Une méthode d'examen biologique appropriée au milieu rural, à l'ANC et à la coopération avec pays émergents est proposée qui met en évidence visuellement les proportions de biomasses végétales roseaux, les MES de l'eau brute et les biomasses bactériennes, dans un filtre à sable planté de roseaux, suivant la profondeur du filtre. Une évaluation des risques de colmatage et du degré de colmatage est ainsi possible. Grâce à l'analyse de la microfaune caractéristique des filtres à sable : les Thécamibes, véritables pièces d'archive du filtre, cette méthode permet l'accès à l'histoire du filtre depuis sa mise en service et ouvre des possibilités d'expertise nouvelles.
L’analyse biologique d’un filtre à sable planté de roseaux est rarement pratiquée, les paramètres physico-chimiques des eaux étant seuls demandés. Or les informations sur l’état biologique du filtre :
- La distribution de la biomasse,
- Le site du colmatage s’il existe,
- La hauteur de sable colmaté,
- Les signes de carence d’oxygène,
- La composition de microfaune de la biomasse,
sont essentielles pour jauger le fonctionnement du filtre, l’avenir de ses performances, les causes de son dysfonctionnement quand il existe et les mesures à prendre pour le restaurer.
Le filtre à sable planté de roseaux de La Douze
L’analyse biologique effectuée en novembre 2007 avec l’équipe du Satese 24 sur une station à filtre à sable à deux étages plantée de roseaux est présentée ci-dessous.
Caractéristiques succinctes de la station de La Douze (en Dordogne)
- Nombre d’habitants : projet 360 eqh – réel 107 eqh
- En service depuis : 2002
- Débit mesuré temps sec : 16 m³/j
- Deux étages de filtres à sable plantés de Phragmites sp.
- Surface du 1er étage : 156 m² – sable forte granulométrie
- Surface du 2ᵉ étage : 90 m² – sable granulométrie plus fine
- Volume de bâchée 1er étage : 4,4 m³
- Volume de bâchée 2ᵉ étage : 2,9 m³
Tableau 1 : Résultats d’analyses sur les eaux de la station de La Douze
Paramètres | Entrée | Sortie | Rendement (%) |
---|---|---|---|
pH | 7,9 | 7,5 | |
MES | 243 | 8 | 97,2 |
DCO | 486 | 7 | 98,4 |
DBO₅ | 1 001 | 30 | 97,0 |
NTK | 76,7 | 2,2 | 97,1 |
NH₄ | 58,7 | 1,6 | 97,3 |
N-NO₃ | 0 | 47 | 49,2 |
P₂ | 10 | 5 |
Biomasse végétale
Il s’agit de mesurer le poids de biomasses des roseaux (tiges, feuilles et racines) dans les deux étages de la station.
La méthode consiste à rechercher un endroit du filtre représentatif de la densité des roseaux, à délimiter une surface carrée de 50 cm × 50 cm par des piquets, à couper et à peser les tiges et feuilles d’une part et les racines de l’autre.
Tableau 2 : Résultats
Poids sec de biomasse végétale (kg/m²)
1er étage | 2ᵉ étage | |
---|---|---|
Tiges & feuilles | 2,07 | 2,70 |
Racines | 1,78 | 2,00 |
Total biomasse roseaux | 3,85 | 4,70 |
Débit d’eau (m³/m²/j) | 0,10 | 0,18 |
Surface de filtre (m²) | 156 | 90 |
les racines d’autre part qui seront obtenues en creusant le sable jusqu’au fond du filtre. Les racines sont lavées à l’eau avant pesée. On fera sécher à l’étuve feuilles, tiges et racines pour obtenir la pesée du matériau sec.
L’opération de récolte des tiges et racines et de leur séchage est laborieuse à cause du volume important à manipuler qu’il convient de couper en petits morceaux et de retourner plusieurs fois lors du séchage. Une analyse minérale N, P, Ca, Mg, SiO₂, K, Na et divers métaux lourds est possible sur la matière sèche.
Informations tirées de l’analyse de la biomasse végétale :
- La productivité en kg/m² du filtre peut être comparée à celle d’autres filtres à sable. Elle est modifiée par les conditions anoxiques régnant dans le filtre qui se traduisent par des plages de surface du filtre sans végétation.
