[Photo : Jean-Luc Buet, Responsable Techniques Membranaires, GE Betz]
[Photo : Eric Leuenberger, Directeur Développement, GE Betz]
Les techniques membranaires offrent à l’industriel une solution de plus en plus intéressante sur un plan financier, ce qui explique qu’elles se substituent progressivement aux résines dans les “Utilités” et aux évaporateurs pour la production d’eau potable à partir d’eau de mer. Néanmoins, la viabilité économique du projet sera étroitement liée à la qualité ainsi qu’au prix de l’eau de départ. Ainsi l’industriel ou la collectivité, dans ce souci, cherchera à utiliser une eau peu coûteuse de surface ou de forage, naturellement moins “épurée” qu’une eau de distribution notamment en ce qui concerne les matières en suspension et microcolloïdes. Ces composés indésirables induisent la mise en place de procédés de filtration classiques, lourds en investissement et exploitation, rendant parfois le projet obsolète. La technologie JelCleer®, déjà mondialement éprouvée sur de nombreuses applications, constitue une alternative novatrice dans ce domaine, tant sur un plan pratique, technique qu’économique. GE Betz, société leader dans la fourniture de produits, prestations de service et solutions globales dans le domaine du traitement des eaux et des procédés, s’est fixée comme mission d’accompagner ses clients à atteindre leurs objectifs de résultats en terme d’opérabilité, sécurité, législatif, respect de l'environnement et gain de productivité.
La présence importante de colloïdes (argile, silice, oxydes hydroxydes métalliques, matières organiques, etc.) dans l’eau d’alimentation des osmoseurs a souvent une incidence désastreuse sur le fonctionnement de ces derniers. Il y a, dans ce cas, inévitablement un encrassement prématuré des membranes à la fois par captation directe des colloïdes et microparticules sur la surface membranaire et par action indirecte en inhibant les mécanismes d’action du produit de traitement “antiscalant”. Les principes actifs vont en effet s’adsorber sur la surface des colloïdes devenant ainsi inefficaces dans leur action de dispersion et de distorsion cristalline.
[Photo : géométrie des pulvérisateurs]
Notamment sur les sels en cours de concentration. Par conséquent, la logique impose que l'on agisse à l’origine du problème, c'est-à-dire sur l'élimination la plus complète possible des colloïdes avant d'arriver sur les membranes. C'est précisément la raison pour laquelle GE Betz a développé, y compris dans sa réalisation pratique, une technologie brevetée, le JelCleer™, visant à capter les colloïdes et microparticules en amont des systèmes membranaires. L'originalité de cette technologie consiste à mettre en œuvre une réaction proche de la stœchiométrie entre le coagulant et les colloïdes (un peu comme sur une résine échangeuse d'ions).
L'intérêt de ce mode d'action est d'éviter tout entraînement de coagulant car ce dernier participera inévitablement à l'encrassement des membranes et, en outre, inhibera le fonctionnement des dispersants de par l’antagonisme de leur mode d'action respectif. Il permettra par conséquent de traiter des eaux chargées en colloïdes tels que les eaux de surface, eaux de rivière, sans conséquence néfaste sur le fonctionnement des osmoseurs.
Les particularités et avantages à attendre de ce procédé sont les suivants :
- pas d'injection continue de coagulant (greffé sur le média) ;
- qualité du filtrat supérieure à celle d'une filtration conventionnelle (proche de la microfiltration) ;
- mise en œuvre nécessitant une transformation mineure des filtres conventionnels ;
- coût global d'exploitation inférieur à celui des filtres conventionnels ;
- média régénérable ;
- pas de période de maturation après un détassage ;
- débit de soulèvement moindre qu’avec des filtres conventionnels.
Un descriptif de cette technologie et de son mode d'action ainsi que quelques cas d'application sont développés ci-après.
Descriptif du procédé
Le principe de fonctionnement peut s'apparenter à un procédé d'échange d'ions sur résines. Le JelCleer™ (figures 2 et 3) est un système de filtration multimédia composé de billes de verre revêtues d'un polymère (ester de polyacrylate) – JelCleer™ 1000 – et de différentes couches de sable de granulométrie définie.
Caractéristiques physiques du JelCleer™ 1000 :
- apparence : billes de verre sphériques
- couleur : bleuâtre
- masse volumique : 1,55
- diamètre : 0,26 – 0,33 mm
- coefficient d'uniformité : ≤ 1,7
Design : pulvérisateurs, drains et couches support :
Les drains et supports de fond sont analogues à ceux rencontrés dans les filtres classiques (figure 1). Plusieurs types sont disponibles :
- disposition en étoile avec des rainures de distribution ;
- distributeur de tête équipé de conduits latéraux ;
- distributeur de tête parsemé de trous à 45° vers le bas.
Pour des hauteurs de bidons conséquentes, la couche de matériau inerte est constituée de roches grossièrement arrondies 1 1/2 × 3/4" (3,8 × 2 cm). L’épaisseur de cette couche dépendra de la configuration du système d’écoulement pour le couvrir entièrement. Il y a 5 couches de gravier de 7,5 cm d'épaisseur de granulométrie bien déterminée, à respecter.
