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Une innovation dans le domaine de la réduction de l'oxygène en chaudière

30 mars 1983 Paru dans le N°72 à la page 58 ( mots)
Rédigé par : Yves COURTAUD

L'oxygène est reconnu depuis longtemps comme une source importante de corrosion des systèmes de production de vapeur. La solution universellement adoptée pour résoudre ce problème est l’élimination de l'oxygène dans l'eau alimentaire. Le dégazage thermique permet une bonne diminution de la teneur en oxygène dissous. Cependant, l'expérience a prouvé que cette réduction n'était pas suffisante pour assurer une protection totale. De ce fait, l'utilisation de réducteurs chimiques s'est généralisée.

L’évolution technologique vers les chaudières à très fort transfert thermique a imposé aux utilisateurs le respect de normes de qualité d’eau alimentaire de plus en plus sévères, afin d’éviter les problèmes d’encrassement. Ceci les conduit à utiliser l'eau déminéralisée et, par la même, à augmenter de plus en plus les taux de concentration.

Dès lors, l'emploi des réducteurs minéraux (sulfites) intervenant sur la salinité en chaudière a été remis en cause au profit de réducteurs volatils. Jusqu'à ce jour, les plus utilisés sont les composés à base d’hydrazine.

[Photo : Corrosion typique de l’oxygène dans un tube d’économiseur]

Bien que des améliorations aient été apportées (formulations catalysées notamment), un certain nombre d'inconvénients subsistent et limitent leur efficacité. De plus, leur caractère toxique est maintenant reconnu.

De fait, l'hydrazine (de façon générique) ne peut être utilisée avec succès que si un certain nombre de conditions sont respectées dont les principales sont :

  • — faible teneur de l’eau alimentaire en oxygène dissous (moins de 50 ppb),
  • — excès en chaudière bien contrôlé (maximum 0,5 ppm),
  • — bon contrôle du pH des condensats,
  • — faible teneur en oxyde de fer de l’eau alimentaire.

Examinons en détail les raisons de ces limitations d'emploi :

a) Fortes teneurs en oxygène

La réduction de l’oxygène s’opère selon les réactions suivantes :

— l'oxygène dissous oxyde le fer ferreux  
2 FeO + 1/2 O₂ → Fe₂O₃  

— l'hydrazine transforme l’oxyde ferrique en magnétite  
6 Fe₂O₃ + N₂H₄ → 4 Fe₃O₄ + 2 H₂O + N₂  

— soit globalement  
O₂ + N₂H₄ → 2 H₂O + N₂

Plus l'eau est froide, plus la solubilité de l’oxygène est importante. Dans ces conditions, la cinétique de réaction des composés hydrazinés est faible, malgré l'emploi de catalyseurs :

Exemple : à 50 °C, le rapport N₂H₄/O₂ dissous = 4

Soit un résidu de 300 ppb d'oxygène après 10 minutes avec une hydrazine catalysée (dans des

conditions idéales). De forts surdosages (rapport N₂H₄/O₂ dissous jusqu'à 15) ne modifient pas sensiblement le résultat.

b) Excès trop important en chaudière

La réactivité faible vis-à-vis des fortes teneurs en O₂ conduit à maintenir des excès importants d'hydrazine. Or, la cinétique de décomposition dépend essentiellement de sa concentration. Lorsque celle-ci dépasse une valeur critique, la formation d'ammoniac prévaut sur la réduction de l'oxyde ferrique.

Les conséquences sont au nombre de trois :

  • teneur en NH₃ importantes,
  • réduction d'efficacité de N₂H₄ vis-à-vis de l’oxygène,
  • oxydation possible par l’oxygène de la magnétite préalablement formée (but inverse de ce qui est recherché), notamment au niveau des systèmes d'alimentation.

c) Conséquences d'un excès de NH₃

S'il est établi que l'hydrazine ne contribue pas en elle-même à la corrosion des métaux cuivreux, l'excès des produits de décomposition entraîne une situation défavorable. En effet, l'ammoniac, en présence de traces d'oxygène (provenant d'une réduction incomplète ou d'entrées parasites — éjecteurs par exemple), va former un complexe soluble de cupritétramine, suivant l'une ou l'autre des réactions suivantes :

Cu⁺ + 4 NH₃ → Cu(NH₃)₄⁺
ou
Cu + 4 NH₃ + 1/2 O₂ + H₂O → Cu(NH₃)₄⁺ + 2 OH⁻

La première réaction correspond à la dépassivation du métal, le film protecteur d'oxyde de cuivre ne pouvant pas se former normalement puisque les ions métalliques libérés par l'anode sont immédiatement complexés.