- Les débris végétaux de feuilles, tiges et racines dans le cas d’absence de coupe annuelle se transforment en humus. Plus la productivité végétale est élevée plus l’accumulation d’humus dans le filtre est importante.
- Rappelons le rôle d’absorbant d’eau de la litière, retard au drainage.
Le tableau 2 d’analyses des biomasses végétales montre que l’étage 2 est plus productif en biomasse végétale par m² que l’étage 1. L’apport annuel de litière et de racines mortes en kg par m² est supérieur dans l’étage 2, avec les conséquences hydrauliques, biologiques, écologiques et épuratrices. Les causes pour ce développement dans l’étage 2 sont à rechercher dans :
- Charge hydraulique plus forte dans l’étage 2 que dans l’étage 1, donc plus de volume d’eau disponible pour les roseaux
- Charge organique (DBO₅) moins élevée sur le filtre 2 que sur le filtre 1, donc moins de gel de biomasse bactérienne considéré comme colmatant
- Plus d’oxygène disponible pour les racines des roseaux dans le sable de l’étage 2 que dans l’étage 1 ce qui est favorable aux phragmites même si ces végétaux résistent à des carences d’oxygène
- MES de l’eau brute tapissent la surface de l’étage 1 et ralentissent l’écoulement de l’eau et la diffusion de l’oxygène de l’air. Une carence en oxygène plus ou moins importante s’installe en surface qui retarde la croissance du roseau.
Les conséquences de l’apport annuel d’une litière organique végétale en surface du filtre sont :
- Formation d’une litière organique qui évolue en humus sous l’effet de facteurs atmosphériques (gel et températures élevées), biologiques (mycélium, bactéries, Protozoaires, Métazoaires). Le tissu végétal des roseaux se mélange peu à peu avec la cellulose des MES de l’eau brute retenues à la surface du 1ᵉʳ étage. Les vers ont un rôle primordial dans le remaniement et l’enfouissement de la litière dans le sable.
- La chute sur le sable des tiges et feuilles sèches des roseaux a lieu en hiver. L’influence de cette litière d’hiver est certainement de protéger du froid les premiers centimètres de hauteur du filtre à sable.
- Le tapis humifère noir d’environ 20 cm de haut joue le rôle d’éponge qui relargue lentement sa réserve. Le tapis humifère est le site d’une prolifération bactérienne aérobie qui aboutit à la création d’une nouvelle biomasse complexe d’exopolymère bactérien et d’acides humiques. Ce complexe est un peu analogue dans sa fonction hydraulique au complexe argilo-humique de certains sols arables. Il est vraisemblable que le complexe en question facilite la perméabilité du milieu et s’oppose au colmatage.
- Pour l’assainisseur, le point important est l’évaluation de la biomasse végétale et de la biomasse humifère dans les deux étages du filtre afin d’évaluer le fonctionnement du filtre et sa résistance aux risques de colmatage.
Biomasse cellulosique des MES de l’eau brute
La litière de surface des filtres à sable n’est pas seulement formée de tissu végétal de roseaux que nous avons mesuré égal à 3,85 kg/m² dans le 1ᵉʳ étage. Elle est aussi formée de MES originaires de l’eau brute. Les fibres cellulosiques non digérées, provenant des aliments, ainsi que les fibres des papiers hygiéniques constituent des dépôts quotidiens pouvant être colmatants s’ils ne sont lysés immédiatement par la biomasse cellulolytique ou remaniés par les vers. Dans le cas de La Douze, la charge appliquée étant faible, l’apport des MES quoique non négligeable n’est pas assez élevé pour colmater le sable du premier étage.
Il convient de souligner la différence d’impact sur le fonctionnement du filtre entre la biomasse végétale roseau et les MES cellulosiques. Les MES ont un impact quotidien mais peu massif alors que les roseaux ont un impact saisonnier et massif. Ainsi, deux matériaux cellulosiques d’origine différente concourent à la formation de la litière du filtre et à la formation du complexe humus et exopolymère bactérien.
Tableau 3 : Suspensions organiques déposées sur le filtre planté de roseaux en kg/m²/an
kg/m²/an | étage 1 | étage 2 |
---|---|---|
Biomasse roseaux | 3,85 | 5,0 |
MES eau brute | 4,23 | — |
Le tableau 3 rappelle cette vérité souvent oubliée que la biomasse végétale de roseau bien que très impressionnante, vue de l’extérieur, n’est pas supérieure en masse annuelle déposée que les MES cellulosiques de l’eau brute.
