Les premiers travaux expérimentaux ont visé à vérifier les phénomènes qui régissent la filtration, les mécanismes de transport et les effets d’attachement. Leurs résultats ont confirmé dans une large mesure ceux obtenus avec l'aide de modèles mathématiques ou de façon empirique par certains chercheurs.
Après des essais successifs concernant l'emploi d'additifs chimiques de floculation, on a vérifié la validité de la configuration du filtre qui avait été retenue. Ces expériences nous ont permis de développer une théorie générale de la filtration et de mettre au point le système OFSY de filtration en série.
Les expérimentations
Les expériences ont été réalisées au moyen d’unités construites à échelle industrielle, avec la possibilité de pouvoir faire varier les débits, suivant le dispositif ci-après.
Réservoir de préparation des eaux troubles
Ce réservoir avait une capacité de 80 m³ environ ; on y ajoutait de la terre selon les besoins de l'expérience. En général, nous n’y avons pas constaté de croissance d’algues, soit parce que l'eau traitée contenait un pourcentage de chlore libre d’environ 0,5 mg/l, soit parce que leur croissance était inhibée par la turbidité élevée des eaux testées.
Réservoir de contact
Pour déterminer l'influence du temps de contact sur l'action des coadjuvants chimiques, nous avons utilisé des réservoirs à niveau variable, agités hydrauliquement par le flux d’entrée de l'eau. Nous avons pu ainsi régler des durées de contact variant de 0 à 30 minutes.
Unités de filtration
Nous avons expérimenté jusqu’à cinq systèmes de filtration fonctionnant en parallèle. Au cours des expériences, nous avons employé des filtres de 20 pouces de diamètre interne. La virole des filtres, par contre, pouvait varier de 1 000 à 1 800 mm dans le but de faire varier l'épaisseur des couches de filtration et l'espace libre correspondant.
Dosage des produits chimiques
Nous avons employé des pompes avec doseur qui prélevaient directement les solutions de dosage dans leurs réservoirs.
Contrôles
Les principaux contrôles concernaient la turbidité (eau brute et eau filtrée) et la perte de charge ; ils faisaient l'objet de relevés toutes les 30 minutes. Nous pratiquions également des contrôles de concentration des solides en suspension dans l’eau brute, en particulier lorsque les niveaux de turbidité étaient élevés.
La conclusion importante qui ressort de nos expériences est que l’on entend par filtration directe celle qui permet de développer des mécanismes d’attachement à l'intérieur d'un filtre, lequel devient alors un véritable floculateur.
Cela tend à justifier le fait que les dosages optimums utilisés dans la filtration directe se révèlent toujours inférieurs à ceux qui seraient nécessaires à une bonne sédimentation ou même à ceux que l’on avait calculés par électrophorèse.
La durée de contact entre eau brute et coadjuvant de filtration est déterminante, et si on la prolonge on observe en général des effets négatifs.
Le système OFSY
Le système OFSY se fonde sur certaines constatations importantes :
- - pendant sa phase de leakage, le filtre conserve encore une certaine capacité de retenir des substances en suspension ;
- - durant cette phase et en présence d'une turbidité influente élevée, l'accroissement de la perte de charge est relativement bas ;
- - la perte de charge peut être ultérieurement réduite par l'emploi de sulfate d’alumine (plutôt que de corps polyélectroniques) comme coagulant primaire,
ce qui est probablement dû au fait que, n’étant pas en mesure de créer des liens solides, il empêche la formation rapide de dépôts ;
– en accord avec les études d’Ishibashi et de Schull, nous avons constaté à quel point le pouvoir coagulant du sulfate d’aluminium est extraordinaire, même si les dosages sont réduits et la turbidité très élevée, ce qui permet de diminuer la charge du filtre et donc de prolonger la phase de leakage en maîtrisant les pertes de charges.
En combinant ces observations et en appliquant les principes généraux de la théorie de la filtration, nous avons réalisé notre système OFSY de filtration directe.
Il faut remarquer que son conditionnement chimique a été étudié en tenant compte de la conception particulière du filtre multicouche (granulométrie, quantité et épaisseur des couches, hauteur de soulèvement, etc.).
Le système comporte essentiellement deux filtres compacts placés en série (voir photographie) dont l’un est chargé de retenir le maximum de matières en suspension, le rôle du second étant de parachever la filtration, et de délivrer une eau parfaitement épurée.
On injecte en tête du premier filtre un sel d’aluminium, et en tête du second un polyacrylamide non ionique. Ces produits se sont révélés les plus appropriés au traitement d’eaux de différentes turbidités et ils permettent d’obtenir une durée de cycle économiquement acceptable (avec de basses turbidités, des dosages plus faibles seraient possibles ; nous pensons cependant que, puisque la durée d’un cycle ne devrait pas excéder 24 heures — résultat toujours atteint avec de basses turbidités —, il n’est pas avantageux de modifier les dosages standard pour ne réaliser que de petites économies).
