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Un gaz toxique : l'hydrogène sulfuré

31 mai 2010 Paru dans le N°332 à la page 59 ( mots)
Rédigé par : Italo RASORI

L?Hydrogène sulfuré (H2S) est un gaz toxique, nauséabond et potentiellement dangereux. Au contact des parois des collecteurs, il se transforme en acide sulfurique et attaque le béton et les métaux. Cette attaque biochimique des matériaux entraîne progressivement la dégradation du collecteur et peut aller jusqu'à son effondrement. Présent à de fortes concentrations, l'Hydrogène Sulfuré (H2S) paralyse les nerfs olfactifs, ce qui le rend indétectable et d'autant plus dangereux pour les personnels confrontés à ce risque. Univar France propose des solutions qui permettent d'éviter la formation d'H2S ou de détecter sa présence.

Hydrogène sulfuré ou sulfure

L’hydrogène (H₂S) est un gaz délétère d'une densité de 1,19 qui présente une odeur fétide caractéristique (œuf pourri). Les sources naturelles de sulfure d’hydrogène sont nombreuses. Il est notamment présent dans le charbon, le pétrole et le gaz naturel et se forme par fermentation anaérobie des substances organiques les plus diverses. Par ailleurs, de nombreuses activités industrielles sont susceptibles de dégager du sulfure d’hydrogène résultant de réactions chimiques sur des composés soufrés. Malgré leur toxicité décrite dans cet article, les sulfures sont utilisés très efficacement pour l'abattement des métaux lourds par réaction d’oxydo-réduction.

, Responsable Développement Département Environnement - Univar France

L’hydrogène sulfuré (H₂S) est un gaz toxique, nauséabond et potentiellement dangereux. Au contact des parois des collecteurs, il se transforme en acide sulfurique et attaque le béton et les métaux. Cette attaque biochimique des matériaux entraîne progressivement la dégradation du collecteur et peut aller jusqu'à son effondrement. Présent à de fortes concentrations, l’H₂S paralyse les nerfs olfactifs, ce qui le rend indétectable et d’autant plus dangereux pour les personnels confrontés à ce risque. Univar France propose des solutions qui permettent d’éviter la formation d’H₂S ou de détecter sa présence.

Voici quelques valeurs seuils indicatives relatives à ce gaz :

  • 0,1 à 1 ppm : détection olfactive humaine, légère odeur fétide ;
  • 5 ppm : Valeur moyenne d’exposition (VME) ;
  • 10 ppm : Valeur limite d’exposition (VLE), odeur insupportable ;
  • 50 ppm : seuil de danger pour une exposition continue ;
  • 100 ppm : irritation des muqueuses oculaires et respiratoires, œdème pulmonaire retardé possible, perte de connaissance brève possible, anesthésie de l’odorat ;
  • 500 ppm : perte rapide de connaissance, coma parfois convulsif, troubles respiratoires, troubles du rythme cardiaque, danger de mort ;
  • > 1000 ppm : mort très rapide.

Quelles sont les conditions de développement et les conséquences du dégagement d’H₂S ?

L’H₂S peut être généré du fait des dégradations anaérobies des matières organiques des eaux ou des boues. Les composés organiques fermentescibles forment souvent un bouchon dans les canalisations. Leur dégradation par des bactéries sulfatoréductrices en milieu anaérobie conduit à la formation de composés riches en sulfures, puis en hydrogène sulfuré. Les sulfu-

[Photo : Un digesteur, ou méthaniseur, est une enceinte fermée dans laquelle les matières organiques sont soumises à l’action des bactéries ; la France possède plus de 150 méthaniseurs équipant des stations d’épuration urbaines.]

Les sulfures apparaissent par l’action de décomposition par des bactéries des sulfates présents dans les rejets industriels et domestiques d’eaux usées. Dès qu’il y a contact avec l’air, les sulfures s’échappent sous la forme d’hydrogène sulfuré.

Où est-il susceptible de se former ?