Nous touchons à la différence entre filtre à sable sans roseau et avec roseau. Tous deux ont une litière cellulosique qui engendre un complexe humus-exopolymère bactérien que l’on reconnaît favorable à l’écoulement de l’eau dans la mesure où il a des propriétés drainantes mais les conditions d’efficacité de rendement de formation du complexe sont différentes. Le cas des eaux décantées primaires sans suspensions cellulosiques sur filtre sans roseau pose le problème de la résorption de l’exopolymère bactérien ; le complexe humus-exopolymère étant difficile à faire sans le matériau de base de l’humigénèse qu’est la cellulose. Dans le cas, par contre, d’un filtre recevant
de l'eau décantée primaire et possédant des roseaux, on peut penser que la litière végétale roseau est suffisante pour déclencher l'humigénèse et le complexe salvateur humus-exopolymère.
Biomasse épuratrice des deux étages du filtre
Il s’agit de rechercher la distribution et la concentration de la biomasse suivant la profondeur dans les deux étages de filtre. La méthode d’analyse que nous utilisons est le résultat de nombreuses années de pratique et souvent de déboires. Nous choisissons de petits volumes d’échantillon pour la raison très pratique que de plus grands volumes, statistiquement plus fiables, alourdissent l'étude de ces petites stations rurales au point de la rendre inapplicable. Là aussi, le mieux est l’ennemi du bien.
La méthode consiste à recueillir un prélèvement de sable d'un volume de 17 ml, c’est-à-dire le contenu à ras bord du bouchon de fiole de 50 ml, à la profondeur désirée dans le filtre. Nous appliquons le bouchon directement contre la coupe de sable effectuée lors du creusement du lit de sable, le sable mouillé est toujours cohérent et remplit bien le bouchon. Le contenu du bouchon est versé dans la fiole de 50 ml. On y ajoute le même contenu du bouchon rempli, cette fois d’eau distillée, donc 17 ml d'eau distillée. On bouche la fiole avec son bouchon et on agite à la main, par exemple 40 secousses fortes pour décrocher la biomasse des grains de sable.
Ce temps de décrochage dans l'eau distillée est analogue à la phase de lavage et de défissage à l'air et courant d’eau ascendant dans les filtres à eau potable ou les biofiltres en assainissement.
La biomasse légère décrochée des grains de sable est en suspension dans l'eau alors que les sables lourds décantent immédiatement. On verse prestement après l’agitation 10 ml de la phase liquide contenant la biomasse dans un tube d’essai de 10 ml comportant un bouchon (un tube en verre d’analyse colorimétrique de la DCO, recyclé à cette occasion).
Cette opération a pour but de visualiser et mesurer le volume de matière organique décrochée correspondant à un volume de sable de 10 ml, et ceci à différentes profondeurs du filtre. Sur ces tubes de 10 ml, il est possible d’étudier la décantabilité du sédiment biomasse et de procéder, si besoin, aux analyses de N-NH₄, N-NO₂, N-NO₃, PO₄, pH, de la turbidité de l'eau surnageante, analyses en fait des ions solubles contenus dans le biofilm décroché des grains de sable.
La fraction décantée dans les tubes est assimilée à la biomasse. Elle peut être analysée : MS/MV, acides humiques, sulfures, métaux lourds, etc. La biocénose de la biomasse est analysée au microscope à contraste de phase.
Les prélèvements sur filtre
Le filtre à sable de La Douze comporte deux étages en série. Sur chaque étage une série de 6 prélèvements en profondeur est effectuée. Le résultat des extractions de la biomasse du sable dans les 2 étages du filtre, suivant la méthode exposée ci-dessus, de 12 prélèvements est présenté dans la photo n° 2. Le tableau 4 donne les correspondances entre numéro du tube et profondeur du prélèvement de sable :
Tableau 4 – Correspondance entre numéro de tube et profondeur de prélèvement
N° tube : | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Profondeur du sable (cm) | Surface | 10 | 20 | 30 | 40 | 50 | Surface | 10 | 20 | 30 | 40 | 50 |
Hauteur du sédiment dans tube (cm) | 6,5 | 5,2 | 3,0 | 1,8 | 1,3 | 1,0 | 4,2 | 1,6 | 1,1 | 1,1 | 0,5 | 0,4 |
Étage du filtre | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 2 | 2 | 2 | 2 | 2 | 2 |
Commentaires des biomasses décantées dans les tubes de 1 à 12, correspondant aux deux étages du filtre :
• Le matériau décroché du sable par agitation (c’est-à-dire la biomasse) diminue avec la profondeur du filtre à sable. Ce matériau est constitué de biomasse végétale (résidus de tiges, feuilles, racines de roseaux), de biomasse bactérienne, résultat de la conversion DBO en corps bactériens, de minéraux (sable fragmenté, limon).
