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Un point sur le traitement des eaux de chaudières à vapeur

30 octobre 1985 Paru dans le N°95 à la page 99 ( mots)
Rédigé par : André OHANIAN

L’évolution du traitement des eaux de chaudières est manifeste ; elle est en particulier la conséquence : - de la généralisation de l’utilisation d’eau déminéralisée pour réaliser l’appoint, - de la technologie des chaudières et de l’élévation des taux de transfert thermique, - du développement de la récupération de condensats pour alimenter les chaudières.

Guigues S.A.

L’évolution du traitement des eaux de chaudières est manifeste ; elle est en particulier la conséquence :

  • - de la généralisation de l’utilisation d’eau déminéralisée pour réaliser l’appoint,
  • - de la technologie des chaudières et de l’élévation des taux de transfert thermique,
  • - du développement de la récupération de condensats pour alimenter les chaudières.

Si les difficultés d’exploitation correspondent toujours essentiellement à des corrosions et à la présence de dépôts, la nature de leurs causes a, dans certains cas, pu varier sensiblement.

OBJET DU TRAITEMENT DES EAUXDE CHAUDIÈRES

Le traitement des eaux de chaudières a pour but de réduire, de neutraliser, d’éliminer les causes susceptibles de provoquer des phénomènes de corrosion ou des dépôts :

  • - dans les circuits d’eau d’appoint,
  • - dans les circuits d’eau d’alimentation,
  • - à l’intérieur des générateurs de vapeur,
  • - dans les circuits de vapeur,
  • - dans les circuits de condensats.

En fait, le traitement est destiné à amener l’eau en chaudière à un niveau de qualité assurant la production d’une vapeur compatible avec son utilisation, tout en garantissant le bon état de conservation de l’ensemble des circuits.

QUALITÉ DE LA VAPEUR

Au cours des décennies précédentes, le niveau de pureté de la vapeur exigé constituait l’élément déterminant pour la qualité de l’eau d’une chaudière et souvent même pour la qualité de l’eau d’alimentation.

Une évolution considérable est constatée avec la réalisation de chaudières à très haut transfert thermique ou de générateurs de vapeur intégrés dans le procédé pour récupérer de l’énergie et ne possédant pas de possibilité de purge de déconcentration classique.

En tout cas, l’utilisateur de la vapeur exige des caractéristiques minimales exprimées par :

  • — la conductivité, mesurée après élimination de CO₂ et après passage sur une résine sulfonique en cycle H,
  • — la silice,
  • — la teneur en alcalins Na, K,
  • — la teneur en oxydes métalliques, dont Fe, Cu.

Lorsque la vapeur produite est surchauffée et doit subir une désurchauffe par injection d’eau, la qualité de cette dernière ne doit pas altérer celle de la vapeur. L’exigence de pureté est très grande quand la vapeur alimente une turbine. Elle peut être très moyenne si la vapeur est exclusivement destinée à du chauffage par exemple ; dans ce cas, la vapeur saturée suffit parfois.

Le schéma représenté figure 1 concerne une installation classique. La pureté de la vapeur dépend :

  • — de l’équipement de séparation eau-vapeur existant dans le réservoir correspondant,
  • — des caractéristiques de l’eau en chaudière, puisque l’entraînement mécanique d’eau dans la vapeur pollue d’autant plus cette dernière que l’eau de chaudière est plus saline,
  • — des régimes de marche (de fortes et brusques variations étant défavorables).
[Photo : Schéma classique eaux-vapeurs avec turbine et condensation.]

La généralisation de l’utilisation d’eau déminéralisée pour réaliser l’appoint aux chaudières s’est accompagnée d’exigences de pureté de plus en plus élevées. Ainsi le turbinier demande-t-il maintenant couramment le respect des normes suivantes :

  • conductivité < 0,3 µS (après dégazage CO₂ et résines en cycle H),
  • silice < 20 µg/kg en SiO₂.

Le contrôle de la silice est fondamental : si elle n’intervient pas directement au niveau des mécanismes de corrosion en chaudière, elle peut être à l’origine de dépôts sur les ailettes de turbines.

