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Une approche économique pour définir les équipements de prévention des pollutions sur un cours d'eau

30 mars 1987 Paru dans le N°108 à la page 47 ( mots)
Rédigé par : S. MIDOT et P. GOSSE

Les politiques de gestion de l’eau s’efforcent de faire face à l’accroissement des consommations industrielles, agricoles et domestiques, tout en maintenant une certaine qualité à l’eau des rivières pour préserver le patrimoine naturel et le cadre de vie. Les actions entreprises dans ce domaine par les Agences de Bassin ont permis une très nette amélioration de la qualité des eaux des rivières françaises. Il faut cependant constater qu’il n’existe pas d’approche globale pour mesurer objectivement les effets de la politique suivie et vérifier la cohérence des décisions. De plus, il est impossible d’apprécier si une allocation différente des ressources aurait ou non pu conduire à une plus grande efficacité.

L’objet de l’étude décrite ci-après est de proposer un outil de simulation de la gestion d’une vallée, permettant de rechercher la cohérence économique dans le choix des moyens susceptibles d’être utilisés pour améliorer la qualité de l’eau. Ces travaux théoriques ont été appliqués à un cas réel sur lequel des données suffisantes avaient pu être recueillies.

QUELLE APPROCHE ?

La qualité de l’eau d’une rivière peut être affectée par différentes interventions, que ce soient des prélèvements ou des rejets de natures diverses (thermique, chimique, biologique). Pour limiter l’impact de ces interventions, qui ont un effet cumulatif, un certain nombre de dispositions et d’équipements peuvent être envisagés : construction de barrages, stations d’épuration, réfrigérants atmosphériques pour les centrales thermiques... Il s’agit alors de rechercher quelle est la « meilleure répartition » de ces différents équipements compte tenu de leurs caractéristiques économiques et des services qu’ils sont à même d’apporter en matière de réduction des nuisances. À ce niveau, deux constatations s’imposent.

D’abord, la valeur des paramètres mesurant la qualité de l’eau en un point est influencée par toutes les décisions prises en amont de ce point. L’optimum est donc à rechercher sur l’ensemble du bassin fluvial. Ensuite, une évaluation monétaire directe des services rendus par les équipements de prévention des nuisances est difficilement envisageable. Les effets sur l’homme, la faune et la flore d’une amélioration de qualité de l’eau restent encore du domaine qualitatif.

Pour ces raisons, il est plus judicieux d’apprécier la qualité de l’eau par rapport à des objectifs de qualité qui sont supposés garantir l’innocuité des composés présents dans l’eau et préserver les capacités d’autorégénération du milieu aquatique. On s’est donc intéressé à développer une méthode visant à rechercher la stratégie d’équipement la moins coûteuse qui permet de respecter certains objectifs de qualité de l’eau. Il s’agit d’un problème classique d’optimisation sous contraintes.

Pour chaque stratégie, on considère simultanément son coût et les améliorations qu’elle apporte à la qualité de l’environnement. Un premier modèle informatique fournit la valeur des paramètres mesurant la qualité de l’eau (variables d’état) en fonction des décisions envisagées (variables de commande) ; c’est le modèle « physique ». Un second modèle vérifie que les contraintes (objectifs de qualité) sont respectées et que l’on converge vers la solution de coût minimum ; c’est le modèle « économique ».

Le schéma de la figure 1 précise les termes du problème. Il se réfère à la Loire moyenne (de Belleville à Chinon). C’est sur ce cours d’eau que la modélisation a été validée.

Décisions (Variables de commande)

  • - épuration en DBO
  • - épuration en phosphore
  • - puissance des centrales en circuit fermé
  • - puissance à l’arrêt des centrales en circuit ouvert
  • - déstockage des réservoirs

Paramètres de qualité de l’eau : (Variables d’état)

  • - débit
  • - température de l’eau
  • - teneur en oxygène dissous
  • - demande biologique en oxygène (DBO)
  • - concentration en phytoplancton
  • - concentration en phosphore
[Photo : Fig. 1 : Recherche des équipements optimaux.]
[Photo : Représentation schématique de l’écosystème modélisé.]

Le modèle physique — Eutroloire — (a) détermine, à partir de cinq types de variables de commande, l’évolution de six paramètres physico-chimiques et biologiques mesurant la qualité de l’eau. Des modèles similaires ont été adaptés à d’autres cours d’eau.

Le modèle physique intervient comme un module de calcul dans le modèle économique. Ce dernier modèle — Cédipée — (b) utilise les principes de la programmation dynamique et permet ainsi d’accéder rapidement à la solution de coût minimum.

LE MODELE EUTROLOIRE

Les premiers modèles de qualité de l’eau mis au point par EDF ont servi à évaluer l’augmentation de température consécutive à l’implantation éventuelle de nouvelles centrales thermiques. Ils étaient insuffisants pour décrire l’ensemble des effets des ouvrages de production d’électricité sur la qualité de l’eau. Pour cette raison, un modèle plus complet a été mis au point (1). L’écosystème représenté est celui de la figure 2 où sont indiqués les principaux phénomènes pris en compte. Les variables définissant la qualité de l’eau sont celles de la figure 1. Ce modèle, utilisé sur la Loire, peut être adapté facilement à d’autres cours d’eau.

Le modèle a été établi en retenant les hypothèses suivantes :

— la valeur des variables est la même en tous les points de la rivière situés dans un plan perpendiculaire au sens du courant,

— la qualité de l’eau en un point ne dépend que de l’évolution des paramètres en amont de ce point,

— les apports de pollution (ou d’eau de qualité différente) sont ponctuels ; le mélange avec l’eau de la rivière est instantané,

— les variables mesurant la qualité de l’eau sont continues sauf aux points de mélange.

Il en résulte que, sur toutes les parties de la rivière où les conditions extérieures sont fixées un instant donné, la valeur des variables à l’aval est déterminée par l’évolution, pendant le temps de transport, de la valeur des variables à l’amont.

La Loire a été découpée en tronçons (figure 3) à l’intérieur desquels les variables sont continues. L’évolution de ces variables est établie à partir du bilan massique des constituants (2) :

∂Eᵢ(x,t)
─────── = Fᵢ(E₁,…,Eₙ, W₁,…,W_q, C₁,…,C_p)
 ∂tp

Dans cette équation :

* Eᵢ représente une variable d’état,

* Cᵢ une variable de commande,

* Wᵢ un paramètre exogène (météorologie,…),

* x un paramètre de localisation sur la rivière,

* t le temps et tp le temps de transport,

* Fᵢ une fonction caractéristique de l’écosystème définie en chaque point de la rivière.

Les équations différentielles sont résolues par une méthode aux différences finies (c). Chaque tronçon est découpé en segments égaux de longueur l(t) = U(t)·dtp (d) sur lesquels les fonctions Fᵢ peuvent être supposées constantes. Le pas de temps dtp a été choisi de façon à assurer la convergence des calculs ; sa valeur est compatible avec la fréquence des mesures des variables d’état à l’entrée du tronçon.

[Photo : Découpage de la Loire moyenne en tronçons.]

On aura pour la variable E, à l’instant t sur le segment j :

E(j, t) = E(j-1, t-dtp)  
            + F(j-1, t-dtp) · dtp

Le problème est résolu lorsque les conditions limites sont connues :

  • — à l’entrée de la zone d’étude à chaque instant,
  • — en tout point de la zone d’étude à l’instant initial.

La solution est obtenue de l’amont vers l’aval, segment par segment, puis tronçon par tronçon. La valeur des variables d’état est ainsi déterminée progressivement en tout point de la rivière et à chaque instant.

À la tête de chaque tronçon, il est possible de « jouer » sur le niveau des rejets polluants (DBO₅, phosphore ou chaleur) et de mesurer l’effet de cette variation sur la valeur des variables de qualité de l’eau.

Dans les équations d’évolution, la variable biologique (concentration en phytoplancton) n’est pas influencée par les variables liées à la teneur en oxygène dissous. De ce fait, les problèmes d’eutrophisation et d’oxygène dissous pourront être découplés.

On constate pour les conditions hydrométéorologiques de 1977 et 1978 une assez bonne conformité des résultats du modèle aux mesures disponibles. La discussion relative à la validité du modèle Eutroloire et à la sensibilité des résultats à une variation de certaines hypothèses ne peut pas être évoquée ici (1).

La figure 4 montre pour 1978 la sensibilité des résultats du modèle à une variation des rejets de pollution. Trois cas sont considérés et comparés à l’état de référence :

  • — respect d’un débit minimum de 100 m³/s à Orléans,
  • — épuration de 50 % des rejets de phosphore à Orléans,
  • — installation d’une centrale thermique à Belleville (1 300 MW) rejetant sa chaleur résiduelle dans la rivière.

L’état de référence correspond aux équipements de prévention et aux rejets polluants existant au moment de l’étalonnage du modèle. L’effet des décisions sur la qualité de l’eau apparaît clairement :

  • — l’augmentation de débit dilue les pollutions thermique et chimique,
  • — l’épuration en phosphore diminue la concentration en phytoplancton,
  • — l’accroissement de température augmente la concentration en phytoplancton et corrélativement diminue la concentration en phosphore.
[Photo : Fig. 4 : Année 1978 — Profil en long de Belleville à Chinon.]

LE MODÈLE CEDIPE

Le modèle Eutroloire est un outil bien adapté pour comparer différentes stratégies de réduction de la pollution de l’eau. Il doit cependant être complété lorsqu’on désire réaliser une optimisation économique.

Une stratégie est constituée d’une série de décisions élémentaires (variables de commande), indépendantes les unes des autres, concernant chacun des équipements susceptibles de réduire la pollution. Le coût associé à cette stratégie est la somme des coûts (Kᵢ) des décisions élémentaires.

La mesure de l’effet des variables de commande (Cᵢ) sur les paramètres de qualité de l’eau (variables d’état) est effectuée avec le modèle « physique » (modèle Eutroloire).

L’ajustement des variables de commande permet de trouver les stratégies pour lesquelles les variables d’état (Eⱼ) respectent les valeurs limites correspondant aux objectifs de qualité (Oⱼ). Il suffit ensuite de rechercher la stratégie la moins coûteuse. La fonction économique s’intéresse à l’ensemble des coûts sur la période étudiée.

Le problème se formule de la façon suivante :

trouver C₁, …, Cₚ  
qui minimise  

             p  
K = ∫   Σ Kᵢ (Cᵢ, t) dt  
            i = 1  

avec j = 1 … n  

                ∂Eⱼ (x, t)  
                ──────── = Fⱼ (C₁, …, Cₚ, E₁, …, Eₓ, x, t)  
                   ∂tp         (équations du modèle Eutroloire)  

et Aⱼ Eⱼ (x, t) ≤ Aⱼ₀ (x)
  • • p et n sont respectivement le nombre de variables de commande (Cᵢ) et d’état (Eⱼ),
  • • x un repère géographique,
  • • t le temps, tp le temps de parcours et T la période sur laquelle porte l’étude.

Il s'agit d'un problème classique de commande optimale (3). Sa résolution présente cependant certaines difficultés d'ordre pratique provenant du nombre élevé de variables de commande et d'état et de la complexité des équations d'évolution des variables (non linéarité). La mise au point du modèle a donc nécessité de retenir certaines hypothèses simplificatrices.

Pour réduire le nombre des variables, seuls les phénomènes d'eutrophisation ont été étudiés. Cette opération est rendue possible par la séparabilité des variables mise en évidence dans le modèle Eutroloire. Cette simplification ne préjuge pas des solutions à retenir en matière d'épuration en DBO. Elle apparaît justifiée car les phénomènes inquiétants sont relatifs à la prolifération de la biomasse végétale.

S'agissant ensuite de décisions engageant l'avenir, les conséquences économiques doivent être prises en compte sur un échantillon d'années suffisamment étoffé pour être représentatif, d'autant plus que certaines contraintes financières peuvent exister.

Dans le modèle CEdipe, les équipements optimaux sont d'abord recherchés pour chacune des années étudiées. La fonction économique est relative aux dépenses annuelles (g). Ensuite la stratégie optimale « pluriannuelle », qui satisfait la contrainte financière, est définie sur ces équipements annuels. Malheureusement, on ne dispose actuellement que de deux années de mesures ; c'est pourquoi seuls les résultats de l'optimisation « annuelle » seront présentés.

Enfin, la mise au point du modèle a exigé les simplifications suivantes :

  • — le coût des décisions élémentaires est indépendant du temps et de la capacité des ouvrages de prévention ;
  • — seules les baisses de charge des centrales thermiques en circuit ouvert (h) et les lâchures des barrages dépendent du temps. L'épuration est constante et les centrales thermiques sont supposées fonctionner en permanence ;
  • — les variations des variables de commande sont discontinues. Ce choix résulte de la structure des lois d'évolution des variables d'état (non linéarité) et de la méthode de résolution du modèle physique.

La solution optimale est recherchée sur les variables de commande rendues discrètes selon l'algorithme décrit figure 5. Les paramètres entrés dans le modèle CEdipe sont les suivants :

  • — coûts des décisions élémentaires (exprimés en F 1984) établis à partir d'une analyse des coûts passés (4), (5) ;
[Photo : Algorithme de résolution du modèle CEdipe]
  • — objectifs de qualité correspondant en général à des valeurs réglementaires. Pour la concentration en phytoplancton, cette contrainte a été paramétrée. La valeur centrale correspond à une limite couramment admise pour l'apparition de l'eutrophisation ;
  • — pas d'incrément des variables de commande réalistes et permettant d'assurer la continuité de la recherche de la solution optimale.

LES RÉSULTATS DE LA MODÉLISATION

Le modèle CEdipe a été évalué en recherchant les équipements optimaux correspondant à chacune des années 1977 et 1978, supposées se reproduire indéfiniment à l'identique. Les centrales thermiques envisagées sont celles actuellement en construction ou en service (2 × 1 300 MW à Belleville, 2 × 900 MW à Saint-Laurent, 4 × 900 MW à Dampierre et à Chinon). Les rejets de phosphore à Orléans, Blois et Tours, avant épuration, sont respectivement de 10 g/s, 3 g/s et 9 g/s. L'épuration est supposée limitée techniquement à 60 % des rejets polluants. Une station d'épuration en phosphore est supposée installée à Belleville pour simuler les équipements qui seraient situés en amont de la zone étudiée. L'état de référence pour la qualité de l'eau de la Loire correspond aux équipements existants au moment de l'étalonnage du modèle Eutroloire.

Sensibilité à la contrainte sur le débit

Deux cas extrêmes ont été envisagés. Dans le premier, la rivière est supposée dans son état de référence ; dans le second, on considère que toutes les centrales thermiques sont en circuit fermé.

Les débits naturels de l'année 1977 paraissent suffisants pour que le débit reste, dans tous les cas, supérieur à 100 m³/s.

En revanche, en 1978, il est nécessaire de disposer de retenues importantes pour respecter les contraintes fixées au débit. Pour maintenir un débit d'au moins 70 m³/s, il faut disposer d'un réservoir de 39,8 hm³ pour l'état de référence et de 72,8 hm³ lorsque toutes les centrales sont en circuit fermé. Lorsque le débit est porté à 100 m³/s, les capacités des barrages nécessaires deviennent respectivement 335,1 hm³ et 392 hm³. Ces valeurs peuvent être comparées à la capacité utile des barrages de Naussac (150 hm³) et de Villerest (113 hm³) qui sont entrés en service ces dernières années.

Sensibilité aux contraintes sur la température

Le nombre optimal de centrales dotées de tours de réfrigération (circuit fermé) a été recherché.

Les conditions hydrométéorologiques de 1978 imposent que toutes les centrales thermiques soient en circuit fermé. Par contre, en 1977, les débits sont suffisants pour autoriser le fonctionnement de certaines centrales en circuit ouvert. C'est sur ce cas que la sensibilité des résultats aux contraintes sur la température a été étudiée (tableau 1).

La contrainte sur l'échauffement conditionne le nombre des centrales en circuit fermé. Elle est plus pénalisante que la contrainte sur la température qui influence principalement la durée d'arrêt des centrales en circuit ouvert.

À noter que le mode de réfrigération des centrales est, en 1977 comme en 1978, indépendant de la contrainte « débit ».

Tableau 1 : Effet des contraintes températures sur la réfrigération des centrales

Échauffement maximal en °C Température maximale de l’eau en °C
27° 28° 29°
1 800 MW 1 800 MW
4 000 MW 4 900 MW 4 900 MW
5 800 MW 5 800 MW

(1) Puissance en circuit ouvert sur une puissance électrique totale de 11 600 MW.