Partout, les bactéries se développent à l’abri de l’air, dans de nombreux milieux :

  • - Les effluents privés d’oxygène comme c’est le cas des conduites de refoulement, des siphons ;
  • - Les rejets des industries : papetière, de l’agroalimentaire, de la féculerie, de l’amidonnerie, des équarrisseurs, de la chimie, de la pétrochimie, de la tannerie, etc. ;
  • - Les réseaux d’eaux usées en charge ; l’H₂S se développe par stagnation au-delà de trois heures, soit dans les canalisations, soit dans le poste de relevage ;
  • - Les eaux résiduaires industrielles contenant des matières organiques et ayant stagné pendant une période de plusieurs jours : les huiles solubles d’usinage, les eaux de lavages de cuves des fabricants de peinture, les détergents des fontaines de dégraissage, les eaux de lavage des véhicules de transport ;
  • - Le dégazage ou « stripping » de l’H₂S apparaît souvent le lundi après la période d’arrêt du week-end ;
  • - Les circuits fermés sont aussi générateurs d’H₂S lorsque des poches ou des zones « mortes » existent ;
  • - Dans les boues urbaines et industrielles après des temps de séjour de stockage trop élevés dans les décanteurs ou les épaississeurs ;
  • - Dans les différents digesteurs (ou méthaniseurs). Un digesteur, ou méthaniseur, est une enceinte fermée dans laquelle les matières organiques sont soumises à l’action des bactéries ; la France possède plus de 150 méthaniseurs équipant des stations d’épuration urbaines. Ces installations produisent du biogaz ;
  • - Dans les lisiers de porc ; c’est au début de l’épandage dans les champs que le dégazage est très important > 1 000 ppm ;
  • - Enfin dans le milieu naturel comme les lagunes, les étangs, le fond des rivières.

Et d’une manière générale, partout où l’environnement est déficient en oxygène dissous, c’est-à-dire en anoxie et en anaérobiose.

Quelles sont les nuisances et les risques associés à la présence de ce gaz ?

Elles sont variées et peuvent aller du simple dysfonctionnement jusqu’à la mise en danger des personnels. En station d’épuration, un dysfonctionnement fréquemment observé est le développement de bactéries filamenteuses qui réduit l’efficacité du traitement, nuisant ainsi à la décantation des boues biologiques. L’H₂S génère également des effets de corrosion importants. Les équipements électriques sont rapidement et gravement endommagés par une atmosphère polluée par l’H₂S, d’où des coûts d’entretien et de renouvellement du matériel élevés.

Libéré dans les réseaux, l’H₂S entre en contact avec les parois humides et est oxydé en acide sulfurique H₂SO₄, extrêmement corrosif pour les ciments et bétons : de 3 à 5 cm en moins par an en fonction de la qualité du revêtement. La corrosion a donc lieu dans la partie émergée des conduites.

L’H₂S est un gaz très toxique qui atteint les muqueuses et peut même paralyser le système nerveux, en concentration très élevée. Le personnel peut, en certains endroits, être exposé à des concentra-

[Photo : Les équipements électriques et électroniques sont rapidement et gravement endommagés par une atmosphère polluée par l’H₂S, d’où des coûts d’entretien et de renouvellement du matériel élevé.]
[Photo : L’opérateur chargé (des travaux de maintenance, de mise en place d’essai, d'installation de matériel) se tiendra le plus éloigné possible de la zone à risque en utilisant un système télescopique correspondant au procédé retenu (mécanique ou chimique) ; il sera, en outre, équipé d’un appareil portatif détecteur de gaz (sulfure d’hydrogène + autres gaz éventuellement) muni d'une alarme sonore calibrée sur 10 % de la VLE, soit 1 ppm pour H₂S.]

Les concentrations d’H₂S dans l’air sont très toxiques. La mort par intoxication aiguë est aussi rapide que l'empoisonnement au cyanure. Les interventions dans des ouvrages d’assainissement (égouts, réseaux d’évacuation d’eaux usées, stations d’épuration) sont courantes et peuvent entraîner des accidents très graves dus à la présence de gaz toxiques dans ces ouvrages. On constate malheureusement que tous les ans quelques personnes décèdent à la suite d’intoxication due à H₂S. La sensation olfactive n’augmente pas avec la concentration du gaz dans l’air ; il peut même arriver que l’odeur décelable à de très faibles concentrations (0,02 à 0,1 ppm) s’atténue ou même disparaisse à forte concentration (anesthésie de l’odorat au-dessus de 100 ppm).

À l'extérieur des stations d’épuration, les riverains ou les passants se plaignent fréquemment d’odeurs désagréables au niveau des bouches d’égout ou des postes de relevage. Des valeurs non négligeables, 10 ppm, ont été mesurées à quelques mètres d'habitations individuelles.