Dans tous les cas, cette dernière couche, la plus importante, doit être mise en place soigneusement ; c’est elle qui supporte le média JelCleer™ 1000 et qui l’empêche de migrer vers le système de captage de l’eau. Un coagulant à base d’amine quaternaire, le JelCleer™ JPC700, est injecté lors des régénérations afin de s’accrocher sur la couche d’ester de polyacrylate recouvrant les billes de verre (figure 4).
Cet agent piège les matières en suspension, microparticules et colloïdes (minérales et organiques). Le polymère est physiquement et chimiquement fixé à l'usine alors que le coagulant est ajouté sur site. Lorsque le lit est saturé, un nettoyage est effectué avec le JelCleer™ JCL711, puis on effectue une nouvelle régénération du support avec le coagulant. Ces deux produits sont dilués dans un bac de préparation.
Cette technologie ne se substitue pas nécessairement à l'utilisation d'un process de filtration classique visant à éliminer, en premier, les matières en suspension de grosse taille. En d'autres termes, il est souhaitable normalement de placer le bidon de JelCleer™ entre une filtration à sable – pouvoir de coupure ≈ 30 μ – et les cartouches de microfiltration. La turbidité de l'eau entrée doit être inférieure à 10 NTU.
Le respect de ces préconisations conditionne à la fois les résultats et le coût d'exploitation. On enregistre ainsi des abattements du SDI allant de 40 à 90 % et des fréquences de nettoyage/régénération allant du bihebdomadaire à trimestriel.
* En fait le maintien d'un filtre à sable classique se fait en estimant le retour sur investissement au moment du projet ; en général les petites unités alimentées en eau moyennement turbide peuvent s'en passer.
[Photo : installation typique de JelCleer™]
[Photo : Figure 3 : descriptif vannes]
Mécanisme d'action
Le mécanisme d'action (figure 5) du procédé peut se décrire comme suit :
Les colloïdes chargés négativement sont attirés par les charges positives du coagulant et se regroupent à la surface des billes de verre (JelCleer™ 1000). Elles vont s’attacher par leur liaison hydrophobe. Au cours de ce regroupement, le nuage électronique entourant les particules aura tendance à se déplacer vers les atomes d’azote (du coagulant) fragilisant ainsi la liaison JelCleer™/colloïdes. Au-delà d'un nombre critique de particules agglomérées sur un site actif du JelCleer™, le groupe de colloïdes floculés se détache de la surface du média laissant ainsi le groupement azoté libre pour une liaison ultérieure avec d'autres colloïdes. Le groupement de particules floculées va se refixer sur un autre site actif en aval, voire être retenu par simple fixation sur le média.
Le processus de filtration consiste donc en une multitude de fixations et libérations puis réfixation de microparticules jusqu’à une perte de charge limite sur l'ensemble du système. À ce stade, une régénération doit être effectuée.
Applications et règles
Spectres d’eaux brutes
Ce nouveau procédé peut traiter des eaux de qualités diverses. Il a été notamment utilisé pour des eaux de forage avec des teneurs élevées en argile et silice colloïdale ou des eaux de surface à forte concentration en colloïdes organiques. Dans les deux cas de figure, la turbidité ne doit pas dépasser 10 NTU. Après filtration, elle a toujours été inférieure à 0,2 NTU. Il a également été utilisé pour traiter des eaux de station contenant de l’huile, du propylène glycol. On l’a également utilisé pour la filtration d’eau de mer.
Limites d'opérabilité
- pH : 4-9
- température extrême : 2-35 °C
- chlore libre maxi : < 0,1 ppm
- fer : < 0,2 ppm
- hauteur minimale du lit JelCleer™ 1000 : 75 cm
- débit nominal* : 5-17 m³/h/m² (mh)
- débit nettoyage : 30 m³/h/m² (nv/h)
*Fonction de la charge encrustante
[Photo : Figure 4 : coupe d'une bille de JelCleer]
Durée de service
Plusieurs critères sont utilisés pour définir la durée des runs. Le nettoyage est généralement initié selon deux processus possibles :
- le temps : pour les filtres conçus sans rinçage de surface ou pour des eaux contenant des MES “collantes”, il est préconisé des nettoyages fréquents afin de limiter la formation d’agglomérats et passages préférentiels.
- la pression différentielle : dans certains cas, celle-ci peut être corrélée avec une brusque variation de turbidité. Il faudra donc régénérer le filtre avant cette limite définie expérimentalement.
La capacité à piéger les colloïdes et assurer une eau de qualité constante dépend d'une bonne fréquence des nettoyages afin d’éviter une montée en pression qui générerait des passages préférentiels. L’augmentation de perte de charge est fonction de la quantité, du type de colloïdes et des paramètres hydrauliques du système. Des valeurs classiques atteignent 0,3 à 1 bar.
Rinçage de surface
Les filtres conçus pour opérer sur des eaux contenant de hautes concentrations en colloïdes et matières organiques devront être équipés d'un rinçage de surface. C'est le cas de certaines eaux de nappe, rivière ou usées.
