[Photo : L’épuration des effluents basée sur la technologie des membranes est propice à l'environnement. Ses applications potentielles partout dans le monde sont multiples ; ici, l'un des quatre systèmes AEA, le MOBI-2 (installation mobile d'ultrafiltration)]
L’épuration des effluents industriels ne figure pas parmi les métiers attirants, mais il s’agit d’un secteur dont le chiffre d'affaires se compte en milliards de francs. Les coûts liés à cette activité sont néanmoins en hausse et les limites imposées par les normes de rejet deviennent difficiles à respecter sans coûteux investissements.
Propice à l'environnement
Cette technique - dont l’empreinte est faible et qui présente un fort potentiel de recy-
clage de l’eau - ne nuit pas à l’environnement et peut être utilisée partout dans le monde. Ses applications sont aussi nombreuses que variées ; depuis l'épuration des nappes phréatiques jusqu’à l’apport d’eau potable aux collectivités isolées du service d'eau public, en passant par la désuranisation de l'eau potable en Inde.
“Le marché de l’épuration des effluents - pour l’élimination des métaux lourds, des hydrocarbures et des composés organiques - est considérable”, déclare le Dr David Coates, Directeur des ventes de déchets industriels pour AEA Technology, une société de recherche scientifique et de construction technique active au niveau international. Le Dr Coates est convaincu que, confrontée à des normes d'une sévérité croissante, l’industrie des effluents dans le monde doit se révéler aussi efficace au niveau de la sauvegarde de l’environnement qu’à celui de la rentabilité.
Méthodes de filtration économiques
AEA Technology a consenti un effort considérable pour développer des méthodes de filtration économiques destinées à l’élimination, dans les effluents industriels, de métaux lourds polluants tels que le cadmium et le mercure. Un projet étalé sur trois ans - financé par le gouvernement britannique par l’intermédiaire de son Ministère du commerce et de l’industrie et du programme d’innovation technologique pour l’environnement (ETIS), par Pall Europe (fournisseurs de membranes) et par AEA - vient de s'achever. “Nous essayons de développer des procédés plutôt que d’offrir une méthode de filtration”, explique le Dr Coates.
Le système mobile d’épuration d’effluents (MOBI), basé sur l’utilisation de différents matériaux placés dans un dispositif de filtration, constitue l'une des techniques les plus efficaces issues de ce programme. Jusqu’à récemment, l’élimination des métaux lourds contenus dans les effluents se faisait par précipitation et sédimentation par gravité. La filtration n’était pas considérée comme une méthode viable, car trop coûteuse en raison de la nécessité de remplacements fréquents de filtres colmatés ou bouchés. Après avoir testé divers aspects de la filtration classique, AEA a concentré les efforts sur la méthode de filtration à contre-courant. Comme le fait apparaître cette dénomination, le passage des boues liquides de part et d'autre des membranes filtrantes, au lieu de les traverser unidirectionnellement, permet d’éviter l’accumulation de gâteaux sur les filtres. L’effet d’affouillement créé contribue à empêcher le colmatage de la surface filtrante par une accumulation de matières solides. On obtient ainsi un rendement nettement supérieur, avec des remplacements ou nettoyages de filtres moins fréquents.
Le MOBI est un système parfaitement adaptable, qui peut aller d'une petite unité à 7 tubes jusqu’à un module de 352 tubes. Les systèmes peuvent être utilisés pour des applications sur eaux propres et polluées. En cas d’utilisation de membranes et floculants différents, la société est en mesure de fournir des solutions permettant de traiter les autres quantités produites liées aux métaux lourds.