• La couleur du sédiment décanté est brun foncé, couleur due à l’humus d'origine végétale (roseaux). Dans le cas de filtre colmaté, la couleur noire est due à l'anaérobiose qui produit des sulfures de fer noirs.
• La turbidité du liquide surnageant informe sur sa teneur en particules difficiles à décanter, en bactéries libres qui révèlent ainsi l’existence d'une fermentation, d'une biodégradation importante à ce niveau.
• La succession des tubes des biomasses décantées des deux étages permet de comparer visuellement l’importance relative des biomasses totales dans chaque étage. Une évaluation des biomasses végétales et bactériennes dans les deux étages est même possible en intégrant les hauteurs décantées en surface et en postulant que les surfaces sont proportionnelles aux biomasses, le tout suivi d'une analyse graphique quelque peu longue.
La photo n° 3 représente les tubes 1 à 6 de la série précédente quelques jours après le prélèvement et conservés à 20 °C. Des signes d’anoxie sont très visibles dans les tubes 1 à 3. Il y a flottation dans ces tubes correspondant aux biomasses de surface, riches en matière organique de l’étage n° 1. Par contre, les tubes n° 6 et 7 de l’étage n° 2 (photo n° 4) ne présentent aucune flottation. La flottation signe une dénitrification qui signifie que des nitrates étaient contenus dans les biomasses adhérentes aux grains de sable et donc que …
La nitrification est active dès les premiers centimètres de sable (pour les charges appliquées sur cette station).
On notera une mauvaise odeur à l’ouverture des tubes 1, 2 et 3 du 1ᵉʳ étage, attestant la mise en place de l’anoxie.
Le sable prélevé pour extraire la biomasse ne contient que de l’eau liée aux gels de la biomasse et aux composés humiques. Cette faible quantité d’eau est toutefois assez riche en nitrate pour permettre en condition anoxique un dégazage de N₂ qui fait flotter la biomasse.
L’examen des tubes de décantation bien fermés et à température exaltant l’anaérobie quelques jours après le prélèvement est donc systématiquement effectué et constitue une part importante de la méthode d’expertise que nous proposons. La température des tubes à 20 °C est suffisante et facile à obtenir sans moyens particuliers mais il est possible d’augmenter la rapidité des réponses en élevant la température.
Commentaires des tableaux 5 et 6 de la biocénose des étages 1 et 2.
- + Les biocénoses des deux étages du filtre à sable contiennent en gros les mêmes espèces protozoaires, ce qui s’explique puisqu’il s’agit dans les deux cas du même écosystème et que l’ensemencement du deuxième étage provient des eaux issues du premier étage.
- + Les plus grandes concentrations de microorganismes sont dans les couches de surface (étage 1 comme étage 2), là où la prolifération bactérienne est plus intense et là où se trouve également la biomasse végétale provenant de la litière des roseaux. La biomasse végétale n’inhibe donc pas la croissance bactérienne.
- + Il y a globalement plus de microorganismes dans le premier étage que dans le deuxième, situation expliquée par la forte biomasse bactérienne du premier étage, source alimentaire des Protozoaires.
- + Diminution remarquable des microorganismes dans le deuxième étage à partir de 20 cm de profondeur, signifiant que la biomasse bactérienne, pâture des Protozoaires, y est très faible.
- + La microfaune des biomasses est représentée par des Thécamibes vivantes et mortes, microorganismes caractéristiques des sables et des sols et tout autre support recevant des eaux usées. Les genres Euglypha, Chlamydophrys, Trinema sont numériquement les plus abondants. Les genres Difflugia et Microchlamys sont également présents mais en concentration réduite.
- + Les carapaces des Thécamibes s’accumulent dans le filtre. Il est possible de calculer un taux de croissance de chaque genre à partir du nombre d’individus comptés et de la date de mise en service du filtre. Ces carapaces sont les archives du filtre. On peut en particulier, connaissant le taux de croissance des Thécamibes présentes, évaluer la date d’installation de l’anaérobie.
