Le système de télégestion du Réseau d'Assainissement de Valencia, en Espagne, assure le contrôle et la conduite centralisée des stations d'eaux usées et pluviales de l'agglomération Valencianne. Ce système a été mis en ?uvre dans le but de contrôler les conséquences des intempéries (pluies tropicales) survenant dans la région de Valencia et pouvant aller jusqu'à provoquer des inondation dans le centre de la ville. Il permet de surveiller l'état du réseau par le biais de synoptiques animés, courbes de tendance et bargraphes de synthèse, et autorise l'envoi groupé de télécommandes aux stations distantes pour agir si nécessaire sur l'état du réseau et faire face du mieux que possible aux précipitations atmosphériques.
La SAUR (Société d'Aménagement Urbain et Rural) et sa filiale espagnole AVSA (Aguas de Valencia SA) ont réalisé le système de télégestion du réseau d'assainissement actuellement en service à Valencia, dans le cadre d'une Union Temporaire d'Entreprises (UTE) avec Siemens Espagne, pour le compte de la Mairie de la ville. Ce système a pour but, à partir d'un site central (la station de Cabanal), de superviser les installations hydrauliques d'eaux usées et pluviales de l'agglomération Valencianne. L'objectif principal de l'opération est l'optimisation de la conduite de ces installations, dans le but de contrôler les conséquences des intempéries (pluies tropicales) survenant dans la région de Valencia.
Ce port d'Espagne situé à l'embouchure du Guadalaviar, sur la Méditerranée, se trouve au centre d'une grande "Huerta", c'est-à-dire une plaine irriguée couverte de riches cultures. Il est de plus situé dans une cuvette, ce qui le rend particulièrement vulnérable au phénomène dit "de la goutte froide", résultant de pluies tropicales qui sévissent à la fin de l'été et qui peuvent aller jusqu'à provoquer des inondations dans le centre de la ville.
Le réseau d'assainissement et d'eaux pluviales de Valencia est du type unitaire. Il est constitué d'une trentaine de stations (réparties autour de la ville), toutes pilotées par des automates programmables, et dotées d'organes (pompes, dégrilleurs, vannes, groupes électrogènes, ...) qui peuvent être contrôlés et commandés à partir de Cabanal ; leur équipement varie suivant leur fonction. On distingue ainsi trois types de stations sur le site : les "Grandes Impulsiones", les "Tunéles" et les "Compuertas".
Les "Grandes Impulsiones" (dont celle de Cabanal) sont des stations de relevage équipées de bâches de rétention, de pompes, de vannes et de dégrilleurs. Les stations de tête refoulent vers trois petites stations d'épuration (Pinedo, Massarrochos et Palmar) ou vers la mer Méditerranée. En cas de fortes précipitations atmosphériques, la gestion du pompage dans ces stations dépend de l'existence ou non d'exutoires. Les excédents sont détournés par des jeux de vannes ou refoulés par pompage de "trop-plein" en aval de déversoirs vers un fleuve (le Rio Turia) ou directement vers la mer. Dans le cas de stations dénuées d'exutoires, le nombre de pompes en service et les cycles de fonctionnement des dégrilleurs sont modifiés par temps de pluie et les eaux mixtes sont acheminées (gravitairement ou par pompage) vers une "Gran Impulsion" proche ou vers une des stations d'épuration.
Les "Tunéles" sont des dispositifs mis en place dans le but d'éviter l'inondation des tunnels des grandes artères de Valencia. Ils sont équipés de bâches de rétention enterrées et de pompes submersibles. La cote la plus basse d'une bâche de "Tunél" débouche sur un canal menant à une fosse. Par temps de pluies torrentielles, les eaux sont refoulées dans les égouts par les pompes immergées.
Les "Compuertas" sont des systèmes de vannes murales. Chaque "Compuerta" est disposée à l'intersection d'un canal d'irrigation et d'un collecteur d'eaux pluviales ou d'eaux mixtes relié à une "Gran Impulsion" ou débouchant directement sur la mer. La gestion de ces postes consiste à agir sur les vannes murales en cas de "goutte froide", en les ouvrant si le niveau d'eau dans le collecteur associé le permet.
Le système de télégestion mis en place assure l'échange de données avec les stations distantes pour permettre à l'exploitant, depuis Cabanal, de prendre des décisions adéquates en fonction de l'état des installations. Ainsi, en cas de phénomène de "goutte froide", il est possible d'assurer l'envoi groupé de télécommandes permettant d'assurer les mécanismes précédemment décrits pour chaque type de station.
Le système de télégestion collecte les informations relatives à ces stations et les restitue en temps réel sur des synoptiques écrans (et des courbes de tendance) en couleurs, animés par l'état des données rapatriées. Il agit sur le procédé par l'intermédiaire de téléactions et archive les informations sous forme d'historiques exploitables en temps différé. Il permet également le report d'alarmes en astreintes et la consultation à distance, par l'intermédiaire du réseau téléphonique commuté espagnol (Telefonica).
