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Un procédé de traitement biologique de l'hydrogène sulfuré dans les réseaux d'assainissement

30 juillet 1993 Paru dans le N°165 à la page 39 ( mots)
Rédigé par : Guy MARTIN et Guénael GRAGNIC

La lutte contre les nuisances olfactives est plus que jamais d'actualité, et les exploitants des réseaux d'assainissement, confrontés aux problèmes liés aux émanations d'hydrogène sulfuré (H2S), y participent. Le procédé Desoreso est un traitement original de l'hydrogène sulfuré par filtration biologique de l'air extrait mécaniquement du réseau d'eaux usées. Les bons résultats obtenus moyennant une exploitation à faible coût rendent attrayant ce procédé écologique de traitement des odeurs.

La lutte contre l’hydrogène sulfuré reste l'une des préoccupations importantes de tout gestionnaire de réseaux d’eaux usées, eu égard au potentiel de dangers et de nuisances qu'il représente ; c’est un gaz toxique, mortel à forte concentration (à partir de 500 ppm), il induit la dégradation des bétons et métaux des réseaux gravitaires, il est responsable de mauvaises odeurs à très faible concentration dans l’air (0,1 ppm).

Les conditions de formation et de dégazage de l’hydrogène sulfuré sont cependant bien connues, et de nombreux traitements existent déjà : ils consistent généralement à ajouter à l'effluent, au niveau des postes de relèvement ou dans les conduites de refoulement, un réactif de nature à :

- inhiber la production de sulfures (en ajoutant des produits oxydants comme le peroxyde d’hydrogène ou l’air), - précipiter les sulfures à l'aide de sels métalliques, les produits employés étant le sulfate ferreux, le chlorure ferrique..., - oxyder les sulfures en soufre colloïdal (au moyen du peroxyde d’hydrogène).

Ces trois types de traitement ont en commun le fait qu’ils agissent sur l’effluent liquide générateur d’H₂S. Le procédé Desoreso décrit ici, installé sur une exploitation du Morbihan, consiste au contraire à traiter l’effluent gazeux contenant l’hydrogène sulfuré.

Le contexte

Les émanations d’hydrogène sulfuré ont lieu au débouché d’une conduite de refoulement d’eaux usées urbaines du réseau d’assainissement de Guer (56). Ce gaz provient notamment de la réduction des sulfates en milieu anaérobie. Le long temps de séjour de l’effluent dans cette canalisation sous pression (12 heures en moyenne) est très favorable à cette réaction : des concentrations de sulfures à la sortie du refoulement ont pu ainsi être mesurées atteignant 15 mgS =/l. Les nuisances olfactives ressenties par les riverains et un début de dégradation du réseau constaté en aval du refoulement imposaient la mise en place d’un traitement, ce qui fut réalisé en mettant en œuvre le procédé Desoreso.

Le procédé Desoreso

Le procédé comprend les trois opérations communes au traitement des gaz : confinement, extraction, traitement.

Confinement

Le réseau d'assainissement se prête bien à cette opération : après obturation des tampons de regards, le volume des tuyaux (ici de diamètre de 200 mm) et des regards ressort à environ 6 m³ par hectomètre de réseau.

Extraction

L’extraction est réalisée par un ventilateur placé dans un local existant et relié au réseau par une canalisation de 20 m de longueur et de 180 mm de diamètre (figure 1).

Le débit du ventilateur atteint 350 m³/h aux conditions appliquées (perte de charge : 8 cm CE).

Les vitesses de circulation de l’air dans les canalisations s’étagent de 1,1 à 2,0 m/s.

[Photo : Fig. 1 – Implantation des équipements du réseau de Guer.]

Traitement

Le traitement est constitué par une filtration biologique sur du maerl, support minéral d’origine marine, constitué à 82 % de carbonate de calcium (tableau I).

Le filtre réalisé en PEHD présente une section circulaire de 0,78 m² et une hauteur totale de 1,50 m. La masse filtrante repose sur un caillebotis situé à 0,50 m du radier (figure 2).

Principe de fonctionnement

L’air aspiré par le ventilateur en fonctionnement continu traverse le filtre de bas en haut avant rejet dans l’atmosphère. L’hydrogène sulfuré dissous dans l'eau d’humidification du filtre est transformé en sulfates sous l’action de bactéries de la famille des Thiobacillus. L’équation théorique de biotransformation proposée par Dalouche et Martin en 1989 s’écrit :

0,42 (H₂S + HS⁻) + 1,5 O₂ + 0,07 NH₃ + 0,36 CO₂ + xH₃PO₄ + yOE → 0,84 SO₄²⁻ + 0,07 C₅H₇NO₂  
(OE = oligoéléments)

Les éléments nutritifs (carbone, azote, phosphore, oligo-éléments) sont fournis par le maerl. Les sulfates formés sont élués dans l'eau d’arrosage et dirigés vers le réseau d’eaux pluviales.

