Your browser does not support JavaScript!

Une nouvelle approche du traitement de la pollution des eaux de ruissellement dans les réseaux pluviaux

30 mai 1994 Paru dans le N°173 à la page 45 ( mots)
Rédigé par : Jean-louis BALD et Jean-yves VIAU

L'assainissement des eaux de ruissellement constitue un domaine en constante évolution. La pollution qu'elles engendrent, mesurée au cours de multiples campagnes est importante en concentration et en flux. Une première génération d'appareils de traitement, appelée " débourbeur-séparateur à hydrocarbures ", réalisés suivant les recommandations de la Norme DIN 1999, s'applique parfaitement à la séparation des hydrocarbures libres. Quant à lutte contre la pollution des eaux de ruissellement, elle nécessite une approche différente de par sa nature et ses caractéristiques. Nous avons conçu deux décanteurs particulaires en relation avec les derniers éléments scientifiques et techniques connus, permettant de s'orienter vers des schémas d'assainissement fiables et efficaces.

La pollution des eaux de ruissellement mesurée au cours de multiples campagnes est importante (1), (2), (3), (4) :

• en concentration de plomb, d’hydrocarbures et de matières en suspension, où elle est équivalente ou supérieure à celle des eaux usées ; • en flux rejetés, où elle est très nettement supérieure ; • enfin, en quantités annuellement déversées par une agglomération, comparables ou supérieures à celles des rejets de stations d’épuration.

Depuis plusieurs décennies, le traitement des eaux pluviales est assuré dans des débourbeurs-séparateurs à hydrocarbures, à l’origine statiques, puis lamellaires (flux à co-courant : figure 1). Ces appareils sont réalisés suivant les recommandations de la norme DIN 1999, base de la future norme européenne. La conformité porte notamment sur le rendement de la séparation des hydrocarbures d’un mélange constitué d’eau à 20 °C et d’hydrocarbures à 0,5 % de densité 0,85, soit à une concentration de 4 250 mg/l.

Les appareils normalisés sont répartis en deux classes :

• classe 1 : concentration résiduelle < 5 mg/l ; • classe 2 : concentration résiduelle < 100 mg/l.

Ils s’appliquent parfaitement à la séparation des hydrocarbures libres, et donc aux pré-traitements des parkings couverts, des stations-service, des postes de distribution de carburants…, ainsi qu’aux déversements accidentels d’hydrocarbures.

Quant à la lutte contre la pollution des eaux de ruissellement, elle nécessite une approche différente de par sa nature et ses caractéristiques.

Nature de la pollution des eaux de ruissellement

De nombreuses études, dont celle de G. Chebbo (5), montrent que la pollution véhiculée par les eaux de ruissellement est principalement associée aux matières en suspension (MES). L’auteur a démontré que les pourcentages de la pollution fixée sur des particules en suspension par rapport à la pollution totale (particulaire et dissoute) sont supérieurs à 70 % et atteignent parfois jusqu’à 99 %, en ce qui concerne les paramètres DCO, DBO5, NTK, hydrocarbures et plomb.

La pollution particulaire présente les spécificités suivantes :

• Granulométrie : ce sont les particules les plus fines qui dominent dans les solides transportés, principalement en suspension, lors d’épisodes pluvieux. Le pourcentage massique des MES transférées dans les eaux de ruissellement est constitué pour les deux tiers de particules dont le diamètre est inférieur à 50 micromètres (5), (6).

• Masse volumique (5), (6) : pour les particules les plus fines, la valeur moyenne est de 2,5 g/cm³.

[Photo : Débourbeur-séparateur à hydrocarbures du type IHDC (suivant DIN 1999)]

Vitesse de chute (5), (6) : les vitesses de chute des solides transférés par temps de pluie dans les réseaux strictement pluviaux, sont généralement élevées.

Cependant, une vitesse de chute de 10 m/h permet de retenir uniquement les particules les plus volumineuses (> 50 microns), correspondant à un abattement moyen de 30 % des MES. Pour des particules dont le diamètre est inférieur à 50 microns, les vitesses moyennes (correspondant à 50 % d’abattement en MES) sont comprises entre 3 et 5,7 m/h. Le taux d’abattement des matières en suspension des eaux de ruissellement en fonction de la vitesse de chute des particules a été établi. Des vitesses de chute bien choisies permettent d’obtenir des abattements élevés sur les particules les plus fines (< 50 microns).

