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Un nouveau procédé de désodorisation pour stations d'épuration et de relèvement des eaux usées

30 avril 1988 Paru dans le N°118 à la page 44 ( mots)
Rédigé par : M. TABAIZE

Le problème des nuisances olfactives générées par les ouvrages d’épuration d’eaux usées ou par les installations industrielles, se pose de plus en plus souvent ; bien que ces nuisances aient toujours existé, plusieurs raisons expliquent l’attention plus grande qui leur est portée actuellement : — une sensibilisation probablement accrue aux problèmes d’environnement et, d’une façon générale, à la « qualité de la vie » ; — pour les ouvrages d’épuration d’eaux usées, le rapprochement des zones urbanisées dû à l’extension des villes vers leur périphérie où sont situées la plupart des stations ; — l’évolution des techniques qui permettent, maintenant, d’apporter des solutions efficaces.

(Sté Wemco France)

Le problème des nuisances olfactives générées par les ouvrages d’épuration d’eaux usées ou par les installations industrielles, se pose de plus en plus souvent ; bien que ces nuisances aient toujours existé, plusieurs raisons expliquent l’attention plus grande qui leur est portée actuellement :

— une sensibilisation probablement accrue aux problèmes d’environnement et, d’une façon générale, à la « qualité de la vie » ; — pour les ouvrages d’épuration d’eaux usées, le rapprochement des zones urbanisées dû à l’extension des villes vers leur périphérie où sont situées la plupart des stations ; — l’évolution des techniques qui permettent, maintenant, d’apporter des solutions efficaces.

Une de ces nouvelles techniques se trouve à la base de notre procédé de désodorisation par oxydation électro-chimique*.

Présentation

Parmi les différents procédés de traitement de l’air pour désodorisation, les plus efficaces utilisent un système de laveurs avec une étape d’oxydation réalisée jusqu’à présent par voie « chimique », c’est-à-dire à base d’oxydants tels que ozone, eau de Javel, chlore (1, 2, 3).

Le procédé que nous présentons utilise également un ou plusieurs laveurs, l’innovation consistant à utiliser un générateur électrolytique d’eau de Javel comme moyen d’oxydation.

Le schéma de la figure 1 donne le principe de son fonctionnement.

Les principaux éléments de cette installation sont les suivants :

— la tour de lavage, du type à garnissage, les éléments de garnissage étant constitués de « selles » ou de « sphères creuses » de 50 mm de diamètre, réalisées en polypropylène (surface spécifique : 120 à 135 m²/m³) ; — le générateur d’eau de Javel, constitué d’une ou plusieurs cellules d’électrolyse, selon la capacité nécessaire (0,5 kg/h NaOCl 100 % par cellule), et d’un redresseur de courant alimentant les cellules en courant continu, sur la base d’une puissance nominale de 3 kW par cellule.

Le générateur fonctionne sur la base des réactions chimiques énoncées ci-après :

(1) à l’anode :
2 Cl⁻ → Cl₂ + 2 e⁻
Cl₂ + H₂O → HClO + HCl

Bilan anode :
2 Cl⁻ + H₂O → ClO⁻ + Cl⁻ + 2 H⁺ + 2 e⁻

(2) à la cathode :
Na⁺ + e⁻ → Na
Na + H₂O → NaOH + ½ H₂

Bilan cathode :
e⁻ + H₂O → OH⁻ + ½ H₂

(3) réactions secondaires :
HClO + NaOH → NaOCl + H₂O
HCl + NaOH → NaCl + H₂O

(4) bilan global :
NaCl + H₂O + e⁻ → NaOCl + H₂
(l’hydrogène produit, fortement dilué dans la tour de lavage, est évacué sans problème.)

Il comprend les appareillages suivants :

— la (les) pompe(s) de recirculation sur la tour de lavage ; — la pompe doseuse de soude (pour maintien du pH) ; — la cuve de préparation de saumure : une solution à 20 % (diluée à 10 % dans la tour de lavage) est préparée toutes les deux à trois semaines selon la charge polluante relevée à l’entrée ; — les instruments de contrôle nécessaires au fonctionnement automatique :

pH-mètre à deux seuils (réglés à 8,5 – 9), Redox-mètre, avec régulateur P.I.D. qui pilote le courant continu à la sortie redresseur vers le générateur (la production d’eau de Javel est proportionnelle au courant continu alimentant les cellules), détecteur de débit bas pour assurer la sécurité propre au générateur, ampèremètre/voltmètre (pour mesurer le courant continu alimentant le générateur).