Résultats

L’installation fonctionne depuis bientôt deux ans, et il est possible de dégager les observations suivantes.

[Photo : Fig. 2 – Schéma du filtre.]

Teneur à l’entrée du filtre (figure 3)

Chaque refoulement provoque un dégagement d’H₂S dont la teneur est proportionnelle au temps de séjour de l’effluent dans la conduite de refoulement. Les concentrations s’étendent de 30 à 130 ppm. Pour ce cas de figure, où les temps de séjour sont très importants, la température ne semble pas influencer significativement la production de sulfures : les enregistrements réalisés en décembre, janvier ou mai sont en effet identiques.

La masse de soufre admise quotidiennement sur le filtre est de 30 à 40 grammes.

[Photo : Fig. 3 – Teneurs en H₂S à l’entrée du filtre.]

Teneur à la sortie du filtre (figure 4)

La teneur en H₂S à la sortie du filtre varie de 0 à 15 ppm. La figure 5 rend compte des rendements en fonction de la concentration à l’entrée du filtre. De même que précédemment, les rendements de décembre à mai ne sont pas affectés par la température.

Dans le cas présent, si la désodorisation n’est pas totale, elle suffit cependant à supprimer toute gêne pour le voisinage ; l’ajout d’une couche de 30 cm de charbon actif permettrait d’ailleurs de réduire la concentration jusqu’au seuil olfactif.

[Photo : Fig. 4 – Teneurs en H₂S à la sortie du filtre.]

Il y a lieu de remarquer que l’augmentation de la concentration en nitrates de l'eau d’arrosage, constatée entre l’amont et l’aval de la masse filtrante, indique que le filtre permet également de transformer l’ammoniaque (NH₄⁺) en nitrates (NO₃⁻) sous l’action de bactéries nitrifiantes. Les concentrations en ammoniaque de l’air extrait du réseau d’eau usée restent cependant peu élevées : de l’ordre de 0,1 mg/m³.

[Photo : Fig. 5 – Rendement de l’élimination de l’hydrogène sulfuré mesuré à l’entrée du filtre.]

Protection du réseau

Chaque jour sont extraits du réseau 30 à 40 g de soufre ; si l’hydrogène sulfuré n’avait pas été traité, cela aurait entraîné la formation et le dépôt sur les tuyaux d’environ 100 g/j d’acide sulfurique (36 kg par an). Il convient de préciser que la protection du réseau ainsi obtenue ne concerne que les 200 m de canalisations situés en aval du refoulement. Cette opération ne suffisant pas pour extraire, de l’effluent liquide, la totalité des sulfures produits dans la canalisation de refoulement, d’autres émanations pourront se produire en aval, dans des zones d’écoulement turbulent du réseau gravitaire.

Exploitation

Rendement de l’élution

Ce rendement peut être établi par l’analyse des sulfates contenus dans l’eau d’élution, ce qui fait apparaître que le système d’arrosage permet d’extraire la quasi-totalité des sulfates formés. Il n'est d’ailleurs pas constaté d’augmentation de la perte de charge à l’entrée du filtre.

Production de biomasse

L’excédent de biomasse est également évacué par l'eau d’arrosage. La concentration moyenne des matières en suspension est de 10 mg/l.

Consommations

L’exploitation du procédé entraîne les consommations suivantes :

  • • eau : 500 l/j, soit 180 m³ par an ;
  • • énergie électrique : la consommation du ventilateur est de 1 kWh, ce qui correspond à une dépense annuelle pour un fonctionnement continu de 4 000 F environ ;
  • • masse filtrante : la perte annuelle de ce matériau, quantifiable par l’analyse du calcium dans l’eau d’élution, ressort à 70 kg environ (soit 14 % de la masse installée), ce qui est négligeable en termes de coût.

Tableau IComposition du Maerl

Calcium :326 g/kg
Carbonate de calcium :815 g/kg
Magnésium :38 g/kg
Carbonate de magnésium :132 g/kg
Fer :2,3 g/kg
Sodium :920 mg/kg
Cuivre :27 mg/kg
Manganèse :169 mg/kg
Zinc :124 mg/kg
Iode :31 mg/kg

Entretien

Le dispositif fonctionne sans surveillance particulière. L’entretien est limité à la vérification du fonctionnement électrique (ventilateur et électrovanne) et hydraulique (évacuation de l'eau d’arrosage) ; des visites bi-mensuelles suffisent pour assurer cette maintenance.

Conclusion

Les résultats obtenus, tant au niveau de la protection du réseau d’assainissement qu’en matière de désodorisation, montrent l’intérêt que présente ce procédé dans la lutte contre les nuisances engendrées par les émanations d’hydrogène sulfuré. De par sa simplicité d’exploitation et son faible coût de fonctionnement, il constitue une alternative intéressante aux procédés classiques mettant en œuvre des réactifs chimiques.

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