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Une étape capitale du traitement des eaux industrielles : la chloration

30 octobre 1988 Paru dans le N°122 à la page 73 ( mots)

Le chlore fut originellement utilisé pour détruire les micro-organismes pathogènes contenus dans les eaux de consommation. Nous n'entrerons pas ici dans le détail de cette application bien étudiée par ailleurs (4, 11), mais nous nous intéresserons à l'effet de la chloration sur différents équipements pouvant constituer les ensembles de traitements d'eaux industrielles.

Nous rappellerons en particulier l'effet du chlore sur le fouling des installations (fouling provoqué par la croissance d'algues et de coquillages sur les parois au contact de l'eau), application connue et employée depuis longtemps.

Nous insisterons davantage sur une action moins évidente du chlore, portant sur les mucilages et les différents produits de réserves, générés par les cellules des différents micro-organismes contenus dans le plancton, qui sont la cause du colmatage rapide des ensembles de filtration. En modifiant la nature de ces matières visqueuses, la chloration résout ce problème de colmatage dans des limites opérationnelles acceptables.

Processus de fouling et de colmatage des milieux poreux

Le fouling est provoqué par des algues et des coquillages qui s'accrochent sur les parois des crépines et des conduites et qui croissent dans le temps, en puisant la nourriture et l'oxygène dont ils ont besoin dans l'eau véhiculée. Les dimensions atteintes par ces organismes peuvent être impressionnantes : il nous est ainsi arrivé de voir des Balanes (genre de coquillage) de 5 à 7 cm de longueur, obstruant quasiment une crépine de relevage d'eau de mer au Gabon.

Le mécanisme du colmatage des milieux poreux est très bien décrit par Edyvean et Sneddon (8) à propos des filtres à sable. Dans une première phase, les mucilages et acides gras — générés par les cellules planctoniques, comme nous le verrons plus loin —, produits gluants et visqueux, se collent sur les grains de sable. Les particules solides présentes dans l'eau se collent à leur tour sur ce piège, puis sont elles aussi recouvertes de mucilage, et ainsi de suite. Ce processus conduit au colmatage du filtre. Lors du lavage par back flow, une partie de ces matières restent accrochées sur les grains de sable, s'imbriquant de plus en plus dans le média filtrant au fil de séquences de régénération.

Le fouling et le colmatage ont des conséquences extrêmement gênantes pour la maintenance des unités.

Le fouling peut occasionner des pertes de charge importantes, allant parfois jusqu'à provoquer la cavitation des pompes de relevage et leur désamorçage. Il peut conduire à une réduction importante des coefficients de transfert dans les échangeurs de chaleur. De plus, il favorise la corrosion sous dépôts par le phénomène d'aération différentielle ; d'après Knickrehm (12), la corrosion pourrait être aggravée par la présence d'H₂S libérée par des bactéries piégées dans le film de matières planctoniques.

Le colmatage présente des inconvénients évidents : il oblige à régénérer les filtres plus fréquemment, et nous verrons que l'on peut ainsi atteindre des conditions de fonctionnement très critiques.

Nature des éléments colmatants présents dans les matières en suspension

Dans les eaux de surface que nous sommes amenés à utiliser — mer, lagunes, marigots — on peut trouver quelques éléments minéraux, comme du sable ou des argiles, mais ce sont surtout des matières planctoniques et des débris organiques d'origine terrestre qui constituent l'essentiel des matières en suspension. Nous n'allons pas ici faire l'inventaire exhaustif de la flore et de la faune planctoniques, fort bien présenté d'ailleurs dans de nombreux ouvrages (9, 11), mais seulement décrire quelques espèces, pour illustrer notre propos.