Les principaux avantages du procédé

L’utilisation du générateur électrolytique apporte les avantages suivants :

— efficacité d’abattement très élevée sur les principaux composés malodorants (ammoniac, amines, hydrogène sulfuré, mercaptans, sulfures organiques — diméthyl-sulfure, diméthyl-disulfure… —, indole, scatole, etc.), en raison du phéno-

[Photo : Ville de Saint-Étienne. Unité de désodorisation (25 000 Nm³/h).]

* Dénommé Wemco-Pepcon.

mène d'oxydation « anodique » directe sur les anodes du générateur, et ceci avec des temps de contact de l’ordre de 0,5 à une seconde seulement ;

— coût d'exploitation réduit : le prix de revient du kg d’eau de Javel (100 %) produit est de 2 à 3 fois inférieur au prix du kg de Javel commercial ; le sel utilisé pour l’électrolyse est, en effet, en grande partie régénéré dans la réaction d'oxydation totale des sulfures, selon l'équation :

H₂S + 4 NaOCl + 2 NaOH → Na₂SO₄ + 4 NaCl + 2 H₂O.

L'énergie absorbée par le générateur est de 5,1 kWh par kg de NaOCl 100 %.

À titre d’exemple, le coût d’exploitation annuel d’une unité de 8 000 m³/h est d’environ 70 000 F (pour un fonctionnement continu au débit nominal 8 mois sur 12, et à un débit de 60 % du nominal 4 mois sur 12) ;

— sécurité accrue : pas de manipulation de produits chimiques dangereux tels que chlore, ozone ou eau de Javel concentrée. L'eau de Javel est produite par le générateur à une concentration de 1 à 2 g/l environ, régulée grâce au contrôleur automatique de potentiel Redox ;

— automatisation quasi complète du procédé : une régulation de potentiel Redox couplée au redresseur de courant alimentant les cellules d’électrolyse permet d’ajuster en permanence la production d’eau de Javel aux besoins ; de même, une régulation de pH par addition de soude permet de maintenir le pH à 8,5–9 pour des conditions optimales d’oxydation, selon la réaction précédente.

Tableau I

Ville Capacité de la station (Eq. Hab.) Zones traitées Débit total d’air traité (Nm³/h) Date de mise en service
Saumur 50 000 Relèvement, Dégrillage, Dégraissage, Épaississeur, Digesteur 8 000 septembre 85
Cannes 150 000 Prétraitement, Épaississeur, Filtration des boues, Clarifloculateurs 46 000 août 87
Saint-Étienne 300 000 Épaississeurs, Filtration des boues 25 000 octobre 87
Angers « 1 » 200 000 Relèvement, Prétraitement 7 000 août 87
La Baule Station de relèvement 1 500 / 3 500 décembre 87
Châteauroux 100 000 Prétraitement, Épaississeur, Centrifugation, Stockage boues 15 000 janvier 88
[Figure : Schéma de principe du procédé.]

Exemples de réalisations

La mise en œuvre de la désodorisation d’une station d’épuration nécessite en général plusieurs types de travaux, parallèlement à la réalisation de l’unité de traitement elle-même :

— couverture des zones à traiter (bassins, locaux...), avec le souci de l’étanchéité, du choix des matériaux (anti-corrosion) et du contrôle des débits d’air captés (donc du débit d’air frais), le taux de renouvellement des ouvrages couverts variant de 5 à 10 volumes/heure selon le type d’ouvrage et l’importance des concentrations en polluants malodorants ;

— captation de l'air à traiter au moyen de gaines de liaison l’envoyant vers l’installation de traitement (même souci du choix des matériaux, de l’optimisation des pertes de charge et des possibilités de réglage des différents débits d’air capté). La vitesse nominale dans les gaines est généralement de l’ordre de 10 m/s.

L’unité de traitement elle-même est installée dans un local indépendant dont l'emplacement dans la station est choisi au mieux, en fonction des zones traitées et des emplacements disponibles.

Plusieurs installations utilisant le procédé de désodorisation par oxydation électrochimique sont en service en France. Le tableau I donne quelques caractéristiques des installations en service.

