Les formulations de type chromate-zinc sont de remarquables inhibiteurs de corrosion ; cependant, leur emploi demande un contrôle strict du pH, une dépollution des rejets, et des précautions de manipulation et de stockage.
L’association phosphate-zinc ne présente pas de problème de rejets, mais nécessite le contrôle du pH ; lors de l’emploi de formulations de ce type, il convient également de limiter le temps de séjour, ce qui revient à limiter le taux de concentration, et de renforcer le traitement biocide.
Les organophosphates apportent une plus grande souplesse vis-à-vis du pH, au détriment de l’efficacité, et nécessitent de renforcer la protection des métaux cuivreux.
De nombreux essais, réalisés en laboratoire sur circuits simulés, ont permis de mettre au point la formule du Solerpon MAT, dont l’originalité repose sur l’association de plusieurs types de polyanions de bas poids moléculaire et de sels de zinc. Ce réactif apporte ainsi à la fois une particulière efficacité dans l’inhibition de l’entartrage et des salissures des propriétés dispersantes remarquables, et un pouvoir d’inhibition de la corrosion du même ordre que celui obtenu avec les formules de type chromate-zinc. Parmi les applications industrielles, nous avons retenu trois exemples illustrant ses remarquables propriétés.
CAS N° 1
Nous avions à définir le traitement d’un circuit de refroidissement d’une centrale électrique Diesel utilisant comme appoint une eau très faiblement minéralisée, avec des normes de rejets très strictes, liées à un déversement en site protégé.
L’eau de surface présente les caractéristiques suivantes : pH = 7,4 ; Ca²⁺ = 1,29 °f ; Mg²⁺ = 0,95 °f ; Na⁺ = 2,45 °f ; K⁺ = 0,28 °f ; HCO₃⁻ = 1,28 °f ; SO₄²⁻ = 0,98 °f ; Cl⁻ = 2,71 °f.
Les normes de rejets sont définies comme suit :— pH : 7 à 8— zinc : < 2 mg/l— cuivre : < 0,4 mg/l— phosphates (totaux, après hydrolyse complète, exprimés en P₂O₅) : < 0,4 mg/l— chromates : 0
Les différentes parties des moteurs (cylindres, injecteurs, pistons) sont refroidies par des circuits fermés. Un circuit semi-fermé, bouclé sur réfrigérant atmosphérique à tirage forcé, évacue les calories des circuits précédents par l’intermédiaire d’échangeurs à plaques. Ce circuit est constitué de bronze, cuivre, cupro-aluminium, acier doux, inox 316, béton. Par groupe Diesel, pour un volume de 90 m³, le débit de circulation est de 1 100 m³/h, les températures extrêmes entrée-sortie réfrigérant allant de 49 à 35 °C ; à pleine charge (20 MW), l’évaporation est voisine de 20 m³/h.
Compte tenu de la faible minéralisation de l’eau et de l’interdiction d’emploi de toute forme de phosphate, nous avons choisi d’adopter un taux de concentration très élevé, en visant 9 à 10. Pour nous permettre d’atteindre cette valeur tout en maintenant les appareils en parfait état de propreté, nous avons retenu, pour ses propriétés à la fois antitartre, anticorrosion et dispersant, le Solerpon MAT, auquel nous avons adjoint des inhibiteurs spécifiques des métaux cuivreux ; le réactif ainsi constitué est dénommé Solerpon Mat-PC ; d’autre part, nous avons installé sur chaque circuit une filtration dérivée de 23 m³/h (filtre automatique Erpac).
Nous avons fait évoluer progressivement la concentration de 2,5 à 10, en maintenant dans l’eau en circulation une teneur en réactif de 50 cm³/m³, soit pour un taux de concentration de 10, un dosage de 5 cm³/m³ d’appoint, ce qui représente, pour la pleine charge du groupe, une consommation maxi de 0,105 l/h.
Parallèlement, nous avons observé pendant ces essais la vitesse de corrosion qui a évolué comme suit :
— Concentration : 4,5 6 7 10
— V corrosion (µ/an) : 49 27 22 20
(en l'absence de traitement, pour des taux de concentration équivalents, la vitesse de corrosion était de l'ordre de 100 μ/an).
À la suite de ces essais, le conditionnement a été appliqué à l'ensemble des groupes de la centrale au dosage de 50 cm³/m³ d'eau en circulation ; le TH maintenu dans les circuits est de l’ordre de 20 °f, soit pratiquement une concentration de 10 fois l’appoint.
Les vitesses de corrosion sont suivies sur témoins de corrosion selon la norme ASTM.
