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Un nouveau détecteur d'encrassement des échangeurs thermiques

27 février 1987 Paru dans le N°107 à la page 29 ( mots)

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Différentes études économiques faites aux États-Unis (1) et en Grande-Bretagne (2) et (3) donnent une estimation du coût de l’encrassement dans ces pays (0,5 % du P.N.B. pour la Grande-Bretagne). Pour éviter ou diminuer ce phénomène, de nombreuses sociétés de traitement des eaux se sont créées et développées pour étudier et s’efforcer de trouver des solutions à chaque problème posé. Différents traitements existent et le suivi de leur efficacité peut se faire par des mesures thermohydrauliques globales, par des mesures chimiques et, récemment, par des sondes détectrices d’entartrage.

LA LUTTE CONTRE L’ENCRASSEMENT

L’encrassement des installations peut relever de diverses causes. On y remédie par des traitements choisis appliqués à chaque cas. Lorsque les dépôts ne peuvent être évités, un détartrage est alors effectué périodiquement.

Causes principales de l’encrassement

Les dépôts cristallisés à base de CaCO₃, CaSO₄, Mg(OH)₂ et autres apparaissent dans les échangeurs de chaleur, ce qui est dû au produit de solubilité de ces sels (*) qui est dépassé lorsque la température de l’eau s’élève (solubilité inverse). Des dépôts boueux à base de salissures et de produits de corrosion peuvent ainsi se produire dans les zones plus froides et entraîner des résistances thermiques importantes. De très nombreuses publications ont traité des équilibres calco-carboniques (4) (5) ou des dépôts de sulfate de calcium (6) (7).

Prévention de l’encrassement

Une description générale de la prévention de l’encrassement dans les échangeurs, que nous avons déjà faite (8), montre que les principaux procédés sont soit chimiques (9) (10) (11), soit mécaniques : à boules (Tapproge France – Technos), à brosses (Aset) ou à ressorts (Spirelf) (12). Des procédés électriques (13) ou magnétiques peuvent également être mis en œuvre.

Nettoyage chimique

Malgré les systèmes de prévention mis en place, des dépôts se forment cependant de manière progressive et ils finissent par faire chuter les performances de l’installation. Un détartrage est alors nécessaire ; il s’effectue sans démontage par circulation d’une solution acide et rinçage, ou avec démontage et nettoyage mécanique (8).

L’ENCRASSEMENT ET SON CONTRÔLE

Avant que les effets de l’encrassement n’entraînent l’arrêt de l’installation, l’exploitant a intérêt à mesurer les résistances thermiques qu’il a engendrées. Le traitement anti-tartre pourra alors être constaté dans ses effets et les opérations de nettoyage pourront ainsi être programmées. Des méthodes globales ou des méthodes par sondes peuvent être réalisées suivant le type d’installation à surveiller.

Définition de la résistance d’encrassement ou « Fouling Index »

Considérons une surface d’échange thermique encrassée par un dépôt boueux ou cristallisé. La quantité de chaleur transférée (en watts) est donnée par la relation :

Q = K S ΔT

dans laquelle K : coefficient global d’échange thermique en W·m⁻²·°C⁻¹ ; S : surface d’échange en m² ; ΔT : différence de température en °C (moyenne logarithmique).

Le coefficient global d’échange thermique K_sale s’établit alors comme suit, compte tenu de ce dépôt :

1/K_sale = 1/h₁ + 1/h₂ + R_dépôt + R_m

avec 1/h₁ = résistance thermique du fluide froid ; 1/h₂ = résistance thermique du fluide chaud ; R_dépôt = résistance thermique d’encrassement ; R_m = résistance thermique du métal.

D’où :

R_dépôt = 1/K_sale – (1/h₁ + 1/h₂ + R_m)

Le terme entre parenthèses représente l’inverse du coefficient d’échange du tube propre K_propre. On a donc :

R_dépôt = 1/K_sale – 1/K_propre

(*) Le produit de solubilité se définit comme la valeur maximale que peut atteindre le produit des concentrations de ces activités ioniques en solution avant de précipiter.

