La modélisation de la fermeture d’un clapet sur une conduite nécessite la prise en compte de plusieurs paramètres dont certains ont été déduits d’un modèle physique, expérimenté dans nos laboratoires.
Ont été mesurés en particulier sur un clapet, en fonction de la course :
— dans une première série d’essais statiques : la perte de charge en fonction de l’ouverture, et les forces de traînée de l’obturateur mobile ; — dans une seconde série d’essais dynamiques : la vitesse et le déplacement de l’obturateur, les pressions aval et amont pendant la fermeture.
Ce modèle a permis d’en déduire les coups de bélier résultant de la fermeture. Les valeurs trouvées sont en bonne concordance avec les essais dynamiques effectués sur le même clapet.
Ces études permettent de proposer une méthode rapide d’estimation des pressions maximales atteintes à la fermeture. La présente note a pour objet d’en exposer les résultats.
INTRODUCTION
Les clapets de non-retour sont utilisés dans les systèmes de conduites pour éviter les retours d’eau. En effet, l’inversion du débit est parfois si rapide que le clapet n’a pas le temps de suivre l’écoulement et qu’il coupe alors un débit important ; en raison de cette fermeture brutale et quasi instantanée, le coup de bélier qui en résulte peut être violent.
À titre d’exemple, ce phénomène apparaît lorsque une pompe est arrêtée dans une station comportant plusieurs pompes fonctionnant en parallèle. Outre les conditions hydrauliques du retour d’eau, le maximum du coup de bélier dépend de la masse et de la course de l’obturateur, du ressort, du contrepoids et de la présence ou non d’un dash-pot.
Dans un clapet, nous avons mesuré le déplacement de l’obturateur en fonction du temps, obturateur qui est lui-même aidé dans son déplacement par un ressort. Le profil de l’obturateur est lui-même un compromis entre la recherche d’un minimum de perte de charge en fonctionnement normal et une tendance à la fermeture.
Dans le cas étudié, la protection recherchée résidait dans l’interdiction d’un retour d’eau provoqué par une rupture sur une canalisation d’un engin de plongée.
Les essais ont été organisés pour obtenir les données nécessaires au calcul. Deux types d’essais ont été menés :
— essais en régime permanent, pour mesurer en écoulement inverse, la perte de charge du clapet et la force de traînée exercée sur l’obturateur ; — essais dynamiques, pour mesurer le coup de bélier en fonction de la pression d’immersion.
THÉORIE DU MOUVEMENT DE L’OBTURATEUR *
L’équation du mouvement d’un corps peut s’écrire :
(M + m) d²x/dt² = F (1)
Les forces hydrodynamiques exercées sur un corps dans un fluide en mouvement peuvent s’écrire :
F = ½ ρ A Cₑ V |V| + (ρ V + m) dV/dt (2)
où V et dV/dt représentent la vitesse et l’accélération de l’écoulement non perturbé.
De (1) et (2) on déduit :
(M + m) d²x/dt² = ½ ρ A Cₑ (V – dx/dt) |V – dx/dt| + (ρ V + m) dV/dt (3)
La vitesse V peut être définie en l’absence de l’obturateur :
V = Q/A (4)
Comme les forces du ressort s’opposent à l’ouverture de l’obturateur, on peut écrire :
* On trouvera en annexe la définition des symboles employés.
(M + m) \(\frac{d^{2}x}{dt^{2}}\) = \(\frac{1}{2}\,\rho\,A\,C_{d}\left(\frac{Q}{A} - \frac{dx}{dt}\right)\) (5)
ou
F = (M + m) \(\frac{d^{2}x}{dt^{2}}\) = F\(_b\) + F\(_a\) + F\(_s\) (6)
dans laquelle :
\[ F_b = \frac{1}{2}\,\rho\,A\,C_{d}\left(\frac{Q}{A} - \frac{dx}{dt}\right)\left(\frac{Q}{A} - \frac{dx}{dt}\right) \] (7)
\[ F_a = -\,\frac{\rho\,W}{A' - A}\,\frac{dQ}{dt} \] (8)
\[ F_s = K_s\,(x_o - x) \] (9)
et dans laquelle on peut dire que les masses ajoutées peuvent être égales à :
\[ m = \frac{A}{A' - A}\,\rho\,W \] (10)
La perte de charge provoquée par l’obturateur dans un débit inversé est définie par la formule :
\[ \Delta H = \frac{K - K_o}{2\,g}\left(v - \frac{dx}{dt}\right) + K_o\,\frac{|v|}{2\,g} \] (11)
dans laquelle :
K\(_o\) = coefficient de perte de charge sans l’obturateur K = coefficient de perte de charge avec l’obturateur fixe dans une position donnée
L’équation (11) peut se mettre sous la forme :
\[ \Delta H = \frac{K_o}{2\,g\,A'^2} + \frac{K - K_o}{2\,g\,A^2}\,|Q|\left(1 - \frac{A'}{A}\,\frac{dx}{dt}\right)\,|Q| \] (12)
Nous avons inclus les équations (5) et (12) dans notre programme général de coup de bélier pour simuler les essais physiques décrits ci-après.
