L'utilisation de membranes permet d'améliorer la qualité de l'eau potable dans le réseau de distribution. Les dégradations potentielles de la qualité de l'eau pendant l'étape de distribution et le souci de mieux répondre aux attentes des consommateurs en leur fournissant une eau peu entartrante, ont conduit au développement d'un nouveau type de traitement décentralisé. Baptisé Satellite( et utilisant une combinaison d'ultrafiltration et de nanofiltration, cette station permet d'assurer la qualité et la sécurité de l'alimentation en eau à l'entrée de zones de consommation.
À l’heure actuelle, les traitements de potabilisation permettent d’obtenir, en sortie d’usine, une eau conforme aux normes européennes, présentant de bonnes qualités bactériologiques, physico-chimiques et organoleptiques.
Pendant son transport dans le réseau de distribution, l’eau, bien que restant conforme aux normes réglementaires, subit certaines évolutions susceptibles de provoquer l’apparition de particules, de turbidité ou de croissances bactériennes.
Pour améliorer la qualité de l’eau distribuée au robinet du consommateur, il est donc nécessaire de prendre en compte et de limiter l’influence du réseau. Cette constatation est d’autant plus vraie que les grandes agglomérations voient leurs systèmes de distribution s’étendre pour un nombre d’unités de traitement constant. L’influence du réseau sur la qualité d’eau se fait donc de plus en plus sentir, au détriment notamment des points les plus éloignés des usines de production.
En plus de ces dégradations engendrées par le transport de l’eau dans les canalisations, il apparaît que le tartre est perçu comme un inconvénient notable par les consommateurs.
Pour répondre à ces différentes exigences de qualité d’eau, le Centre de Recherche Sur l’Eau et l’Environnement de la Lyonnaise des Eaux (CIRSEE) a développé un nouveau concept d’affinage décentralisé utilisant la filtration sur membranes. Ce nouveau procédé est actuellement en démonstration à Dampierre (Yvelines).
L’influence du réseau de distribution
Le réseau de distribution est un vaste réacteur physico-chimique constitué de milliers de kilomètres de canalisations et d’ouvrages de stockage, datant parfois d’une centaine d’années et réalisés en divers matériaux. Il génère des particules et modifie certains paramètres de l’eau, comme la turbidité, les flaveurs ou les numérations bactériennes.
Ces modifications de la qualité d’eau sont dues aux différents phénomènes se produisant aux interfaces liquide-solide ou dans l’eau elle-même : inter-
actions entre l’eau et les parois des canalisations, changements brutaux de régime hydraulique, passage dans les réservoirs, ruptures accidentelles de canalisations, réactions entre le contenu organique dissous de l'eau et les différentes phases en présence.
Les réactions se produisent préférentiellement dans les conduites de petits diamètres où le rapport surface/volume est le plus grand et où les temps de séjour sont élevés.
Limiter ces dégradations n’est pas facile et nécessite la mise en œuvre d'une stratégie globale, comportant notamment un entretien rigoureux du réseau. Celui-ci représentant une immobilisation financière importante, les investissements nécessaires à sa réhabilitation ou à son renouvellement, avec des matériaux moins influents sur la qualité de l'eau, sont par conséquent très élevés et ne se réaliseront pas rapidement.
Pour supprimer ou réduire les nuisances engendrées par le transport de l’eau dans les canalisations, une solution consiste alors à mettre en place des traitements décentralisés, avant les points de consommation, dans les zones où les dégradations de la qualité d’eau sont les plus sensibles.
Les traitements existants
La rechloration est le seul traitement décentralisé utilisé actuellement en réseau de distribution public. Elle permet de limiter les phénomènes de recroissance bactériologique de l’eau distribuée mais cette solution n’est pas toujours satisfaisante dans la mesure où elle ne résout pas les problèmes liés à la turbidité et peut éventuellement entraîner une augmentation des concentrations en sous-produits de désinfection ainsi que la génération de flaveurs.
Au point d’usage, il existe aussi des traitements d’affinage, notamment des appareils de filtration ou d’adoucissement. L’utilisation d’unités de traitement à domicile, en raison du manque d’entretien et du mauvais réglage de ces appareils, pose souvent des problèmes sanitaires.
L'affinage décentralisé
Le nouveau concept d’affinage décentralisé est basé sur les techniques les plus modernes de filtration sur membranes. La station d’affinage présente l‘avantage de pallier, en un seul traitement, tous les risques de nuisances engendrés par le réseau, et de pouvoir fournir une eau peu entartrante.
Cette unité permet tout d’abord l’amélioration de la qualité d'une eau qui a pu se dégrader pendant la phase de distribution, et assure ensuite la sécurité de la distribution face aux éventuels problèmes pouvant se produire en amont. Enfin, elle est modulable, pour répondre à différents degrés de traitement et s'adapter ainsi aux exigences du site d‘implantation.
Applications
La mise en place de la station Satellite se justifie dans différentes circonstances :
- - lorsque l’âge et l’état général des conduites perturbent la qualité de l’eau et lorsque le temps de séjour devient trop important, dans les zones à fort développement urbain par exemple,
- - pour fournir au consommateur une eau moins entartrante, ou pour répondre à des demandes particulières qui exigent une qualité d’eau supérieure aux valeurs réglementaires, dans l’industrie agro-alimentaire notamment,
- - pour une garantie de la qualité de l'eau face aux risques de rupture accidentelle de canalisations ou de contaminations en amont du point de consommation, comme dans les zones sismiques.