Les valeurs obtenues sont les suivantes :
Groupe |
Durée d'immersion des éprouvettes |
V corrosion (μ/an) |
1 |
194 jours |
16,8 |
2 |
194 jours |
10,9 |
3 |
194 jours |
15,5 |
4 |
323 jours |
9,4 |
5 |
194 jours |
10,7 |
Par ailleurs, l'examen des appareils confirme ces excellents résultats, avec absence de piqûres et de dépôts.
Le traitement biocide est assuré à l'aide de Fongerpon GPA, réactif très peu toxique (LD 50 > 6000 mg/kg), dont le rejet, aux doses d'emploi, ne pose aucun problème.
CAS N° 2
Parmi les applications en sidérurgie, nous avons retenu le refroidissement de coulée continue. On considère deux types de circuits dans une coulée continue, selon qu’il y a ou non contact direct de l'eau de refroidissement avec la brame (figure 1) :
- - le circuit primaire, ou circuit « machine fermée », assure le refroidissement des rouleaux (intérieur) et n'est pas en contact avec le métal incandescent ; il constitue un circuit propre ;
[Photo : Figure 1]
- — le circuit secondaire, ou circuit « machine ouverte », refroidit la brame par arrosage et se charge de pailles, battitures, poudres utilisées pour la coulée, graisses, fluide hydraulique, etc.
Ces apports représentent respectivement : 4 kg de battitures et pailles par tonne d’acier coulé, 2 à 3 kg de graisses par heure, 1 à 2 l de fluide hydraulique par heure, apports qui sont éliminés par passage dans un hydrocyclone et dans une batterie de filtres à sable.
Le Solerpon MAT, par ses propriétés à la fois antitartre, anticorrosion et dispersante, est particulièrement adapté au conditionnement de l'eau de ce type de circuits, ce que nous illustrerons par deux exemples.
Premier exemple
Le circuit primaire est de type fermé. Les calories recueillies par ce circuit sont évacuées vers le circuit secondaire par un échangeur intermédiaire ; le circuit primaire, alimenté en eau adoucie, est conditionné à l'aide d’Erpon CNM de manière à maintenir un excès de nitrite de sodium de 1,5 g/l ; la vitesse de corrosion, suivie par éprouvettes-témoins et par Corrater, est inférieure à 5 microns par an.
Le circuit secondaire est alimenté par une eau de forage ayant les titres suivants : pH = 7,9, TH = 28 °f, TAC = 21 °f, Cl⁻ = 3,5 °f, SiO₂ = 10 mg/l.
Le débit est de 900 m³/h pour un volume de 1 500 m³. Sur la base de 10 coulées de 110 tonnes par jour, l'évaporation moyenne est de 420 m³/j, soit, par analogie avec un régime continu, 17,5 m³/h. Les buses assurant la pulvérisation de l’eau sur la brame ont un diamètre de 0,7 mm ; la chaleur émise par la brame porte la température de l’eau dans la buse de pulvérisation à 75 °C.
Les conditions d'exploitation retenues sont les suivantes :
- — Taux de concentration : 1,5 ± 0,2
- — TAC de l'eau en circulation : 10 ± 2 °f par injection d'acide sulfurique,
ce qui correspond à un indice de Ryznar de 4,5 à 5 à 75 °C, soit des conditions très entartrantes au niveau de la pulvérisation ; injection en continu de Solerpon MAT à raison de 33 cm³ à la minute, ce qui, ramené à l'appoint de 52,5 m³/h, correspond à 37,7 cm³ de réactif par m³ d’appoint.
La vitesse de corrosion est suivie par pesée de témoins en fonction du temps ; les résultats obtenus sont les suivants :
24 jours |
19 μ/an |
52 jours |
15 μ/an |
127 jours |
13 μ/an |
Aspect des circuits et des buses : absence de corrosion, de tartre, présence de corps gras.
Les filtres à sable sont dépollués, avec des résultats spectaculaires, tous les 6 mois à l'aide d’Erpaclean NFC.
Le programme biocide comprend des injections régulières de Fongerpon GPA et GB ; au printemps et à l’automne, la fréquence est modifiée pour tenir compte de la vitesse de prolifération.
Le traitement précédent était réalisé à l'aide d'une formulation de type phosphore organique-zinc ; les vitesses de corrosion atteignaient 50 microns par an pour des durées d’immersion de 200 jours, avec entartrage très important de tous les points chauds.
Deuxième exemple
Ici le circuit primaire, dit circuit « machine fermée », est bouclé sur un réfrigérant atmosphérique ; l’écart de température au réfrigérant est de 5 °C pour une température d’entrée de 35-40 °C ; l’évaporation est voisine de 300 m³/j.
L’appoint est identique à celui de la machine ouverte ; les caractéristiques maintenues dans ce circuit sont :
- pH = 5 à 5,5 (obtenu par injection d’H₂SO₄).