Quelles sont les mesures de sécurité à mettre en place ?

La simple possibilité d'une apparition d’H₂S nécessite la mise en place d’une organisation du travail adaptée aux risques inhérents à la présence éventuelle de ce gaz. Tout d’abord, il convient de proscrire toute intervention par un travailleur isolé et de prévoir une équipe de deux personnes, la première intervenant directement et la seconde se tenant à proximité (près d'une porte ou évacuation), prête à intervenir si nécessaire, avec les EPI adéquats. L’opérateur chargé (des travaux de maintenance, de mise en place d’essai, d’installation de matériel) se tiendra le plus éloigné possible de la zone à risque en utilisant un système télescopique correspondant au procédé retenu (mécanique ou chimique). Il sera, en outre, équipé d'un appareil portatif détecteur de gaz (sulfure d’hydrogène + autres gaz éventuellement) muni d'une alarme sonore calibrée sur 10 % de la valeur limite d’exposition (VLE), soit 1 ppm pour H₂S.

En cas de déclenchement de l’alarme sonore, les opérateurs doivent immédiatement quitter la zone de travail. En cas d’accident, les sauveteurs doivent être équipés des équipements de protection décrits ci-après.

1. La protection collective. Quel que soit le procédé retenu (mécanique ou chimique), une ventilation sera mise en place :

- ventilation naturelle pour de courtes interventions, dans les cas les moins sévères ;

- ventilation artificielle par renouvellement d’air, dans les cas les plus sévères (espaces clos et confinés, égouts, souterrains) et pour des interventions de longue durée.

2. Les protections individuelles. Quel que soit le procédé utilisé (mécanique ou chimique), les équipements de protection individuels (EPI) suivants doivent être portés à minima par les opérateurs :

- une combinaison de travail ;

- une paire de gants (PVC) ;

- une paire de lunettes de protection ;

- une protection respiratoire du type ventilation assistée avec cartouches filtrantes B-P3 (cas les moins sévères) ou du type isolant à adduction d’air (cas les plus sévères).

Quels sont les traitements disponibles pour éviter la formation d’H₂S ?

Univar propose une solution capable de résoudre immédiatement le problème d'H₂S dans les stations d’épuration, dans les réseaux, chez les industriels sans aucun ou un faible investissement. Plus précisément, l'idée est d'injecter, en des points stratégiques (installation de déshydratation des boues, unité de concentration des boues, réseau...), un produit chimique.

La D.H.P.P.

Récemment sont apparus de nouveaux produits tels que les fixateurs organo-aminés (D.H.P.P.) capables de fixer l'H₂S par une liaison chimique forte du type covalente C=S, simples à mettre en œuvre, éco-…

[Encart : La sensation olfactive n'augmente pas avec la concentration du gaz dans l'air ; il peut même arriver que l’odeur décelable à de très faibles concentrations (0,02 à 0,1 ppm) s’atténue ou même disparaisse à forte concentration (anesthésie de l’odorat au-dessus de 100 ppm). D’où l'importance de s’équiper de détecteurs électroniques d’H₂S individuel ou fixe pouvant mesurer des taux d'H₂S dans l’air de 0 à 1000 ppm.]
[Photo : Poste de dosage de permanganate de sodium pour le traitement de H₂S, à l'entrée de l'effluent dans une station biologique communale (Ville de Paris).]

Économiques grâce à des coûts de traitement raisonnables, sûrs pour le personnel et l’environnement et sans incidence sur les process de traitement des eaux et des boues, les produits de lutte contre l’H₂S se développent. Le produit le plus répandu est la D.H.P.P., une molécule organique hydrosoluble qui, directement, fixe chimiquement les molécules d’H₂S dissoutes dans l’eau. Cette liaison chimique forte élimine la plupart des dangers et des inconvénients de l’H₂S : volatilité, odeur, toxicité, corrosion.

La D.H.P.P. n’est pas un produit masquant l’odeur ; elle élimine l’H₂S qui est la principale cause d’odeurs désagréables. Elle réagit rapidement avec l’H₂S : un temps de contact de quelques secondes est suffisant pour faire chuter notablement le taux d’H₂S dans l’air. La D.H.P.P. est également simple d’emploi : c’est un liquide faiblement visqueux facile à manipuler et à injecter vers les eaux ou les boues. Les produits de réaction de la D.H.P.P. avec l’H₂S sont hydrosolubles et non corrosifs. La D.H.P.P. et ses produits de réaction avec l’H₂S ont un profil toxicologique favorable et respectent la vie aquatique.