La résistance d’encrassement R dépôt ou coefficient d’encrassement ou « Fouling Factor » s’exprime en m² °C/W.

Détection par mesures globales

La méthode thermo-hydraulique a pour but de suivre quotidiennement les coefficients globaux d’échange thermique (donc les résistances thermiques) ainsi que les pertes de charge des fluides encrassants dans les échangeurs de chaleur. Les résistances thermiques et les pertes de charge augmentent en effet lorsque l’échangeur s’encrasse. Cette méthode est valable lorsque les débits et températures sont mesurables avec précision et stables dans le temps : ceci n’est souvent pas vrai dans les petites installations où la régulation agit en permanence sur les débits et températures.

La méthode chimique consiste à faire un bilan chimique des ions entrant et sortant de l’installation. Elle est particulièrement sensible avec des dépôts éventuels de carbonate de calcium CaCO₃ et d’hydroxyde de magnésium Mg(OH)₂. En effet, lorsqu’on chauffe avec ou sans dégazage d’oxygène et de gaz carbonique, les bicarbonates et carbonates se déplacent suivant les réactions :

2 HCO₃⁻ → CO₃²⁻ + CO₂ + H₂O  
CO₃²⁻ + H₂O → CO₂ + 2 OH⁻

Des mesures de pH, TA, TAC et facteur de concentration faites à l’entrée et à la sortie nous donnent par différence les ions HCO₃⁻, CO₃²⁻ et OH⁻ qui ont disparu de la solution et précipité sous forme de CaCO₃, MgCO₃ ou Mg(OH)₂ ; d’autres cations peuvent remplacer le calcium et le magnésium. Des programmes informatiques très simples dressent rapidement ce bilan. Par ailleurs les mesures d’entrée et sortie de calcium ne sont pas assez précises pour diagnostiquer une précipitation.

Détecteur par sondes

La sonde est placée à l’endroit le plus encrassant de l’échangeur. Le liquide est envoyé dans la sonde ; les résistances thermiques sont mesurées régulièrement et le degré d’encrassement est suivi avec une grande précision en salle de contrôle ; de ce fait, l’opérateur pourra rapidement vérifier et modifier le traitement chimique de l’eau. Divers types de sondes sont essayés à cet effet en laboratoire ou sur sites réels : c’est le cas de l’appareil Scalmatic que nous examinerons ci-après.

L’APPAREIL SCALMATIC

C’est un détecteur d’encrassement. Les objectifs sont de simuler les conditions industrielles d’un échangeur de chaleur véhiculant un liquide encrassant, de visualiser les dépôts à travers un tube en verre, de mesurer et enregistrer périodiquement les valeurs numériques de la résistance d’encrassement R dépôt. Toutefois, il est à noter que l’appareil n’a aucune action directe sur la prévention de l’encrassement.

[Photo : Schéma de principe de la sonde — Circulation du liquide encrassant l’espace annulaire. 1 : résistance électrique 1 500 W — 2, 3, 4, 5 : prises de température dans la paroi métallique — 6 : température du liquide — 7 : entrée-sortie dans la sonde.]

Principe et fonctionnement

Les figures 1 et 2 donnent le schéma de principe de la sonde ainsi que la photographie de l’appareillage complet. La sonde détectrice est constituée :

  • — d’un tube métallique d’un diamètre extérieur de 32 mm, chauffé intérieurement sur une longueur de 300 mm par une résistance électrique de 1 500 W ;
  • — de quatre thermocouples brasés à l’intérieur du tube métallique et de deux thermocouples placés à l’entrée et à la sortie du liquide ;
  • — d’un tube en verre de 42 mm de diamètre intérieur, à l’intérieur duquel vient se placer l’élément chauffant ;
  • — d’un système de circulation entraînant le liquide dans la partie annulaire située entre les tubes de verre et de métal à la température et à la vitesse désirées (2 m³/h correspondent à une vitesse de 1 m/s).

