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Une pompe à main au service des pays en voie de développement

30 octobre 1986 Paru dans le N°104 à la page 86 ( mots)
Rédigé par : F.-b. BLANC

Les années 1980 à 1990 ont été proclamées « Décennie de l'Eau » par l'Organisation des Nations Unies, décision qui a été commandée par un sentiment humanitaire visant à permettre à chaque être humain de disposer de toute l'eau potable qui lui est nécessaire.

Cette décision a donné un essor nouveau à de nombreux fabricants de pompes qui ont rapidement utilisé ce créneau avec plus ou moins de sérieux et de réussite ; d'autres ont préféré prendre le temps nécessaire pour élaborer des appareils adaptés aux contraintes, à la psychologie, aux coutumes et surtout aux besoins des populations villageoises des pays en voie de développement, où les pompes doivent présenter des qualités techniques et une robustesse réelles. C’est ainsi qu’a été élaborée par des chercheurs, anciens résidents d’Afrique ou d’Asie, spécialisés dans les recherches et techniques avancées, une pompe particulièrement étudiée : la pompe Alma (figure 1).

[Photo : Fig. 1 — Principe d’une pompe à piston]

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Les paramètres suivants interviennent dans le calcul du piston d’une pompe conventionnelle : profondeur du puits, tirant d’air, diamètre du piston, pression, débit, cadence. Dans le cas d’un piston classique, les joints d’étanchéité sont plaqués sur la paroi, avec une pression d’autant plus forte que la profondeur est plus grande. Ils produisent ainsi un frottement proportionnel à la pression d’air, ce qui entraîne un effort très important à appliquer au niveau du balancier. En application du théorème de Pascal, cette force est supérieure au poids du liquide, puisqu’elle représente le poids de l’eau qui serait contenue dans le cylindre virtuel ABCD (figure 2).

[Photo : Fig. 2 — Fonctionnement de la pompe]

Dans le cas de la pompe Alma, le piston est remplacé par un dispositif appelé Navette (figure 3) dans lequel les joints d’étanchéité sont supprimés, celle-ci étant assurée par la création de bourrelets d’eau en application des principes de l’hydraulique. Il en résulte un effort très réduit au niveau du balancier (au point qu’un enfant suffit à le faire fonctionner).

[Photo : Fig. 3. – Détail de la navette.]

Construite en bronze « marine », la navette se présente sous la forme d’un cylindre d’une vingtaine de centimètres de hauteur et d’un diamètre variable en fonction des profondeurs de puits, possédant des filets judicieusement répartis. Il se meut dans une chemise de dimensions adéquates. Placé au fond du puits, il fonctionne de telle façon que, lorsque l'on exerce un effort vertical de haut en bas sur le balancier de commande de la pompe, le seul effort appliqué est celui nécessaire pour faire remonter l'eau (et éventuellement la refouler). Il est proportionnel au poids de l'eau contenu dans le cylindre de base cité ci-dessus (figure 4).

***

La pompe présente les particularités suivantes :

  • - comme elle ne possède pas de piston et ne subit aucun frottement, on évite toute usure des parties mobiles ; son entretien est, de ce fait, pratiquement inexistant ;
  • - elle peut fonctionner à grande profondeur sans entraîner d'effort supplémentaire ;
  • - elle assure des débits remarquables : à 10 m 7 000 l, à 50 m 1 500 l ;
  • - elle peut, sans aucun accessoire, refouler l'eau dans un château d'eau situé à 10 mètres au-dessus du niveau du sol, et aussi permettre la création de zones d'irrigations ou vivrières autour des puits ;
  • - son mécanisme de fond, situé au contact de l'eau, peut rester au sec sans dommages plusieurs mois en saison de basses-eaux ;
  • - équipée d'un ou deux balanciers, elle peut être manœuvrée aisément à la main et sans effort important ;
  • - très robuste et composée de quatre sous-ensembles en fonte HG6, elle représente un poids de 100 kg qui la défend contre le vol ;
  • - elle est protégée contre le vandalisme et la pollution par des systèmes simples et robustes ;

Un avantage très marquant et extrêmement important pour les pays en voie de développement consiste à pouvoir profiter d'un choix complet de types d’énergies pour mouvoir cette pompe. Nous choisirons comme exemple l’entraînement mécanique faisant appel à l'énergie solaire.