Architecture et configuration du système informatique
Le poste informatique dédié à la télégestion des stations distantes est bâti autour d'un micro-ordinateur pourvu d'un système d'exploitation multi-tâches et d'un gestionnaire de présentation en multi-fenêtrage. Il est équipé de produits standards et de logiciels spécifiques permettant d'une part la supervision du réseau hydraulique et d'autre part les reports d'astreintes et la consultation à distance (via le support RTC et à l'aide de terminaux Ibertel, équivalents espagnols des Minitels). Le micro-ordinateur est doté de trois moniteurs vus par lui comme s'il s'agissait d'un seul. Autrement dit, tout objet de l'application peut être déplacé sans problème d'un écran à l'autre (pointeur de la souris et, par suite, icônes, fenêtres...). Cette caractéristique du système, due à l'utilisation d'une carte spécifique, permet un gain considérable en résolution et une utilisation optimale du multi-fenêtrage.
Le poste informatique pilote également deux imprimantes (fil de l'eau, impressions de rapports, de bilans, de synoptiques et de courbes) et un modem (gestion RTC). Il dialogue par l'intermédiaire d'une liaison série avec un automate concentrateur mis en place, lui aussi, à Cabanal. Ce concentrateur (système principal d'acquisition) communique avec l'ensemble des automates pilotant les stations distantes par liaisons radio.
Acquisition et protocoles de communications
Via le concentrateur, le superviseur collecte différents types d'informations provenant des automates distants (alarmes, signalisations, mesures, données numériques calculées...) et émet, à l'intention de ces derniers, des commandes qui sont « relues » de façon à s'assurer qu'elles ont bien été reçues et prises en compte par leur destinataire. La souplesse du système permet de définir différents attributs en fonction du type des données considérées (lectures par blocs, périodes d'échantillonnage des blocs et des données au sein de ces blocs, rafraîchissement permanent d'une donnée ou seulement quand une animation synoptique qui lui est associée est visualisée à l'écran, stockage à chaque lecture ou seulement sur variation avec filtre et hystérésis...).
Le protocole choisi pour la communication entre le superviseur et le concentrateur est un « standard de fait » adopté par un très grand nombre de constructeurs. C'est un protocole simple dont les transactions sont du type « question-réponse » avec contrôle de cohérence. La table d'échanges superviseur-concentrateur a été établie de façon à profiter au mieux des spécifications de ce protocole (transferts par blocs) et limiter ainsi les flux de communications.
Le protocole utilisé pour la communication entre le concentrateur et les automates distants est particulièrement bien adapté aux échanges par radio. Plusieurs types de « poolings » peuvent être configurés de façon à utiliser l'un ou l'autre en fonction des événements. Ainsi, l'envoi d'une télécommande depuis le superviseur va modifier le cycle d'interrogation des stations distantes pour permettre à la commande de parvenir à son destinataire le plus rapidement possible et de rapatrier, là aussi au plus vite, la confirmation positionnée par ce destinataire (contact auxiliaire de contacteur par exemple, si la télécommande visait à mettre en route un moteur). À titre d'exemple, si la station destinataire est la station 2 et le cycle d'interrogation en cours « station 1, station 2, station 3, station 4, ... », ce cycle deviendra « station 1, station 2, station 3, station 2, station 4, station 2, ... ».
Télécommandes de modes et de pilotage
Quelle que soit la station distante concernée, trois modes de fonctionnement sont à distinguer pour un organe piloté :
- mode manuel : commutateur « auto-manu » in situ de l'organe sur position « manu » ;
- mode automatique : commutateur « auto-manu » sur position « auto », les télécommandes de pilotage depuis le poste de supervision n'étant pas validées ;
- mode superviseur : commutateur sur position « auto », les télécommandes de pilotage depuis le poste de supervision étant validées.
Au niveau du superviseur, il existe également un choix de mode « temps de pluie-temps sec » par station et un autre pour l'ensemble des stations (gestion du phénomène de « goutte froide »). Il est possible de choisir à partir du poste de supervision un mode de mise en route « avec » ou « sans » démarreur électronique pour toute pompe pilotée. À tous les ordres de ce type (télécommandes de modes) sont associées des confirmations de prise en compte positionnées par les automates locaux concernés.