Les cellules phytoplanctoniques (figure 1) sont généralement enveloppées d'une membrane squelettique augmentant leur protection vis-à-vis du milieu ambiant. La nature chimique de ce squelette peut être très différente d'une espèce à l'autre : chez les diatomées (figure 2) la cellule est enveloppée d'une frustule de nature pectique imprégnée de silice ; les dinoflagellés (figure 3) sont protégées par une enveloppe de nature cellulosique, ou calcaire pour certaines espèces. Quant aux coccolithophorides (figure 4), qui sont parmi les espèces les plus petites, leur squelette est formé d'un ensemble de plaques calcaires (coccolithes) liées entre elles par le mucilage ; les algues bleues (figure 5), vertes ou brunes possèdent des enveloppes cellulosiques.

[Photo : Cellule végétale.]

La membrane plasmique assure la perméabilité sélective des ions et des molécules qui entrent et qui sortent de la cellule. Dans le cytoplasme baignent un certain nombre d’organites, comme les chloroplastes ou les xanthènes, dont le rôle est de transformer les molécules de gaz carbonique et d'eau en oxygène et en composés chimiques évolués, dont nous allons reparler. Le noyau est principalement chargé de l'organisation des transformations effectuées dans le cytoplasme et des tâches génétiques.

Le cytoplasme synthétise d’abord des acides gras (comme les lipides, par exemple) qui servent de produits de réserve, et des sucres, du genre des polysaccharides, appelés mucilages. Ces produits migrent vers l'extérieur de la membrane plasmique et s'accumulent sur le squelette. Les mucilages forment une double peau dont le rôle est de contrôler les échanges de matières avec le milieu extérieur et, le cas échéant, par exemple dans les colonies de diatomées, d’assurer l'adhérence entre les cellules.

Tous ces sucres et ces acides gras constituent une nourriture de choix pour les espèces zooplanctoniques (et pour les poissons !) : les foraminifères (figure 6), les radiolaires (figure 7), les acanthaires — espèces unicellulaires — et les copépodes, les hydroméduses, les ciliés, les mollusques, les ostracodes — qui sont multicellulaires —, en se gavant des produits ci-dessus, ont leurs « coquilles » imprégnées de ces matières visqueuses.

Outre la microflore et la microfaune que nous venons de citer, le plancton contient des œufs de poissons, des larves de lamellibranches (figure 8) ou de crevettes (figure 9) et des spores de macro-algues. On peut trouver aussi, particulièrement dans les lagunes et les marigots, ou dans la mer, près des côtes, des éléments en suspension provenant de la flore et de la faune terrestres, aussi visqueux et colmatants que les précédents, comme par exemple l’amidon, produit de réserve des plantes supérieures. Voilà pourquoi ces eaux de surface peuvent présenter un pouvoir colmatant élevé vis-à-vis des milieux poreux, malgré de faibles masses de matières en suspension dans certains cas.

Processus d'action du chlore

La plupart des systèmes de chloration habituellement utilisés : eau de Javel, chlore gazeux, électrochlorateur, etc.,

[Photo : Diatomées centriques (barre = 10 microns).]
[Photo : Dinoflagellé « Ornithocercus quadratus » (barre = 100 microns).]
[Photo : Coccosphère (Emiliana Huxleyi) (barre = 10 microns).]
[Photo : Algues bleues et vertes × 2000, Anabaena constricta et Hydrolyction réticulatum.]
[Photo : Foraminifère (barre = 10 microns).]
[Photo : Squelette de larve d’échinoderme (barre = 100 microns).]
[Photo : Larve de lamellibranche (barre = 100 microns).]

conduisent à la formation de l'acide hypochloreux HOCl : c'est la molécule active.

Dans une première étape, HOCl, oxydant très puissant, réagit avec les polysaccharides et autres constituants des mucilages, avec les lipides et autres acides gras des matières de réserve, composés visqueux et insolubles dans l'eau :

  • — il casse les longues molécules des polysaccharides pour donner des acides solubles ;
  • — il réagit sur les acides gras aminés, en formant des produits alphacétoniques, également solubles ;
  • — il rompt les doubles liaisons. À ce propos on notera que l'eau de Javel est utilisée pour « casser » et rendre solubles les molécules d'hydroxyéthyl cellulose ou de xanthanes, polymères colmatants utilisés dans les boues de forage.