Le système solaire permettant à la pompe de fonctionner sans énergie humaine, mis au point par nos soins, comporte essentiellement un

[Photo : Fig. 4. – Schéma de la pompe : 1. Bras de manœuvre ; 2. Levier ; 3. Couvercle ; 4. Bielle ; 5. Biellette ; 6. Galets de guidage ; 7. Corps ; 8. Joints d’étanchéité avec bague de guidage ; 9. Bec verseur ; 10. Fût ; 11. Platine support de tubes ; 12. Platine tête de forage ; 13. Socle béton ; 14. Tiges d'ancrage ; 15. Tampons de guidage des tiges ; 16. Tiges raccordées par manchon ; 17. Manchon de tube ; 18. Tube manchonné au pas de gaz ; 19. Bague bronze ; 20. Clapet de refoulement ; 21. Navette en bronze ; 22. Bague bronze ; 23. Clapet de pied ; 24. Crépine ; 25. Chemise cuivre.]
[Photo : Fig. 5. – Schéma de l'entraînement de la pompe par l'énergie solaire.]

boîtier adaptable facilement à la pompe. Très compact, robuste et consommant très peu d’énergie électrique, ce dispositif se trouve à la pointe du progrès en ce domaine, puisque alimenté par panneaux photovoltaïques, il ne demande que 72 W pour élever 1 500 l/h à 42 mètres. La pompe ainsi transformée (figure 5) se différencie des autres systèmes par le fait qu’elle permet aux utilisateurs, en cas de panne ou la nuit, de continuer l’exploitation du puits à la main et à l’aide d’un volant.

Le support du bras de levier est accouplé à un mécanisme composé d’une bielle et d’un volant entraîné par un moteur électrique alimenté par les panneaux photovoltaïques. La position du volant et la longueur du bras de bielle L sont calculées de façon à obtenir une accélération de la translation permettant une accu­mulation de force dans le sens vertical descendant. Celle-ci est utilisée pour faciliter la remontée de l’eau dans le tube.

Il est également possible, le cas échéant, d’utiliser le courant électrique du secteur, ce qui assure une polyvalence remarquable.

On peut aussi entraîner l’installation par un moteur thermique quelconque (même du type vélomoteur…). Une éolienne peut lui être adaptée tout en conservant la version à motricité humaine.

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Les particularités exposées ci-dessus permettent, dans les pays à faibles ressources financières, d’employer une pompe à motricité humaine dans un premier temps et, après une période permettant la réalisation d’économies ou l’obtention de crédits, de la transformer en pompe automatique, tout en conservant les mêmes possibilités de débit.

Sur le plan psychologique, deux autres résultats sont atteints :

  • — l’espoir pour l’individu de pouvoir évoluer dans le temps même avec des moyens relativement modestes, tout en conservant le matériel de base ;
  • — le respect des coutumes et de l’esprit pionnier en vigueur dans ces pays, qui incite les habitants à employer les matériels traditionnels, sans les bloquer par des problèmes d’énergie, tout en leur permettant d’exprimer leur ingéniosité.

De telles pompes commencent à être utilisées au Zimbabwe, au Maroc et prochainement au Mali.

Certaines, mises à l’essai à Monaco, à Bordeaux et démontées après 3 000 heures de fonctionnement, n’ont présenté aucune trace d’usure, ce qui atteste leur parfaite fiabilité. Par ailleurs, une pompe à tête photovoltaïque se trouve depuis six mois en exploitation au Golf International de Monaco, sur un puits de 42 mètres de profondeur.

Soulignons un détail qui peut présenter une certaine importance dans le cadre de certains marchés : les ensembles et composants constituant la pompe sont pour la plupart d’origine française.

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