La seconde correspond à l'attaque directe du métal par l'ammoniac, en présence d'oxygène. En outre, des concentrations importantes d'NH₃ dans la vapeur peuvent conduire à la formation de nitrures de fer qui diminuent progressivement la résistance mécanique du métal par fissuration inter-granulaire (cas des surchauffes à température supérieure à 500 °C).

d) Contrôle du pH des condensats

La décomposition de l'hydrazine est régie par les réactions ci-après :

3 N₂H₄ + H₂O → 4 NH₃ + N₂ + 3 H₂O (à 300 °C)
et
3 N₂H₄ + H₂O → 2 NH₃ + 2 N₂ + 3 H₂ + 3 H₂O (à 200 °C)
[Photo : Action de l'oxygène dans un environnement acide (ligne de condensats).]

Pour les chaudières à moyenne pression, il est illusoire d'utiliser l'hydrazine comme agent neutralisant des condensats : seul l'ammoniac intervient à cet égard. Compte tenu de son coefficient de partage (volatilité) très élevé, ce n'est pas l'agent chimique idéal pour remplir ce rôle, surtout sur un circuit court (turbo-alternateur par exemple).

La nécessité d'un bon contrôle du pH des condensats s'explique par le caractère très défavorable de fortes teneurs en Fe₂O₃ dans l'eau d'alimentation : l'hydrazine réagit en effet préférentiellement sur ces oxydes plutôt que sur l'oxygène.

e) Toxicité

Les composés à base d'hydrazine possèdent une toxicité assez élevée (DL₅₀ = 60 mg/kg sur le rat pour l'hydrazine pure).

En outre, ceux-ci sont suspectés de présenter un caractère cancérigène. Bien qu'aucune conclusion définitive ne soit établie, les législations actuelles, notamment la F.D.A. américaine, interdisent leur utilisation dans les industries où la vapeur peut être au contact des aliments.

La manipulation de ces produits requiert donc des précautions particulières.

Apportant une solution efficace à ces inconvénients, un nouveau réducteur d'oxygène, le CORR-TROL 778, apparaît aujourd'hui sur le marché comme une innovation technologique appréciable. Il s'agit d'une formulation volatile associant deux principes actifs : réducteur organique de l'oxygène et amine neutralisante. Ses caractéristiques essentielles sont :

  • une grande cinétique de réaction vis-à-vis de l’oxygène à basse température,
  • une participation efficace à la neutralisation de l'acidité des condensats.

— une action protectrice vis-à-vis de la métallurgie de la chaudière, — une très faible toxicité.

ASPECTS TECHNIQUES

Réactivité sur l’oxygène

La vitesse de réaction à froid du CORR-TROL 778 est comparable à celle d’un sulfite catalysé : par exemple, à 25 °C et pH 9, le temps de réaction nécessaire pour obtenir une réduction de 95 % de l’oxygène dissous est de l’ordre de 1 min. Dans les mêmes conditions, le temps de réaction est de l’ordre de 50 min pour les produits à base d’hydrazine catalysée (la vitesse de réaction de l’hydrazine non catalysée étant pratiquement nulle).

Action neutralisante

Le pK de l’amine volatile est d’environ 10,1. Le pouvoir neutralisant est donc supérieur à celui de la morpholine (pK = 8,66) et proche de celui de la cyclohexylamine (pK = 10,66). Le coefficient de partage global (= 1) se situe entre celui de la morpholine (0,4) et celui de la C.H.A. (4,0). Il est plus favorable que celui de l’hydrazine (0,1). La présence d’un composé aminé neutralisant volatil dans la formulation permet : — l’obtention en eau alimentaire d’un pH suffisamment élevé pour établir les conditions les plus favorables à la réduction rapide de l’oxygène, — de participer réellement à la neutralisation des condensats, en particulier dans les circuits courts (faible coefficient de partage), — éventuellement de participer au conditionnement interne des chaudières haute pression (traitement volatil).

Propriétés réductrices (passivation du métal)

Ce nouveau réducteur d’oxygène, tout comme l’hydrazine, favorise la formation de magnétite, mais de façon moins préférentielle. Ses résultats vis-à-vis de la réduction de l’oxygène seront donc notablement moins affectés, dans le cas de présence importante d’oxydes ferriques dans l’eau.

