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Un nouveau procédé de dépoussiérage à haute température des gaz d'incinération des déchets

30 janvier 1989 Paru dans le N°124 à la page 45 ( mots)
Rédigé par : A. HERBET

Bien qu’existant sur le marché depuis fort longtemps, les dépoussiéreurs à couche filtrante ne sont utilisés, à grande échelle, pour le dépoussiérage des fumées de combustion du charbon, que depuis la dernière décennie. On les emploie depuis moins longtemps encore sur les fumées de combustion des déchets.

La baisse du prix du pétrole a rétabli, en son temps, les conditions d'une véritable concurrence entre les différentes sources d’énergie primaire et, bien que la substitution du pétrole par le charbon se soit ralentie, l'effet psychologique de la crise a fait que l'incinération des déchets a pris de l'intérêt. Ceci s’explique, à la fois, parce que les déchets sont produits en volumes d’importance croissante, saturant la capacité des dépôts naturels (lesquels trouvent leurs limites sur le plan écologique) et aussi parce que ces déchets représentent une source abondante d’énergie, facilement accessible à un coût très bas. Les inconvénients pour l'environnement, liés à cette utilisation, peuvent maintenant être surmontés à l'aide d'une base de solutions techniques connues et maîtrisées lors de leur application sur des chaudières à charbon de petite capacité. Les solutions techniques ainsi mises en place permettent en effet d’abaisser substantiellement les coûts d’investissement et d’exploitation liés au traitement préalable des fumées et au dépoussiéreur, tout en respectant les normes imposées par le législateur, en les dépassant même lorsque l'installation est bien conduite.

L’incinération des déchets

L'incinération des déchets urbains, industriels ou hospitaliers nécessite l'emploi de techniques relativement sophistiquées visant à réduire les déchets solides, qui se présentent en quantités croissantes dans les zones à forte densité de population et fortement industrialisées. Elle transforme les déchets en résidus inertes et stérilisés avec une émission de vapeur d'eau (environ 10 %), de dioxyde de carbone, de gaz acides, de métaux lourds variés (sous forme particulaire et gazeuse), d'hydrocarbures, de métalloïdes et de poussières sèches de composition très variée. Avant leur rejet à l'atmosphère, les gaz de combustion doivent être traités chimiquement pour réduire leurs composantes en acides et métaux lourds, et ensuite dépoussiérés pour répondre aux nouvelles normes de la législation (arrêté du 9 juin 1986). Dans de nombreux cas, le coût du processus d'incinération peut être contrebalancé par la récupération de la plus grande partie possible de l'énergie produite par la combustion.

La combustion a lieu en trois phases qui se chevauchent et interagissent entre elles :

  • — une phase de séchage par l'air chaud déjà présent dans le procédé ou introduit au démarrage, durant laquelle les matières volatiles se dégagent en premier,  
  • — une phase de pyrolyse,  
  • — une phase de gazéification des composés carbonés, menée jusqu’à combustion totale du carbone.

Il y aura d’autant moins de poussières entraînées dans les gaz de sortie de combustion que les trois phases ci-dessus seront bien effectuées, mais, en pratique, de nombreux paramètres influencent la combustibilité des déchets :

  • — leur taux d’humidité,  
  • — leur débit d’introduction et leur distribution dans le four,  
  • — leur composition, qui peut varier en fonction des zones de prélèvements.
[Photo : Schéma de principe d’une installation de dépoussiérage à haute température des gaz d’incinération de déchets.]

de la saison,

  • — leur temps de résidence dans le procédé,
  • — l'insuffisance d'air de combustion, peut-être créée par un excès de dégagement de matières volatiles,
  • — l'excès d'air de combustion, qui peut diminuer le temps de résidence, etc.

Tous ces paramètres, s'ils sont mal contrôlés, peuvent contribuer à créer une combustion incomplète dont les produits indésirables (monoxyde de carbone, hydrocarbures, dioxines/furanes) sont d'importantes sources de complications et de pollution physique et olfactive. Les taux des CO/CO₂, relevés dans les gaz constituent un indicateur important de l'efficacité de la combustion : il peut varier de 1 à 10 lors d'une marche discontinue ou lors des périodes de démarrage ou d'arrêt.

Pour assurer une bonne oxydation et éliminer les mauvaises odeurs, une chambre de post-combustion est souvent prévue ; dans certains pays elle est même obligatoire sur toutes les installations.