Toutes ces réactions se traduisent macroscopiquement par une dissolution des matières visqueuses.

Dans la deuxième phase, HOCl s'attaque à la cellule proprement dite : il passe par les pores de la membrane squelettique, puis, du fait de sa petite taille, parvient à diffuser facilement à travers la membrane plasmique ; il réagit avec les composés organiques du cytoplasme, en donnant des produits solubles dans l'eau ; il détruit en passant les produits comme les chlorophylles et les xanthophylles (blanchiment des algues vertes). À ce stade, le noyau est « étouffé » et n'a aucune chance de survie. Cependant la réaction continue encore. D'après Green et Stumpf (2), l'acide hypochloreux réagirait avec une fonction SH d'une enzyme du noyau, provoquant sa « mort » définitive. Le résultat global de cette étape est que la cellule se « dégonfle » par suite d'une migration de molécules maintenant solubles dans l'eau, vers l'extérieur de la membrane squelettique.

[Photo : Algues chlorées x 2000.]
[Photo : Larve de crevette (barre = 100 microns).]

Nous avons pu mettre en évidence cet effet du chlore sur des algues bleues, au moyen de l'expérience très simple suivante : de l'eau contenant ce type d'algues est d'abord bien homogénéisée, puis séparée en deux parties d'égal volume. Dans l'une des parties, on ajoute de l'eau chlorée par petites doses, en agitant soigneusement, jusqu'à ce qu'il subsiste une légère odeur indiquant la présence d'un excès de chlore. Après quelques minutes, la couleur bleu vert vire au brun clair. Chacune de ces solutions est alors filtrée sur une membrane Millipore 0,45 µm. La vitesse de passage à travers le filtre est environ quatre fois plus rapide pour l'échantillon chloré ! Les deux filtres sont ensuite séchés et soumis à une dorure pour être photographiés au microscope électronique à balayage (figures 10-11).

La première observation évidente, bien sûr confirmée par de nombreuses prises de vue, est que la taille des algues est notablement réduite après chloration. Les produits de réaction du chlore avec les longues chaînes contenues dans le cytoplasme et le noyau ont migré vers l'extérieur du squelette cellulosique souple, qui s'est alors rétréci.

La deuxième observation est que les algues ayant été soumises à la chloration présentent des contours beaucoup plus nets que les premières : cela traduit le fait que la dorure s'applique mieux sur les algues lavées au chlore, car la matière visqueuse qu'est le mucilage constitue un support bien moins stable que la cellulose du squelette.

[Photo : Barriel de pompe de relevage.]
[Photo : Algues non chlorées x 2000.]

Dosage et temps de réaction

La quantité de chlore requise pour traiter convenablement une eau dépend, évidemment, de la concentration en acides gras et en sucres divers contenus dans les produits de réserve et mucilages présents autour des matières en suspension dans l'eau. Elle dépend également, dans une certaine mesure, de la teneur en produits organiques oxydables dissous dans l'eau, comme le sont par exemple les matières humiques ; ces composés résultent de la décomposition des cellules végétales mortes d'origine marine ou terrestre. Les acides humiques, d'origine terrestre, sont le plus souvent du type aromatique, alors que les substances humiques, d'origine marine, contiennent plutôt des résidus de protéines et de carbohydrates (13).

De fait, sur les installations que nous opérons, la demande en chlore actif varie grossièrement de 1 à 10 mg/l, selon l'origine de l'eau :

  • — sur l'eau de haute mer, dans le Golfe de Guinée, le dosage requis peut varier de 1 à 4 mg/l selon les sites. Pour un site donné, la demande en chlore peut varier d'un facteur de 1 à 2 selon les périodes de l'année. Sur une de nos unités du Golfe de Guinée, ce facteur peut atteindre 3 ou 4 durant une partie — mai à juillet — de la saison froide ;
  • — sur de l'eau de lagune et de marigot, utilisée en Afrique Noire, la demande en chlore varie de 8 à 10 mg/l.