Pour chacun des quatre thermocouples, un coefficient d’échange thermique initial K₀, tube propre, est déterminé à partir de la formule Q = K S ΔT, dans laquelle

  • Q : quantité de chaleur échangée, soit 1 500 W ;
  • S : surface d’échange chauffée, soit 0,03 m² ;
  • ΔT : différence de température entre paroi et liquide en °C ;
  • K₀ : coefficient d’échange thermique en W/m² °C qui est constant, tube propre, pour une vitesse et une température constantes du liquide.

De nouvelles mesures du coefficient d’échange thermique sont effectuées périodiquement (une ou douze heures) à l’aide des six thermocouples ; de nouvelles valeurs K₁, K₂, K₃, K₄ sont obtenues et permettent de connaître les résistances d’encrassement R₁, R₂, R₃, R₄ par la formule :

R dépôt = 1/K − 1/K₀

L’encrassement se traduit par une augmentation de la température de la paroi : le ΔT entre paroi et eau va donc augmenter progressivement.

Un étalonnage préalable de chacun des thermocouples permet de connaître la résistance parasite liée à la posi

tion du thermocouple dans la sonde chauffante. Un exemple de cette détermination est montré dans la figure 3. En effet, la résistance thermique RT entre la veine liquide et le thermocouple est égale à la somme de la résistance thermique du film d’eau Rf et de la résistance parasite Rth liée au positionnement du thermocouple : RT = Rf + Rth.

La résistance Rf est proportionnelle, d’après Nusselt, au débit à la puissance –0,8 (soit D^-0,8) ; d’où Rth (résistance parasite) est l’ordonnée d’une droite vérifiant l’équation RT = AD^-0,8 + Rth où Rth est l’ordonnée et D^-0,8 l’abscisse. Les pentes des droites, différentes pour chacun des thermocouples, dénotent des vitesses différentes du liquide et donc un centrage imparfait de la sonde détectrice par rapport au tube en verre.

L’ensemble de l’appareillage complet, montré dans la figure 4, est placé dans un châssis métallique soutenant les différents organes. Cet ensemble comprend une pompe de circulation (rep. 3), deux vannes d’isolement (4), une électrovanne d’arrêt (5), un manomètre (6), un pressostat de sécurité (7), un clapet anti-retour (8), une vanne de réglage de débit (9) et un débitmètre (10).

Un débitmètre électromagnétique peut être mis en place si le débit est instable ; la valeur du débit est alors transmise au module d’acquisition.

Deux coffrets, l’un de commande (1D) et l’autre d’acquisition de données (1E), sont placés sur le bâti métallique :

  • — le coffret de commande et de contrôle permet l’alimentation en puissance de la section d’essai et de la pompe de circulation. Il est en outre équipé d’une sécurité de pression et température ;
  • — le système d’acquisition de données a été spécialement mis au point pour traiter le problème du détecteur d’entartrage. Il est relié aux six thermocouples et effectue :
    • — la conversion mV-température en °C ;
    • — le calcul des coefficients d’échange des quatre thermocouples ;
    • — la sauvegarde en mémoire des coefficients d’échange du tube chauffant propre (Ko) ainsi que la température et le débit pour lesquels ce coefficient a été calculé ;
    • — le calcul de la résistance thermique des dépôts : ces résistances thermiques sont corrigées en fonction des variations de température du fluide et du débit.

Il gère :

  • — la lecture du débit, la date, l’heure et le temps de fonctionnement de l’essai ;
  • — les sécurités de température du tube chauffant avec arrêt de celui-ci en cas de dépassement de seuil ;
  • — les coupures de courant.

Le système possède une sortie pouvant être connectée à un ordinateur central. On voit sur la figure 2 un exemple du ticket sortant sur l’imprimante.

