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Un nouveau produit biocide pour le traitement des eaux : l'Aqucar

30 avril 1985 Paru dans le N°91 à la page 25 ( mots)
Rédigé par : M.-j. DELVAUX-MONDET, R.g.-eagar JR. et L. MARLIN

M.-J. DELVAUX-MONDET – R.G. EAGAR Jr. – L. MARLINUnion Carbide

Divers produits chimiques peuvent être incorporés à l'eau des circuits de refroidissement pour permettre d’enrayer la prolifération d’algues et de boues due aux micro-organismes. Dans les cas extrêmes, où les systèmes doivent être exempts de toute contamination, on a de plus recours à des méthodes très spécialisées telles que l’irradiation.

Parmi les méthodes chimiques, on distingue deux catégories de produits : les produits dits « non réactifs » et ceux dits « réactifs » qui réagissent avec les fonctions présentes sur la membrane cellulaire des micro-organismes ; ces différents types sont récapitulés dans le tableau I.

TABLEAU I

Produits chimiques utilisés pour l’élimination des micro-organismes

Type « non réactif »amines et dérivés quaternaires
composés phénoliques
composés organométalliques
thiols et dérivés
Type « réactif »chlore et dérivés halogènes
oxyde d’éthylène
aldéhydes

L'effet des produits du type « réactif » se situe au niveau de la modification du métabolisme de reproduction des micro-organismes, en particulier en l’inhibant ; ils peuvent également se substituer aux matières organiques sur lesquelles les enzymes se fixent de manière à les rendre assimilables par les micro-organismes. Par ce procédé, les enzymes ne peuvent plus remplir leur fonction d’où résulte la disparition progressive de ces derniers par manque de substances nutritives.

Parmi les produits qui réagissent directement avec les micro-organismes, le chlore et ses dérivés sont le plus fréquemment utilisés, surtout dans les unités de grande capacité. Cependant, en milieu basique dû à l’addition des produits anticorrosifs et aux adoucissants d'eau, leur efficacité est limitée. La quantité de chlore doit être suffisante pour qu’il y ait au moins un ppm de chlore libre dans le système. Cependant, un excès de ce dernier peut réagir avec la lignine des structures en bois des tours de refroidissement et dans les cas extrêmes, provoquer la corrosion des parois métalliques.

Outre ces produits très réactifs, il existe un dérivé appartenant à la famille des aldéhydes qui a prouvé son efficacité dans les conditions les plus sévères du développement d’algues et de boues sans produire les effets secondaires associés au chlore et à ses dérivés. Ce produit, connu sous le nom d'Aqucar, est utilisé couramment dans les tours de refroidissement et laveurs d’air de différentes capacités aux États-Unis. En tant que bactéricide, il présente une activité étendue et permet le contrôle de la prolifération des micro-organismes de divers types.

Activité de l'Aqucar

Son activité vis-à-vis des micro-organismes est basée sur le fait qu'il s'agit d’une molécule réactive et bifonctionnelle : par sa fonction aldéhyde, elle peut, en effet, être oxydée, réduite ou réagir par condensation avec d’autres fonctions. Cette action antimicrobienne a pour origine la réaction entre la fonction aldéhyde et les groupes amines qui sont présents sur les membranes des micro-organismes, laquelle s'effectue principalement avec les amines primaires ; dans le cas des amines secondaires, il est possible, dans des conditions très spécifiques, que la réaction entre la fonction aldéhyde et les amines secondaires puisse avoir lieu mais par contre, les groupes amines quaternisés ne peuvent réagir.

Il est également important de noter que l'Aqucar réagira avec l'ammoniac (lequel peut éventuellement provenir de condensats et être entraîné dans les eaux de refroidissement) ; un ajustement de sa concentration sera donc nécessaire pour maintenir un niveau d'activité suffisant permettant d'agir sur le développement des boues et algues.

De par sa bifonctionnalité, notre produit, en réagissant avec les amines, peut conduire à la formation de composés réticulés. De nombreuses études ont été entreprises pour élucider le mécanisme de la réaction entre sa fonction aldéhyde et les fonctions amines (1) (11). Il a été avancé que le mécanisme de réticulation mis en jeu est alors différent de celui provoqué par les aldéhydes, ce qui repose sur le fait qu’elle est peu sensible à l'hydrolyse en milieu acide. On a proposé plus de dix mécanismes différents (8) (11) selon les conditions dans lesquelles elle s’effectue. Cependant, il est important de noter que, quel que soit le type de micro-organismes présents dans l'eau, des groupes amines existent sur leur membrane cellulaire. Il en résulte donc que l'Aqucar provoque une activité antimicrobienne étendue.