Sur l'eau de haute mer, la masse de matière en suspension est de l'ordre de 1 à 3 mg/l, alors que sur l'eau de lagune ou de marigot elle atteint 10 à 15 mg/l.

ces valeurs se corrèlent assez convenablement avec les demandes en chlore.

On soulignera que, sur un des sites de haute mer ci-dessus, la demande en chlore avait été évaluée par la méthode du break point (4) avant que l’unité ne soit installée. Les valeurs trouvées en plusieurs moments de l'année se sont révélées être de deux à trois fois supérieures aux dosages effectivement nécessaires en fonctionnement continu. Cette différence provient du fait que dans l’essai de break point, le temps de contact de l’eau chlorée avec l’eau à tester atteint 1 à 2 heures. Dans ces conditions, le degré de réaction du chlore est beaucoup plus poussé que dans les unités industrielles, où le temps de contact n’est que de quelques minutes.

Par exemple, une molécule insoluble dans l’eau, du genre :

R₂  
|  
R₁—C—COOH  
|  
OH

va réagir rapidement avec l’acide hypochloreux pour donner des composés solubles du genre :

R₂  
|  
R₁—OH + Cl—C—COOH  
|  
OH

Si on laisse la réaction continuer beaucoup plus longtemps, il pourra se former des composés du type : CHCl₃, CH₂Cl₂, COOH etc.

Pour résoudre les problèmes de fouling et de colmatage, l’accès à la première étape ci-dessus est suffisant. Dans la pratique, 80 à 90 % du chlore requis est consommé entre le point d’injection, au niveau de la crépine d’aspiration de l’eau, et l’entrée des filtres, trajet représentant 1 à 2 minutes de temps de séjour ; le reste du chlore requis réagit pendant les 5 à 15 minutes que dure le trajet à travers les filtres. En fait, on injecte la quantité de chlore nécessaire pour que la concentration résiduelle derrière les filtres et en amont de la colonne de stripping soit inférieure à 0,5 ppm. Nous avons pu vérifier que tout ajout supplémentaire de chlore, par rapport à la quantité requise ci-dessus, se retrouvait quasiment intégralement dans la dose résiduelle mesurée avant la colonne. Par exemple, sur une unité où, avec une injection de 2 ppm de chlore actif, la concentration résiduelle était de 0,5 ppm, l’augmentation de l’injection à 3,5 ppm conduisait à une teneur résiduelle de 2 ppm : la quantité de chlore ayant réagi est dans les deux cas de 1,5 ppm.

Il faut souligner que les conduites de l’installation en question sont en matériaux composites incorrodables. Avec des lignes en acier, une partie de l’excès de chlore aurait été consommée par la corrosion.

Compte tenu de l’inaptitude relative de la méthode de break point pour évaluer précisément les doses de chlore suffisant à éliminer les problèmes de fouling, et à réduire le pouvoir colmatant, nous préconisons, sur une eau inconnue, d’effectuer un petit essai-pilote dynamique en respectant à peu près les temps de contacts qui existeront dans l’unité industrielle.

Les effets de la chloration sur le fouling et la filtration

Nous rapportons ici quelques observations faites sur des installations industrielles et qui illustrent bien l’action bénéfique de la chloration.

Fouling

Lorsque la chloration est continue et parfaitement contrôlée, les crépines et les tuyauteries véhiculant l’eau restent en excellent état de propreté. Sur la figure 12, on peut voir un barrel de pompe de relevage démonté après 8 mois de fonctionnement : on n’y décèle ni algues ni coquillages ; au toucher, la surface n’est pas visqueuse, comme c’est le cas en l’absence de chloration.

La chloration a un certain effet curatif sur le fouling, du moins tant que l’épaisseur des dépôts planctoniques — ou biofilm — sur les parois est faible. Après des arrêts accidentels du système d’injection, de 24 h ou 48 h, la reprise du traitement de chloration provoque le décollement du biofilm. L’afflux brutal de ces matières pelliculaires sur des filtres à précouche amène un colmatage extrêmement rapide. Sur des surfaces fortement encrassées, la chloration provoquera la mort des gros coquillages et des grosses algues et stoppera ainsi la progression du processus, mais il est évident qu’elle ne pourra pas détruire toute la matière des coquilles de balanes par exemple. En conséquence, de nombreux problèmes liés au fouling — pertes de charge, transfert de chaleur — persisteront. On a donc tout intérêt, et ce qui suit le confirmera encore, à maintenir l’injection de chlore d’une manière aussi constante que possible.