- TH Ca ≤ 100 °f (soit C = 3).
- CrO₃ = 20 à 30 mg/l (obtenu par injection d’Erpachrome LCT).
La vitesse de corrosion sur ce circuit, suivie par éprouvettes-témoins et Corrater, est de l’ordre de 20 µ/an.
Le circuit secondaire, dit circuit « machine ouverte », est lui aussi bouclé sur réfrigérant atmosphérique. L’appoint, identique dans les deux circuits, est constitué d'eau d’exhaure de mine : TH = 35 °f, TAC = 25 à 30 °f, SO₄²⁻ = 200 mg/l, Cr = 30 mg/l.
Le débit de l'eau de circulation est de 1 000 m³/h pour un volume de 2 500 m³ ; l’écart de température au réfrigérant est de 14 °C pour une température froide de sortie de 16 à 21 °C. L’évaporation moyenne est de 30 m³/h ; l’appoint de 1 050 m³/j comprend les 150 m³/j de purges du circuit « machine fermée », ce qui donne la composition théorique suivante de l’appoint du circuit : TH = 45 °f, Cr = 39 mg/l, SO₄²⁻ = 310 mg/l.
Le conditionnement de ce circuit est réalisé par injection en continu de Solerpon MAT sur la base de 30 cm³/m³ d'eau d’appoint ; le pH évolue librement, le TAC se situant entre 15 et 20 °f, tandis que le TH Ca est maintenu inférieur à 100 °f ; à l'analyse, on trouve 2 à 3 mg/l de CrO₃ provenant du circuit « machine fermée ». Le principal problème à régler dans ce circuit était de lutter contre une corrosion très importante liée à la présence des poudres utilisées pour la coulée (dont des fluorures).
Les traitements précédents, de type phosphate-zinc, phosphate-organophosphate-zinc, polyacrylate-chromate, conduisaient à des vitesses de corrosion de 500 à 1 000 µ/an, ainsi qu’à un pitting important (valeurs mesurées par Corrater). Depuis la mise en place de notre traitement, la vitesse de corrosion est tombée à 35 µ/an, valeur mesurée par Corrater et confirmée par éprouvettes-témoins.
La purge de déconcentration est traitée au sulfate ferreux pour réduire et précipiter les sels de chrome avant rejet.
CAS N° 3
Pour ce dernier exemple, nous avons retenu le circuit de refroidissement d'une centrale frigorifique. Le volume de ce circuit est de 200 m³ pour un débit de circulation de 1 400 m³/h ; l’écart de température à la tour est en moyenne de 6 °C, avec une température de 27 °C à l'entrée de la tour ; l'évaporation est de l’ordre de 14 m³/h. L’appoint est assuré à partir d'eau de ville décarbonatée sur résine carboxylique (eau brute TH 25 °f, TAC 20 °f, Cl 4,5 °f) ; en fin de cycle, l'eau d'appoint possède un TAC de 6 °f. Le circuit est équipé d'une filtration dérivée ; l'exploitation est faite en pH libre.
Le conditionnement était réalisé à l'aide d'une formulation de type polyphosphate-zinc ; la protection était satisfaisante, cependant il était nécessaire de procéder chaque année à un nettoyage du condenseur pour éliminer un léger dépôt constitué essentiellement de phosphates de fer et de calcium associés à des matières organiques.
Le Solerpon MAT est appliqué, depuis 26 mois, sur la base de 40 cm³/m³ d'eau en circulation ; le taux de concentration est limité à 4. Les titres moyens observés en circuit sont les suivants : TH = 20 °f, TAC = 9 à 12 °f, pH = 7,8 à 8.
Correspondant à 20 °C à un indice de Ryznar de 7,2, tendance nettement corrosive.
Compte tenu de la présence importante de métaux cuivreux (tubes de condenseur), le traitement est complété par une injection mensuelle de Solerpon ATZ, calculée sur la base de 20 cm³/m³ de volume du circuit.
Depuis la mise en place de ce traitement, aucun nettoyage de condenseur n’a été nécessaire ; la vitesse de corrosion, suivie par éprouvettes-témoins, est de 28 microns par an pour une immersion de 200 jours.
Le traitement biocide est assuré par injections périodiques de Fongerpon GRP.
* * *
Les résultats rappelés ci-dessus montrent que la formule originale de conditionnement des eaux des circuits de réfrigération que nous avons ainsi mise au point assure une protection efficace du matériel — la vitesse de corrosion ne dépassant pas 10 à 35 microns par an suivant les cas — marquée par l’absence de tartre ou de dépôts, sans favoriser le développement des micro-organismes et sans entraîner de contraintes pour les rejets.