Même dans ce cas, nous avons pu vérifier l’importance d’éviter la préfloculation. Initialement, sulfate d’aluminium et polyacrylamide étaient tous deux injectés en tête du premier filtre, ce qui conduisait à un percement rapide de sa couche filtrante, mais il a suffi de déplacer le point d’injection du polyacrylamide pour obtenir à nouveau une excellente qualité d’eau.
Il est donc évident que le polyacrylamide est en mesure de donner, en association avec le sulfate d’aluminium, un flocon particulièrement tenace et pénétrant, mais que ce résultat, aussi bon soit-il, est moins efficace que celui que l’on obtient avec des injections séparées. Il est certain que ces résultats nécessiteraient des recherches plus poussées en laboratoire, mais les mécanismes qui font agir le sulfate d’aluminium et le polyélectrolyte nous semblent d’ores et déjà assez clairs : le premier, du fait de liens chimiques très faibles, agit en déstabilisant les charges électrostatiques alors que l’action du second s’explique par la formation de liens-ponts tenaces, favorisés par des phénomènes d’absorption.
Il apparaît en tout état de cause que les phénomènes de coagulation et de floculation qui se produisent à l’intérieur du filtre sont intensifiés par les variations de vitesse qui se produisent à l’intérieur des couches de matériaux filtrants.
On doit souligner qu’en aucun cas, nous n’avons constaté de phénomènes d’entartrage (mud balls) car un simple contre-lavage à l’eau a toujours permis de rétablir une parfaite propreté des filtres.
Nous avons également expérimenté le système OFSY avec d’autres associations de coadjuvants (sulfate d’aluminium + sulfate d’aluminium/cationique + cationique/ sulfate d’aluminium + cationique + non cationique) mais les résultats se sont montrés inférieurs à ceux que nous avions obtenus avec le sulfate d’aluminium et un non-ionique (même s’ils étaient toujours supérieurs à ceux que nous pouvions obtenir avec l’utilisation d’un seul filtre).
Il nous faut enfin signaler que l’installation de systèmes OFSY dans une station de traitement d’eaux usées vient de confirmer les excellents résultats obtenus avec les unités pilotes.
Conclusion
En partant d’une étude concernant l’amélioration du rendement de la filtration des eaux brutes, nous avons recueilli des informations qui ont permis de développer un système de filtration en série dont le rendement (qui se situe avant le temps où la qualité de l’eau n’a plus les caractéristiques requises et où les pertes de charge deviennent trop importantes) s’est montré cinq ou six fois supérieur à celui obtenu avec un seul filtre : les substances solides déposées peuvent en effet atteindre une masse de 40 kg par m² de lit de filtration.
En d’autres termes, le système de filtration en série ne constitue pas qu’un simple accouplement de deux filtres, avec des résultats prévisibles d’après le rendement d’un seul filtre ; il offre des avantages spécifiques que l’on peut détailler comme suit :
- — il assure une qualité constante et excellente de l'eau filtrée : en aucun cas, sa turbidité n'a dépassé pendant nos expériences la valeur de 1 FTU et la concentration résiduelle de solides en suspension est restée inférieure à 2 mg/l. Au cours des essais, il était en fait tout à fait courant d’obtenir une turbidité résiduelle pratiquement nulle (< 0,1 - 0,2 NTU) ;
- — il peut traiter des eaux de turbidité si élevées, qu'elles nécessiteraient pour le moins une phase de sédimentation ;
- — il est pratiquement insensible aux variations de la turbidité, même importantes, et il ne nécessite aucune modification du dosage des produits chimiques coadjuvants ;
- — il est également insensible aux variations de vitesse ou aux interruptions de cycles qui n'ont pas d’influence sur la qualité de l’eau filtrée (cela permet par exemple d’augmenter la vitesse de filtration lorsque la turbidité influente diminue) ;
- — il peut être complètement automatisé, les lavages pouvant être programmés sur la base du temps, de la qualité de l'eau filtrée ou des pertes de charge ;
- — il optimise les opérations de contre-lavage en réduisant les pertes d’eau correspondantes (elles sont de toute façon fonction de la turbidité de l'eau et donc de la durée du cycle) ; en outre, on peut utiliser de l'eau brute pour ce contre-lavage, celui du second filtre s’effectuant automatiquement avec l'eau filtrée par le premier filtre ;
- — il fonctionne à des vitesses de filtration relativement élevées, qui réduisent considérablement la dimension des unités ;
- — son action est efficace même sur les eaux à faible turbidité et qui pourraient être traitées par un seul filtre ; la double filtration ne pouvant qu’améliorer la qualité de l'eau filtrée ;
- — il ne nécessite aucune manutention particulière et, de plus, les pièces à changer sont en nombre réduit. Il faut ici rappeler qu’une unité traditionnelle doit, pour parer aux incidents d’exploitation, être pratiquement construite en double. Par contre, seuls deux filtres de réserve sont suffisants pour plusieurs unités OFSY fonctionnant en parallèle.
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