Filtration principale

L'effet de la chloration est particulièrement spectaculaire sur le fonctionnement des filtres à terre de diatomées. Ces filtres, calculés pour fonctionner pendant une semaine entre deux réfections de précouche, avec une eau contenant 0,3 à 1,3 mg/l de matières en suspension, sont colmatés en 24 heures, malgré un nourrissage continu en diatomées, en l’absence d’injection de chlore. Lorsque la chloration est assurée en continu, la durée des cycles atteint 7 jours !

Filtration de sécurité

Il est fréquent d’utiliser des filtres de sécurité en aval de la filtration principale. Ces filtres, généralement à cartouches en fibres de polypropylène, ont pour mission de suppléer à toute défaillance éventuelle de la filtration principale, par exemple une rupture accidentelle des tamis supportant les précouches. Lorsqu’une colonne de désaération est présente dans la ligne, ces filtres de sécurité sont installés en aval de celle-ci.

Pendant une interruption momentanée de l’injection de chlore, des embryons de crevettes ou de coquillages parviennent à traverser le filtre principal, puis la colonne de désaération, et viennent se nicher dans les fibres des cartouches de sécurité. Lors de la reprise de l’injection de chlore, et dans la mesure où la quantité résiduelle, en amont de la colonne, est inférieure à 0,5 ppm, celui-ci ne parvient pas jusqu’au filtre de sécurité, puisque les dernières traces ont été éliminées par stripping, puis par réaction avec le sulfite de sodium injecté pour parfaire la désoxygénation. Les germes peuvent alors croître en toute tranquillité dans leur nid, pour peu qu’ils s’accommodent de l’oxygène résiduel contenu dans l’eau, et atteignent ainsi des dimensions respectables : il nous est arrivé de voir des spécimens de quelques millimètres de longueur. Il s’ensuit un accroissement de la perte de charge autour du filtre, qui oblige à changer les cartouches.

Il est possible de récupérer une partie de la perméabilité des cartouches en maintenant une concentration en chlore

dans l'eau qui les traverse. Cette méthode n'est pas à recommander, car elle provoque l'augmentation de la corrosivité de l'eau ; cependant, dans des cas extrêmes, par exemple en cas de colmatage de la formation, on pourra l'appliquer pour récupérer une partie de l'injectivité. On peut également envisager de nettoyer les cartouches extraites du filtre par immersion dans un bain d'eau chlorée.

Les autres effets de la chloration

Dans les chaînes de traitement d'eau destinée à l'injection dans les formations pétrolières, les parties du réseau haute pression, en aval des pompes d'injection, peuvent comporter quelques éléments en acier ordinaire, comme les manifolds ou les tubings. Or, ces aciers sont très sensibles à la corrosion par l'oxygène (et aussi par le chlore dissous, Annand (3)), et les produits de corrosion formés, comme l'hydroxyde ferrique, pourraient colmater la roche du réservoir.

On est donc amené à assurer une désoxygénation de l'eau, opération qui est réalisée en deux étapes : d'abord une extraction physique dans une colonne de stripping au gaz ou sous vide et, ensuite, une réaction chimique avec du sulfite de sodium. Cela permet d'abaisser la concentration en oxygène de 5 à 7 mg/l à 0,1 ppm environ en sortie de colonne, puis, après traitement au sulfite, à 0,01-0,02 mg/l, seuil considéré comme donnant des vitesses de corrosion sur l'acier acceptables. En remarquant que le taux d'extraction de l'oxygène dans la colonne est voisin de 98 %, on pourrait penser qu'il en est de même pour le chlore : en réalité ce n'est pas le cas. Des essais effectués sur une unité industrielle ont en effet donné les résultats suivants :

  • — entrée de colonne = 6 ppm d'oxygène + 1 ppm de chlore
  • — sortie de colonne = 0,12 ppm d'oxygène + 0,8 ppm de chlore.