Les métaux lourds

Le refroidissement des gaz avant rejet à l'atmosphère est obligatoire afin de protéger les médias filtrants (dont la température d'utilisation est limitée à 260 °C) et éventuellement de diminuer la vitesse d'éjection des gaz par la cheminée d'évacuation. Un refroidissement à 140 °C permet la condensation des métaux lourds, qui sont alors agglomérés aux autres matières en suspension et peuvent de ce fait être arrêtés avec les autres particules par le dépoussiéreur. Parmi ces métaux, on rencontre :

  • — le mercure : les batteries alcalines en fournissent 60 %, les papiers environ 13 % et les plastiques aux alentours de 10 % ;
  • — le cadmium : les batteries au cadmium en apportent également 60 % et les plastiques environ 26 % ;
  • — le chrome, amené par les caoutchoucs et les cuirs pour à peu près 42 %, et 43 % par les déchets métalliques.

Ces valeurs mettent l'accent sur l'importance des méthodes de séparation avant incinération, non seulement pour contribuer à un abaissement des rejets dangereux, mais également pour améliorer la combustion et donc abaisser le taux d'empoussièrement des gaz. En effet, des essais pratiqués récemment ont montré qu'une bonne préséparation amenait 22 % d'amélioration du rendement de la combustion, avec augmentation de 17 % des déchets inertes de combustion (contenant 48 % de plomb et 13 % de cadmium en plus) et 45 % de matières volantes en moins ; simultanément, les taux d'émission baissaient de 76 % pour le mercure, de 72 % pour l'arsenic et de 41 % pour le plomb.

Les gaz acides

Mis à part les métaux ou leurs alliages, les déchets à incinérer peuvent être répartis en quatre grandes fractions classées par ordre de combustibilité décroissante : les papiers et dérivés, les matières plastiques, les matières organiques et les déchets minéraux.

Les papiers et les plastiques représentent 60 à 80 % du pouvoir calorifique, mais il n'y a pas de répartition-type des quatre fractions citées car les compositions varient selon les pays, les villes, les types d'industries locales, les modes de collecte et éventuellement de stockage, etc.

Outre le volume d'air à traiter, il est important de connaître, pour la détermination d'une installation de dépoussiérage, la charge polluante potentielle d'un ensemble d'échantillons, puis dans une même zone pendant une période représentative. Les principaux ions acides à réduire sont les anhydrides sulfureux et sulfuriques, les chlores et les fluors qui, par combinaison avec la vapeur d'eau, produisent des gaz acides dès que leur température atteint leur point de rosée. Ces éléments génèrent des agressions chimiques sur les parties métalliques abritant le procédé et attaquent l'environnement naturel sous forme de pluies acides.

Le papier, qui peut paraître inoffensif et qui produit la meilleure combustibilité, contient un tel pourcentage de chlore qu'il peut en générer jusqu'à 380 mg/kg MS, ce qui fait qu'il justifie à lui seul une réduction des gaz à la chaux afin de diminuer la production d'acide chlorhydrique.

Le pourcentage de chlore peut être plus grand dans les plastiques, mais il y est en général présent en plus petite quantité que le plomb, le cadmium, le soufre, en général largement représentés.

Les matières organiques quant à elles contiennent un bon pourcentage de plomb et de mercure.

La réduction des gaz acides par la chaux

Le principe de la réduction des gaz acides par la chaux a commencé à être utilisé vers 1970, pour le charbon, à l'aide d'un procédé appelé le lavage humide, qui consiste en une fine dispersion de chaux ou de carbonate de calcium, mise en contact avec les gaz de combustion, préalablement dépoussiérés par un électrofiltre et refroidis. Si la marche est continue, la stabilité de l'émission à l'atmosphère reste bonne et la réduction s'effectue assez bien. L'inconvénient est la production abondante de déchets liquides dont la mise en décharge est difficile, et dont le recyclage avec l'emploi de gypse offre peu de débouchés.

L'autre famille, plus récente, est celle des procédés semi-secs, qui consistent à injecter un lait de chaux finement broyée dans le courant de gaz, avant dépoussiérage. Les poussières sont ensuite retenues en aval par un filtre à manche, le plus souvent préféré à un électrofiltre, la réaction chimique CaO/SO₃ + SO₂ pouvant se poursuivre sur la couche filtrante. Ce procédé nécessite un investissement un peu moindre que le précédent, mais il consomme davantage de chaux et son efficacité est d'environ 5 à 10 % inférieure au précédent. Son avantage disparaît en présence de fortes teneurs en soufre.