Les résultats ci-dessus montrent la bonne décantabilité des solides en suspension dans les eaux pluviales, ce qui favorise leur dépollution puisqu’ils en sont les principaux vecteurs. Ces éléments permettent d’envisager un traitement fiable et efficace : la décantation lamellaire, qui permet de réduire considérablement la distance verticale à parcourir par chaque particule avant d’être piégée.

Traitement de la pollution particulaire des eaux de ruissellement

Ces réflexions sur la nature des rejets pluviaux nous ont amenés à concevoir des appareils adaptés avec une cellule lamellaire optimisée permettant de retenir la pollution particulaire, ainsi que les hydrocarbures libres.

Les décanteurs particulaires type DP3D interceptent ainsi les pollutions chroniques (M.E.S., etc.) et les pollutions accidentelles (déversements d’hydrocarbures). La cellule lamellaire 3D, composée de blocs à structure alvéolaire, est optimisée hydrauliquement pour la décantation des particules en suspension et la séparation par coalescence des gouttelettes d’hydrocarbures.

[Photo : Décanteur particulaire DP3DV]
[Photo : Décanteur particulaire DP3DL]
[Photo : Vue des cellules du DP3DV]
[Photo : Vue des cellules du DP3DL]

L’optimisation de la cellule lamellaire des décanteurs DP3D permet de retenir une forte proportion de la pollution des eaux, qui se trouve piégée sous les cellules lamellaires pour les boues, et à la surface de l’appareil pour les hydrocarbures légers.

Les performances des décanteurs DP3D seront maintenues dans le temps si les consignes d’exploitation sont respectées. Cette délicate opération est fortement optimisée dans la conception des décanteurs DP3D, lesquels comportent :

  • - des accès de grandes dimensions, équipés d’une plate-forme amovible ;
  • - un cône de concentration des boues (pour le DP3D.V.) placé dans l’axe du regard de visite ;
  • - des cellules lamellaires auto-déplaçables permettant l’accès aux chambres à boues (pour le DP3D.L.) ;
  • - colonne d’extraction, rampe de sprinklers, etc.

Le décanteur particulaire du type DP3DV*

Ce décanteur s’adapte parfaitement à des débits à traiter inférieurs à 200 l/s. Il comprend les éléments suivants (figure 2) :

  • • dégrillage ;
  • • cellules lamellaires 3D (figure 4a) ;
  • • alimentation tangentielle du décanteur ;
  • • fond conique ;
  • • obturateur automatique en inox.

Le décanteur particulaire du type DP3DL*

Ce décanteur particulaire permet de traiter des débits importants (jusqu’à 1000 l/s pour une charge hydraulique superficielle de 3,5 m³/m²·h).

Il comporte deux compartiments (figure 3) :

  • - l’un, équipé d’un répartiteur hydraulique et d’un dégrillage, permettant de tranquilliser l’effluent et de retenir les matières les plus lourdes et les plus volumineuses ;
  • - l’autre, équipé de blocs lamellaires 3D, fixés sur des modules « déplaçables » sur rail facilitant l’exploitation (figure 4b).

L’obturateur automatique interdit tout rejet d’hydrocarbures libres à l’exutoire.

* Demande de brevet en cours.

[Photo : Fig. 5 – Traitement en aval d'un bassin d'orage.]
[Photo : Fig. 6 – Traitement en by-pass.]

Schéma d’assainissement des eaux de ruissellement

La nouvelle loi sur l’eau du 3 janvier 1992 apporte quelques précisions concernant les eaux pluviales, notamment l'article 31 qui vise nommément « la maîtrise des eaux pluviales et du ruissellement ».

Malgré la complexité des phénomènes liés aux perturbations des milieux naturels recevant les rejets pluviaux, on dispose aujourd'hui d’éléments scientifiques et techniques permettant de mettre en place des traitements fiables et efficaces moyennant un compromis technico-économique acceptable.