Facteurs influençant l'activité microbienne de l'Aqucar

Sa réactivité envers les micro-organismes dépend du pH du milieu aqueux, du temps de contact, de la température, de la concentration et également du type de système de refroidissement.

Dans des conditions de pH neutre ou basique, il réagit rapidement avec les amines primaires situées sur les cellules des micro-organismes. Par la formation d'un réseau tridimensionnel, les substances nutritives accèdent difficilement à ceux-ci et les déchets qu'ils produisent ne peuvent être éliminés ; en conséquence, on observe une diminution de leur concentration.

Dans le cas d'un pH acide, la réactivité est plus lente. Il a été suggéré que la réaction avait lieu avec la plupart des groupes aminés non quaternisés situés à l'intérieur de la membrane cellulaire. Il est donc nécessaire que la molécule du produit pénètre dans celle-ci, ce qui explique le ralentissement initial de son activité. Dans ce cas, il se produit une modification de la structure interne de la membrane perturbant son activité, ce qui résulte également en une diminution de la concentration des micro-organismes.

[Photo : Effet du pH sur l'activité antimicrobienne de l'Aqucar (Figure 1) – Concentration en Aqucar, Microorganisme : Escherichia coli, Température : 20 °C]

À titre d'exemple, la figure 1 présente les résultats obtenus à différents pH lorsqu'une faible dose du réactif est introduite dans un milieu ayant une teneur élevée en micro-organismes (dans ce cas particulier, les essais ont été effectués avec l'Escherichia coli, bactérie de type gram négative).

Quel que soit le pH du milieu aqueux dans lequel a été introduit l'Aqucar, son action n'en est donc pas moins efficace sur les micro-organismes. D'autre part, bien que chaque type de ceux-ci réagisse différemment, il a été déterminé que le temps de contact optimum était de 18 à 36 heures.

En plus de son action sur les divers micro-organismes présents dans l'eau, notre réactif, lorsqu'il est utilisé en dose-choc de 50 – 100 ppm deux fois par semaine, provoque un nettoyage rapide des parois des circuits de refroidissement ; c'est une caractéristique importante, car l'accumulation d'algues ou de boues le long de celles-ci favorise le développement de bactéries anaérobiques de type sulfato-réducteur qui contribuent à la corrosion des parois métalliques.

Exemples de traitement

L'efficacité du traitement est décrite dans les deux exemples ci-dessous : un circuit de laveur d'air et celui d'une tour de refroidissement, particulièrement pollués par des boues et des algues.

1. — Traitement d'un circuit de laveur d'air

Les caractéristiques des deux laveurs d'air installés dans une usine textile sont indiquées dans le tableau II.

TABLEAU II – Caractéristiques des laveurs d'air d'une usine textile

Laveur d'air I (Usine I) Laveur d'air II (Usine II)
Volume : 6,3 m³ 83 m³
Biocides : DBNPA, pastilles de chlore DBNPA, pastilles de chlore
pH : 6,5 6,5
Activités : tissage cardage, bobinage

Avant notre intervention, le conditionnement de l'eau consistait en l'addition de 75 à 100 ppm d'une solution à 20 % de 2,2-dibromo-3-nitrilopropionamide (DBNPA) deux fois par semaine. De plus, des pastilles de chlore concentré étaient ajoutées chaque jour, la quantité dépendant de l'état du système. Malgré ce traitement, on remarquait une couche épaisse de boues jaunâtres sur les parois des filtres et des diffuseurs d'eau. Par ailleurs, on pouvait observer le long de la bâche, au-dessus du niveau de l'eau, un dépôt rosâtre probablement dû à des algues. Enfin, des boues et des algues restaient attachées aux pales des ventilateurs.

Le traitement

Durant le traitement, 75 à 100 ppm du réactif ont été incorporés au système deux fois par semaine. L'addition des pastilles de chlore fut interrompue.