Vie utile de l’installation
La charge d’effluents est transférée par pompage depuis la source jusqu’à une cuve de conditionnement où se fait l’addition des produits chimiques ou agents d’ensemencement nécessaires. Les boues sont alors pompées sous pression vers une boucle de filtration, dans laquelle elles circulent à grande vitesse au travers du module à membranes filtrantes. Les modules sont généralement constitués de faisceaux parallèles de tubes, qui sont en matière inorganique afin d’optimiser la vie utile de l’installation. Des membranes organiques peuvent être utilisées si besoin est pour augmenter l’efficacité de réutilisation et le rendement. La charge est poussée par pompage le long des axes à une vitesse pouvant atteindre 5 m/s. La filtration se produit dans un sens tangentiel à celui du courant principal. Le niveau de concentration de matières solides dans la boucle s’accroît jusqu’à un niveau précis, auquel se produit alors un rejet complet ou partiel.
Ce procédé permet de minimiser les quantités produites de déchets, mais le niveau de décontamination due aux métaux est réduit bien au-delà des limites spécifiées dans les normes. Comme l’explique le Dr Chris Wilding, chef des services Technologies de séparation : “Le MOBI permet l’obtention de niveaux de rejets très bas, ce qui le rend précieux pour l’environnement”. Autres avantages de ce système, sa faible empreinte et son potentiel pour le recyclage de l’eau : celle-ci, en effet, ne contient plus de produits toxiques après l’épuration. En outre, les technologies liées aux membranes n'ont aucun pouvoir destructif ou altérant sur certains produits utiles tels que les ions métalliques, les protéines et autres produits organiques, que l’on peut donc récupérer et réutiliser.
Rentabilité
Les sous-produits de l’industrie alimentaire peuvent également être récupérés et utilisés dans les aliments pour bétail, ce qui diminue la charge DBO (demande biochimique en oxygène) et DCO (demande chimique en oxygène) imposée à l’environnement. De ces avantages liés à la réutilisation de permeats et de concentrats, découle une rentabilité accrue. De même, l’essence même du MOBI, à savoir sa capacité de réduction jusqu’à 90 % du volume de déchets, permet des économies considérables sur les coûts d’évacuation.
Le système, en outre, peut assurer le traitement de plusieurs effluents sur le même site. Il ne demande qu’une maintenance minimale, son exploitation est facile et économique. L’acquisition d’un MOBI peut paraître coûteuse, avec des prix qui vont de 235 kF pour une installation d'une capacité de 500 m³/jour, à 11,26 MF pour une installation de 100 m³/heure. Mais si l’on tient compte de tous les avantages offerts par le système, son prix est plus que raisonnable : on l’amortit généralement en moins d’un an.
L’alimentation en eau potable des pays en développement est une nécessité. L’utilisation du MOBI à cette fin est intéressante, car certains éléments peuvent être retirés du système sans modifier le reste de la composition chimique.
Élimination de l'uranium
“Nous avons réussi à désuraniser l'eau potable et l’eau minérale en Inde et en Europe”, explique le Dr Coates. “Au lieu de précipiter l’huile, nous ajoutons un agent d’enlisement dans l’absorbeur et continuons à faire circuler la membrane jusqu’à ce que tout l'absorbeur ait été utilisé. Nous pouvons faire de même avec les matières organiques”. Les applications possibles du MOBI sont infinies, non seulement dans les industries du papier et de la pâte à papier, du textile et de la finition des métaux, mais aussi dans l’industrie alimentaire. Le Dr Coates parle avec enthousiasme d’un projet destiné à améliorer le goût du fromage végé-
tarien, par épaississement du lait de soja. Cette grande adaptabilité est due en partie au fait qu'AESA n’est pas liée à l'utilisation d'une seule même membrane.
“Nous n’avons pas encore trouvé la membrane universelle. Nous construisons les machines et leur adaptons les membranes appropriées. Le secret consiste à trouver la bonne membrane. Nous cherchons toujours celle qui répondra à tous les besoins. Mais entre-temps, nous nous efforçons de réduire tant les quantités de produits chimiques utilisés que la dimension de la membrane. Nous cherchons également à optimiser les méthodes de nettoyage”.
Aujourd’hui, le nombre considérable des applications liées au MOBI montre que la technologie des membranes peut jouer un rôle vital dans les efforts visant à réduire la consommation d'eau, les coûts d’assainissement et, à la fin du compte, la pollution industrielle. ■
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