Tableau 5 : Biocénoses dans les biomasses de l’étage n° 1 en fonction de la profondeur du sable (tubes n° 1 à 6). Les valeurs du tableau sont à multiplier par 10³ pour obtenir une concentration exprimée en nombre d’individus par ml de sable.
Profondeur | Chlamydophrys | Euglypha | Trinema | Difflugia | Microchlamys |
---|---|---|---|---|---|
Surface | 22 300 | 6 000 | 3 433 | 1 302 | 1 716 |
10 cm | 2 900 | 2 252 | 2 050 | 342 | 1 500 |
20 cm | 3 205 | 4 617 | 1 197 | 101 | 855 |
30 cm | 2 565 | 3 420 | 1 171 | 178 | 1 881 |
40 cm | 3 762 | 3 591 | 1 368 | 102 | 171 |
Tableau 6 : Biocénoses dans les biomasses décantées de l’étage n° 2 (tubes n° 7 à 12) en fonction de la profondeur du sable. Les valeurs du tableau sont à multiplier par 10³ pour obtenir une concentration exprimée en nombre d’individus par ml de sable.
Profondeur | Chlamydophrys | Euglypha | Trinema | Difflugia | Microchlamys |
---|---|---|---|---|---|
Surface | 1 302 | 568 | 1 116 | 105 | 744 |
10 cm | 1 500 | 5 563 | 2 996 | 93 | 642 |
20 cm | 225 | 823 | 225 | 30 | 150 |
30 cm | 285 | 425 | 95 | 12 | 228 |
40 cm | 85 | 483 | 57 | 40 | 228 |
50 cm | 86 | 43 | 430 | 86 | 300 |
biose dans un filtre colmaté.
+ On constate que la population qui est présente partout dans le filtre à sable est celle des Thécamibes (Amibes à carapace), microorganismes caractéristiques de l’habitat sable, zéolites, sols qui s'accumulent depuis la mise en service du filtre. On peut calculer un taux de croissance des Thécamibes si les conditions de charge organique n’ont pas trop changé.
+ On postule que les Thécamibes se développent dans la mesure de la concentration de la biomasse bactérienne que nous supposons être la source de leur alimentation. La prise de nourriture chez les Thécamibes a lieu soit par phagocytose des bactéries ou des particules organiques inertes, soit par organotrophie (diffusion à travers leur membrane cytoplasmique) de composés organiques dissous produits par le métabolisme des bactéries fixées aux grains de sable...
+ On cherche à relier la concentration en microorganismes à la concentration en biomasse donc à la concentration de DBO, qui engendre cette biomasse bactérienne. Il faut pour cela connaître la concentration de la biocénose sur toute la hauteur du filtre à sable. Ce raisonnement permet une approche de la distribution des biomasses bactériennes et donc une approche de la dégradation de la DBO, suivant la profondeur du filtre à sable.
Un calcul très simplifiant des biomasses formées annuellement, est présenté dans le tableau 7.
Tableau 7
Étage 1 | Étage 2 |
---|---|
Biomasse végétale kg/an 600 | 504 |
Biomasse bactérienne kg/an 2 482 | 62 |
Fibres cellulosiques eau brute kg/an 660 | 0 |
Biomasse totale kg/an 3 742 | 566 |
Rapport % biom. bact./biom. totale 66,3 % | 11 % |
La valeur 600 est obtenue par pesée.
La valeur 2 482 est le calcul de la DBO, appliquée par an sur l’étage 1.
La valeur 62 est calculée d’après le rapport des hauteurs des sédiments biomasses des tubes 6 et 12 (fond de l’étage 1 et fond de l’étage 2).
La valeur 660 est le calcul de la fraction cellulosique (40 % des MES) des MES appliquées par an sur l’étage 1.
Ces évaluations simplistes qui ne tiennent pas compte de la résorption de la matière organique par humigénèse ou par transformation par les vers au cours de l’année ni de la conversion en corps bactérien des résidus de cellulose dégradée, donnent cependant un ordre de grandeur vraisemblable des différentes biomasses dans le sable qui renforce nos évaluations par méthodes biologiques.