Produits de dégradation

En ce qui concerne la partie réductrice de l’oxygène, la dégradation du principe actif commence à 280 °C environ et est complète à 900 °C. L’amine volatile est stable thermiquement jusqu’à 450 °C minimum. Pour des températures supérieures, sa dégradation s’effectue sans cokéfaction. Globalement, dans les conditions habituelles de fonctionnement des installations, le principal produit de décomposition sera à base de méthyléthylcétone, qui est largement volatil. Condensé avec la vapeur, il sera strippé au dégazeur thermique lors des recyclages.

EFFICACITÉS COMPARÉES DE DIFFÉRENTS RÉDUCTEURS D’OXYGÈNE

À FROID : t = 28 °C pH = 9 Dosage = 100 ppm (100 % matières actives)

Réducteurs ppm oxygène initial Après 1 min Après 5 min
Hydrazine............................................... 8,8 1,1 3,4
Hydrazine catalysée.............................. 8,3 1,1 5,4
CORR-TROL 778.................................... 8,5 98,8 99,9
Isoascorbate d’ammonium.................... 8,5 15,2 62,1
Diéthylhydroxylamine............................ 8,3 0,6 3,6
Carbohydrazide..................................... 8,2 1,8 2,4

À CHAUD : t = 82 °C Temps de réaction : 4 minutes

Réducteurs ppm matière active pH initial ppb oxygène initial ppb oxygène final % d’oxygène éliminé
Hydrazine............................................... 44,0 8,6 900 40 95,5
Hydrazine catalysée.............................. 48,9 8,4 900 40 95,5
CORR-TROL 778.................................... 44,4 8,3 900 18 98,0
Isoascorbate d’ammonium.................... 45,8 8,2 1 200 640 46,7
Diéthylhydroxylamine............................ 51,3 8,4 900 800 11,1
Carbohydrazide..................................... 48,6 8,5 900 700 22,2

ASPECT TOXICOLOGIQUE

Le pouvoir cancérigène d’un produit chimique est très difficilement quantifiable. C’est pourquoi les organismes officiels concernés se contentent de fournir uniquement des recommandations sur les conditions d’exposition maximales lorsqu’un composé est reconnu cancérigène.

Pour l’hydrazine, le N.I.O.S.H. (National Institute for Occupational Safety and Health) préconise une teneur maximale de 0,04 mg/m³ d’air (soit 0,03 ppm).

À l’inverse, aucun des composants du nouveau réducteur ne figure sur les listes du N.I.O.S.H.

En ce qui concerne les essais de toxicité classiques, la comparaison s’établit comme suit :

Test d’ingestion sur le rat :  
● Hydrazine pure DL₅₀ : 76 mg/kg  
● Hydrazine à 35 % DL₅₀ : 400 mg/kg  
● CORR-TROL 778 : 5 600 mg/kg

Le nouveau réducteur est donc considéré comme peu toxique par ingestion et non irritant pour la peau. Il est d’ailleurs à signaler qu’un de ses constituants est utilisé dans la fabrication des crèmes dermiques mises en vente dans le commerce. Légèrement irritant pour les yeux, la limite d’exposition permise (source A.C.G.I.H. : American Conference of Governmental Industrial Hygienists) est de 2 mg/m³ (pour mémoire, l’hydrazine est limitée dans les mêmes conditions à 0,1 mg/m³).

Il est agréé FDA/USDA pour l’utilisation dans la vapeur de fabrication du papier à usage alimentaire (contact direct).

EXEMPLES D’APPLICATION

1. Réchauffage d’eau alimentaire

Un mélange d’eau déminéralisée (t = 70 °C) et de condensats était porté à 110-130 °C par passage dans les échangeurs en vue d’une récupération d’énergie. La comparaison des résultats obtenus est la suivante :

— teneur en oxygène résiduel avant injection : 3 ppm — teneur en oxygène résiduel après injection :   ● avec 40 ppm d’hydrazine catalysée : 2,4 ppm   ● avec 40 ppm de CORR-TROL 778 : 0,3 ppm   (pour un temps de contact de 15 minutes).

2. Après dégazage thermique

— température du dégazeur : 104 °C — pression du dégazeur : 300 g/cm² — pH de l’eau alimentaire : 7,5 — teneur en O₂ sans traitement : 10 ppb — point d’injection du réducteur : bâche de stockage du dégazeur thermique — O₂ résiduel avec 0,9 ppm d’hydrazine : 4 ppm — O₂ résiduel avec 0,9 ppm de CORR-TROL 778 : 0,5 ppb

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