En arrêtant l'injection de chlore, la teneur en oxygène à la sortie est de 0,1 ppm. L'efficacité de la déchloration en colonne n'atteint que 20 %. Cela est dû au fait que le chlore est présent dans l'eau sous forme de HOCl plus ou moins ionisé, beaucoup plus lié à l'eau que ne l'est l'oxygène dissous.

Sachant qu'il faut environ 10 ppm de sulfite de sodium pour réagir avec 1 ppm d'oxygène, et que ce ratio est à peu près le même pour le chlore (Annand, 3), il faudrait injecter 9 ppm de sulfite environ pour neutraliser 0,12 ppm d'oxygène et 0,8 ppm de chlore. Si la dose de chlore résiduel en amont de la colonne était maintenue à 0,1 mg/l environ, on devrait trouver en sortie à peu près 0,1 mg/l d'oxygène et 0,08 mg/l de chlore. Il suffirait alors d'injecter 1,8 mg/l de sulfite : une économie de 7 ppm de sulfite est loin d'être négligeable et justifie que l'on s'attache à conserver une dose de chlore résiduel la plus faible possible en amont de la colonne.

En ce qui concerne les bactéries sulfato-réductrices, nous n'avons jamais observé une influence quelconque de la chloration pour des dosages de 1 à 10 ppm ; sur toutes les installations que nous opérons, ces bactéries apparaissent et des traitements par bactéricides appropriés sont nécessaires.

CONCLUSION

En supprimant le fouling des installations et en diminuant le pouvoir colmatant de l'eau, la chloration facilite considérablement le fonctionnement des unités et garantit contre toute prolifération planctonique en aval des installations de traitement.

C'est une opération simple et relativement peu coûteuse par rapport aux économies qu'elle permet de réaliser :

  • — sur la consommation de diatomées, par exemple (réfection tous les 7 jours au lieu de chaque jour) ;
  • — sur les frais d'exploitation (réfection des précouches, acidification des lignes pour attaquer les produits du fouling).

On doit s'attacher à conserver une dose résiduelle de chlore la plus faible possible pour diminuer la corrosivité de l'eau et la consommation de sulfite de sodium.

Enfin, la quasi-continuité de l'injection, par les avantages qu'elle procure, mérite une attention particulière...

BIBLIOGRAPHIE

  1. 1 – Gordon M., Fair and Coll. Jour. AWWA, octobre 1948, p. 1051.
  2. 2 – Green D. E. et Stumpf P. K., « The mode of action of chlorine », Jour. AWWA 38 : 1301-1946.
  3. 3 – Annand R. R. and coll., « Factors in the corrosivity of sea water used for secondary petroleum recovery ». Symposium Fort Lauderdale, 17-18 janv. 77.
  4. 4 – Mémento technique de l'eau. Degremont, 1978. Technique et documentation.
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  6. 6 – Patton C. C., « Oilfield water systems ». Library of Congress n° 74-807886.
  7. 7 – Gouget P., Serna P., « Chaîne de traitement de l'eau de mer ». Rapport interne Elf Aquitaine, 1975.
  8. 8 – Edyvean R. G. et Sneddon A. D., « Filtration et séparation », mai-juin 85, p. 184.
  9. 9 – Ehrhardt J. P. et Seguin G., « Le plancton ». Gauthier-Villars, 1978.
  10. 10 – Encyclopédie des sciences et techniques. Presses de la Cité, 1969.
  11. 11 – Algae and Water Pollution. Mervin C. Palmer, Kennett Square. U.S. Department of Commerce — PB 287 128 (1977).
  12. 12 – Knickrehm M. and coll., « Corrosion 87 », Moscone Center, San Francisco, Cal., 9-13 mars 1987.
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