Ainsi dans l’étage 1 il faut s’attendre à rencontrer une biomasse bactérienne atteignant 66,3 % de la biomasse totale. L’examen visuel de la distribution des biomasses au moyen des tubes de décantation ajoute à cette information que la biomasse est concentrée dans les 30 premiers cm du 1ᵉʳ étage. La proportion déjà élevée de biomasse bactérienne dans l’étage 1 augmentera avec l’accroissement de la charge en DBO, sur la station, la biomasse végétale restant stable.
Remarquons que les suspensions cellulosiques augmenteront elles aussi avec l’augmentation de la charge puisqu’elles sont dans les MES de l’eau brute. Leur apport annuel toutefois est environ 3,7 fois moins important que l’apport annuel de biomasse bactérienne (2 482/660). Il faudra surveiller les signes précurseurs de colmatage par biomasse bactérienne pour réagir avec les outils d’exploitation disponibles.
Biomasse végétale roseau dans les 2 étages du filtre
Les Phragmites ne sont pas coupés et enlevés dans cette station de La Douze. Ils forment chaque année une abondante litière à la surface du sable, ce qui est favorable à la croissance des roseaux, plantes dont l’habitat naturel est le sol saturé.
+ La charge organique en DBO, moins élevée dans le filtre 2 engendre moins de gel d’exopolymère bactérien et moins de microniches anaérobies qui sont considérées inhibitrices de la croissance des roseaux.
++ Plus d’oxygène disponible en 2 qu’en 1, ce qui favorise les Phragmites, même si ces végétaux résistent à des carences temporaires d’O₂.
Conséquences de l’apport annuel d’une litière végétale et des MES cellulosiques de l’eau brute
Les MES cellulosiques de l’eau brute avec la biomasse végétale morte des roseaux (la litière) évoluent en humus sous l’effet de facteurs atmosphériques (gel, chaleur), biologiques (bactéries, mycélium, protozoaires, métazoaires). Les vers jouent un rôle essentiel dans l’enfouissement de la matière organique.
Le tapis humifère d’environ 20 cm d’épaisseur a un rôle d’absorbeur d’eau, qui retarde l’infiltration.
La prolifération bactérienne en surface produit un gel d’exopolymère qui se mélange avec les composés humifères pour former un nouveau composé complexe aux propriétés mécaniques de perméabilité avantageuses pour l’infiltration car non colmatant. L’apport de tissu végétal roseau et des fibres cellulosiques de l’eau brute neutralise en quelque sorte les effets colmatants des exopolymères bactériens. On peut admettre que le rapport entre ces deux biomasses est décisif pour la pérennité du filtre. Un excès de développement bactérien (charge organique appliquée élevée) ne pouvant être neutralisé par la production végétale qui, elle, est dans l’impossibilité de s’accroître plus que ses limites physiologiques, conduit lentement à un colmatage...
Tableau 8
Étage 1 | Étage 2 |
---|---|
Poids sec biomasse végétale g/m² | |
Tiges et feuilles kg/m² 2,07 | 2,7 |
Racines kg/m² 1,78 | 2,9 |
Total 3,85 | 5,6 |
Charge surfacique m³/m²/j 0,10 | 0,18 |
Surface de filtration m² 156 | 90 |
Les vers de terre dans le filtre à sable
Comptage global de vers dans les deux étages du filtre sans distinction d’espèce :
Nb de vers | Étage 1 | Étage 2 |
---|---|---|
Nb d’individus par m² de filtre | 6 750 | 5 200 |
Volume de sable à 1 m² | 0,600 m³ | 0,600 m³ |
Les vers sont surtout présents dans les parties hautes du sable, dans la zone brune contenant litière et matières humiques. Ils disparaissent avec la profondeur du sable, sans être totalement absents là où le sable est blanc. Plusieurs espèces de vers de terre sont présentes dans un filtre à sable planté de roseaux ; elles sont difficiles à identifier. On peut toutefois reconnaître assez facilement les groupes écologiques auxquels ces espèces appartiennent. Ces groupes caractérisent fort bien l'action exercée par les vers :
- % Groupe des espèces détritivores et stercophiles, c’est-à-dire capables de vivre dans du fumier et des matières organiques fermentées, par exemple le genre Eisenia, ver des fumiers.
- % Groupe des espèces anéciques, c’est-à-dire migratrices de haut en bas dans le sol. Ces espèces construisent des galeries, sont très mobiles, ont une couleur rouge-brun.
