500 000 tonnes ! Tel est le poids des déchets hospitaliers que les établissements de soins et les collectivités publiques se doivent de collecter, trier, traiter et éliminer chaque année en France… autant d’opérations qui échappent, compte tenu de la spécificité de ces déchets, aux schémas classiques utilisés, en particulier pour le traitement des ordures ménagères. Dans le cadre des règlements sanitaires (nationaux et départementaux) elles appellent en effet des solutions industrielles élaborées, conduites par des professionnels avertis.
Le Guide Technique « Hygiène publique n° 2 », actualisé au 1er septembre 1990, a défini trois types de déchets solides hospitaliers (tableau 1), dont la production annuelle est estimée comme suit :
- les déchets domestiques, assimilables aux ordures ménagères, évalués à 250 000 t ;
- les déchets spécifiques hospitaliers non contaminés, ne comportant ni verre ni métal, estimés à 225 000 t ;
- 25 000 t de déchets à risques et contaminés susceptibles de présenter des germes pathogènes résultant de maladies contagieuses, résidus de blocs opératoires, d’unités d’anatomo-pathologie et pouvant comporter des matériels piquants, tranchants, en verre ou métal, et qui doivent être obligatoirement incinérés.
Une enquête réalisée en 1986 auprès des Établissements de l’Assistance Publique de Paris et de quelques centres régionaux a souligné que les déchets produits par un hôpital étaient en moyenne de 45 l/jour et par lit actif (35 au minimum et 60 au maximum). Dans un centre hospitalier, la moyenne est de 35 l (30 au minimum – 40 au maximum). Elle est de 25 l dans un centre de moyen ou long séjour.
En compactage normalisé, 80 l de déchets pèsent 20 kg.
La collecte et le tri des déchets
Dans le respect des règlements sanitaires, les déchets hospitaliers peuvent être présentés, après tri et collecte, de trois manières différentes.
Ils peuvent être placés en sacs non normalisés : si l’établissement hospitalier ne possède pas de compacteur, les déchets banals sont collectés en sacs ou en bacs plastiques de façon propre aux usages de l’établissement.
Si celui-ci possède des compacteurs, les déchets spécifiques non contaminés sont mis en simple ou double emballage plastique, puis compactés en cartons rigides étanches, à fermeture automatique.
Les compacteurs installés dans les étages à proximité des lieux de production sont équipés de systèmes de purification de l’air et de lampes germicides.
Enfin les emballages spécifiques aux déchets à risques sont stockés dans des fûts en plastique à usage unique et parfaitement étanches. Ils sont mis à la disposition du personnel sur les lieux mêmes de production et doivent être collectés toutes les 48 h au maximum en vue de leur incinération.
Le transport des déchets
De l’hôpital ou de la clinique, les déchets sont transportés jusqu’à l’usine d’incinération dans des chariots spécifiques.
D’un volume de 1 m³, étanches et très maniables, ces chariots peuvent collecter les déchets compactés et les déchets conditionnés non compactés. Ils sont alors acheminés vers un ou plusieurs points de stockage situés à l’intérieur de l’établissement hospitalier avant d’être transportés par des véhicules spécialement aménagés vers le lieu d’incinération.
portent jusqu’à 16 chariots, lesquels déversent leur contenu — sans intervention manuelle — directement dans les fours d’incinération. Vidés de leur charge, ces chariots sont ensuite nettoyés et désinfectés.
Dans chaque unité de traitement et d’élimination des déchets hospitaliers, une zone bien déterminée est affectée à l’arrivée et au stockage des chariots pleins, une autre étant réservée au stockage avant départ des chariots vides, lavés et désinfectés. Pour introduire le contenu des chariots dans les fours d’incinération trois modes de manutention sont utilisés selon la topographie des lieux. Deux s’apparentent au système qui prévaut dans les installations des téléphériques et remonte-pentes : un transport dit par rail aérien comporte un grand nombre de balancelles suspendues, auxquelles sont accrochés les chariots, les palonniers pouvant s’embrayer sur la chaîne qui, elle, tourne en continu. Créteil (et prochainement Caen) utilise ce système.
