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Une filière biologique de traitement des eaux usées dans l'industrie papetière

30 mars 1988 Paru dans le N°117 à la page 55 ( mots)
Rédigé par : J. MILLET

L'examen des systèmes épuratoires en milieu papetier montre que la plupart des papeteries sont actuellement équipées soit de prétraitements physiques, soit de traitements physico-chimiques, soit de lagunes de décantation. Ces dispositifs permettent uniquement l’abattement des matières en suspension.

Dans les deux premiers cas, les boues sont déshydratées mécaniquement, puis évacuées. Dans le troisième cas, il faut procéder épisodiquement à un curage des lagunes ; ce système devient rapidement un « marécage » très contraignant à exploiter. Notre intérêt pour ce domaine nous a conduit justement à mettre en œuvre une station d’épuration dans l'une des usines d'une importante société papetière, jusque-là dotée d’un système de lagunage.

En 1972, la pollution d'origine organique était faible du fait de l’utilisation de pâte à papier neuve, et un traitement par une filière biologique n’était pas envisageable. Progressivement, du fait de la réutilisation de plus en plus importante de vieux papiers contrecollés de polyéthylène, la charge organique a augmenté. Dès 1983, l’Agence de bassin Rhin-Meuse, spécialisée depuis très longtemps dans les traitements des effluents papetiers, a pu établir, après des études préalables sur pilotes, les caractéristiques des effluents de cette usine, définies ci-après.

Charges polluantes

Le tableau 1 résume les principales données recueillies.

Tableau 1Principaux paramètres de la charge polluante

MEST (mg/l) Valeur moyenne : 1 300 Amplitude minimale : 150 Amplitude maximale : 4 220
DCO (mg/l) Valeur moyenne : 1 435 Amplitude minimale : 310 Amplitude maximale : 3 010
DBO5 (mg/l) Valeur moyenne : 570 Amplitude minimale : 310 Amplitude maximale : 1 150
DCO/DBO5 2,5
Poids journalier en DBO5 (kg) 1 641
Poids journalier en DCO (kg) 4 132
pH 6,6 (min. 5,6 ; max. 7,3)
Conductivité (µS/cm) 900 (min. 375 ; max. 1 305)
NT (mg/l) 14,4
PT (mg/l) 1,8

Débit

Les débits ont également été étudiés lors de la campagne de mesures effectuée d’avril 1982 à avril 1983.

Les éléments provenant du rapport de l’Agence et des derniers renseignements recueillis sur place sont les suivants :

  • — volume journalier global des effluents : de l’ordre de 2 880 m³ ;
  • — débit moyen : 120 m³/h ;
  • — débit de pointe : 200 m³/h (sur une heure) ;
  • — amplitudes maximales horaires : 57-200 m³/h.

Sur ces bases, nous avons étudié et réalisé une station d’épuration intégrant des prétraitements physiques très élaborés suivis d'une filière biologique. Le schéma de ces traitements associés est porté sur la figure 1.

Par rapport aux données de base du dimensionnement, les constatations suivantes ont été effectuées :

  • — large amplitude des MEST de 700 mg/l à 7-8 000 mg/l (ces dernières valeurs correspondant à des vidanges de cuviers) ;
  • — pH entrant très souvent dans la plage acide ;
  • — effluents parfois colorés (recyclage de vieux journaux) ;
  • — pointes instantanées de débit supérieures aux prévisions.

Après deux années de fonctionnement de la station d’épuration, les constatations majeures suivantes peuvent être annoncées.

Prétraitements physiques

Les essais comparatifs effectués entre les dispositifs de tamisage statique de type « Hydrasieve » à mailles de 0,5 mm, d’une part, et de tamis filtrant à peigne mobile de type « Aquaguard » (mailles de 3 mm), d’autre part, démontrent le net avantage de ce dernier équipement sur le plan de l’exploitation.

La neutralisation à la chaux (proportionnellement à l’amplitude du pH) donne de bons résultats si la sonde de mesure du pH est cycliquement et automatiquement lavée (système Chemoclean).

Le bassin-tampon constitue un organe essentiel de la chaîne de traitement, car les variations de charges et de débit sont très fréquentes, et la station n'est pas à l'abri d’un rejet accidentel (l’expérience l’a démontré).