Pour ce qui est des télécommandes de mode « temps de pluie-temps secs », l'exploitant a la possibilité de créer des « recettes », à savoir des matrices de variables auxquelles sont associées des matrices de valeurs. Grâce aux valeurs prises par les variables, un système peut être placé dans un état désiré. Le chargement d'une matrice de valeurs dans une matrice de variables provoque son émission vers les automates concernés. Plusieurs matrices de valeurs pouvant être associées à une même matrice de variables, tantôt l'une, tantôt l'autre peut…
être utilisée. L'exploitant peut ainsi prédéfinir des envois groupés de consignes et de commandes pour répondre à un événement précis, c'est-à-dire, en l'occurrence, à une possibilité d'inondation. Sur défaut de communications entre le superviseur et une station, l'automate distant concerné bascule de lui-même en mode « local » s'il était en mode « superviseur ».
Moniteur du réseau hydraulique
Le premier écran du poste de télégestion est dédié à la supervision des stations. Un bouton d'action présent sur le synoptique d'accueil (armoiries de la ville) permet le basculement vers une vue géographique d'implantation des installations. Sur cette vue, chaque station est repérée par un symbole dont la couleur dépend du type (« Gran Impulsion », « Tunél » ou « Compuerta »). Il est possible de cliquer à l'aide de la souris sur le repère d'une station pour descendre au niveau des détails de celle-ci. Sur défaut de communications radio entre le concentrateur et un automate local, un symbole de couleur rouge apparaît au droit de la station en cause. Sur défaut « process » (défaut général station), un autre symbole également de couleur rouge apparaît à proximité du repère de la station concernée (figure 1).
Une vue station comprend : la représentation des structures et des ouvrages, la représentation et l'animation des organes pilotés, l'animation des défauts synthétiques relatifs à la station, la représentation et l'animation des télécommandes de modes et de pilotage (figure 2). Les défauts de communications radio et de process station sont également représentés sur cette vue.
Sur chacune des vues stations, des panneaux incluant des objets actions et animations sont représentés. Figurent sur ces panneaux :
- des boutons permettant à l'opérateur de passer des télécommandes de modes de fonctionnement et de pilotage d'organes ;
- des animations représentant les confirmations automates associées aux télécommandes de modes.
Les télécommandes de modes sont symbolisées par des boutons incluant un texte et un triangle noir placé sur la gauche du bouton, la pointe orientée vers le texte. Le grisage du texte représente la prise en compte de la télécommande par le superviseur. Son retour à la normale signifie que l'automate concentrateur a bien reçu la demande de l'opérateur. L'apparition du triangle noir rend compte de la validation (confirmation) en bout de chaîne de l'automate local concerné.
L'animation d'une télécommande de pilotage d'organe consiste en un grisage suivi d'un retour à la normale du texte figurant sur son bouton d'action, la confirmation de l'automate local étant dans ce cas matérialisée par un changement de couleur opéré sur la représentation de l'organe concerné. Cette animatique « parlante » facilite le suivi par l'exploitant des différentes étapes de l'émission d'une télécommande de mode ou de pilotage vers un automate distant (figure 3).
Afin de ne pas surcharger les vues stations, des mécanismes de zooms dynamiques (avec activation de calques associés à des facteurs d'échelle) sont mis en place. Un clic à l'aide de la souris sur un bouton associé à un organe ou à un groupe d'organes permet un zoom vers une vue détaillée sur laquelle apparaissent les panneaux de télécommandes de modes et de pilotage associées. L'exploitant a la possibilité d'effectuer un zoom-arrière pour revenir à la vue synthétique de la station.
Des règles d'animations standards ont été retenues : changements de couleurs, apparitions de pavés seuls ou complétés de textes, bargraphes ou affichages numériques (niveaux), rotations ou translations verticales (« Compuertas »), etc. (figure 4).
Une fois en présence d'une vue station, l'utilisateur a deux alternatives pour basculer vers une autre station du réseau : il peut soit y accéder directement à l'aide d'une liste de boutons, soit effectuer au préalable un zoom-arrière, c'est-à-dire un retour à la vue géographique.
Moniteur bargraphes de niveaux et courbes
Le deuxième écran présente un synoptique incluant des vues sur lesquelles sont représentés sous forme de bargraphes les niveaux de l'ensemble des stations du réseau :
- niveaux dans les puits des « Grandes Impulsiones » ;
- niveaux dans les bâches de rétention enterrées des « Tunéles » ;
- niveaux « canal » et niveaux « collecteur » des « Compuertas ».
Cet ensemble de vues constitue une aide visuelle à la décision d'envoi de la télécommande générale « Temps de pluie-Temps sec ». Dans ce but, il inclut des objets de type action.
Outre les bargraphes, l'opérateur peut accéder à partir de cet écran à des courbes de tendance concernant les niveaux, qui peuvent être soit rafraîchies en temps réel, soit provenir de l'extraction sélective de données des fichiers historiques de consignation du superviseur.
Moniteur alarmes et analyses
Le troisième écran inclut une fenêtre d'alarmes et une fenêtre d'analyses. C'est également sur cet écran qu'apparaît en cas de défaut grave sur le réseau le pop-up d'alarmes.