La définition d'un schéma d’assainissement sera fonction de la nature du bassin versant, et bien sûr des caractéristiques du milieu récepteur, afin de lutter contre les effets cumulatifs, les effets de choc et les effets de stress définis par G. Chebbo (6).

Un autre facteur important qui intervient est la période de retour de l'orage contre lequel on veut se prémunir, le coût de la maîtrise des flux polluants, croissant très vite avec l'allongement de la période de protection.

Afin de s’orienter vers des dispositifs moins extensifs que les vastes bassins de décantation, on peut envisager le traitement :

  • - du débit de fuite en aval d’un bassin d’orage (figure 5) ;
  • - en « by-pass », de l'ensemble des pluies calculées sur des périodicités de retour bimestrielles, annuelles, décennales (figure 6).

Dans les deux cas, il sera impératif d’envisager une régulation de débit fiable et précise en amont de l’ouvrage de traitement afin d’éviter tout entraînement de la pollution piégée lors de fortes précipitations.

La seconde solution permet de coupler astucieusement un déversoir d’orage du type DODR à débit régulé muni d’une cloison siphon, et un décanteur particulaire du type DP3D recevant les eaux les plus chargées (boues et flottants).

En fonction des objectifs de qualité des rejets pluviaux, il y a lieu de prendre en compte les volumes à traiter dans les filières envisageables, afin de concevoir des décanteurs particulaires adaptés à la pollution à retenir.

Le critère technique employé pour définir les performances de ces décanteurs est la charge hydraulique superficielle ou vitesse de Hazen.

La charge hydraulique superficielle des décanteurs particulaires du type DP3D peut être envisagée jusqu’à un seuil de 1,0 m³/m²·h. Sur un plan technico-économique, il semble plus intéressant de se diriger vers une charge hydraulique superficielle de 3,5 m³/m²·h. En effet, pour passer d’une charge hydraulique superficielle de 3,5 m³/m²·h à 1,0 m³/m²·h, il faut multiplier par un facteur de 3,5 la surface de décantation de l’ouvrage de traitement pour un abattement supplémentaire en MES d’environ 10 %.

Réalisations – Expérimentations – Conclusion

Les premières réalisations de décanteurs particulaires du type DP3D, dimensionnés pour faire face à des pluies bimestrielles ou annuelles, d’un débit compris entre 20 et 600 l/s, permettent d’atteindre des abattements de 50 à 70 % sur les matières en suspension.

Des campagnes de mesures sont actuellement en cours, couplées à des essais sur pilotes, afin de conforter ces premiers résultats.

Il apparaît d’ores et déjà que la pollution des eaux de ruissellement est suffisamment spécifique pour pouvoir être traitée par décantation dans des ouvrages lamellaires compacts, conçus en relation avec les éléments scientifiques et techniques disponibles.

Il paraît toutefois important de garder toujours à l’esprit que l'efficacité ne doit pas être le seul critère à prendre en compte en cette matière, l’exploitation des différents systèmes devant être parfaitement maîtrisée.

BIBLIOGRAPHIE

(1) DESBORDES M. (1985), Bilan des études et recherches sur la pollution du ruissellement pluvial urbain dans les pays d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord. Rapport LHM-USTL-STU.

(2) PHILIPPE J.P., RANCHET J. (1987), Pollution des eaux de ruissellement pluvial en zone urbaine, synthèse des mesures sur 10 bassins versants en région parisienne. Rapport de recherche L.P.C. n° 142.

(3) TRABUS P. et al. (1989), Pollution apportée par les rejets urbains de temps de pluie. Résumé présenté en commission de l’AFBSN le 22/03/89.

(4) MARSALEK J. (1984), Caractérisation du ruissellement de surface issu d’une zone urbaine commerciale. Sciences et techniques de l’Eau, vol. 17, n° 2, mai 1984.

(5) BACHOC A., MOUCHEL J.M., CHEBBO G. (1991), La pollution des rejets pluviaux urbains : son importance, ses caractéristiques, quelques éléments sur ses origines et son interception. Journée Technique sur les eaux pluviales à Agen.

(6) BACHOC A., CHEBBO G. (1991), Caractéristiques des solides en suspension dans les rejets pluviaux urbains. Communication.

Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements