Parmi les 17 directions régionales qui composent la SAUR, celle de Compiègne couvrant les départements de l'Aisne, l'Oise et la Somme fut désignée comme champ d'expérimentation. Une année d’exploitation d’un tel système a été fertile en enseignements sur la faisabilité de ce nouvel outil.
DESCRIPTION DES MATÉRIELS
Le système est conçu pour surveiller 256 stations de pompage, relevage et traitement dans des communes essentiellement rurales.
Quatorze stations sont pourvues en première phase d’un équipement périphérique dialoguant avec un équipement central installé dans les locaux de la Direction de Compiègne. Son ordinateur de gestion Hewlett Packard HP 3000 a été relié au système.
Les équipements périphériques collectent les informations au moyen de capteurs qui traduisent en signaux électriques les événements et grandeurs physiques à transmettre. Ces signaux sont découplés galvaniquement dans un coffret de saisie dont le rôle essentiel est de bloquer les parasites et surtensions induites sur les câbles de raccordement. Ces signaux filtrés sont ensuite saisis par le coffret transmetteur pour être numérisés, codés puis émis en modulation de fréquence à la vitesse de 50 bauds. Les composants électroniques de ce coffret sont protégés contre les surtensions atmosphériques se propageant sur la ligne PTT et la ligne d'alimentation en énergie, par des boîtiers parafoudres et une bonne prise de terre.
L’équipement central est constitué d'un ordinateur et de ses périphériques dont un clavier de commande, une imprimante 20 colonnes, un disque souple de 8 pouces et un tableau synoptique ; il est de même protégé par des boîtiers parafoudres. Le matériel de type Triton 1000 de la Sevme-Informatique est d’une conception à haut niveau d'intégration et réalisé à partir de microprocesseurs. Les informations transmises sont des télésignalisations, télécomptages, télémesures et des télécommandes. Le réseau autocommuté a été choisi comme support de transmission en raison des distances très importantes entre les points à contrôler et du faible nombre d’informations à transmettre.
FONCTIONNEMENT DU SYSTÈME
Les coffrets transmetteurs sont en veille permanente ; l’apparition d'un événement est prise en compte comme télésignalisation si celui-ci persiste au-delà d'une temporisation prédéfinie. À ce stade de traitement, les télésignalisations sont caractérisées aussi par leur gravité ; celles de poids fort sont transmises impérativement à l'équipement central, celles de poids faible sont mémorisées et transmises uniquement sur appel de ce dernier.
Pendant les heures ouvrées, l’arrivée d'une télésignalisation à l'équipement central provoque l'émission d’un signal sonore, l’édition du message d’alarme sur imprimante, la mémorisation sur la disquette, l’allumage du voyant lumineux symbolisant la station sur le synoptique. L’opérateur de la ma-
chine peut alerter par radio-téléphone l’agent d’exploitation le plus proche de la station en panne.
Pendant les heures chômées, l’Équipement central renvoie aux agents d'astreinte un message parlé sur leur combiné téléphonique. Les alarmes prioritaires sont systématiquement retransmises alors que les alarmes non prioritaires ne le sont qu’en période diurne.
Les stations télécontrôlées sont réparties en secteurs d’astreinte placés chacun sous la responsabilité de trois agents dont les numéros de téléphone sont mémorisés dans l’Équipement central. Chaque agent est appelé tour à tour jusqu’à ce que l’un d’entre eux arrête le cycle à l'aide d'un boîtier d’acquit à actionner devant le combiné téléphonique.
La synthèse de la parole a été préférée à toute forme de signal sonore car si le vocabulaire disponible est limité, il permet par contre d'identifier la station en panne et la nature de la panne.
Afin de contrôler le fonctionnement des coffrets transmetteurs et le bon état des lignes PTT, l’Équipement central est programmé pour appeler l'ensemble des stations une fois par jour. Cette interrogation cyclique est mise à profit pour saisir les volumes d'eau pompée durant les deux principales périodes tarifaires EDF. Pour cela, chaque coffret transmetteur traite localement les informations lues sur la tête émettrice du compteur en effectuant la différence des index à chaque changement de période tarifaire. Les deux derniers résultats sont mémorisés en attente de l'interrogation cyclique qui débute à 7 heures du matin. Ainsi, à l'ouverture des bureaux, l'opérateur peut contrôler le fonctionnement nocturne des installations.