- % Groupe des espèces épigées, c’est-à-dire vivant en surface du sol dans la litière, migration limitée, couleur grise ou incolore. On les rencontre dans les litières des filtres à sable, en général de petite taille.
Rôle des vers dans un filtre à sable recevant de l'eau usée.
- % Broyage : le ver est une « meule molle ». Les grains de sable ingérés avec la matière organique la broient ou au moins la dilacèrent lors du transit péristaltique intestinal.
- % Floculation : les sécrétions intestinales floculent et lubrifient la matière digérée.
- % Pressage : les suspensions minérales, la matière organique végétale, le gel des biomasses bactériennes sont avalés, puis compressés et moulés en excréments cylindriques, plus déshydratés que la matière ingérée.
- % Bioréaction : les enzymes digestifs continuent leur action dans l’excrément déposé.
- % Labourage : le ver déplace, transporte et reclasse les suspensions du sol ou du filtre à sable lors de ses déplacements. Il recrée un terreau homogène. C’est un véritable « Georges » – travailleur de la terre.
C'est ce travail incessant, hiver comme été, nuit et jour, qui contribue au décolmatage des biomasses bactériennes et de leurs gels d’exopolymères et donc assure la pérennité de la filtration sur filtre à sable. Il est très probable que l’ingestion des biomasses par les vers contribue à la formation du complexe exopolymère-humus que nous considérons comme étant favorable à la pérennité du filtre.
- % Indicateur et mainteneur d’aérobiose : les vers ont une vie strictement aérobie ; ils fuient les sols saturés en eau où l'asphyxie ne tarde jamais. Leur présence est donc un signe, dans la strate qu’ils exploitent, d'une situation sans colmatage. En cas de saturation du sable en eau, le ver fuit cette zone. Un équilibre s’établit entre biomasses organiques bactériennes ou végétales et prolifération des vers. Pour certaines charges appliquées en DBO, élevées, la croissance bactérienne est supérieure à la prolifération des vers et leur action décolmatante ne peut plus suivre le pas de l’accroissement bactérien. L’anaérobiose s'installe, les vers régressent, se cantonnant en surface du filtre là où l'oxygène de l'air est toujours présent et le colmatage s'installe progressivement.
Examen au MEB des biomasses des étages 1 et 2
La photo n° 7 montre l’aspect de la couche humifère noire en surface de l’étage 1 à l'état sec. On reconnaît un voile uniforme d'exopolymère bactérien qui recouvre les reliefs réguliers sous forme de petites pelotes qui sont des complexes d’acides humiques et d’exopolymère bactérien. Lors du séchage nécessaire à la préparation de la photo, ce complexe cristallise de façon régulière en pelotes semblables.
C’est ce complexe qui contient des bactéries et qui donne ses propriétés hydrauliques aux couches supérieures du filtre.
Un excès de biomasse bactérienne augmentant, la proportion de gel d’exopolymère tend à colmater le filtre, à ralentir le drainage et ainsi à provoquer l’anaérobiose qui conduit à la ruine du rendement épuratoire.
Des Thécamibes (amibes à carapace) se développent dans cet habitat aérobie. Elles trouvent leur nourriture dans la biomasse bactérienne ainsi que l’oxygène nécessaire. Les carapaces de Thécamibes mortes s’accumulent, constituant une archive biologique du filtre depuis son démarrage. Si le filtre devient anaérobie, les Thécamibes ne se développent plus, mais les carapaces des individus morts restent. On peut tenter une estimation de la durée de vie aérobie d’un filtre colmaté et anaérobie en étudiant la démographie de ses Thécamibes.
Conclusion
Une méthode d’analyse biologique d’un filtre à sable planté de roseaux permet une visualisation immédiate de la répartition des biomasses accumulées dans le sable à différentes profondeurs et dans les deux étages en série du filtre. Elle montre l’importance relative, au moment de l’analyse, des biomasses bactériennes, végétales provenant des roseaux mais aussi des MES cellulosiques de l’eau brute. L’étude de la biocénose caractéristique des milieux filtrants à sable (Thécamibes), outre l’indication d’un état de l’écosystème, fournit un archivage historique de la biologie du filtre. Cette méthode, applicable d’ailleurs à d’autres systèmes de filtration que le sable, est un outil de choix en cas de réhabilitation d’un filtre colmaté.