Les résidus obtenus contiennent des cendres volantes, gênantes pour la fabrication du gypse, aussi sont-ils plutôt utilisés pour le gypsage du ciment ou la fabrication de gravillons synthétiques très résistants, car, là aussi, leur mise en décharge pose des problèmes dans certains pays.

Il existe d'autres procédés, dits régénératifs, pour la réduction des acides, dont nous ne parlerons pas ici.

Un nouveau procédé de réduction des gaz acides

Beaucoup de procédés nouveaux, visant à économiser ou à substituer un autre produit à la chaux, en sont à un stade d'essai plus ou moins avancé, car les coûts de la désulfuration, déjà très élevés, ne font que s'accroître avec les

exigences de la législation qui devrait bientôt se normaliser à l'échelon européen.

Depuis plus de deux ans, principalement en Hollande où la réglementation est sévère, des dépoussiéreurs ont été mis au point et installés avec succès sur de petites chaudières fonctionnant au charbon, avec des déchets industriels ou urbains.

Après avoir débuté avec le lait de chaux classique, nous employons maintenant une chaux spéciale, fabriquée selon un procédé breveté à base d’eau alcoolisée, qui présente le gros avantage de pouvoir être utilisée en voie sèche ; cela est rendu possible grâce à plusieurs de ses particularités, comparativement à la chaux standard :

— surface spécifique de 38 m²/g au lieu de 17 m²/g,

— densité de 270 g/l contre 390 g/l,

— fluidité à sec de 60 % contre 40 %,

— répartition granulométrique située pour 90 % en dessous de 8 microns.

Sa grande surface spécifique rend cette chaux si réactive que la réduction des acides se fait presque instantanément, si bien que les quantités de chaux nécessaires à la réduction, selon les réglementations les plus sévères, sont pratiquement divisées par 3 ou par 4 par rapport à l’emploi d’un lait de chaux standard pulvérisé.

Sa plus faible densité et sa grande fluidité permettent son injection à sec à l’aide d’un doseur à vibration contrôlé par le microprocesseur d’une centrale de mesures placée sur la sortie air propre (après le dépoussiéreur).

Comparativement au lavage humide et au procédé semi-sec, cette solution par voie sèche permet non seulement de mieux réduire les HCl, SOx, HF (figures 2 et 3) et les métaux lourds, pour les amener au niveau européen, mais encore de diminuer la complexité d’une installation et de rendre son fonctionnement beaucoup plus agréable.

De nouveaux média filtrants pour le dépoussiérage

Le problème du dépoussiérage est de mettre en place et de faire fonctionner un matériel dont le rendement de captation massique doit être situé aux alentours de 99 %, indépendamment de l’allure, pour répondre aux normes d’émission imposées, compte tenu du fait que la température des gaz est comprise entre 120 et 260 °C avec présence simultanée de vapeur d’eau et d’acides. D’autre part, le dépoussiéreur doit impérativement fonctionner au-dessus de la température du point de rosée des gaz (spécialement en ce qui concerne l’acide sulfurique) et donc être bien isolé thermiquement et chauffé en période d’arrêt.

En ce qui concerne les poussières à arrêter, on étudiera leur granulométrie et leur composition chimique. La perte de charge et la vitesse de filtration peuvent être différentes pour chaque cas. En règle générale, la vitesse de filtration devra être d’autant plus faible que la dimension moyenne des particules sera faible et que leur concentration sera élevée. La technologie de nos dépoussiéreurs, à savoir l’entrée d’air sale au sommet du filtre et poches plates rangées côte à côte horizontalement, améliore le rendement du nettoyage des média filtrants par un effet de balayage vers le bas qui évite le réentrainement et l’agglomération des particules.

Au cours des dernières années, de nouveaux traitements chimiques ont été développés pour protéger les fibres synthétiques contre l’attaque chimique et donc améliorer les performances et la durée de vie des poches. Des résultats encourageants ont été obtenus avec des fibres aramides Nomex traitées contre l’hydrolyse et des fibres acryliques Dralon T, mais le Nomex, dont l’emploi est limité à 200 °C et le Dralon-T à 130 °C se sont avérés sensibles aux variations d’allure ; leur durée de vie se situait ainsi entre 12 et 18 mois. La fibre de verre et le Téflon tiennent à 260 °C et résistent bien aux acides mais le tissu de verre reste mécaniquement fragile et le Téflon présente une trop forte perte de charge dès que la vitesse de filtration dépasse 1,5 à 2 m/mn.