Les oxydants

Les produits les plus efficaces actuellement sont les suivants :

  • - pour le traitement des boues : le permanganate de sodium. Le traitement des sulfures par le permanganate de sodium liquide est largement employé aux USA. Il est actuellement en développement en France.   La réaction chimique est la suivante avec le permanganate de potassium en poudre :
    3 H₂S + 4 KMnO₄ → 2 K₂SO₄ + S + 3 MnO + MnO₂ + 3 H₂O
  • - pour le traitement des réseaux : le chlorure ferreux. Économique et facile à mettre en œuvre, il est largement utilisé en Allemagne où plus de 100 000 tonnes sont vendues pour cette application. La réaction chimique est la suivante :
    S²⁻ + Fe²⁺ → FeS↓

Les traitements biologiques

Les traitements biologiques sont basés sur l’utilisation de macro-nutriments comme la solution de nitrate de calcium (Ca(NO₃)₂). Tant que les bactéries sulfato-réductrices sont « nourries » aux nitrates (NO₃⁻), elles métabolisent ceux-ci en les transformant en azote (N₂) qui est gaz inoffensif, au lieu de transformer les sulfates (SO₄²⁻) en sulfures (S²⁻) puis en H₂S, gaz toxique.

La filtration

Les filtrations sur charbon actif imprégné sont employées pour purifier l’air des gaz toxiques tels que l’H₂S.

Quel matériel utiliser pour détecter et mesurer la présence d’H₂S ?

Détection et mesures :

  • - Les tubes réactifs spécifiques (ex. : type Dräger®) donnant une indication colorimétrique.
  • - Les détecteurs électroniques d’H₂S, individuel ou fixe, pouvant mesurer des taux d’H₂S dans l’air de 0 à 1 000 ppm. Deux types d’appareils de mesure sont disponibles : cellule électrochimique ou semi-conducteur à oxyde métallique à couche mince.
  • - Les électrodes rH mesurant le potentiel redox sont aussi très utiles dans l’analyse du milieu à traiter. Elles doivent résister à des milieux renfermant des concentrations en sulfures élevées. L’utilisation de produits oxydants permet de modifier le potentiel redox en le rendant moins réducteur et donc moins favorable aux bactéries sulfato-réductrices.
  • - Les autres facteurs importants qui doivent être maîtrisés lors du traitement de l’H₂S sont la température (T °C) et le pH. En effet, le dégagement d’H₂S sera d’autant plus important que la température sera élevée et le pH acide. Un mg/l de sulfure dans l’eau peut, en fonction du flux (lamellaire ou turbulent), du pH (acide ou basique) et de la température (froide ou chaude), se transformer en 10 ppm à 100 ppm d’H₂S dans l’air.

Les mesures seront réalisées si possible avec des détecteurs déportés de l’endroit où le dégagement d’H₂S a lieu par l’intermédiaire de pompes de prélèvement des gaz. Des boîtes de jonction, des afficheurs, des enregistreurs et des chambres de mesure seront donc nécessaires.

Dosage et mise en œuvre

On peut utiliser des pompes doseuses à membranes en respectant la compatibilité des matériaux avec les produits chimiques utilisés. Des automatismes et des régulations (4–20 mA) peuvent être mis en place permettant des dosages proportionnels en fonction de la mesure du pH, de la température, du redox rH et/ou du taux d’H₂S mesurés, permettant ainsi d’optimiser les coûts.

Conclusion

L’hydrogène sulfureux (H₂S) est un gaz délétère qui est souvent mal détecté et méconnu des industriels en général.

Les masquants d’odeur, appelés aussi destructeurs d’odeurs, sont à proscrire car ils ne résolvent pas les problèmes sanitaires dus au dégagement d’H₂S.

Des solutions évitant la formation d’H₂S existent et doivent être portées à la connaissance de l’ensemble des personnes susceptibles de rencontrer des problèmes dus à la formation de gaz H₂S.

Des formations sur la sécurité individuelle et collective doivent également être mises en place afin de stopper les accidents dus à l’H₂S.

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