Un second procédé consiste à accrocher au rail porteur et fixe les balancelles et les chariots. Les premières sont munies de moteurs qui assurent leur translation jusqu’au-dessus des fours. Ce système a été installé à Nantes.
Enfin, dans certaines unités, comme à Agen ou Bayonne-Anglet-Biarritz, un système d’élévation verticale (du type ascenseur) a été mis en place, que complète un procédé de retournement des chariots vidant leur contenu dans les fours.
Dans tous les cas de figure, des automates gèrent les opérations de manutention. Parallèlement, une lecture optique permet de suivre l’arrivée et la provenance des chariots et de contrôler, en bout de chaîne, qu’ils ont déversé leur contenu avant d’être lavés et désinfectés. Un système vidéo assure une surveillance continue de toutes les opérations.
L’incinération
L’incinération des déchets constitue une phase importante dans la chaîne collecte-traitement-élimination des déchets hospitaliers.
Deux cas de figure illustrent la réalité quotidienne. Le premier relève d’incinérateurs appartenant à certains établissements hospitaliers ; le second concerne l’utilisation (réglementée) d’unités adaptées à l’incinération de résidus urbains pour l’élimination des déchets hospitaliers.
On estime que 60 % des établissements hospitaliers parisiens disposent d’un petit incinérateur, mais force est de constater que leurs installations, souvent vétustes, souffrent de déficiences tant dans leur conception qu’au point de vue de leur exploitation. En effet, ces incinérateurs sont utilisés en marche discontinue, laquelle engendre de nombreuses phases de démarrage et d’arrêt particulièrement polluantes. L’absence de chambre post-combustion élève les taux des imbrûlés et d’évacuation des fumées noires, d’autant que la température de combustion (600-700 °C) est manifestement trop faible. Enfin, on note en général un entretien insuffisant des installations, réalisé par un personnel souvent insuffisamment formé.
Le second cas de figure porte sur les unités d’incinération de résidus urbains d’une capacité supérieure à 3 t/h adaptables à l’élimination des déchets hospitaliers. Le guide technique n° 2 et l’arrêté du 23 août 1989 soulignent qu’il est interdit de procéder à l’incinération :
- des sels d’argent et produits chimiques utilisés pour développer les
clichés radiographiques (comme la destruction de ces derniers périmés),
- • des produits chimiques explosifs à haut pouvoir oxydant,
- • des déchets de mercure,
- • des déchets radioactifs,
- • des pièces anatomiques et cadavres d’animaux, destinés à la crémation ou à l’inhumation.
L’arrêté précise les conditions de manutention et de transport des récipients de collecte, du conditionnement et du stockage, lequel ne peut dépasser 24 h. Il fixe en outre le mode d’introduction des déchets dans les fours (pas de manipulation humaine, pas de transit par la fosse).
Quant à la combustion, elle doit répondre notamment à trois critères essentiels. La température de l’ensemble des gaz, contrôlée en continu, doit être supérieure à 850 °C. La teneur en CO doit être inférieure à 80 mg/Nm³ sur gaz humide à 7 % de CO₂ et la teneur en imbrûlés dans les mâchefers inférieure ou égale à 3 %. Enfin, il est fait état du contrôle des circuits d’élimination (bordereau de suivi et des analyses réglementaires).
D’autre part, les règlements sanitaires départementaux complètent et fixent pour chaque département des prescriptions spéciales inhérentes à cette activité.