Sensibilité à la contrainte sur le phosphore

L’incidence du respect d’une contrainte phosphore sur la capacité des stations d’épuration en phosphore a été mesurée à l’entrée de la zone d’étude (tableau 2). La valeur réglementaire de la contrainte (0,2 g de P/m³) conduit à des épurations très importantes, difficiles à réaliser physiquement, qui ne se justifient que pour respecter cette contrainte « phosphore ». De plus, si cette épuration était réalisée, la valeur de la concentration en phytoplancton à Belleville serait très sensiblement modifiée. Pour ces raisons, la contrainte « phosphore » n’a pas été prise en compte dans la suite de l’étude.

Par ailleurs, le tableau 2 met en évidence un paradoxe. Pour satisfaire une contrainte phosphore donnée, l’épuration devrait être plus importante en 1977 qu’en 1978 alors que la qualité de l’eau est meilleure (pour tous les paramètres y compris le phosphore). Ce paradoxe s’explique par l’importance des débits en 1977. Le phosphore à retirer de l’eau (débit × concentration) y est en plus grande quantité qu’en 1978.

Tableau 2 : Variation de l’épuration avec la contrainte « phosphore »

Contrainte phosphore (en g de P/m³) Épuration en amont de Belleville en g de P/s
1977 1978
1 0 0
0,8 0 1
0,6 31 16
0,4 208 7
0,2 458 353

Sensibilité à la contrainte sur le phytoplancton

En l’absence de contrainte réglementaire sur la teneur en phytoplancton, trois valeurs limites, exprimées en mg de chlorophylle « a » par m³, ont été étudiées. La valeur médiane (150 mg/m³) correspond à une valeur couramment admise comme seuil d’eutrophisation.

La sensibilité de la capacité d’épuration à la présence de barrages et de centrales thermiques a été mesurée (tableau 3). En matière de centrales, deux cas ont été envisagés. Dans le premier, il n’y a pas de centrale ; dans le second, une centrale en circuit ouvert respectant les contraintes sur la température est installée à Belleville.

Les débits observés en 1977 sont suffisants pour que le risque d’eutrophisation soit limité. En revanche, l’analyse des situations de 1978 montre l’incidence des différents paramètres sur l’eutrophisation :

  • l’effet de dilution procuré par le débit est d’autant moins efficace que la contrainte sur le phytoplancton est sévère,
  • la présence de rejets thermiques augmente le besoin en épuration en aval de ces rejets. Ce besoin est d’autant plus faible que la contrainte sur le phytoplancton est sévère,
  • bien que le modèle privilégie l’épuration sur la zone d’étude, une très forte épuration en phosphore est toujours nécessaire en amont de Belleville pour éviter l’eutrophisation,
  • l’épuration est la solution la plus efficace (et la moins coûteuse) pour abaisser la teneur en phytoplancton.

Tableau 3 : Sensibilité à différentes contraintes du coût d’épuration en phosphore (en MF)

Contrainte phytoplancton en mg de chl a/m³
Débit minimal Année 130 (mg) pas de centrale 130 (mg) 1 centrale en CO à Belleville 150 (mg) pas de centrale 150 (mg) 1 centrale en CO à Belleville 170 (mg) pas de centrale 170 (mg) 1 centrale en CO à Belleville
de 0 à 100 m³/s 1977 15,0 15,6 0 0
100 m³/s 1978 23,4 25,8 7,2 20,4 1,8 7,8
70 m³/s 1978 24,6 25,8 18,0 20,4 11,4 16,2
0 m³/s 1978 26,4 26,4 19,8 21,0 13,8 17,4

Les stratégies optimales

Les calculs ont été menés à leur terme pour rechercher la solution optimale pour un corps de contraintes correspondant à un cas médian :

température < 28 °C
échauffement < 3 °C
débit > 70 m³/s
concentration en phytoplancton < 150 mg chl a/m³.

Sur la base des données de 1977, il conviendrait d’installer une tour de réfrigération à Belleville et Saint-Laurent, deux à Chinon, trois à Dampierre. L’épuration en phosphore n’est pas nécessaire pour respecter la contrainte phytoplancton ; le débit n’a pas à être soutenu.