Principe de fonctionnement
La station d’affinage traite la totalité de l'eau du réseau à l’endroit où elle est implantée. Le traitement de base mis en œuvre est une ultrafiltration complète du flux avec des membranes Aquasource, qui permettent une rétention totale de la turbidité, des particules et des micro-organismes, assurant, si besoin, la désinfection de l'eau. La nanofiltration (NF) est utilisée sur une partie du flux lorsque l’eau du réseau est trop entartrante. Le seuil de coupure, très bas, permet un abattement important des concentrations en ions divalents et notamment en calcium, mais aussi une réduction de la teneur en matières organiques dissoutes, responsables de la demande en chlore. Le chlore résiduel est ainsi actif dans une plus grande partie du réseau.
Avant la distribution, l'eau nanofiltrée est mise à l’équilibre, par injection de soude, pour éviter les éventuels problèmes de corrosion.
L’eau nanofiltrée est ensuite mélangée au flux directement issu de l’ultrafiltration. La dureté du mélange ainsi obtenu peut être ajustée en modifiant le pourcentage du flux total traité par nanofiltration.
Si nécessaire, les problèmes de goûts et d’odeurs peuvent être résolus en remplaçant la nanofiltration par une étape d’adsorption sur charbon actif en poudre. Celui-ci, injecté en tête du traitement, permet la rétention des composés organiques dissous et des molécules peu polaires, génératrices de goûts et d’odeurs.
Description de l’unité de démonstration
Depuis octobre 1995, une partie du réseau de Dampierre, dans le sud de la région parisienne, est alimentée par une eau de réseau retraitée par une station Satellite combinant ultrafiltration et nanofiltration. D’une capacité de production de 12 m³/h, l’unité alimente 120 abonnés.
Cette étude, réalisée avec la participation financière de l’Agence de l’Eau Seine-Normandie et avec l’autorisation du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France, permet de vérifier l'impact du procédé sur la qualité d’eau dans le réseau, de noter l’appréciation des consommateurs et de valider les données technico-économiques de l'installation.
Première étape du traitement : l’ultrafiltration
L’ultrafiltration est réalisée à partir de deux modules de membranes fibre creuses Aquasource ayant une surface filtrante égale à 70 m². Le fonctionnement de l’ultrafiltration peut se faire en mode frontal (filtration directe) ou avec une recirculation (filtration tangentielle), suivant la qualité d’eau traitée. L’eau étant déjà une eau potable, la filtration à Dampierre se fait toujours en mode frontal. Les modules d’ultrafiltration sont rétrolavés en fonction du colmatage et de la production d’eau. Le rétrolavage est réalisé avec une eau chlorée à 4 mg/l.
Après l'ultrafiltration, le débit de perméat est réparti entre l’unité de nanofiltration et la bâche de production. Celle-ci reçoit aussi le perméat de nanofiltration et permet donc le mélange des deux eaux avant la distribution.
Un microcapteur chlore Chlorscan placé au refoulement permet une mesure en continu du chlore actif avant distribution.
Seconde étape du traitement : la nanofiltration
L'alimentation de la nanofiltration se fait par l’intermédiaire d’une bâche tampon de 1,5 m³. L'eau est ensuite aspirée par une pompe basse pression pour subir une acidification et une addition de séquestrant (hexamétaphosphate). L'acidification par ajout d’acide sulfurique est régulée de manière à obtenir un pH de 6,2. Une pompe haute pression permet ensuite de gaver les modules de nanofiltration à la pression d’usage. Ces modules sont équipés de membranes spirales Filmtec NF 70 et installés en deux étages de filtration permettant d’obtenir un rendement proche de 90 %. Le perméat de nanofiltration est ensuite alcalinisé avec de la soude pour faire remonter le pH à une valeur permettant sa mise à l’équilibre.
Bilan des six premiers mois de fonctionnement
Un suivi analytique de la station et du réseau a commencé quelques mois avant l'alimentation du réseau par la station.
Les résultats confirment l’efficacité de l'adoucissement avec une eau produite à 16 °F de dureté, contre 25 °F en moyenne avant la mise en place de l’unité. Les mesures de Carbone Organique Total de l’eau ont été diminuées de 15 % environ par le traitement.
La mise en place de la station permet d’obtenir une meilleure qualité bactériologique de l’eau, qui se traduit par une diminution d’un facteur 10 des dénombrements de la flore aérobie revivifiable sur gélose R2A.
Les comptages de particules réalisés sur le réseau de distribution montrent aussi une nette diminution de la charge particulaire depuis la mise en place de la station.
Conclusion
L’unité d'affinage décentralisé est une installation modulaire permettant d’éliminer les dégradations éventuelles de la qualité d’eau dans le réseau de distribution, et de mieux répondre aux attentes du consommateur, en lui fournissant une eau peu entartrante.
Les calculs de coûts effectués montrent que ce type de traitement, offrant des performances plus complètes, est plus compétitif que les traitements individuels disponibles sur le marché, à partir de volumes de production supérieurs à 20 000 m³/an.
Sa mise en place peut être justifiée pour sécuriser la distribution et prévenir les risques de contaminations dans les zones nécessitant une protection particulière. Son utilisation principale est cependant envisagée autour des grosses usines lorsque le temps de séjour dans le réseau devient trop important et/ou quand l’état des canalisations le justifie.
L'affinage décentralisé s’adresse ainsi aussi bien à une clientèle de consommation de type habitat particulier qu’à une clientèle exigeant une qualité d’eau particulière, comme les industriels par exemple.
L'affinage décentralisé est un outil au service du gestionnaire de la qualité d’eau dans les réseaux, permettant la mise en œuvre d’une garantie de qualité, sécurité et fiabilité.
