Cependant, le traitement de postchloration assuré actuellement consiste seulement à essayer d’obtenir une concentration de consigne de chlore libre sur l’eau traitée par une régulation aval et ceci même après plusieurs heures de séjour dans un réservoir. Il est évident que ce traitement (de type aval) ne permet pas de pallier une variation subite de qualité ni de compenser la consommation de chlore dans le réservoir (pendant parfois des heures de contact), mais seulement de constater que la concentration de chlore n’est pas conforme au point de consigne et d’effectuer alors une correction a posteriori : il y a ainsi perte de temps, et donc de qualité, puisqu’on assiste alors à un battement de régulation qui perturbe la qualité de l’eau distribuée.
Il est donc apparu très important de réagir, en proposant un asservissement fiable du traitement de postchloration mettant en œuvre une régulation amont, qui permet d’adapter en permanence l’injection de chlore à la demande spécifique de l’eau, même après plusieurs heures de temps de contact dans un réservoir ou une bâche, et de vérifier, seulement par sécurité, la concentration de chlore résiduel.
Le principe du procédé que nous avons mis au point à cet effet repose sur la réalisation d’une demande en chlore accélérée, qui est la même que celle obtenue à 20 °C pour un temps de contact de 2 h. Un chauffage des échantillons accélère la cinétique et permet d’obtenir la même réponse en 5 minutes de temps de contact.
La relation « chlore introduit-chlore libre résiduel », sur laquelle s’appuie ce procédé, est complétée par un modèle cinétique permettant d’appréhender les variations de temps de contact dans le réservoir.
Le procédé s’intègre chronologiquement dans la chaîne de traitement (figure 1) de la manière suivante :
- • prélèvement d’échantillon en amont du réservoir,
- • procédé de régulation,
[Figure : Fig. 1 : Intégration du procédé dans la chaîne de traitement. 1° prélèvement d’eau ; 2° procédé de régulation ; 3° injection de chlore ; 4° contrôle du résiduel.]
- • commande de l’injection de chlore,
- • contrôle du résiduel de chlore libre en sortie de réservoir.
Etapes de fonctionnement du procédé
Phase initiale
L'appareil est alimenté par l'eau entrant dans le réservoir ; des concentrations différentes de chlore sont introduites, et les concentrations résiduelles en chlore libre correspondantes sont dosées après chauffage des échantillons. La concentration de chlore à injecter pour un point de consigne de chlore libre résiduel est ainsi déterminée à partir de la relation chlore introduit-chlore résiduel ; la concentration de chlore à introduire dans le réservoir est ensuite ajustée en fonction du temps de séjour variable et des caractéristiques hydrauliques du contacteur.
Phase de routine
Après cette phase initiale, l'appareil passe en phase de routine ; la concentration de chlore, correspondant au point de consigne, est introduite en entrée de réservoir et sur l’appareil. Dès qu'une dérive significative par rapport au point de consigne de chlore résiduel est enregistrée, une phase de correction est entamée, ce qui permet d’adapter l'injection de chlore à la variation de qualité d’eau et ceci en un temps réduit, contrairement, il faut encore le souligner, à l’asservissement aval pour lequel la correction ne peut se faire qu’a posteriori, c’est-à-dire après enregistrement d'une dérive à la sortie du réservoir, soit souvent quelques heures après que la modification de la qualité de l'eau soit intervenue à l’entrée du réservoir.
Conditions expérimentales
Des essais en « batch » et en continu ont tout d’abord été réalisés en laboratoire pour la mise au point de l’assainissement amont, afin de déterminer les conditions optimales de mélange, temps de contact et température. Le procédé en batch s’est révélé le plus adapté à la réalisation d’un appareil compact.
Le procédé d’analyse automatique de la demande en chlore a été testé sur une unité-pilote comprenant d’une part la détermination de la demande en chlore, et d’autre part un réservoir alimenté en continu (V = 1 m³) permettant de réaliser un traitement semi-industriel de post-chloration. L’ensemble est alimenté par des eaux présentant des concentrations variables en ammoniaque et en carbone organique total (eau de Seine plus ou moins diluée).
L'unité-pilote est totalement automatisée et équipée d’un système d’acquisition de données. Les essais effectués permettent de déterminer la concentration du chlore à introduire dans le réservoir afin d’obtenir à la sortie le point de consigne fixé en chlore libre.
Résultats
Comparaison des demandes classiques à celles réalisées sur pilote
Ces essais ont consisté à comparer les demandes en chlore classiques en bouteilles (temps de contact de 2 h à 20 °C) à celles déterminées par le procédé.
[Figure : Fig. 2 – Précision du procédé. Comparaison avec une demande en chlore à température ambiante et 2 h de temps de contact.]
Par ailleurs, des analyses des composés halogénés absorbables (AOX) et trihalométhanes (THM) ont été réalisées afin de vérifier que les réactions qui se déroulaient étaient les mêmes dans les deux procédés.
Essais de répétabilité sur le pilote
Pendant plusieurs heures et de nombreux cycles, l'eau d’alimentation a été dopée avec une même concentration en NH₄⁺.
[Figure : Fig. 3 – Répétabilité du procédé. Déterminations successives de demandes en chlore avec une eau de qualité constante.]
On n’observe pas de dérive significative.
Essais sur pilote alimenté avec une eau de qualité variable
Ces essais ont consisté à vérifier que le temps de réponse du procédé était suffisamment court pour maintenir constant le résiduel à la sortie du réservoir en ajustant en permanence la dose de chlore introduite à la qualité de l'eau.
[Figure : Fig. 4 – Fiabilité du procédé. Traitement de post-chloration (réservoir de 1 m³) sur une eau de qualité variable ; mesure du chlore libre résiduel et enregistrement des concentrations de chlore injecté.]
Pour l’essai illustré à la figure 4, les données de fonctionnement étaient les suivantes :
- – chlore résiduel de consigne : 0,10 mg/l,
- – qualité d’eau : COT = 1,50 à 2,30 mg/l et NH₄⁺ = 0,26 à 0,36 mg/l.
Après une période correspondant au temps de renouvellement du contenu
Du réservoir initialement rempli d’eau non chlorée, la concentration en chlore libre résiduel s’est maintenue au voisinage de la consigne : 0,10 ± 0,02 mg/l (figure 4). Les variations de concentration de chlore injecté en parallèle des mesures de résiduel de chlore libre montrent la capacité d’adaptation du système aux variations de concentration en ammoniaque et en matières organiques, et par conséquent sa fiabilité.
Modélisation
En complément de la détermination de la demande en chlore, une modélisation de la cinétique de disparition du chlore a été réalisée, permettant de corriger la dose de chlore introduite pour un temps de contact moyen, qui correspond au temps de contact théorique corrigé en fonction de l’hydraulique du contacteur.
Conclusion
La mise en œuvre d’un asservissement amont permet sans aucun doute d’accroître la maîtrise du traitement de post-chloration en ajustant constamment l’injection de chlore à la qualité de l’eau.
Le procédé est aujourd’hui développé au stade industriel.
- • Brevet Lyonnaise des Eaux-Dumez.
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