L’idée a été de lier les avantages de ces deux fibres en créant un feutre aiguilleté constitué à 85 % par du Téflon et à 15 % par du verre.

Cette combinaison unique et brevetée, développée par Du Pont de Nemours sous le nom de Tefaire, confère à ces feutres des caractéristiques d’utilisation inégalées qui permettent de diminuer la taille d’un filtre, de le faire fonctionner en

[Photo : Influence du facteur stoechiométrique sur le coefficient de réduction.]
[Photo : Efficacité de la réduction HCl et SO₂ en fonction de la température.]
[Photo : Vue d'une poche filtrante en feutre extraite d'une chaudière de serre.]

continu à 260 °C et donc de réduire les coûts d'installation et d'exploitation, et cela pour plusieurs raisons :

  • — grand pouvoir collecteur des poussières, car la faible quantité de fines fibres de verre réduit la porosité du feutre et augmente énormément la surface totale des fibres, ce qui facilite le nettoyage des éléments filtrants à l'air comprimé ;
  • — taux d'émission de poussières inférieur à celui du Téflon car les propriétés tribo-électriques, différentes des deux fibres, amènent la poussière à se déposer préférentiellement sur les fibres en Téflon ;
  • — à des vitesses de filtration de 3 m/mn la perte de charge reste inférieure à celle du Téflon ;
  • — on peut espérer une durée de vie des feutres supérieure à 4 années, les fibres de Téflon étant hautement résistantes à l'abrasion.

Résultats

L'utilisation d'une chaux plus réductrice et les meilleures performances des média filtrants conduisent à une efficacité qui peut atteindre 99,6 % à 99,8 %.

Comme on le voit sur le tableau, les derniers résultats constatés sur les rejets après dépoussiérage, avec des vitesses de filtration de l'ordre de 2,5 m/mn, montrent qu'ils sont toujours en dessous des limites de la réglementation française applicable aux plus grosses installations d'incinération des résidus (installations comportant un four de plus de 5 t/h).

Tableau I

Éléments Normes Déchets
Poussières 50 mg/Nm³ < 20 mg/Nm³
HCl 50 mg/Nm³ < 40 mg/Nm³
SO₂ 300 mg/Nm³ < 60 mg/Nm³
HF 2 mg/Nm³ < 0,1 mg/Nm³
Métaux lourds totaux (Pb, Cr, Cu, Mn) 5 mg/Nm³ 1 à 2 mg/Nm³
Hg + Cd 0,5 mg/Nm³ < 0,2 mg/Nm³
Ni + As 1 mg/Nm³ < 1 mg/Nm³

Les normes ci-dessus sont rapportées aux conditions de fonction, température (273 °K), pression (101,3 kPa), oxygène (11 %) ou CO₂ (9 % gaz secs).

Conclusion

La méthode très efficace de nettoyage des gaz par voie totalement sèche, exposée ci-dessus, utilise des dépoussiéreurs dont les poches plates, à décolmatage séquentiel par impulsions d'air comprimé, sont fabriquées à l'aide d'un nouveau média textile (lancé en 1986). Celui-ci présente la même tenue à la température que le Téflon, mais sa composition et sa contexture lui confèrent un plus grand pouvoir séparateur et autorisent de plus grandes vitesses de filtration tout en conservant une perte de charge acceptable.

Le procédé consiste, de plus, à injecter, par voie sèche, et avant dépoussiérage des gaz, un hydrate de chaux spécial fabriqué, depuis 1987, selon un procédé breveté.

Pour de telles applications difficiles les avantages apportés par ces procédés sont triples :

  • — importante réduction de la taille, et donc du coût, de la partie dépoussiérage ;
  • — diminution (dans un rapport de trois ou quatre) de la quantité de chaux utilisée ;
  • — fiabilité et efficacité très augmentées :
    • • meilleure filtration des poussières,
    • • meilleure réduction des acides,
    • • accroissement de la durée de vie des poches,
    • • diminution du volume des résidus difficiles à évacuer en décharge courante.

Cette solution devrait se généraliser rapidement à travers le monde, chez les constructeurs, installateurs et exploitants. Il y a lieu de noter qu'elle est non seulement utilisable pour l'incinération des déchets, mais qu'elle est aussi directement applicable aux chaudières à charbon (ainsi qu'aux fours de crémation, dont l'emploi se généralise).

L'EAU, L'INDUSTRIE, LES NUISANCES présente ses vœux de bonne année à ses lecteurs et annonceurs avec une attention particulière envers les auteurs qui lui apportent leur précieuse collaboration.

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