Par contre, les conditions hydrométéorologiques de 1978 imposeraient de doter d’aéroréfrigérants toutes les centrales thermiques et de disposer de réservoirs d’une capacité de 72,8 hm³. Le respect de la contrainte phytoplancton oblige d’épurer 25 g de phosphore par seconde en amont de Belleville et 6 g de P/s à Orléans. Le coût annuel de prévention correspondant s’établirait à 191,2 MF, se répartissant en : 21,8 MF pour les barrages, 150,8 MF pour la réfrigération et 18,6 MF pour l’épuration. La présence de centrales thermiques est responsable d’un surcoût de 9,9 MF pour le stockage d’eau et de 0,6 MF pour l’épuration. L’effet des centrales thermiques sur la qualité chimique et biologique de l’eau peut donc être considéré comme négligeable.

L’évolution de la teneur en phytoplancton correspondant à cet optimum pour 1978 est indiquée sur les graphiques de la figure 6. Elle est comparée à celle de l’état naturel.

BILAN

Les deux années sur lesquelles le modèle CÉdipe a été testé peuvent être considérées comme habituelles : 1977 apparaît comme moyennement humide et froide, 1978 comme moyennement sèche et chaude. Malgré cela, les équipements de prévention nécessaires pour respecter un même objectif de qualité de l’eau sont très différents d’une année à l’autre. Cette double constatation montre l’in

L’intérêt du modèle CEdipe. D’une part, il permet (temps de calcul faible) d’étudier un nombre suffisant d’années, condition nécessaire pour définir une stratégie d’équipement engageant l’avenir. D’autre part, il est suffisamment sensible pour quantifier les équipements lorsque les variations sur les conditions hydrométéorologiques sont faibles.

[Photo : Fig. 6 : Année 1978 — Phytoplancton.]

Les résultats préliminaires obtenus avec le modèle CEdipe sont insuffisants pour permettre de prendre une décision en matière d’équipements. Cependant, certaines conclusions d’ordre général peuvent être d’ores et déjà tirées :

— les barrages ne sont à utiliser que pour maintenir le débit, — le choix de la réfrigération des centrales (circuit ouvert ou fermé) n’est imposé que par les contraintes sur la température et d’abord par la contrainte sur l’échauffement, — seule l’épuration en phosphore est utilisée pour réduire la teneur en phytoplancton. La prévention est d’autant plus efficace qu’elle est réalisée en amont de la rivière.

Les travaux sur les modèles Eutroloire et CEdipe se poursuivent. D’une part, de nouvelles années de mesure vont être testées et le modèle écologique est en constant perfectionnement. D’autre part, des phénomènes influençant le fonctionnement du modèle, par exemple la modification de la qualité de l’eau lors des déstockages, sont en cours d’étude.

NOTES

(a) Eutrophisation de la Loire moyenne.

(b) Optimisation Économique pour Diminuer la Pollution de l’Eau.

(c) Les équations différentielles

∂Ei/∂tp = Fi

sont remplacées par l’approximation linéaire :

ΔEi/Δtp = Fi

(d) Le temps de transport tp est lié à la vitesse d’écoulement U(t). On a :

∂x/∂tp = U(t)

(e) Demande Biologique en Oxygène.

(f) Si l’on suppose que les barrages n’interagissent pas les uns sur les autres.

(g) Les charges d’investissement sont prises en compte sous forme d’une annuité constante calculée à partir de la durée de vie des ouvrages et d’un taux d’amortissement économique normatif.

(h) Les centrales en circuit fermé consomment l’eau de la rivière pour évacuer les rejets thermiques dans l’atmosphère grâce à des tours de réfrigération. Les centrales en circuit ouvert rejettent directement la chaleur non transformée en électricité dans l’eau de la rivière.

(i) 1 hm³ = 1 million de m³.

BIBLIOGRAPHIE

(1) Gosse P. Water Quality Modeling in the Middle Reaches of the Loire River. Symposium « Énergie et modélisation ». Louisville 1981. Rapport DER HE 31/81 n° 14.

(2) Gosse P. Un modèle de simulation de la qualité d’eau d’une rivière. Application à la Loire moyenne, Rapport n° 1. Rapport DER HE 31/81 n° 4.

(3) Bernhard P. Commande optimale, décentralisation, jeux dynamiques. Dunod 1976.

(4) Rapport du Groupe de travail « Les coûts de référence de la production d’électricité d’origine thermique » 1985.

(5) L’élimination du phosphore et de l’azote à la station d’épuration d’Orléans — La Source. L’eau en Loire Bretagne n° 32, mars 1983.

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