Économies réalisables
Ces économies diffèrent d’une application à l’autre en raison de leur spécificité. Les principales économies portent sur la longueur des runs (réduction des fréquences de nettoyage) et la durée de vie des membranes. Cependant, le poste le plus spectaculaire concerne la fréquence donc le coût du remplacement des cartouches de microfiltration situées juste en amont de l’osmoseur. En cas de prétraitement déficient, ce coût peut être considérable. On constate fréquemment des temps de retour inférieurs à un an.
Études de cas et résultats
Cas n° 1
L’eau brute était chargée en colloïdes argileux, algues et acides humiques. Cette eau était filtrée sur filtre multimédia avec injec-
[Photo : Figure 5 : mécanisme d’action du JelCleer]
En parallèle, le nouveau procédé a été installé. Le débit était équivalent dans les deux cas ; le SDI et la turbidité ont été mesurés sur l’eau brute et filtrée. Les résultats ont été les suivants :
SDI* / Turbidité NTU** |
Eau brute : 13 / 1,9 ± 1,2 |
Multimédia : 2,5 / 0,2 |
JelCleer™ : 1,4 / 0,1 |
* SDI : Silt density index = indice de colmatage.
** NTU : Nephelometry turbidity unit.
L’évolution de la perte de charge figure sur les courbes ci-dessous.
[Photo : Figure 6 : évolution de perte de charge]
Commentaires
Avec le JelCleer™, la fréquence de détartrage a été divisée par un facteur 3. La turbidité était voisine de 0,2 NTU avec le filtre multimédia et de 0,1 NTU avec le JelCleer™. Le SDI a été réduit de 60 % par rapport au filtre multimédia. La valeur de 1,4 obtenue avec le nouveau procédé permet d’écarter tout risque d’encrassement prématuré des membranes.
Cas n° 2
Eau brute d’un lac chargée en colloïdes argileux, algues et acides humiques. Alimentation en parallèle d’un filtre multimédia avec injection de coagulant floculant 20 ppm FeCl3 + polymère anionique et JelCleer™ sur l’autre ligne. Les performances de filtration ont été évaluées par mesure SDI, turbidité et comptage de particules (filtres 0,2 µ). Sur l’eau brute, le SDI était de 15 en moyenne et la turbidité de 4 NTU. Le comptage de particules donnait 2,8 × 10^6/ml. Le filtre conventionnel n’a jamais permis de produire une qualité d’eau acceptable pour osmoseur puisque la turbidité moyenne était de 0,56 et le SDI > 3. Avec le JelCleer™, la turbidité a été comprise entre 0,1 et 0,2 NTU et le SDI compris entre 1 et 2. La réduction du taux de particules de taille comprise entre 0,5 et 10 µ a été de 91,2 % en moyenne.
Cas n° 3
Une brasserie alimentait sa chaîne déminéralisée avec du perméat d’osmoseur (à 2 étages). Le prétraitement de l’eau brute se faisait sur filtre à sable et charbon actif puis filtre cartouche 5 µ. Généralement, l’osmoseur fonctionnait avec un taux de production de 65 %. Un nettoyage chimique était effectué tous les deux mois. L’objectif était de monter le taux de conversion à 75 % et de réduire, si possible, la fréquence des nettoyages. La concentration en ions dans l’eau alimentaire permettait d’atteindre 75 % de taux de conversion, mais il y avait un risque certain d’encrassement par des colloïdes. Il fallait donc accroître la qualité de la filtration. Un traitement JelCleer™ a été mis en place. Les résultats figurent dans le tableau ci-après.
SDI / Turbidité NTU |
Eau alimentaire : 4,8 / 0,28 |
Perméat filtre conventionnel : 2,5 / 0,04 |
Perméat JelCleer™ : 0,8 / 0 |
En synthèse, la turbidité de l’eau alimentaire a été supprimée et le SDI divisé par un facteur supérieur à 3 par rapport à un filtre conventionnel. Face à ces résultats, l’usine a décidé de remplacer ses filtres multimédia par le JelCleer™.
Conclusion
Cette nouvelle technologie offre la possibilité de résoudre probablement le problème le plus critique concernant l’exploitation des osmoseurs, NF, UF, c’est-à-dire l’encrassement prématuré des membranes dû à la présence excessive de colloïdes dans l’eau d’alimentation. Outre le colmatage des membranes, ces colloïdes inhibent le fonctionnement des produits de traitement antiscalant. L’originalité de ce procédé est de faire réagir de façon quasi stœchiométrique un coagulant avec les colloïdes. On évite ainsi tout entraînement de coagulant qui est, par définition, incompatible avec la membrane. L’objectif est, bien entendu, d’éviter un encrassement prématuré du système. Son intérêt est de pouvoir traiter des eaux très chargées en colloïdes telles que les eaux de surface, eaux de rivière, sans incidence néfaste sur le fonctionnement des techniques membranaires. Outre son efficacité, cette technologie permet de générer des gains significatifs en allongeant les durées de run (fréquence et coût moindres des nettoyages) et la durée de vie des membranes. Enfin, elle permet d’espacer le remplacement des cartouches de microfiltration, ce qui, là encore, va se traduire par de substantielles économies.