LES ESSAIS
1. Mise en place du clapet
Le clapet expérimenté était du modèle axial représenté sur la figure 1. Lors de ces essais, l’obturateur était équipé d’un capteur de déplacement mesurant sa position en fonction du temps ; ce capteur a été remplacé par un dynamomètre pendant les essais en régime permanent afin de mesurer la force de traînée.
D’autre part, la perte de charge a été relevée pour chaque débit inverse. La figure 2 donne les valeurs des forces de traînée ainsi que les pertes de charge de l’obturateur en fonction de l’ouverture.
2. Dispositif des essais
Un réservoir de grande dimension (V = 55 m\(^3\)) rempli partiellement d’air a été utilisé pour simuler une pression constante correspondant à l’immersion (figure 3).
L'écoulement normal correspond au sens clapet vers réservoir. Une rupture est simulée par un dispositif à cliquet qui libère brutalement un clapet qui s'ouvre pratiquement instantanément sous l'effet d'une part de la pression et d'autre part de ressorts à lames très puissants.
Il ne nous a pas été possible d'établir le courant en sens normal avant la rupture. L'essai a donc été mené à partir d'une situation de débit nul en maintenant le clapet grand ouvert par l'intermédiaire d'une tige susceptible de se rompre pour une force de 170 newtons. Cette force est juste supérieure à la force de compression du ressort (150 newtons) ; il suffit donc d'un léger courant de retour pour provoquer la rupture de la tige et le début du mouvement de l'obturateur.
3. Résultats
Les différentes variables ont été enregistrées avec des fréquences de 10 kHz (figures 4 et 5) :
- pressions amont et aval du clapet,
- position de l'obturateur,
- angle d'ouverture de la vanne simulant la rupture.
On trouvera, rassemblés dans un tableau, les maxima des coups de bélier en fonction de différentes inversions.
Pendant la durée de fermeture, le temps de déformation élastique de l'obturateur a été négligé.
Les deux essais à 5 bars montrent quelques différences de résultats dues essentiellement à des écarts sur l'instant de rupture de la tige (13 et 10 ms) après le début d'ouverture de la vanne.
ESSAI | PRESSION INITIALE (BARS) | PRESSION MAXIMUM (BARS) | DURÉE DE FERMETURE (ms) |
---|---|---|---|
1 | 3 | 40 | 53,5 |
2 | 5 | 62 | 41,8 |
3 | 5 | 53 | 43,1 |
4 | 10 | 92 | 30,7 |
5 | 20 | 142 | 22,3 |
6 | 30 | 177 | 14,6 |
Modèle mathématique
Sur le vu de ces résultats, nous avons établi un modèle mathématique que nous avons testé dans les conditions ci-après :
- le programme général de coup de bélier a été utilisé en reprenant les équations de compressibilité des liquides associé à la méthode dite des caractéristiques (méthode Schneyder-Bergeron),
- le modèle a été schématisé comme indiqué figure 6 ; les pertes de charge ont été concentrées en différents points ; la condition aux limites au point 13 figure l'ouverture de la vanne en fonction du temps ; le pas de temps élémentaire a été pris égal à 0,1 ms avec des vitesses d'ondes de 1 300 m/s.
Les équations 5 et 12 sont utilisées avec les valeurs mesurées sur modèle avec les remarques suivantes :
- la perte de charge du clapet devient infinie quand l'obturateur arrive en fin de course ;
– une longueur de conduite a été placée sur le modèle pour représenter la chambre du clapet (même diamètre, même longueur) ;
– une conduite supplémentaire a été ajoutée au modèle pour simuler les déformations du siège et de l'obturateur à l’instant de la fermeture. La vitesse d’onde (a) dans cet élément de conduite a été calculée par la déformation Δx provoquée par une surpression ΔP. La longueur de la conduite équivalente a été prise égale à aΔt.
