur le personnel d’exploitation, d’autre part sur les matériels électriques et mécaniques contenus dans l’ouvrage...
Enfin, la teneur en matières organiques et en aluminium des eaux traitées induisait des boues dans le réseau de distribution, phénomène longtemps masqué par la remise en suspension de vieux sédiments dans les anciennes canalisations (réutilisées en sens inverse du sens primitif).
Parallèlement, depuis la mise en eau du barrage, le Thouet, rivière dans laquelle se jette le Cébron en aval du barrage, était le siège de pollutions localisées et périodiques se manifestant par les conséquences suivantes :
- — matières en suspension rendant la couleur de l’eau noire ou café au lait ;
- — envahissement de la surface de l’eau par des corps flottants nauséabonds ;
- — disparition d’une partie de la flore ;
- — asphyxie du fond et apparition de mousses ;
- — formation d’une boue noirâtre au fond du lit mineur qui, lors de crues, se remet en suspension puis, lors du retrait des eaux, se dépose sur les prairies du lit majeur.
LES MOYENS DE LUTTE
CONTRE L'EUTROPHISATION
Le bilan et le choix
Le bilan des phénomènes de dystrophie qui a été dressé durant l'été 1985, montrait au premier chef l’importance de la lutte contre l’apport de nutriments (phosphore) dans la retenue et concluait à la nécessité de mettre en place immédiatement un moyen de cure (1).
L’action la plus efficace consistant à agir sur la cause des phénomènes (le recyclage du phosphore), on a étudié les divers moyens de blocage des nutriments.
Les caractéristiques de la retenue (chimie, morphologie, utilisation de l’eau, gradients verticaux...) ont conduit à éliminer d’emblée des traitements tels qu’épandage d’algicides et de floculants. La réoxygénation du fond par aération hypolimnique ne se justifiait pas, du fait de la faible profondeur de la retenue et de l’absence d’une thermocline et d’une oxycline ; de plus, son coût aurait été supérieur (investissement et fonctionnement) à celui de la destratification. C’est ce dernier procédé qui a été choisi, en définitive, après étude du bilan escompté de cette opération.
Effets possibles de la destratification
Un bilan prévisionnel des effets de la destratification a été établi :
Conséquences positives
- — transfert d’algues vers le fond sombre et frais : diminution de la production primaire ;
- — répartition des algues sur toute la tranche d’eau : intensification du broutage par le zooplancton et destruction plus aisée des flocs par les bactéries ;
- — réoxygénation du fond : blocage du fer du manganèse et du phosphore.
Conséquences négatives
- — augmentation de la température du fond : activation de la minéralisation et du recyclage ;
- — remontée de l'eau du fond plus riche en minéraux : activation de la production primaire algale.
Toutefois, certaines caractéristiques de la retenue minimisent les impacts négatifs possibles de la destratification :
- — les écarts de température surface/fond étant modérés, le réchauffement de l’eau du fond sera faible. L’absence de salmonidés rend sans conséquence ce phénomène sur les poissons ;
- — puisqu’il n’existe pas de réelle thermocline, rien n’empêche le mélange des eaux du fond, plus riches en minéraux, avec les eaux de surface ;
- — la teneur en oxygène de 4 mg/l, généralement considérée comme suffisante pour bloquer le phosphore, doit pouvoir être atteinte sans dépenser trop d’énergie, celle de l'eau de fond variant de 0 à 8 mg d’oxygène par litre ;
- — la morphologie de la retenue est telle que le volume à aérer est faible par rapport au volume total ;
- — la faible différence de densité entre l'eau du fond et l'eau de surface rend le brassage de l'eau peu gourmand en énergie.
En outre, on a pris en compte la faiblesse du risque financier (investissement et exploitation).
Description de l'installation de traitement
Le choix s’est porté sur un système de destratification par bullage d’air présenté par la société Atlas Copco (Aquatechnic, Suède). Il fut demandé à l'entreprise une installation sur les bases suivantes :
- — débit spécifique d'air : 8 m³/minute/km² de retenue, soit environ 17 m³/minute à 3 bars et environ 800 m de canalisation percée débitant 0,33 l/seconde/mètre linéaire ;
- — les canalisations suivraient les vallées des trois rus alimentant la retenue et partiraient de la tour de prise d’eau où serait installé le compresseur ; elles seraient posées au plus profond de la retenue, à 1 mètre au-dessus des sédiments ;
- — le compresseur, à vis non lubrifiée afin de ne pas polluer l’eau, aurait une puissance totale de 71 kW.
L'installation de destratification a été mise en service le 3 juillet 1986.
[Photo : Plan de l'installation de destratification.]
[Photo : Le barrage du Cébron : au premier plan, les bulles remontant en surface.]
LES RÉSULTATS
Les résultats restent à analyser dans le détail mais on peut déjà en tirer les conclusions importantes suivantes :
Pour la qualité de l'eau destinée à l'eau potable
- — Homogénéisation des eaux de surface et des eaux profondes : la température est maintenant constante du haut en bas ;
- — homogénéisation de la teneur en oxygène dissous de haut en bas : de 5 à 8 mg par litre suivant le profil étudié ;
- — diminution (jusqu’à 30 %) de la teneur en matières organiques des eaux traitées à quantité de réactif égale ;
- — lissage des caractéristiques des eaux brutes avec amélioration des conditions d’exploitation de l’usine et diminution des risques de largage d’aluminium dans les réseaux ;
- — diminution des teneurs en fer, manganèse, ammonium et matières organiques de l’eau brute avec amélioration corrélative des conditions d’exploitation de l’usine.
Pour l'environnement
- — Amélioration de la transparence de l’eau (elle passe de 20 cm à 1,50 m) ;
- — amélioration de la couleur de l’eau (elle perd sa couleur verdâtre) ;
- — disparition de l’odeur tenace d’œufs pourris à l’aval du barrage et de l’atmosphère corrosive à l’intérieur du barrage ;
- — diminution des quantités de matières organiques déversées en aval pour le soutien d’étiage et très certainement amélioration de leur minéralisation, d’où absence totale de pollution organique en aval sur le Thouet (malgré des conditions hydrauliques très défavorables) ; diminution de 25 % en moyenne de la teneur en matières sèches (63 mesures, t de Student = 3,25) ;
- — absence d’amplification de l’eutrophisation (charge de l’eau en chlorophylle a) du fait de la remontée de l'eau profonde.
Coût du traitement
Il se décompose comme suit (H.T.) :
— frais d’investissement : 950 000 F— frais de fonctionnement annuels : 25 000 F
Le compresseur a notamment fonctionné en continu pendant 2 226 heures, ce qui n’a entraîné qu’une consommation de 158 000 kWh.
Les frais de fonctionnement ressortent à un montant inférieur à 2 % du coût du traitement de potabilisation, ce qui est négligeable...
AUTRES ACTIONS MENÉES SUR LE CÉBRON
La lutte contre l’apport de nutriments dans la retenue passe par le recensement complet des effluents de toutes activités, des milieux récepteurs existants et potentiels des effluents, de leur vulnérabilité et des relations les liant à la retenue (2). C’est, finalement, le seul moyen de lutte efficace contre l’eutrophisation de la retenue.
CONCLUSION
Il ressort des constatations faites que l'eutrophisation de la retenue du Cébron est due aux apports de phosphore du bassin versant. La solution à long terme qui a été adoptée pour la restaurer est donc de réduire les apports de la source, ce qui est plus facile à réaliser pour les sources ponctuelles (eaux usées par exemple) que pour les sources diffuses (issues du milieu agricole). Parallèlement, a été étudiée une solution à court terme adaptée à la faible hauteur d’eau de la retenue et à sa vocation d’alimentation d’une usine de traitement d’eau potable. Dès le premier été de fonctionnement, le procédé de destratification a montré son intérêt : amélioration de l’aspect et de la qualité de l’eau (facilitant les conditions de traitement pour la potabilisation) stabilisation de l’eutrophisation, coût modéré.
BIBLIOGRAPHIE
(1) Aquascop (1986) : Eutrophisation du Cébron, site du barrage de Puits-Terrier. Rapport à la D.D.A.F. des Deux-Sèvres.
(2) Aquascop (1987) : Lutte contre l’eutrophisation du Cébron ; bilan d'un été de destratification de la retenue. Rapport à la D.D.A.F. des Deux-Sèvres.
Boehmke J.-R. (1984) : Effects of aeration on lake Cachuma, California. Proceedings of the 3rd annual conference V.S.E.P.A., “Lake and reservoirs management” ; 542-548.
I.T.C.F. (1987) : Logiciel de traitement des données, S.T.A.T. I.F.C.F. Service des études statistiques et informatiques.
Legendre L., Legendre P. (1979) : Ecologie numérique, 1. le traitement multiple des données, 2. la structure des données. Ed. Masson.
O.C.D.E. (1982) : Eutrophisation des eaux, méthodes de surveillance, d’évaluation et de lutte. Rapport O.C.D.E.
Pastorok R., Grieb T. (1984) : Prediction of lake response to induced circulation. Proceedings of the 3rd annual conference V.S.E.P.A., “Lake and reservoir management” ; 531-536.
Steinberg C., Arzet K. (1984) : Impact of hypolimnetic aeration on abiotic and biotic conditions in a small kettle lake. Env. Tech. Letters : 5 (4), 151-162.
Vollenweider R.-A. (1968) : Input-output models with special references to the phosphorus loading concepts in limnology. Rev. suisse hydrobiol. ; 37 (1) : 53-84.
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