Les filtres à cartouches peuvent être classés en deux grandes catégories : la première (qui comprend les cartouches bobinées), réalisant la filtration dans la masse de l’élément filtrant, et la seconde, qui l’effectue à la surface de cet élément (comme les cartouches plissées qui fonctionnent de la même façon qu'un tamis). Tous les éléments filtrants sont conçus pour maximiser la surface filtrante et donc la capacité de rétention des impuretés afin de minimiser les coûts de filtration.
Les cartouches plissées possèdent une surface de filtration nettement plus importante que les éléments non plissés de même dimension ; néanmoins, elles atteignent certaines limites qui, jusqu'à présent, ont peu retenu l'attention. C’est pourquoi nous avons mené des recherches et développé la fabrication d'un nouveau modèle de cartouche, qui supprime ces contraintes et améliore les performances de la filtration.
Limites et caractéristiques des cartouches plissées conventionnelles
Les cartouches plissées conventionnelles sont soumises à trois sortes de contraintes :
- Le diamètre du noyau central limite le nombre des plis
À l'intérieur d'une cartouche plissée classique, le média filtrant consiste en une couche de média située entre deux couches, lesquelles protègent le média pendant le procédé de plissage, séparent les plis et servent de couche de drainage dans le produit fini ; en conséquence, chaque pli présente une épaisseur assez importante. Le nombre de plis d'une cartouche peut être défini par la formule suivante :
N = 2πr / 2t (1)
N = Nombre de plis r = Rayon du noyau t = Épaisseur du média
Par le plissage, on augmente la surface filtrante disponible à l'intérieur d’un même volume et, par conséquent, la capacité de rétention de la cartouche, la surface de filtration étant définie par la formule :
A = N × h × 2 × L / cos (360 t / πr) (2)
L = Longueur de la cartouche h = Hauteur du pli A = Surface de filtration
La plupart des cartouches correspondent à des éléments de 25,5 cm de long et de 7 cm de diamètre, avec un noyau de 3,3 à 4,45 cm de diamètre. Compte tenu de l'épaisseur du média et du diamètre du noyau, on peut calculer le nombre de plis à partir de l’équation (1). Normalement, le média est comprimé
autour du noyau central pour augmenter la surface utile, ce qui peut entraîner une augmentation de la perte de charge de la cartouche. D’autre part, la compression du média peut être telle que certaines grosses particules (ou l’agglomération de petites particules) obstruent le passage entre deux plis et empêchent la cartouche de fonctionner efficacement.
● Diamètre extérieur limité
Prenons un média d’épaisseur 0,075 cm (t) et une longueur de cartouche de 25,4 cm (L), on peut écrire l’équation (2) :
A = 0,2128 r (R − r) ———————— cos (8,6 / r)
où : R = Rayon de la cartouche r = Rayon du noyau
La figure 1 donne l’application de cette équation. On y constate que la surface optimum d’une cartouche de diamètre 14 ou 6 cm s’obtient avec des diamètres de noyau de 7 ou 3 cm, ce qui tient à trois facteurs principaux :
● une perte importante de surface due au fait que lorsque le diamètre de la cartouche est fort, le noyau l’est aussi ;
● les cartouches étant utilisées sous pression, il est nécessaire qu’elles soient suffisamment résistantes pour supporter cette charge ; or, l’augmentation du diamètre extérieur de la cartouche entraîne celle de la hauteur des plis, qui ont alors tendance à se plier et à s’agglomérer pendant l’utilisation, ce qui réduit considérablement la surface filtrante ;
● le dernier facteur à considérer est la hauteur des plis : avec les machines de plissage existantes, il est difficile de dépasser 2,54 cm de hauteur ; d’autre part, les médias utilisés sont réalisés à partir de matériaux très fins, à pores de très petites dimensions. Ces matériaux minces se plissent difficilement, à moins de les imprégner de résine ou de les maintenir à l’aide d’un support, ce qui crée une épaisseur supplémentaire et donc limite le nombre de plis.