COMPARAISON ENTRE MODÈLE ET ESSAIS À 30 BARS
Nous avons réalisé des essais en maintenant le réservoir sous une pression de 30 bars afin de procéder à une comparaison avec les résultats obtenus par le modèle mathématique (simulant une immersion de l'engin voisine de 300 mètres).
Le déplacement de l'obturateur et la fluctuation de pression au point 6 sont relevés sur la figure 7. Le temps de fermeture (13,7 ms) donné par le calcul est voisin du temps mesuré (14,6 ms). De façon analogue, les coups de bélier sont également voisins (calcul : 165 bars – essais : 177 bars). Au début de la fermeture, seule la force du ressort est active mais les forces hydrodynamiques agissent très vite ensuite (Fp = Fg = 0).
La figure 8 indique la variation de la vitesse de l'obturateur et la vitesse moyenne de l'eau en fonction du temps. On y relève également la variation de la vitesse de l'obturateur et la vitesse d’entraînement en fonction du temps. Nous avons ainsi reporté sur la figure 8 la variation V₀ de l'écoulement à travers le clapet en supposant que le clapet reste grand ouvert. On y montre également que la prise en compte du mouvement du clapet permet d’avoir un écoulement plus rapide que si le clapet était resté bloqué à pleine ouverture ; il en résulte que la pression maximale peut être sous-estimée si on fait un calcul en supposant un coefficient de perte de charge constant pendant la fermeture.
La vitesse de l’obturateur est à peu près toujours égale à la vitesse moyenne, montrant ainsi que l'obturateur se déplace avec l’écoulement.
Si on considérait un clapet sans obturateur et si on calculait le temps de fermeture correspondant à la course de l'obturateur à la vitesse moyenne Vₑ, on trouverait une surpression égale à 205 bars.
Cette méthode simplifiée présente l'avantage de permettre de disposer rapidement d'une valeur de surpression enveloppe sans qu’il soit nécessaire de connaître la traînée sur l’obturateur et les valeurs des pertes de charge.
CONCLUSION
La simulation très scrupuleuse que nous avons réalisée a permis de tenir compte de tous les phénomènes mis en jeu en configuration avec des essais physiques très sophistiqués.
La méthode simplifiée permet de calculer un coup de bélier maximal à partir de la connaissance de l’évolution des vitesses d’eau en fonction du temps. Cette connaissance est déduite des programmes habituels de coups de bélier en conduite sans faire intervenir les caractéristiques dynamiques du clapet.
Bibliographie
– G. A. Provoost ; The dynamic behavior of non-return valves — Third international conference on pressure surges. Paper J1. 1980. – E. B. Wylie et V. L. Streeter ; Fluid transients, Mc Graw-Hill, 1978. – Bergeron ; Du coup de bélier en hydraulique au coup de foudre en électricité, Dunod, 1950. – G. Combes ; Les problèmes posés par les clapets anti-retour et les remèdes disponibles, « Eau », n° 12, 1974. – G. Combes ; Improving of non-return valves (World Pumps n° 194, 1982).
ANNEXE
Définition des symboles employés
A = section de l’obturateur (150 cm²) A' = section de la chambre (368 cm²) a = célérité des ondes dans la conduite (1 300 m s⁻¹) a₀ = célérité des ondes tenant compte des élasticités complémentaires (925 m s⁻¹) Cₑ = coefficient de perte de charge de l'obturateur (référence diamètre 125 cm) Cₜ = coefficient de traînée de l'obturateur Δt = temps élémentaire (10⁻³ s) F = force hydrodynamique exercée sur l’obturateur Fp = force hydrodynamique de traînée Fg = force hydrodynamique due à l'accélération du fluide entraîné Fr = force de rappel h = perte de charge g = accélération de la pesanteur K = coefficient de perte de charge de l'obturateur dans une position intermédiaire (rapportée au diamètre de 117 cm) K' = coefficient de perte de charge sans obturateur (rapporté à un diamètre de 117 mm) k = raideur du ressort M = masse de l'obturateur (3,72 kg) m = masse ajoutée (1,01 kg) P = coup de bélier à la fermeture Q = débit t = temps V = vitesse de l'eau (V = Q/A') Vᵒ = volume de la chambre X = déplacement de l'obturateur (36,5 mm max.) Xₒ = longueur du ressort au repos Δx = déformation élastique de l'obturateur ρ = densité de l'eau (1 000 kg/m³) V₀ = vitesse de l’eau avec l'obturateur grand ouvert