Les coffrets transmetteurs sont capables de saisir et émettre des mesures effectuées par des capteurs analogiques de pression ou de niveau. Des seuils peuvent être définis par programme ou à l'aide de cartes à roues codeuses. Lorsque la mesure atteint un seuil, le coffret transmetteur peut alors générer une télésignalisation ou commander les appareils électromécaniques de la station.
Les coffrets périphériques permettent donc d’effectuer localement des opérations logiques à la manière des automates programmables.
BILAN D’UNE ANNÉE D’EXPLOITATION
Les cartes à microprocesseur à technologie TTL se sont révélées relativement fiables, comparativement aux cartes électroniques traditionnelles puisque en une année d'exploitation ont été dénombrés les incidents suivants :
- sur l’Équipement central : • une panne d'horloge réparée par échange du circuit de contrôle, • une panne de ventilateur remédiée par échange standard, • une panne de relais composeur de numéros de téléphone réparée par intervention du fournisseur ;
- sur les 14 équipements périphériques et remédiés par échange standard : • deux pannes de la carte microprocesseur, • une panne de carte d’acquisition de télécomptage, • une panne de batterie de secours étanche, • trois pannes de tête émettrice de compteur d'eau.
Aucun dégât n’a été relevé sur les relais électromécaniques de découplage et de saisie d’informations.
Malgré une activité kéraunique importante en cette année 1982, aucune carte n’a été détruite par la foudre, mais un nombre important de fusibles a été renouvelé dans les boîtiers de protection.
Si les appareils sont apparus résistants, le personnel chargé de l’exploitation et de la maintenance du système a été confronté à une série d’incidents liés au réseau autocommuté en raison de son évolution permanente :
- les numéros de téléphone des stations peuvent être changés sans avis préalable des directions commerciales PTT. Aussi les corrections des mémoires Eprom de l’Équipement central ont été effectuées à l'aide d'une valise de programmation,- les appels infructueux peuvent être dus aux dérangements de lignes que les PTT réparent toutefois dans un délai inférieur à 24 heures,- la qualité des liaisons fluctue dans le temps ; les niveaux de bruit, l'affaiblissement, l’importance des distorsions peuvent devenir tels que les équipements ne reconnaissent plus les fréquences caractéristiques du protocole de transmission. C’est pourquoi le personnel de maintenance a été formé par le fournisseur aux contrôles de liaison sur oscilloscope et aux divers réglages des modems de transmission.
Ces réglages sont d’ailleurs vraisemblablement sensibles aux variations de température ambiante car plusieurs cartes ont été jugées à tort en panne. Aussi, afin d’améliorer les possibilités de diagnostic in situ, la Sevme a développé une carte de test automatique qui se branche sur le coffret transmetteur et permet de repérer les destructions de composants et les anomalies de fonctionnement :
- les appels de l’Équipement central n’aboutissent pas lorsque les fusibles du boîtier parafoudre ligne sont détruits. Cet incident est fréquent en période orageuse ou dans certains sites exposés,- enfin, les communications ne s'établissent pas lorsque les centraux téléphoniques sont encombrés.
Ainsi, sur quatre mois de télécontrôle de 14 stations, l’Équipement central a réalisé par interrogations cycliques 1510 appels nocturnes parmi lesquels furent infructueux :
- 1 pour changement de numéro de téléphone imprévu,
- - 3 pour dérangement technique du réseau,
- - 3 pour panne de matériel de transmission,
- - 5 pour réglage des coffrets transmetteurs à revoir,
- - 14 pour fusion de fusibles des coffrets de protection parafoudre,
- - 113 pour encombrements du réseau tout à fait aléatoires.
Ces chiffres montrent que pour 106 journées ouvrées, 22 interventions ont été effectuées sur les équipements périphériques. Huit déplacements pour défaillance technique, ayant nécessité la présence de personnel qualifié, restent inévitables.
Afin de diminuer les interventions du personnel local sur les coffrets de protection, la SAUR recherche aujourd’hui systématiquement des appareils dont la conception permette de supprimer les fusibles d’extinction. Cette approche est délicate en raison de la tension de service élevée du réseau téléphonique et de la diversité des composants disponibles sur le marché.
Enfin, la cause essentielle d’appels infructueux pour encombrement fut éliminée en programmant sur l’Équipement central quatre tentatives d’appel répétées.
Les incidents techniques dus au matériel et au réseau étant maîtrisés, les erreurs de conception des programmes peuvent avoir des conséquences de nature à diminuer rapidement la crédibilité du système. Ainsi, une erreur dans le programme des coffrets transmetteurs fut la cause d’émissions intempestives de télésignalisations. L’opérateur voulant vérifier l'état des stations en alarme par une interrogation commandée au clavier, constatait souvent que les anomalies avaient disparu. En fait, le programme validait systématiquement tout événement même fugitif avant la fin de sa temporisation de prise en compte.