La réduction importante du nombre de bactéries, observée lors des comptages de colonies effectués sur l'eau des deux systèmes après notre traitement, est caractéristique de son pouvoir bactéricide. En effet, dès la seconde addition d'Aqucar dans les deux systèmes, on remarquait une diminution des algues et de la boue, comme on peut le remarquer sur la photo 1 ; après quatre semaines de traitement, on obtenait le même effet, renforcé sur les parois du système (photo 2). De plus, le contenu du réservoir d'eau qui alimentait les locaux de tissage était moins pollué, alors que la bâche du système de refroidissement qui alimentait les locaux de cardage et de bobinage était totalement nettoyée. Après un traitement de six semaines, l'eau des deux systèmes de refroidissement était claire.

Après un nettoyage général des circuits d’eau et des réservoirs respectifs, le traitement fut repris à une dose de 100 ppm deux fois par semaine. Pendant les cinq semaines qui suivirent, on n’a observé aucun développement d’algues ou

[Photo : Photo 1]
[Photo : Photo 2]

de boues ; l'eau est restée claire à l'exception de fibres textiles aspirées qui restaient dans l'eau. De plus, aucune odeur n’était perceptible.

Un analyseur d’air fut installé dans les locaux, dont le système d’aération avait préalablement circulé à travers les laveurs d'air. Les échantillons d'air étaient pris 10 mn après le début du traitement et pendant des durées allant de 15 à 30 mn. De plus, la concentration en glutaraldéhyde dans l'eau était déterminée régulièrement à l'aide de nos tests.

Les résultats de ces différents tests sont présentés dans le tableau III.

TABLEAU III

Concentration en Aqucar dans l'air et dans l'eau des laveurs d’air d'une usine textile

Normes : Seuil de sensibilité (TLV) : 0,2 ppmv. Seuil de tolérance à l’irritation : 0,3 ppmv. Seuil de détection : 0,04 ppmv.

Temps passé après addition d'AQUCAR (min) Durée de la prise d'air (min) Volume des échantillons (litres) Dosage de l’AQUCAR dans l'air (ppmv) dans l'eau (ppm)
0-15 15 3,2 0,073 1 100-avg 855/1 350
15-45 30 6,9 0,069 1 000
45-60 15 3,3 0,045 1 000
30-45 15 2,7 0,011 500

Il est donc important de noter que même lorsque la concentration du réactif dans l'eau est de l’ordre de 1 100 ppm, sa concentration en glutaraldéhyde dans l'air est très inférieure à la limite fixée par la réglementation américaine.

2. — Usine de gaz industriels

Les caractéristiques de deux des tours de refroidissement sont indiquées dans le tableau IV ; elles sont utilisées pour le refroidissement de l'eau des circuits d'une usine de gaz industriels.

La tour de refroidissement n° 3 était traitée antérieurement deux fois par semaine avec 30 litres de dithiocyanate de méthylène en alternance avec une formulation contenant 23 % d’un dérivé d’ammonium quaternaire et 5 % de tributylnéodécanoate d’étain (quat/étain).

TABLEAU IV

Caractéristiques des circuits de refroidissement d'une usine de gaz industriels

Éléments Tour de refroidissement n° 3 Tour de refroidissement n° 4
Volume 155 m³ 435 m³
Débit/minute 14 m³ 37 m³
Agents biocides Ammonium quaternaire Chlorure de diméthylbenzyl-ammonium
Tributyl néodécanoate d’étain
Dithiocyanate de méthylène
Chlore
Agents anti-corrosifs Phosphate/phosphonate Phosphate/phosphonate
pH 7,0-8,0 7,0-8,0

La tour de refroidissement n° 4 était traitée deux fois par semaine avec environ 30 litres d'un chlorure de N-alkyldiméthylbenzyl-ammonium. En outre, le taux de chlore résiduel était maintenu en permanence à 0,2 ppm. Malgré ce traitement, l'accumulation d’algues et de boues nécessitait l'addition, par un traitement de choc, d’hypochlorite de soude (1-2 ppm de chlore résiduel). De plus, il était nécessaire d'ajouter un antimousse pour éliminer la mousse due à l’addition des dérivés d'amines quaternaires. Bien que le dénombrement de colonies bactériennes ait été faible (5 × 10^4/ml), les parois étaient recouvertes d’une couche épaisse d’algues vertes et de boues. En outre, de par l’addition d’antimousse, un film gras s’était développé sur les parois, favorisant la prolifération des bactéries.