Pour toutes ces raisons, la conception d’une cartouche commence toujours par la détermination du diamètre extérieur. La hauteur maximale des plis étant 2,54 cm, le diamètre du noyau se trouve défini. C’est l’une des raisons pour laquelle il existe très peu de cartouches dont le diamètre dépasse 7,5 cm.
La méthode couramment utilisée pour augmenter la surface de filtration consiste à placer plusieurs cartouches dans un même corps de filtre, ce qui laisse un volume non utilisé pour la filtration (volume des noyaux), et nécessite de nombreux joints d’étanchéité.
● Élément filtrant en profondeur plissé
Il est impossible de réaliser une cartouche plissée pour la filtration en profondeur, car la compression du média situé à proximité du noyau est trop élevée.
Une nouvelle conception
La cartouche nouvellement élaborée pour résoudre les problèmes évoqués ci-dessus permet d’augmenter la surface filtrante par unité de volume, et s’affranchit des contraintes subies par les cartouches plissées conventionnelles.
La figure 2 illustre les dispositions adoptées dans ces nouvelles cartouches. On y voit que le filtre comprend une série de couches filtrantes en forme de disques obtenus par plissage horizontal. Dans cette formule, la surface est fonction du nombre de disques, et le média est ondulé de façon à créer des canaux facilitant l’écoulement du fluide au travers du média.
Tests comparatifs
Les essais réalisés en laboratoire ont permis de comparer les nouvelles cartouches avec des cartouches plissées classiques, l’objectif étant d’analyser l’efficacité et la capacité de rétention de ces deux types d’éléments filtrants.
À cet effet la cartouche testée a été alimentée par un débit constant et une concentration donnée en particules. La pression différentielle a été mesurée.
Les particules, du type A.C. Fine Dusk, employées à une concentration constante de 0,25 g/l pour la mesure de la capacité de rétention et de 0,01 g/l pour définir l’efficacité, étaient injectées dans de l’eau pure (18 megohm), suivant les débits ci-après :
- – 11,4 l /mn pour la capacité de rétention.
- – 15,2 l /mn pour l’efficacité.
Les analyses étaient stoppées lorsque la perte de charge atteignait 2,41 bars.
L'instrumentation utilisée comprenait des compteurs de particules HIAC pour analyse granulométrique (testeur 4300, 346 et HR120), turbidimètres, analyseurs multicanaux et ordinateurs.
Les critères d’évaluation de la qualité de la filtration étaient de trois sortes :
- – perte de charge, en fonction de la quantité de poussière ajoutée,
- – turbidité, en fonction de la quantité de poussière ajoutée,
- – efficacité correspondant à la taille des particules retenues.
Pour simplifier, les cartouches ont été répertoriées suivant les codes donnés dans le tableau I.
Tableau I
Code | Construction | Dimensions (cm) | Seuil de rétention (µm) | Matériau | Surface (m²) |
---|---|---|---|---|---|
P5 | Conventionnelle | 25,4 × 7 | 5 | P.P. | 0,46 |
G5 | Conventionnelle | 25,4 × 7 | 5 | P.P. | 0,54 |
M5 | Conventionnelle | 25,4 × 7 | 5 | P.P. | 0,46 |
N5 | Nouvelle Conception | 25,4 × 7 | 5 | P.P. | 0,79 |
P10 | Conventionnelle | 25,4 × 7 | 10 | P.P. | 0,71 |
G10 | Conventionnelle | 25,4 × 7 | 10 | P.P. | 0,55 |
M10 | Conventionnelle | 25,4 × 7 | 10 | P.P. | 0,65 |
N10 | Nouvelle Conception | 25,4 × 7 | 10 | P.P. | 0,79 |
NS5* | Nouvelle Conception | 25,4 × 16,5 | 5 | P.P. | 4,36 |
* Testé à 2,7 m³/h. ** P.P. : Polypropylène.