Cette erreur a été corrigée par une reprogrammation des mémoires Eprom ; cet exemple illustre encore la souplesse d'utilisation des équipements informatisés.
La mauvaise estimation des temporisations, avant prise en compte d’événements, peut déclencher des interventions nocturnes injustifiées. Ainsi, au début de la période d’expérimentation, la temporisation de la panne secteur EDF avait été fixée à 3 mn. Or, des coupures de courant plus longues sont relativement nombreuses en milieu rural comme en témoigne un relevé effectué durant le mois de juin. Par la suite, la temporisation a été fixée à 30 mn et l’alarme correspondante classée non prioritaire (voir tableau 1).
TABLEAU 1
Durée des coupures secteurs supérieures à trois minutes au mois de juin 1982 (en minutes)
Département |
N° de station |
Période diurne (8 h – 20 h) |
Période nocturne |
AISNE |
01 |
— |
145 9 7 22 3 5 20 13 |
|
02 |
49 50 46 4 8 |
57 16 40 4 20 23 13 |
|
03 |
5 90 8 |
120 8 |
|
04 |
— |
— |
OISE |
05 |
— |
— |
|
06 |
4 20 24 |
— |
|
07 |
3 |
28 |
|
08 |
— |
— |
|
09 |
5 120 |
— |
SOMME |
10 |
— |
8 |
|
11 |
25 43 |
— |
|
12 |
— |
— |
|
13 |
10 |
58 32 33 |
|
14 |
3 |
24 |
La mise au point des programmes d'acquisition de données par le système s’est avérée délicate. Par exemple, afin de saisir par interrogation cyclique les volumes pompés, après le changement de période tarifaire EDF, il faut tenir compte des décalages horaires saisonniers, des différences de tarification entre moyenne tension et basse tension, des périodes tarifaires variables en basse tension, du coût des communications téléphoniques, des heures de charge du réseau téléphonique...
Le système tel qu'il est présenté centralise les informations à la Direction régionale, et il est indispensable que le personnel de terrain se sente toujours responsable des installations techniques et qu’il s’intéresse au système. À cet effet, il est possible de lui réserver un accès aux informations stockées sur la disquette de l’Équipement central. C’est pourquoi une liaison du type RS 232 C a été établie avec l’ordinateur de gestion HP 3000 qui est pourvu de terminaux distants. Chaque centre régional peut alors prendre connaissance des données sur une console vidéo utilisée ordinairement pour la gestion administrative.
Dans l’avenir, des terminaux portables, couplables par liaison acoustique au réseau autocommuté, autoriseront l’accès à partir de n’importe quel combiné téléphonique aux informations de l’Équipe
ment central. Ces appareils permettront également de vérifier l'état d'une station et de passer des télécommandes.
Le tableau 2 symbolise les différentes liaisons pouvant ainsi être mises en œuvre.
[Figure : TABLEAU 2 – Possibilités de retransmission de données sur terminaux dans la Direction régionale de Compiègne.]
CONCLUSION
Cette réalisation a permis de vérifier la bonne tenue des équipements à microprocesseurs dans la mesure où l'installation est exécutée selon les règles de l’art.
La régularité de l’exploitation journalière du système par un opérateur et la rapidité d'intervention des agents spécialisés conditionnent le rendement du système.
Lorsque le personnel d’entretien est pourvu du matériel indispensable et d'une formation assurée par le fournisseur, les coûts de maintenance des équipements périphériques restent limités au regard du prix du système. Par contre, les interventions sur l'équipement central sont souvent confiées au fabricant.
Si l'utilité d'un tel système n’est plus à démontrer en surveillance, son usage en saisie de données reste délicat et fait appel à une collaboration étroite entre les utilisateurs et le fournisseur pour analyser les multiples paramètres des programmes de saisie et de traitement ultérieur.
L'utilisation du réseau autocommuté se prêtant mal à des tâches exécutées sans intervention d’opérateur, les équipements périphériques acquerront à l'avenir plus d'autonomie par le développement conjugué de leurs fonctions d’automatisme et de télétransmission.
La décennie actuelle voit s’accomplir une véritable maturation des divers systèmes de télétransmission dont la fiabilité et les performances croissantes permettront aux utilisateurs entraînés de maîtriser un service toujours plus complexe.
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