Résultats

Cette sonde détectrice est utilisée depuis 1975 à la station de dessalement de Toulon pour mettre au point des produits tartrifuges efficaces contre l’entartrage dans les unités de dessalement de l’eau de mer, ce qui permet ainsi de tester, en laboratoire et sur pilote, l’efficacité antitartre de différents produits tartrifuges.

Depuis décembre 1980, une sonde de ce type est utilisée sur le pilote Degrémont de l’usine Eurodif en vue de mettre au point et d’améliorer le traitement du circuit de réfrigération (2 à 5 000 m³/h).

La société Duolite-International de Chauny utilise également avec satisfaction, depuis 1984, six sondes détec-

[Photo : La sonde et son installation]
[Photo : Exemple d’étalonnage d’une sonde détectrice]
[Photo : Ensemble de l’appareillage en place]

trices d’encrassement pour mettre au point, sur pilotes, de nouveaux produits tartrifuges traitant des cas spécifiques et suivre l’encrassement d’unités industrielles.

Dans le cadre d’une étude effectuée par le G.R.E.Th. (Groupement pour la Recherche sur les Échangeurs Thermiques) concernant l’encrassement d’un échangeur tubulaire à la Compagnie de Chauffage de Grenoble, la méthode globale et celle par sonde détectrice ont été comparées. Une note technique du G.R.E.Th. (13) de novembre 85 montre le bon fonctionnement et la bonne représentativité de la sonde obtenue après avoir déterminé la vitesse adéquate de circulation. La méthode globale, par contre, s’est heurtée à des variations permanentes de charge thermique entraînant des régimes transitoires et des valeurs souvent incohérentes de résistance thermique.

Une version compacte et transportable du détecteur a été réalisée ; elle permet de connaître rapidement le degré d’encrassement d’un circuit secondaire d’une des 450 sous-stations de chauffage de la ville de Grenoble.

[Photo : Evolution de l’entartrage dans la sonde CEA montée sur le circuit secondaire de chauffage.]

La figure 5 représente un cas concret traité par cette société en fin 85 dans une sous-station de chauffage. La première partie des courbes montre un entartrage permanent important dû à des appoints fréquents d’eau de ville provoqués par des fuites dans le réseau secondaire ; la seconde partie montre une stabilisation rapide de la résistance d’encrassement liée au colmatage de ces fuites.

Application à l’évaporation

Le fonctionnement de la sonde est basé, dans la description ci-dessus, sur une circulation liquide forcée (généralement entre 0,5 et 2 m/s) le long du tube chauffant, dans un espace annulaire ; toutefois, la sonde seule peut aussi être plongée horizontalement ou verticalement dans un liquide en ébullition. Les coefficients d’échange thermique s’établissent à des valeurs stables (environ 4 000 W/m² °C) lorsqu’il y a ébullition à 100 °C sur la sonde immergée (−5 cm) en position horizontale. L’encrassement de la sonde se traduit par une augmentation progressive du coefficient d’encrassement (figures 6 et 7).

[Photo : Résistance du dépôt : F (temps) — Essai I.]
[Photo : Résistance du dépôt : F (temps) — Essai II.]

CONCLUSION

L’encrassement des installations et plus particulièrement des échangeurs est un phénomène onéreux pour les sociétés industrielles et les divers maîtres d’ouvrage intéressés. De nombreux moyens de lutter contre ce fléau sont mis en place et les spécialistes du traitement des eaux, qui ont généralement une bonne expérience dans ce domaine, possèdent une panoplie de traitements qu’ils adaptent à chacun des cas avec, le plus souvent, une bonne efficacité.

Des systèmes de surveillance du degré d’encrassement des échangeurs sont déjà en place sur de grosses installations (méthode globale sur les centrales E.D.F.). De nouveaux appareils détecteurs d’encrassement comme le Scalmatic sont particulièrement précieux pour détecter très rapidement la déficience momentanée d’un traitement et alerter le personnel.

Nota. — La bibliographie sera fournie aux lecteurs intéressés par les auteurs.

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