Plusieurs unités sont actuellement en cours de réalisation, notamment à Ajaccio, Sète, Bollène, Angers, Monaco (5, 6). D’autre part, il existe à l’étranger, en particulier aux U.S.A., en Norvège, au Canada et en Australie, environ 135 unités de ce type.

Performances

L’évaluation des performances dans le domaine des odeurs n’est pas simple. Il existe bien une norme Afnor (7) de mesure olfactométrique (avec les limites d’une telle méthode), mais elle est peu employée jusqu’à présent. L’analyse chimique et chromatographique effectuée sur une série de composés ou de familles de composés déterminés nous paraît une méthode plus fiable d’évaluation (8, 9).

La mesure de très faibles concentrations (proches des seuils olfactifs), c’est-à-dire parfois quelques ppb, suppose une très bonne maîtrise des techniques de chromatographie et, de ce fait, elle se révèle assez onéreuse. L’appréciation « subjective »

Tableau II

Stations Type d’installation Composés % d’abattement mesuré Méthode d’analyse
Saumur Station d’épuration (8 000 m³/h) Soufrés totaux (en eq. H₂S) 99,8 (10) Chimique (E.N.S.C.R.)
Cannes Station d’épuration (46 000 m³/h) H₂S 99,9 Chromato
D.M.S./D.M.D.S. 99,9 (11) Chromato
Ajaccio Pilote (1 000 m³/h) CH₃SH 99,8 Chromato
D.M.S. 99,2 Chromato
Indole/Scatol ≥ 98,9 (12) Chromato
Québec (Canada) Pilote (1 700 m³/h) H₂S 99,8 Chromato
New Jersey (U.S.A.) Station d’épuration (15 000 m³/h) H₂S 99,9 Chimique
CH₃SH 99,9 Chimique

Des résultats par un « jury d’odeurs » permettent souvent d’évaluer l’efficacité du système et, d’autre part, l’avis des plus proches voisins constitue un indice majeur de la bonne marche de l’installation.

Le tableau II donne quelques résultats mesurés sur des installations en service ou testés sur pilotes.

Conclusion

Nous pensons avoir démontré combien le procédé de désodorisation par oxydation électrochimique apporte un « plus » par rapport aux procédés existant dans le domaine du traitement des odeurs, aussi bien du point de vue de l’efficacité que du coût opératoire et de la sécurité.

BIBLIOGRAPHIE

(1) Bouscaren : « Les odeurs et la désodorisation », TSM 06/84, 313-320.

(2) Jarosz : « Désodorisation par lavage chimique », TSM 06/84, 325-329.

(3) E.P.A. : « Design Manual », E.P.A. 625/1-85/018, « Odor and Corrosion Control in Sanitary Sewerage Systems and Treatment Plants ».

(4) D.-H. Renoult & M. Tabaize : « La production par électrolyse d’eau de Javel diluée. Un nouveau générateur autonome », L’Eau, l’Industrie, les Nuisances, avril 84/82, 38-40.

(5) R. Bouchet : « Assainissement de la Principauté de Monaco ». Communication au Symposium de Marseille (11/87).

(6) F. Blondeau — F. Leblanc — H. Paillard : « Les nuisances olfactives en assainissement, causes et remèdes ». Communication au Symposium de Marseille (11/87).

(7) Afnor, Norme X 43-101 (07/1982).

(8) E.N.S.C.R. (Chimie de Rennes). Protocole pour le prélèvement et l’analyse chimique des gaz malodorants. Pr. Martin — oct. 1979.

(9) Anselme, Manem, Beuchet, Caillet : « Les problèmes d’odeurs dans l’atmosphère des stations de traitement d’eaux usées : identification et dosage des molécules responsables », T.S.M. 03/85, 141-148.

(10) R. Morichon : « Mémoire de D.E.S. présenté le 23-11-1987 devant l’université de Limoges » (2ᵉ partie : Étude expérimentale — Station de la Ville de Saumur).

(11) Europoll/Ville de Cannes : Rapport de réception de l’unité de désodorisation de Cannes (07/87).

(12) Agence R.M.C. : Rapport d’essais pilote/Ajaccio — 06/86. Essais comparatifs ozone/électrochloration.

[Photo : Ville de Cannes. Unité de désodorisation (46 000 Nm³/h). Générateur électrolytique d’eau de javel.]
[Publicité : Pierre Johanet & Fils Editeurs S.A.]
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