L’expérience acquise depuis des décennies indique que ces dépôts ne peuvent se produire que lorsque la teneur en silice de la vapeur dépasse la valeur mentionnée. Pour respecter cette exigence, on doit limiter la concentration en eau de chaudière à un niveau maximal fonction de la pression de marche et du pH.

Quelques valeurs d’exploitation permettent de situer l’incidence de la pression pour garantir moins de 20 µg/kg de SiO₂ :

Pression en bars Silice en chaudière en mg/l SiO₂
50-60 5-10
80-100 2-4
160 0,2-0,3

La silice est d’autant mieux stabilisée en eau de chaudière que son pH est élevé. L’abaque correspondant montre que la teneur limite en chaudière peut doubler pour une augmentation de pH d’une unité environ.

Un excès d’alcalinité pouvant favoriser le taux d’entraînement mécanique d’eau dans la vapeur, un compromis optimal est fixé pour chaque cas.

Au niveau des turbines, on distingue trois zones :

  • t’ > 270 °C : si la vapeur surchauffée contient de la silice, des phénomènes d’érosion peuvent se manifester ;
  • t’ < 270 °C : la silice peut se fixer sous forme de dépôts durs, épais, capables de provoquer une perte de puissance, un déséquilibre, des fissurations voire des cassures d’ailettes ;
  • la zone de condensation où les dépôts ne peuvent normalement se fixer grâce à la présence de l’écoulement continu d’un film d’eau.

EAU ALIMENTAIRE DÉMINÉRALISÉE

Des études économiques ont démontré qu’au-dessus de 50-60 bars, l’utilisation d’eau déminéralisée pour alimenter les chaudières était intéressante comparée à celle de l’eau adoucie. En outre, l’automatisation de plus en plus recherchée, la diminution de consommation d’eau, la fiabilité du contrôle de la salinité et de la silice, font que, même pour des niveaux de pression nettement inférieurs, les exploitants optent de plus en plus souvent pour la déminéralisation.

Les conséquences de ces pratiques sont considérables :

L’eau déminéralisée, en se concentrant en chaudière, ne modifie pas le pH de l’eau ni celui de la vapeur condensée, alors que l’eau adoucie les modifie très fortement selon la réaction de décomposition en deux phases du bicarbonate de sodium :

2 NaHCO₃ (t’/t’’) → Na₂CO₃ + CO₂ + H₂O
Na₂CO₃ + H₂O (t’/t’’) → 2 NaOH + CO₂

ce qui produit du carbonate de sodium (Na₂CO₃) et de la soude (NaOH), qui alcalinisent l’eau de chaudière, en libérant simultanément de l’anhydride carbonique qui acidifie les condensats en suivant le cycle de la vapeur. Le taux de dissociation augmente avec la pression comme en témoigne l’abaque (figure 2).

[Photo : Figure 2.]

L’alimentation en eau déminéralisée permet de corriger le pH de l’eau en chaudière et de la vapeur condensée à l’aide de doses très faibles de réactifs.

La salinité de l’eau est pratiquement nulle, ce qui permet d’annuler presque totalement la purge de déconcentration. Pour conserver cet avantage, on a remplacé le réducteur d’oxygène salin, le sulfite de

sodium Na₂SO₃, par un réducteur « volatil » N₂H₄ qui ne modifie pas la salinité, sa réaction avec l’oxygène produisant principalement de l’azote N₂ (*):

O₂ + N₂H₄ → N₂ + 2 H₂O

La dureté de l'eau déminéralisée n’est pas décelable (< 0,05 °f soit < 0,5 mg/l en carbonate de calcium CaCO₃), ce qui ne nécessite plus d'injection de phosphate, procédure déjà couramment adoptée en conditionnement volatil.

La teneur en silice est très faible et peut être réduite à moins de 10 µg/kg en SiO₂, quand la déminéralisation comporte une chaîne de finition type lits mélangés.

Cette énumération explique l’évolution du conditionnement des chaudières vers l'application exclusive de composés volatils comme l’ammoniaque, les amines neutralisantes, l'hydrazine, etc.