Les installations pouvant disposer des autorisations administratives regroupent les unités existantes (souvent des unités d’incinération des ordures ménagères adaptables à ce traitement particulier) et les unités conçues en vue de l’élimination des seuls déchets hospitaliers, c’est-à-dire pourvues d’incinérateurs essentiellement combustion pyrolytique. Dans les deux cas, un arrêté préfectoral authentifiant le respect des règles d’hygiène et de sécurité est nécessaire pour l’exploitation de tels centres, ce qui permet de bénéficier des avantages du fonctionnement continu, conduit par des professionnels, d’un système de manutention automatique et d’une bonne combustion en matériels étanches.
L’exemple de « Créteil Incinération Énergie »...
Face aux besoins de traitement et d’élimination des déchets hospitaliers, le groupe Sita-Cofreth et Novergie a créé, il y a trois ans, un service spécifique « D.H. » riche du savoir-faire de ses professionnels et reposant sur quatre concepts fondamentaux : il s’agit d’offrir la même qualité de service, quelle que soit la localisation géographique du marché, d’assurer la responsabilité globale de la collecte et du traitement, de définir et concevoir chaque solution en fonction des besoins, de réduire les coûts au maximum grâce au recours à des solutions industrielles.
Créteil Incinération Énergie est exemplaire à plus d’un point. Choisi par l’Assistance Publique de Paris (30 000 lits et 17 000 t/an de déchets) comme centre de traitement exclusif, il verra au cours de 1992 sa capacité portée de 17 000 à 34 000 t/an.
Le procédé repose sur la base d’un brevet américain ANDCO Torrax développé en France par Caliqua. Les sociétés Cofreth, Sita et Tiru sont propriétaires exploitantes de l’unité conçue initialement pour la destruction des ordures ménagères. L’élimination des déchets hospitaliers ne comporte aucun traitement préalable de ces derniers. Quant aux résultats, ils montrent une réelle efficacité du procédé : les déchets incombustibles sont fondus, le taux d’imbrûlés dans le laitier et les poussières ne dépassant jamais 0,5 %.
Le granulé inerte final représente en volume 5 % des déchets traités. L’étanchéité du système est parfaite, aucune pièce en mouvement n’est exposée à de fortes températures et la qualité des rejets solides et gazeux assure un niveau de pollution réduit.
À noter que le prix de traitement d’une tonne de déchets (hors emballage et transport) est de l’ordre de 1 000 F, prix relativement acceptable comparativement à ceux relevant d’autres procédés et d’autres concepts (qui peuvent atteindre 2 000 F la tonne).
En tant que constructeur et exploitant, « D.H. Novergie » est présent en France sur sept sites : Créteil (capacité 34 000 t en 1992), Nantes (12 000 t), Tronville-en-Barois (3 500 t), Agen (1 500 t), Bayonne-Anglet-Biarritz (3 000 t), Sertiru-Punchy-les-rives (1 500 t), Caen Sirac (mise en fonctionnement juillet 1992). Sont à l’étude des unités dans les régions Centre, Rhône-Alpes et Provence-Côte-d’Azur-Alpes.
... et de Valorena (Nantes)
Dans un bâtiment jouxtant son usine d’incinération des ordures ménagères, la société Valorena* vient de s’équiper d’une chaîne de destruction des déchets hospitaliers entièrement automatisée pouvant traiter 5 000 t/an de déchets contaminés (figure 1). Sans nul doute, l’élimination des déchets hospitaliers pose un ensemble de problèmes délicats, qui s’échelonnent le long des opérations de tri, de collecte, de transport et de traitement.
Les procédés mis en œuvre appellent des investissements importants et des coûts de fonctionnement élevés, notamment en matière d’incinération dans des fours spécifiques, procédé retenu par le groupe Novergie de préférence au système de désinfection par micro-ondes.
Sur un tel marché potentiellement important les résultats obtenus en matière d’économie des procédés mis en œuvre sur l’ensemble de la chaîne seront déterminants dans les choix des industriels et des collectivités, compte tenu des contraintes technologiques et écologiques à respecter.
* Filiale de Cofreth.
[Figure : Tableau I - Classification des déchets hospitaliers]