Tableau II
Code | Construction | Seuil de rétention (µm) | Surface (m²) | Capacité de rétention (g) |
---|---|---|---|---|
P5 | Conventionnelle | 5 | 0,46 | 88 |
G5 | Conventionnelle | 5 | 0,54 | 74 |
M5 | Conventionnelle | 5 | 0,46 | 85,2 |
N5 | Nouvelle Conception | 5 | 0,79 | 255,6 |
P10 | Conventionnelle | 10 | 0,71 | 161,9 |
G10 | Conventionnelle | 10 | 0,55 | 105,5 |
M10 | Conventionnelle | 10 | 0,65 | 130 |
N10 | Nouvelle Conception | 10 | 0,79 | 270 |
NS5 | Nouvelle Conception | 5 | 4,36 | 3 010 |
Résultats et discussion
Les figures 4 (a et b) donnent la perte de charge et l’efficacité de la filtration en fonction de la charge de matières.
Toutes les cartouches présentent un comportement similaire : au démarrage elles sont efficaces à 70/72 % avec une pression différentielle faible ; la durée de cette première phase, l'efficacité et le début de la seconde phase apparaissent comme une fonction de la surface filtrante ; la seconde phase montre une augmentation de l’efficacité dépassant 98 % avec simultanément une augmentation de la perte de charge ; la dernière phase se caractérise par une élévation brutale de la pression différentielle. L'efficacité augmente progressivement pour se stabiliser à plus de 99 %.
Durant la phase de démarrage, le filtre fonctionne comme un simple tamis. Lorsque les impuretés commencent à recouvrir sa surface, la fonction dominante correspond à la filtration à travers un gâteau. Au fur et à mesure de l’élévation de la perte de charge due à la formation du gâteau, celui-ci se comprime et devient de moins en moins perméable, ce qui se traduit par la rapide augmentation de pression en phase finale.
On peut remarquer que la nouvelle cartouche présente une capacité de rétention nettement supérieure (256 g contre moins de 100 g pour les autres). La courbe des pressions en fonction de la charge montre la différence entre ces deux types de cartouches.
Intérêt de la nouvelle technique
Les avantages offerts par la technique utilisée dans la nouvelle cartouche sont de plusieurs sortes par rapport aux modèles usuels :
• le nombre de plis n’est pas limité par le diamètre du noyau, et le média n’est pas comprimé au voisinage du noyau ;
• les nouvelles cartouches présentent une surface filtrante plus forte par unité de volume, définie par le nombre de plis disposés le long du noyau central. Par exemple, 0,79 à 0,99 m² pour des cartouches de 2 à 20 microns, contre 0,4 à 0,71 m² ;
• il est possible d’augmenter la surface filtrante par extension du diamètre, celui-ci n’étant pas limité. La figure 3 montre ainsi qu'avec une cartouche de 16 cm de diamètre (compatible avec les corps de filtres 4 poche) on obtient une surface filtrante de 6,4 m² (longueur 25,4 cm, diamètre du noyau 4 cm), contre 3,4 m² avec une cartouche classique de même taille. Un diamètre de 4 cm a été retenu pour le noyau afin de traiter des débits atteignant 22,7 m³/h.
• la forme ondulée du média empêche l'obstruction entre deux plis.
Le tableau II donne les capacités de rétention des cartouches testées. On y voit que la capacité de rétention des nouvelles cartouches est bien supérieure à celle des autres modèles, amélioration due à l’augmentation de la surface filtrante disponible, qui est de 50 à 70 % supérieure pour une cartouche de 5 microns. La cartouche NS5, quant à elle, de 16,5 cm de diamètre et de 25,4 cm de longueur, à utiliser dans un corps de filtre à poche, possède une capacité de rétention de 3010 g, ce qui correspond à 30 cartouches classiques. Une cartouche de 75 cm de long et 16,5 cm de diamètre de ce modèle retient plus de 9500 g d'impuretés.
Conclusion
En définitive, il ressort des considérations ci-dessus que la nouvelle cartouche possède un même niveau d’efficacité que les modèles usuels, une capacité de chargement bien supérieure, qui provient à la fois de l’augmentation de la surface filtrante et de sa conception, et qu’en particulier on a obtenu des capacités de rétention inégalées, en portant son diamètre à 16 centimètres et demi.