Il faut toutefois se garder de se hâter d’adopter ce traitement simplifié, qui ne peut convenir que lorsqu’un contrôle rigoureux, permanent et fiable de la qualité de l'eau peut être garanti.

TECHNOLOGIE DES CHAUDIÈRES ET ÉLÉVATION DU TAUX DE TRANSFERT THERMIQUE

Certaines chaudières de récupération énergétique ne comportent pas de possibilité de déconcentration. Il n’existe dans ce cas pas d’autre solution, pour éviter tout risque de dépôt, que celle d’alimenter la chaudière en eau excessivement pure possédant les caractéristiques suivantes :

  • • silice < 10 µg/kg en SiO₂,
  • • résistivité > 10 MΩ cm²/cm.

La déconcentration est alors assurée par la vapeur. Toute forme de conditionnement salin est exclue.

Les taux de transfert thermique se sont considérablement accrus dans de nombreuses chaudières modernes au point que les phénomènes de séquestration imposent une eau alimentaire très pure et un conditionnement adapté de type volatil ou à très bas taux de phosphate, si l'on craint une acidité par chlorures (comme c’est le cas de centrales situées en bord de mer).

Les problèmes spécifiques qui peuvent se poser sont :

  • — la déséquestration des composés fixés, dont la silice, qui peuvent atteindre des valeurs excessivement hautes, durant les périodes de démarrage ;
  • — la prolifération ponctuelle de magnétite Fe₃O₄ — oxyde de fer mixte — gênant l’échange thermique et susceptible de provoquer l'éclatement des tubes. À noter que, contrairement à une idée répandue, toute la magnétite n’est pas protectrice, seule la couche la plus profonde et d'une épaisseur voisine d'une dizaine de microns est efficace ; le surplus est préjudiciable ;
  • — l’entrée d’impuretés — fuites au condenseur par exemple — que le traitement volatil ne peut combattre. Un système de sauvegarde comportant des détecteurs doit, à l'apparition d'une pollution, écarter le flux responsable.

(*) Des produits de remplacement sont annoncés pour l’hydrazine, suspectée d’être cancérigène.

RÉCUPÉRATION DE CONDENSATS

L’erreur qui peut être commise est de considérer que l'appoint en eau déminéralisée et la récupération de condensats fournissent une eau alimentaire d’une pureté telle que les contrôles peuvent être relâchés.

L’expérience a déjà montré que l’augmentation du recyclage des condensats nécessite une vigilance constante sur la qualité des eaux. Sinon les impuretés amenées en chaudière peuvent être constituées d’oxydes de fer et cuivre, de calcium, magnésium, de chlorure, d’hydrocarbures ; elles se déposent et provoquent des éclatements de tubes avec fluage du métal si le taux de salissures est prohibitif. La sensibilité des chaudières est une caractéristique spécifique ; un contrôle périodique, tous les ans ou tous les deux ans, d'un morceau de tube prélevé dans la zone la plus exposée à la chaleur, permet d’apprécier l’évolution de la salissure et de décider de l’opportunité d’un nettoyage chimique.

CONCLUSION

L'existence de techniques de production d’eau de plus en plus pure, l'accroissement des performances des chaudières et l’augmentation du coût de l’énergie ont modifié l'optique du traitement des eaux de chaudières, lequel se simplifie en nombre et en quantité de réactifs. La nature des problèmes d’exploitation évolue.

Il ne faut pas néanmoins relâcher sa vigilance devant les entrées accidentelles de substances polluantes susceptibles d’entraîner des arrêts par éclatement de tubes. La récupération accrue de condensats représente le principal danger. On peut limiter ou éviter les difficultés :

  • — en disposant des moyens de détection et de mise à l'écart immédiate des flux pollués,
  • — en installant un poste de traitement des condensats adapté aux pollutions redoutées,
  • — en instaurant un contrôle périodique et routinier du degré de salissure,
  • — en procédant à des opérations de nettoyage chimique pour récupérer l’échange thermique maximal.
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