La fenêtre d'alarmes établit selon un affichage par tri multi-critères (heures d'apparition, de disparition, d'acquit, numéro de station concernée, sévérité) une liste des alarmes élaborées par le superviseur à partir des informations automates. La nature d'une alarme y est indiquée en clair. En cliquant à l'aide de la souris sur une alarme de son choix,
l'opérateur provoque l'affichage d'une boîte d'informations complémentaires la concernant (conduite à tenir, opérations de maintenance, détails supplémentaires). Les alarmes peuvent être acquittées de façon individuelle, globale ou par classes. Les synoptiques animés ne prennent pas en compte que les défauts synthétiques (ex. : défaut pompe A bâche 1 « tunnel » 2) ; c'est à partir de la fenêtre d'alarmes que l'exploitant pourra connaître avec plus de précision la nature exacte de l'avarie survenue (ex. : défaut thermique). La fenêtre d'alarmes permet également des traitements différés à partir des fichiers « événements » archivés par le superviseur. Il est ainsi possible d'extraire des informations de ces fichiers en fonction de requêtes multi-critères (horodatage de début et de fin d'étude, libellé(s) d'alarme(s), station d'origine, sévérité, classe, heure(s) d'apparition ‑ disparition ‑ acquit, …) pour générer des rapports d'événements.
La fenêtre d'analyses permet quant à elle l'élaboration de rapports de consignation à partir de requêtes multi-critères d'extraction de données des fichiers historiques du superviseur.
Le « Pop-Up d'alarmes » est une fenêtre de priorité maximale s'affichant en avant-plan et n'autorisant que des actions d'acquit (l'accès à tout objet de l'application autre que le Pop-Up étant verrouillé dès son apparition). Ne sont redirigés vers le Pop-Up que les messages découlant de défauts graves (ex. : intrusion, trop-plein, station non alimentée ‑ ni secteur, ni groupe électrogène ‑ …). Le « buzzer » du micro-ordinateur est activé sur apparition du Pop-Up, sa tonalité et la durée de son maintien étant fonction de la sévérité des alarmes dont il rend compte. Sur acquit opérateur des alarmes du Pop-Up, le buzzer est désactivé et la fenêtre disparaît.
Accès
Trois niveaux d'accès (et donc trois groupes d'habilitations) sont reconnus par le système :
- - niveau développement (administrateur du système) : ce niveau permet l'accès aux téléactions et à tous les menus du système ;
- - niveau exploitant (responsable d'exploitation) : ce niveau permet l'accès aux téléactions et à certaines fonctions des barres de menus des fenêtres Courbes, Alarmes et Analyses ;
- - niveau consultant : ce niveau permet l'accès à certaines fonctions des barres de menus des fenêtres Courbes, Alarmes et Analyses ; en revanche, il n'autorise aucune téléaction.
Télégestion à travers le réseau téléphonique commuté
Le système informatique intègre un logiciel permettant la télégestion des installations à travers le Réseau Téléphonique Commuté via un modem et un support de type Minitel. Ce module assure la gestion des reports d'astreintes à partir des alarmes générées par le progiciel de supervision. Il permet de consulter à distance les historiques du poste de supervision et les alarmes élaborées par ce dernier. Il autorise également le passage de télécommandes, toujours par le biais d'un simple terminal de type Minitel.
Conclusion et perspectives d'avenir
Cette application, originale et d'envergure, a été mise en service au tout début de l'été 93, durant la période juin-juillet. Elle fait appel à un grand nombre de facettes de l'informatique industrielle appliquée aux métiers de l'eau, à savoir : les automatismes, la télétransmission (support radio), la supervision (contrôle, conduite et archivages) et la télégestion (support RTC).
L'exploitation et la maintenance des installations étant assurées par des équipes de non-informaticiens, il va sans dire que l'application a été développée de façon à rendre d'une grande simplicité les différentes opérations à effectuer. La souplesse des outils et progiciels utilisés (qui n'incluent pas d'écrans prédéfinis ou de bandeaux de touches de fonctions configurables, par exemple) a permis la mise en place de mécanismes exempts de toute arborescence complexe.
La notion de « recettes », que nous évoquions plus haut, permettra aux utilisateurs du système de définir les configurations d'envois groupés de commandes les mieux adaptées pour faire face au phénomène de « goutte froide ». Ces configurations n'étant pas figées (ni en nombre, ni en nature), l'exploitant a toute liberté de créer de nouvelles recettes ou de modifier les recettes existantes. Celles que comporte le système au jour d'aujourd'hui constituent une première approche (définie par la Mairie) pour parer aux inondations. L'expérience de l'exploitant permettra de corriger rapidement cette approche si cela s'avère nécessaire ou si le réseau fait l'objet de modifications ou d'extensions.