Le traitement

Les deux tours de refroidissement furent traitées avec 40 ppm d’Aqucar avec addition de chlore en continu de manière à maintenir un taux résiduel de 0,1 ppm. Le traitement de choc avec l’hypochlorite de soude et l'addition d’antimousse fut supprimé.

Deux semaines après le début du traitement (photo 3), une partie des algues se détachait des parois dont, après un mois, la surface était nettoyée, comme on peut le voir sur la photo 4. Par ailleurs, on constatait l'élimination des bactéries sulfato-réductrices. Les antimousses ayant été supprimés, le film gras qui recouvrait les parois fut éliminé graduellement.

Les résultats probants ainsi obtenus tant pour le nettoyage que pour le maintien de la propreté du système pendant les mois d’été (particulièrement propices au développement des algues et boues en raison de l'humidité et des températures élevées) ont fait que notre traitement a maintenant été adopté par l'usine.

Biodégradabilité

Un aspect important de notre biocide, en tant qu’agent bactéricide pour le traitement des eaux de tours de refroidissement ou de laveurs d’air, est sa biodégradabilité au-dessous d'une certaine concentration. En laboratoire, la dégradation d'un produit chimique se mesure par sa demande biologique en oxygène (DBO) (12) ; le résultat de ce test est présenté dans le tableau V. D’après ces résultats, on voit qu’en cinq jours environ la moitié du réactif est dégradée. Après mesure par chromatographie en phase gazeuse, il s'avère qu’après cette période, 88 % du produit a réagi.

TABLEAU V Biodégradabilité de l’AQUCAR

Concentration (mg/active) Moyenne de 5 jours bio-oxydation, % Concentration finale (mg/active) Diminution de l'activité %
0,9 71 0,1 89
1,7 55 0,2 88

(a) Demande biologique en oxygène × 100 / Demande chimique en oxygène

(b) (Concentration initiale – concentration finale) × 100 / concentration initiale

Quelle que soit la méthode utilisée, et au-dessous d'une concentration de 10 ppm, aucun effet n’apparaît sur la faune et la flore aquatiques.

Conclusion

Comme l'ont démontré les exemples précédents, l’Aqucar peut agir dans des conditions diverses et éliminer rapidement les algues et les boues. De plus, ce produit agréé par l'E.P.A. (Environmental Protection Administration) étant biodégradable à partir d'une certaine dose, son emploi dans les eaux des tours de refroidissement et des laveurs d’air ne pose aucun problème écologique.

Références

1. C. W. Cater, J. Soc. Leather Trades’ Chemist, 47, 259-272 (1963). 2. C. W. Cater, J. Soc. Leather Trades’ Chemist, 49, 455-469 (1965). 3. J. H. Bowes, C. W. Cater and M. J. Ellis, J. Amer. Leather Chem. Assoc., 60, 275-285 (1965). 4. J. H. Bowes and C. W. Cater, J. Appl. Chem., 15, 296-304 (1965). 5. J. H. Bowes and C. W. Cater, J. Royal Microscopical Soc., 85, (pt. 2), 193-200 (1966). 6. J. H. Bowes and C. W. Cater, Biochim. Biophys. Acta, 168, 341-352 (1968). 7. J. Blass, C. Verriest, A. Leau, H. Detruit and M. Weiss, Pathologie-Biologie, 22, 593-600 (1974). 8. J. Blass, C. Verriest, A. Leau and M. Weiss, J. Amer. Leather Chem. Assoc., 71, 121-132 (1976). 9. P. M. Hardy, D. J. Hughes and H. N. Rydon, J. Chem. Soc., Chem. Commun., 157-158 (1976). 10. P. M. Hardy, A. C. Nicholls and H. N. Rydon, J. Chem. Soc., Perkin II, 958-962 (1976). 11. P. M. Hardy, G. J. Hughes and H. N. Rydon, J. Chem. Soc., Chem. Commun., 759-760 (1977). 12. Standard Methods for the Examination of Water and Wastewater, 14th ed., Part 507 « Oxygen Demand (Biochemical) » and Part 508 « Oxygen Demand (Chemical) », pp 543-554, American Public Health Association, Washington, D.C. (1976).

[Photo : Photo 3]
[Photo : Photo 4]
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