Compte tenu des fortes concentrations de MEST et de matières décantables, de très sérieux dispositifs de brassage (agitateurs submersibles) soigneusement disposés doivent être installés pour pallier une stratification rapide et irréversible.

Le décanteur primaire (calculé avec une vitesse de 1 m/h) permet un abattement très important sur les MEST. L’épaississement est très rapide et pourrait conduire à un blocage des équipements de raclage si le soutirage des boues, assuré par les pompes volumétriques, s’arrêtait pendant trois à quatre heures consécutives.

Traitements biologiques

Dans cette unité, les paramètres de dimensionnement sont ceux d’une aération prolongée ; le clarificateur est ainsi dimensionné sur la base d’une vitesse de 0,5 m/h. D’autre part, des dispositifs d’agitation submersibles ont été mis en place pour accroître la capacité de brassage des aérateurs de surface (assurant eux-mêmes une densité d’énergie de 32 W/m²).

Le développement bactérien étant long à se mettre en place, l’alimentation en eaux brutes doit se faire progressivement : les observations microscopiques de la flore bactérienne sont un guide précieux pour l’exploitation.

Il faut éviter une chute importante de niveau entre la sortie du clarificateur et le canal débitmètre pour éviter la formation de mousses.

Les dispositifs de mesure et d’enregistrement du type bulle à bulle sont mieux adaptés que les appareils ultrasoniques.

Épaississement et déshydratation mécanique des boues

Il s’agit là du problème le plus épineux qu’il a fallu résoudre, la concentration que peuvent atteindre les boues lors de certains rejets atteignant 120 g/l.

L’épaississeur a tout d’abord été équipé avec une herse classique extrêmement robuste (avec lames montées en jalousie) et un motoréducteur d’entraînement muni d’un limiteur de couple.

Le soutirage des boues sur la déshydratation mécanique s’arrête le vendredi soir pour reprendre le lundi matin selon un cycle hebdomadaire.

Dans la mesure où l’épaississeur n’est pas complètement vide en fin de cycle, on constatait couramment des effets de blocage (limiteur de couple) avant le lundi matin, bien que l’ouvrage comporte un temps de stockage de quatre jours. La stratification y est telle que la boue se comporte comme un tissu à grande cohésion.

[Photo : Fig. 1.]

La herse ayant été remplacée par deux agitateurs submersibles puissants montés en opposition, les phénomènes de blocage ne sont pas réapparus ; la boue est devenue plus homogène et la déshydratation mécanique plus régulière.

À noter que selon la fabrication, les pourcentages respectifs de boues primaires et secondaires peuvent varier, entraînant par là-même des variations sensibles de la siccité des boues.

La déshydratation mécanique est assurée par un filtre à bande basse pression de 3 m de largeur, assurant une siccité moyenne des boues de l’ordre de 34 %.

Résultats obtenus sur l’abattement de la charge polluante

Les objectifs visés concernant le rendement épuratoire sont atteints :

MES résiduelles : 30 mg/l  
DBO5 éliminée : (AD2) = 90 %  
DCO éliminée : (AD2) = 80 %

Pour conclure, nous pouvons souligner que pour traiter ce type d’effluents bien particulier, il faut veiller tout particulièrement :

— à la bonne définition préalable de tous les paramètres de pollution et de débit,
— au choix des équipements (type des pompes, puissance des motoréducteurs) et à leur adaptation aux spécificités,
— au dimensionnement correct des installations (vitesses – temps de séjour),
— au soin particulier à apporter aux ouvrages et équipements de prétraitements physiques sans susciter de contraintes d’exploitation trop lourdes pour l’industriel,
— à l’établissement, au moment du projet, d’un bilan complet des boues à chacun des stades de leur formation, comportant :
  poids et concentration des boues primaires,
  masse et concentration des boues secondaires excédentaires,
  siccité attendue des boues dans l’épaississeur,
— à la rédaction d’un manuel d’exploitation précis définissant les actions rapides à mener en fonction de la valeur enregistrée pour les différents paramètres,
— au choix des protections de surface des différents composants, compte tenu du caractère agressif de l’effluent.

Ce n’est qu’à ces conditions qu’il sera possible de réaliser des unités de traitement biologiques fiables et performantes.

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